"La différence des sexes existe. On peut la nier, elle ressurgira, sous une forme brutale, abâtardie, caricaturale."
Eugénie Bastié
La différence biologique des sexes est une donnée irréfutable de l'expérience humaine. Elle est pourtant aujourd'hui au coeur d'un vif débat. Pour certains en effet, prioritairement à toutes les distinctions physiologiques et à ce qu'elles engagent au plan des pratiques et des sensibilités, il y a la norme subie, la construction sociale et politique d'une identité. Et, de la même façon que nous aurions été faits femmes et hommes sous contrainte, il serait aujourd'hui loisible à chacun de se défaire de cette assignation par le seul levier de la volonté. Le corps deviendrait dès lors l'horizon d'un projet personnel, rabattant le réel biologique au rang des biens accessoires, sans incidence existentielle sur l'identité de l'individu et le devenir de la communauté humaine. Cette arrogante illusion des temps présents, qui porte le nom de déconstruction, est une menace dont il faut se prémunir. Vecteur de mal-être et de désunion, elle est un poison lent qui mine les relations entre les hommes et les femmes, en ignorant tout autant les leçons subtiles de la tradition que les acquis de la révolution des moeurs en Occident.
« C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C'est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C'est surtout une drôle d'expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d'écriture, dans ce pays qu'on ne sait comment nommer : la vieillesse, l'âge ?
Les mots se dérobent, la manière de le qualifier aussi. Aurait-on honte dans notre société de prendre de l'âge ? Il semble que oui. On nous appelait autrefois les vieux, maintenant les seniors. Seniors pas seigneurs. Et on nous craint - nous aurions paraît-il beaucoup de pouvoir d'achat - en même temps qu'on nous invisibilise. Alors que faire ? Nous mettre aux abris ? Sûrement pas ! Mais tenter de faire comprendre aux autres que vivre dans cet étrange pays peut être source de bonheur...
Plus de cinquante après l'ouvrage magistral de Simone de Beauvoir sur la vieillesse, je tente de comprendre et de faire éprouver ce qu'est cette chose étrange, étrange pour soi-même et pour les autres, et qui est l'essence même de notre finitude.
« Tu as quel âge ? » Seuls les enfants osent vous poser aujourd'hui ce genre de questions, tant le sujet est devenu obscène. A contrario, j'essaie de montrer que la sensation de l'âge, l'expérience de l'âge peuvent nous conduire à une certaine intensité d'existence. Attention, ce livre n'est en aucun cas un guide pour bien vieillir, mais la description subjective de ce que veut dire vieillir, ainsi qu'un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. La vieillesse demeure un impensé. Simone de Beauvoir avait raison : c'est une question de civilisation. Continuons le combat ! » L. A.
"Le féminisme, c'est quoi ? Ça existe ? Aujourd'hui ça pourrait exister. Et pour quoi faire ? "Les femmes ont tout obtenu", répondent-ils, et même répondent-elles, quelquefois. Et pour quels résultats ? La solitude de fond de la féminité, et la déroute de nos mâles devant leurs égales. "La super woman" est épuisée. Quant au commun des hommes, sans le "miroir grossissant" que présentait, à ses exploits masculins, sa compagne d'antan, il se sent réduit de moitié. Donc grandeur nature. [...] Enfermée dans son rôle féminin, la femme ne mesure pas à quel point son oppresseur est lui-même prisonnier de son rôle viril. En se libérant, elle aide à la libération de l'homme. En participant à égalité à l'Histoire, elle la fait autre. Cela ressemble fort à une révolution tranquille, mais forte et sûre de l'avenir. Pourquoi le féminisme aujourd'hui ? Justement pour réussir là où l'égalité économique a échoué. Là où la culture patriarcale résiste.
Le féminisme vient seulement de commencer sa longue marche. Dans vingt ans, dans cent ans, il aura changé la vie."
Gisèle Halimi
Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes! femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles?Un ton résolument frondeur, une langue énergique, un propos engagé, par l'une des grandes voix féminines de la Révolution française.
"Ils subissent un éloignement géographique, social, politique et culturel.
Ils sont la majorité.
Ils sont à l'origine de toutes les contestations actuelles, qui ne ressemblent à aucun des mouvements sociaux des siècles passés.
Ils sont les dépossédés."
Dans ce nouvel essai, Christophe Guilluy montre comment les classes populaires répondent magistralement à leur disparition programmée, en imposant une alternative à un modèle condamné.
«Allons-nous enfin, dans un cadre républicain, affronter ensemble le bilan scientifique, éthique et politique de deux ans de crise sanitaire ?»
Barbara Stiegler et François Alla
Le 17 mars 2020, le confinement était décrété sur tout le territoire national, ouvrant une longue période de suspension de la vie démocratique au nom du risque pandémique. Pour les deux auteurs de cet essai, philosophe et praticien de santé publique, cette opposition entre santé et liberté, imposée par un nouveau libéralisme autoritaire et contraire à l'esprit de la "Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé" (1986), remettait en cause tous les acquis de notre histoire récente. Relevant de l'argument d'autorité et de l'erreur politique, elle a, parmi d'autres effets délétères, transformé le terrain de la santé publique en un grand champ de ruines. Revenir à cette faute matricielle, source de toutes les défaillances dans la gestion de la crise, c'est réaffirmer la centralité des déterminants sociaux et environnementaux de la santé publique, lesquels n'auraient jamais dû cesser d'inspirer et orienter les politiques, au nom même de l'intérêt général. Après De la démocratie en Pandémie de Barbara Stiegler (janvier 2021), ce Tract offre la première grande lecture critique des années Covid.
"Il est urgent de réagir pour réconcilier la police et la population en prenant en considération l'ensemble des maux que les violences policières révèlent." William Bourdon et Vincent Brengarth.
Les violences policières affectent la confiance de la population dans la police et, à travers elle, dans les institutions. Nos responsables politiques en dénient trop souvent l'existence et se refusent à tout débat public sur les maux qui en sont à l'origine. Nous sommes témoins des obstacles qui empêchent de constater ces violences et de les condamner. Nous proposons de partager notre expérience d'hommes de loi, avec le souci de la nuance sur un sujet brûlant, tout en formulant des propositions. Trouver les remèdes qui s'imposent pour mettre un terme aux violences policières, telle est la condition pour rétablir le crédit de la police et, au-delà, de l'autorité judiciaire. Une urgence démocratique et citoyenne.
Après les attentats qui ont ensanglanté la France en 2015 - de la tuerie de Charlie Hebdo au massacre du Bataclan -, ce livre est le premier à tenter de saisir de l'intérieur le processus qui a vu croître le jihadisme français. Né dans les "cités" enclavées des banlieues populaires, il a mené ses activistes, en passant par le "califat" de Daech au Levant, jusqu'aux prisons de l'Hexagone, qui, loin d'être coupées du reste de la société, sont en interaction constante avec les quartiers.
À partir de quatre-vingts entretiens avec des terroristes incarcérés, Hugo Micheron analyse la nature du jihadisme français : dans quel terreau se creuse-t-il ? Comment se transplante-t-il dans le jihad syrien ? Comment s'épanouit-il dans les prisons de l'Hexagone depuis la chute de Daech ?
Voici le récit édifiant d'une emprise moderne, méthodique, qui a bouleversé les profondeurs de la société.
Prix Nobel de la paix en 2018, surnommé "l'homme qui répare les femmes", le gynécologue et chirurgien Denis Mukwege a consacré sa vie aux femmes victimes de sévices sexuels en République démocratique du Congo. Dans une région où le viol collectif est considéré comme une arme de guerre, le docteur Denis Mukwege est chaque jour confronté aux monstruosités des violences sexuelles, contre lesquelles il se bat sans relâche, parfois au péril de sa vie.
Dès 1999, il fonde l'hôpital de Panzi dans lequel il promeut une approche "holistique" de la prise en charge : médicale, psychologique, socio-économique et légale.
Écrit à la première personne, La force des femmes retrace le combat de toute une vie en dépassant le genre autobiographique.
L'héroïne du roman, c'est la femme composée de toutes ces femmes. L'auteur rend un véritable hommage à leur courage, leur lutte. Pour lui, il s'agit d'une lutte mondiale : "C'est vous, les femmes, qui portez l'humanité."
Ainsi, à travers le récit d'une vie consacrée à la médecine et dans un vrai cri de mobilisation, Denis Mukwege nous met face au fléau qui ravage son pays et nous invite à repenser le monde. La force des femmes clame haut et fort que guérison et espoir sont possibles pour toutes les survivantes.
« Voilà donc une ambition véritable, celle de traquer le vrai, et de participer à le rendre visible, lisible. » Christian Thorel
« Le seul conseil qu'une personne puisse donner à une autre à propos de la lecture c'est de ne demander aucun conseil, de suivre son propre instinct, d'user de sa propre raison, d'en arriver à ses propres conclusions. » (Virginia Woolf. « L'Art du roman ») Rien, dans aucune librairie, ne saura jamais s'opposer à la liberté de choix laissée à chacune et chacun. À quoi bon des librairies, direz-vous ? Les librairies sont les lieux privilégiés et ordonnés de la présence des livres, celle de leur matérialité et de leur lumière, sans lesquelles aucune décision n'est permise. La possibilité d'évoluer parmi eux associe au silence nécessaire des livres la parole de ceux qui en sont au quotidien les jardiniers. Appelons les libraires.
- Je m'appelle Frank T... et je suis un alcoolique.
- Je m'appelle Elizabeth F... et je suis une alcoolique.
Selon la condition sociale, le vêtement était luxueux, ou pauvre. Selon le degré d'éducation, variaient les manières et les voix. Mais l'origine, la culture, le costume, la fortune des hommes et des femmes qui parlaient ainsi et des hommes et des femmes à qui s'adressaient leurs propos n'avaient aucune importance. Ils étaient tous unis par un lien commun, plus fort que celui d'un milieu, d'une race, d'une famille, ou même d'un amour. Blancs ou Noirs, opulents ou misérables, illettrés ou savants, ils étaient solidaires, ils étaient frères à jamais, parce qu'ils avaient subi le même mal dévorant et qu'ils avaient laissé aux griffes du monstre leur chair et leur âme.
Ce célèbre reportage contribua à l'installation en France des Alcooliques Anonymes. Il conserve toute son actualité.
"J'espère que, quand on reverra la Constitution, les droits de la femme seront enfin comptés pour quelque chose et respectés comme ils doivent l'être, surtout quand il sera bien prouvé, comme cela ne peut manquer de l'être, que la raison exige que l'on fasse attention à leurs plaintes et réclame hautement justice pour une moitié de l'espèce."
Directement inspiré par la pensée des Lumières, un texte puissant et original, par une figure majeure du féminisme anglo-saxon.
Aussitôt paru dans Le Débat, en novembre 1983, cet article, traduit dans toutes les langues européennes, a sonné comme un plaidoyer et une accusation.
Plaidoyer pour la défense de l'Europe centrale (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie), qui par sa tradition culturelle appartient tout entière et depuis toujours à l'Occident, mais que celui-ci ne voit plus qu'à travers son régime politique, ce qui n'en fait qu'une partie du bloc de l'Est. Une culture qui n'est pas l'apanage d'une élite, mais la valeur vivante autour de laquelle se regroupe le peuple.
Une accusation, car la tragédie de ce foyer des "petites nations", qui se savent périssables, est en fait celle de l'Europe elle-même qui ne veut pas le voir et ne s'est même pas aperçue de leur disparition.
N'est-ce pas là un des signes de sa propre disparition ?
La valeur du texte ne vient pas seulement de son habileté démonstrative, mais de la voix si personnelle, véhémente, angoissée de l'auteur, Milan Kundera, qui apparaît alors comme un des plus grands écrivains européens.
Le voilà remis à la disposition du lecteur d'aujourd'hui, présenté par Pierre Nora, et précédé d'un texte inconnu du public français, le discours du jeune Kundera au Congrès des écrivains tchécoslovaques de 1967, en plein Printemps de Prague, présenté par Jacques Rupnik.
«Ce n'est pas trahir ses convictions humanistes que de faire le départ entre le réel et l'utopie ; ce n'est pas renoncer à ses idéaux que de prendre en compte ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.»
Didier Leschi
Il n'est pas de jour qu'un sinistre événement, une image bouleversante, une crise internationale ne nous le rappelle : la question du sort réservé aux migrants est cruciale. Il y a ceux pour qui la France devient une passoire exposée à l'invasion d'étrangers indésirables et qui veulent «suspendre l'immigration» ; et il y a ceux, moins nombreux, pour qui notre pays devient, comme l'Europe elle-même, une «forteresse», manquant à tout devoir d'humanité. C'est à ces deux tendances opposées que s'adresse tour à tour la présente mise au point de Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en plaçant chacun devant la réalité des faits et des pratiques - sans pour autant mettre au même plan ce qui relève de la démagogie, et parfois de la haine de l'autre, et ce qui témoigne, à la manière du «Fratelli tutti» du pape François, d'une noblesse d'âme et d'un haut sentiment de la fraternité humaine.
«Et si le care devenait, enfin, l'affaire de tous ?»
À la racine des inégalités de notre organisation sociale, il y a cette idée qu'une femme, c'est toujours un peu moins légitime, compétent, important qu'un homme. Voilà pourquoi on craint, à chaque soubresaut de l'histoire, que ne se réalise la prédiction de Simone de Beauvoir : «Il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question.» De fait, la parole d'expertise et de pouvoir des hommes a repris le dessus durant la crise, alors même que nous redécouvrions que le vaste peuple, aussi indispensable qu'invisible, des travailleurs qui prennent soin des autres était massivement constitué de femmes. De sorte que le combat féministe pour l'égalité peut s'identifier à la défense d'un projet de société qui, au nom de notre vulnérabilité commune, reconnaisse enfin une valeur au travail du soin et à la contribution de chacun plutôt qu'au pouvoir de quelques-uns. Telle est l'éthique démocratique du care.
"La guerre", nous dit-on. Et d'autres : "Rien à voir".
L'historien qui songe aux deux conflits mondiaux du XXe siècle débusque, dans la crise sanitaire que nous affrontons, bien des concordances qui stimulent la réflexion, dans l'immédiat des angoisses. Sur l'irruption de l'imprévu bousculant les tranquillités paresseuses. Sur les désarrois et les courages. Sur les égoïsmes et les générosités. Sur les solidarités spontanées et les inégalités ravageuses. Sur la concurrence, sans relâche, des rumeurs et de la vérité. Sur les dévergondages du toutau-marché et le surplomb salvateur de l'État. Sur les libertés menacées et le provisoire des exceptions à consentir. Sur l'efficacité, en définitive, de la démocratie contre les assauts que lui livrent sans relâche, au centre du maelstrm, les passions totalitaires. Le message peut être civique, en somme.
Occupy Wall Street, Indignés, Nuit Debout - plus que jamais la question est posée de définir la vie que nous souhaitons choisir et vivre.
Une vie vécue est inséparable de ses formes, de ses modalités, de ses régimes, de ses gestes, de ses façons, de ses allures... qui sont déjà des idées. Le monde, tel que nous le partageons et lui donnons sens, ne se découpe pas seulement en individus, en classes ou en groupes, mais aussi en "styles", qui sont autant de phrasés du vivre, animé de formes attirantes ou repoussantes, habitables ou inhabitables, c'est-à-dire de formes qualifiées : des formes qui comptent, investies de valeurs et de raisons d'y tenir, de s'y tenir, et aussi bien de les combattre.
C'est sur ce plan des formes de la vie que se formulent aujourd'hui beaucoup de nos attentes, de nos revendications, et surtout de nos jugements. C'est toujours d'elles que l'on débat, et avec elles ce sont des idées complètes du vivre que l'on défend ou que l'on accuse. Une forme de vie ne s'éprouve que sous l'espèce de l'engagement, là où toute existence, personnelle ou collective, risque son idée. Vouloir défendre sa forme de vie, sans tapage, en la vivant, mais aussi savoir en douter et en exiger de tout autres, voilà à quoi l'histoire la plus contemporaine redonne de la gravité.
Bien au-delà du champ de l'art, Marielle Macé propose la construction critique d'une véritable stylistique de l'existence. Cela suppose de s'intéresser sans préjugé à tout ce qu'engagent les variations formelles de la vie sur elle-même - styles, manières, façons - et de ne pas traiter forcément de vies éclatantes, triomphantes, d'apparences prisées ou de corps élégants. Ce n'est pas seulement la littérature mais bien toutes les sciences humaines qui, pour comprendre le monde immédiat, sous nos yeux, doivent s'y rendre vraiment attentives.
L'univers de la consommation a été bouleversé jadis par la grande distribution. Il est révolutionné de nouveau par le surgissement des plateformes numériques, ces « places de marché » virtuelles, dont Amazon est la figure emblématique. Elles lui imposent à toute vitesse une nouvelle règle du jeu. C'est une analyse en profondeur de ce modèle inédit, des raisons de sa force, mais aussi des périls de sa dynamique irrésistible que propose Philippe Moati. Il ne se contente pas d'en décortiquer les ressorts et de dégager les motifs de son succès, il examine les voies que pourrait emprunter sa domestication. Comment remédier à ses retombées les plus dangereuses, à commencer par sa tendance à l'établissement de quasi-monopoles ? Existe-t-il pour les marques et les enseignes des alternatives à son emprise ? Comment mener la contre-offensive ? Des questions pressantes pour les années qui viennent.
Le phénomène "trans" est en expansion. En nombre croissant, des enfants et des adolescents expriment ce qui était naguère inexprimable, inaudible, insensé : la conviction d'être nés dans le mauvais corps. À la surprise des praticiens, les filles sont à présent majoritaires dans la demande de transition.
Ce sont les tenants et aboutissants de ce phénomène émergent qu'interroge Claude Habib. Elle ne prétend pas en donner une interprétation, elle s'efforce d'en circonscrire le mystère, en examinant, sans polémique ni complaisance, les innombrables questions, tant théoriques que pratiques, qu'il soulève. Comment l'identité de genre est-elle devenue une affaire de choix personnel ? À quelle source rapporter le projet de se recréer qui supplante, chez beaucoup de jeunes, l'acceptation du donné ? Pourquoi la difficulté de supporter la condition sexuée, autrefois invisible, surgit-elle au grand jour ? Peut-on reconnaître à des enfants la capacité de juger de leur futur destin social ? Faut-il autoriser la participation des transgenres aux compétitions sportives féminines ?
Une question et des questions qui n'ont pas fini de nourrir le débat public et d'alimenter la réflexion.
Luc Boltanski et Arnaud Esquerre restituent le mouvement historique qui, depuis le dernier quart du XXe siècle, a profondément modifié la façon dont sont créées les richesses dans les pays d'Europe de l'ouest, marqués d'un côté par la désindustrialisation et, de l'autre, par l'exploitation accrue de ressources qui, sans être absolument nouvelles, ont pris une importance sans précédent. L'ampleur de ce changement du capitalisme ne se révèle qu'à la condition de rapprocher des domaines qui sont généralement considérés séparément - notamment les arts, particulièrement les arts plastiques, la culture, le commerce d'objets anciens, la création de fondations et de musées, l'industrie du luxe, la patrimonialisation et le tourisme. Les interactions constantes entre ces différents domaines permettent de comprendre la façon dont ils génèrent un profit : ils ont en commun de reposer sur l'exploitation du passé.
Ce type d'économie, Boltanski et Esquerre l'appellent économie de l'enrichissement.
Parce que cette économie repose moins sur la production de choses nouvelles qu'elle n'entreprend d'enrichir des choses déjà là ; parce que l'une des spécificités de cette économie est de tirer parti du commerce de choses qui sont, en priorité, destinées aux riches et qui constituent aussi pour les riches qui en font commerce une source d'enrichissement.
Alors l'analyse historique revêt, sous la plume des auteurs, une deuxième dimension : l'importance, l'extension et l'hétérogénéité des choses qui relèvent désormais de l'échange ouvrent sur une critique résolument nouvelle de la marchandise, c'est-à-dire toute chose à laquelle échoit un prix quand elle change de propriétaire, et de ses structures. La transformation, particulièrement sensible dans les États qui ont été le berceau de la puissance industrielle européenne, et singulièrement en France, devient indissociable de l'analyse de la distribution de la marchandise entre différentes formes de mise en valeur.
On comprend d'entrée que cet ouvrage est appelé à faire date.
L'institution de l'esclavage est une reprise complétée et actualisée d'un ouvrage qu'Alain Testart, décédé en 2013, avait publié sous le titre L'esclave, la dette et le pouvoir, en 2001, aux Éditions Errance.
La définition de l'esclave a toujours été incertaine et le statut de ce que l'on met sous ce nom a beaucoup changé selon les temps et les lieux. Mais il reste toujours un exclu : exclu de la cité dans les sociétés antiques, exclu de la parenté dans les sociétés lignagères, exclu en tant que sujet dans les sociétés monarchiques. C'est l'exclusion d'une des relations sociales tenues pour fondamentales par la société qui distingue l'esclave des autres formes de dépendance et d'asservissement.
Sous l'esclavage, gît donc la question du pouvoir. Il y a, pour l'auteur, un lien direct entre l'esclavage et l'émergence de l'État, qui s'arroge le monopole des esclaves, vis à-vis des pouvoirs concurrents, de tout ordre, économique ou non. D'où la constatation, bien documentée, que c'est dans les sociétés les moins centralisées et les moins hiérarchisées, en principe les moins oppressives, que se rencontre la pire condition de l'esclave. Et l'inverse : c'est dans les sociétés les plus autoritaires et despotiques que la condition de l'esclave semble la moins défavorable.
Alain Testart est un des rares anthropologues qui disposent d'une culture aussi étendue, largement comparative. Cette nouvelle édition, établie par sa collaboratrice, Valérie Lécrivain, ajoute à l'ancienne un article inédit qui permet de préciser les thèses de l'auteur. Elle fait de ce livre d'il y a plus de quinze ans un livre neuf, plus adapté aux connaissances et aux sensibilités contemporaines
38 cas pratiques soumis à un examen précis et informé :
Aumôneries o Autorisation d'absence o Blessure o Bureau de vote o Calendrier civil o Cantine scolaire o Caricature o Cérémonie religieuse o Cimetière o Circoncision o Cloches et muezzin o Crèche de Noël o Département concordataire o Dimanche o Édifices cultuels o Entreprise de tendance o Entreprise privée o Financement o Foulard o Funérailles nationales o Histoire et mémoire o Hommes de foi o Imams o Injure et blasphème o Jupe longue o Liberté de l'art o Mariage o Naissance et mort o Non-mixité o Nourriture o Politique et foi o Prétoire o Publicité o Sectes o Services au public o Services publics o Vues de l'étranger o Zèle (excès de)
Lors de son discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron a prôné une 'restitution' des oeuvres d'art africaines conservées par les musées français. Le terme semble présupposer que les oeuvres sont détenues illégalement. Le rapport confié par la suite à Bénédicte Savoy et à Felwine Sarr (Restituer le patrimoine africain : Vers une nouvelle éthique relationnelle) va résolument dans ce sens : toutes les oeuvres doivent être 'rendues' et il fixe pour cela un calendrier devant s'appliquer sans tarder. Si elles étaient suivies, les recommandations de ce rapport pourraient mettre la France, selon Emmanuel Pierrat, dans une situation intenable. Dans un texte documenté et combatif, ce grand connaisseur de l'art africain dresse un panorama complet de la question afin d'écarter les affirmations simplificatrices ou moralisatrices qui risquent d'entraver l'accès à la culture.
Quatre-vingt-treize : la Seine Saint-Denis est la figure des transformations révolutionnaires que connaît la France contemporaine. Un département dans lequel l'importance de la présence musulmane s'inscrit au coeur des bouleversements de la démographie et de l'immigration, de la marche forcée de la désindustrialisation à la haute technologie, de la persistance du chômage, d'une intégration sociale difficile à mettre en oeuvre - mais aussi de la percée des nouvelles générations dans le champ politique, culturel ou économique. Ces contrastes très accusés sont l'une des caractéristiques les plus saillantes et les moins connues de l'islam de France. C'est cela que nous donne à voir Quatre-vingt-treize, en partageant avec le lecteur l'expérience du terrain au quotidien, depuis les mosquées et les HLM jusqu'aux lambris des palais de la République, et la perspective historique de trois décennies écoulées, à travers l'islam des 'darons', des Frères et des jeunes. Entre la tentation salafiste et la participation aux élections, le halal et l'internet, l'islam de France déploie une multiplicité de facettes qui s'inscrivent dans une citoyenneté encore inaccomplie, comme l'illustrent ces deux extrêmes opposés que sont la composition de l'équipe de France de football et celle de l'Assemblée nationale.
Quatre-vingt-treize apporte des connaissances inédites et de première main au débat de fond qui traverse notre société sur la participation de l'islam à la construction de son identité plurielle dans un univers globalisé.