L'invasion de l'Ukraine par la Russie a bouleversé les Européens qui assistent médusés au retour de la guerre interétatique sur leur continent. En effet, depuis 1945, les Européens de l'ouest sont sortis de l'Histoire grâce aux Etats-Unis. Poutine, qui se comporte comme les Etats l'ont fait pendant des siècles, leur prouve qu'ils doivent aujourd'hui se réhabituer à vivre une tragédie et non un drame bourgeois. Le `'moment occidental'' arrive à son terme, et l'on voit apparaître un monde de grandes puissances qui ont à définir un équilibre fondé sur les rapports de force, similaire à celui que connaissait l'Europe jusqu'en 1914. Or, les Etats appelés à coexister aujourd'hui n'ont ni langage ni tradition ni vision du monde en commun... Tout est donc à réinventer.
Gérard Araud propose ici de nourrir le réarmement intellectuel de l'opinion publique française à partir d'exemples tirés de son histoire pour mettre en lumière toute la gamme des obstacles inhérents aux relations internationales. Il nous livre un véritable manuel de diplomatie avec, à chaque fois, un rappel historique des faits, mais aussi l'explication des choix diplomatiques et leurs conséquences.
Ce livre, audacieux dans sa forme, dresse des parallèles entre histoire et actualité :
La guerre de succession d'Espagne et le conflit israélo-palestinien lui permettent d'interroger la meilleure manière de terminer une guerre.
La paix d'Amiens de 1803 et le Brexit illustrent l'art de conclure des traités.
Le Congrès de Vienne éclaire la distinction entre politique étrangère et diplomatie.
La dépêche d'Ems de 1870 interroge la pression des opinions publiques indignées à l'heure des réseaux sociaux.
L'Entente cordiale évoque l'idée d'équilibre des puissances incarnée aujourd'hui par les Etats-Unis.
La Première Guerre mondiale montre comment les alliances comme l'OTAN peuvent dévier de leurs causes initiales.
Le Traité de Versailles permet de comprendre que la « question allemande » est aussi une « question française ».
Le désastre de mai 1940 se pose comme matrice de la relation de la France aux Etats-Unis.
L'expédition de Suez de 1956, leçon sur la militarisation d'une politique étrangère, informe l'engagement de la France au Mali.
Enfin, le refus français l'invasion de l'Irak en 2003 démontre que la stature d'un pays ne se résume pas à son PIB ou sa force de frappe.
Cet essai brillant, manifeste du réalisme en politique étrangère, se dévore comme un livre d'histoire.
Comment s'emparer d'un Etat à l'ère de la modernité, et comment le défendre ? Voilà la question à laquelle Malaparte répond dans cet essai publié pour la première fois en 1931. La première édition a été française, chez Grasset, et le livre a été interdit dans toutes les dictatures du moment, pour n'être traduit en Italie qu'en 1948. Selon Malaparte, le temps des révolutions populaires est terminé. Nul besoin désormais de mobiliser un peuple afin de conquérir le pouvoir. Pour renverser un régime, il suffit d'une organisation technique et tactique, d'un nombre restreint d'individus capables de paralyser, pendant quelques heures, les administrations. Il illustre cette thèse en analysant le coup d'Etat bolchevique de 1917, la victoire du Polonais Pilsudski contre les Soviétiques en 1920, le putsch manqué de Kapp la même année à Berlin, et consacre un chapitre au 18 Brumaire de Bonaparte.
Loin d'être un traité sec et analytique, ce livre donne l'occasion à Malaparte de déployer son génie du portrait. Et voici un homme politique allemand qui n'exerce pas encore le pouvoir au moment où est publié le livre : hystérique, jaloux, peureux, tous traits de caractère qui ne pourront le mener qu'à une férocité impitoyable et sans limite. Ce politicien, c'est Hitler, et la description est prophétique.
Théorie impeccable, art du portrait et pénétration psychologique font de ce livre un classique. Et ce n'est pas parce que les réseaux sociaux sont arriver qu'il s'agit moins, à un moment donné, de prendre d'assaut un bâtiment symbolique du pouvoir... Tous ceux qui se rappellent le 6 janvier 2021 à Washington le savent.
« Le Royaume-Uni des années 1980. Les années Thatcher. Elles sortent toutes de là, les voix qui courent dans ce livre, elles plongent au creux de plaies toujours béantes, tissent un récit social, la chronique d'un pays, mais plus que cela, elles laissent voir le commencement de l'époque dans laquelle nous vivons et dont nous ne savons plus comment sortir.
C'est l'histoire d'un spasme idéologique, doublé d'une poussée technologique qui a bouleversé les vies. Ici s'achève ce que l'Occident avait tenté de créer pour panser les plaies de deux guerres mondiales. Ici commence aujourd'hui : les SOS des hôpitaux. La police devenu force paramilitaire. L'information tombée aux mains de magnats multimilliardaires. La suspicion sur la dépense publique quand l'individu est poussé à s'endetter jusqu'à rendre gorge. La stigmatisation de populations entières devenues ennemis de l'intérieur.
Londres. Birmingham. Sheffield, Barnsley. Liverpool. Belfast. Ancien ministre. Leader d'opposition. Conseiller politique. Journaliste. Ecrivain. Mineur. Activistes irlandais. Voici des paroles souvent brutes qui s'enchâssent, s'opposent et se croisent. Comment ne pas entendre ces quelques mots simples venus aux lèvres de l'ancien mineur Chris Kitchen comme de l'écrivain David Lodge : une société moins humaine était en gestation ?
Comment ne pas constater que le capitalisme qui prétendait alors incarner le monde libre face au bloc soviétique en plein délitement, est aujourd'hui en train de tuer la démocratie ?
Quand la mémoire prend forme, il est peut-être trop tard, mais il est toujours temps de comprendre. »J.P.
Quand Le président T.W. Wilson : portrait psychologique, paraît en 1966, co-signé par le Viennois Sigmund Freud et William Bullitt, un diplomate originaire de Philadelphie, beaucoup crient au faux et mettent en doute la participation du père de la psychanalyse à ce livre entièrement consacré à un chef d'État américain. L'ouvrage fait scandale. La polémique enfle puis s'éteint sans que la vérité sur ses auteurs ait été démontrée. Le livre imprimé n'était en fait que l'ombre du manuscrit achevé en 1932. Le texte avait subi de nombreuses amputations et corrections - plus de trois cents - opérées par Bullitt sans l'aval de Freud, décédé depuis presque trente ans. Une fois le diplomate américain disparu à son tour, on crut le manuscrit princeps perdu. Patrick Weil l'a retrouvé.
Pour comprendre comment cette oeuvre a été conçue, y mesurer l'apport du père de la psychanalyse et saisir pourquoi elle a été censurée par son co-auteur, il nous faut plonger dans la vie de William Bullitt et le suivre, pas à pas, à travers les méandres de sa carrière diplomatique. D'abord proche conseiller de T. W. Wilson lors de la négociation du traité de Versailles qui devait, selon les voeux même du président américain, mettre fin à toutes les guerres et poser les fondements d'une paix mondiale via la SDN (La société des nations), Bullitt démissionne quand il découvre que le Président s'apprête à signer un traité qui dénature ses promesses, puis témoigne à charge contre lui devant le Sénat et l'opinion publique mondiale en septembre 1919. Quelques mois plus tard, à la grande surprise de Bullitt, Wilson sabote volontairement la ratification du traité... Comment un chef d'Etat peut-il détruire ce pour quoi il s'est battu ? Wilson, victime héroïque des revendications outrancières d'isolationnistes républicains comme l'Histoire l'a retenu ? La cause de son ahurissant retournement est-elle à plutôt à chercher dans la tête même du Président, son inconscient, ses mécanismes psychiques ? Le Président était-il devenu fou ? Bullitt en discute avec Freud, auprès duquel il suit une psychanalyse. C'est à Vienne, en 1930, que naît leur projet d'écrire ensemble un portrait psychologique du président américain.
Grâce à Bullitt et Freud, on découvre une autre réalité du Traité de Versailles, un nouveau récit de la période 1936-1940 qui précède l'effondrement de la France. Car quatorze ans après sa fracassante démission de 1919, Bullitt est devenu l'un des grands diplomates de Roosevelt, premier ambassadeur américain en URSS, puis à Paris entre 1936 à 1940. A travers ce témoin privilégié de l'Histoire, on découvre les grands événements internationaux du XXe siècle en compagnie des géants de l'époque : Lénine, Staline, Roosevelt, Herbert Hoover, de Gaulle, Churchill, Tchang Kaï-chek, Léon Blum, Daladier, Jean Monnet et bien sûr Wilson. Et l'on déchire enfin le rideau qui nous obscurcit la vue sur un passé souvent mythifié et mystifié. Quatre-vingt-dix ans après l'achèvement de leur livre commun, l'appel de Bullitt et Freud à reconnaître chez nos dirigeants les symptômes d'une personnalité pathologique avant qu'ils ne nous mènent à des catastrophes résonne de toute sa force.
Le communisme est un cas unique dans l'histoire.
Aucune doctrine n'a connu un engouement de cette ampleur si rapidement, aucune n'a conquis autant de pays en si peu de temps, aucune n'a provoqué de tels dégâts humains, aucune n'a réussi à conserver pareille force d'attraction en dépit de son échec, aucune ne laisse à ce point de regrets.
Pourtant, hors de l'apologie ou du rejet dont les régimes communistes ont pu être l'objet, au-delà de la sanctification de l'idéologie ou de sa condamnation, ce phénomène exceptionnel continue d'échapper pour l'essentiel à une réflexion de fond.
D'ou vient le communisme, de quel processus historique est-il l'aboutissement, à quoi correspond son apparition dans l'évolution des sociétés humaines, pourquoi a-t-il tant séduit, qu'est-ce qui explique sa faillite, pour quelles raisons son deuil est-il si difficile à porter, sa fin est-elle définitive, peut-il muter et si oui de quelles manières ?
Ce livre répond à ces questions.
Penser le communisme de nos jours, c'est sonder les aspirations humaines les plus profondes, c'est en révéler les cicatrices laissées, c'est en estimer l'évolution possible.
La démocratie est en crise, le pays se fissure et notre boussole politique s'est démagnétisée. Le diagnostic ne trompe pas : le débat public se crispe sur l'identité nationale, les valeurs républicaines et la laïcité tandis que la participation électorale décline... Tout indique que le processus de fabrication de la nation et des citoyens libres semble bloqué. Les causes désignées par les chaînes d'information en continu, qui abreuvent des pans entiers de la société ? la tyrannie des minorités ethniques ou religieuses, et la perte de l'autorité de l'Etat. Les solutions proposées par les mêmes ? Une école Troisième République où les maîtres inspirent le respect et une police renforcée, plus nombreuse et plus agressive dans les zones pauvres. Au-delà de l'emballement médiatique autour des faits-divers et de leur utilisation par des responsables politiques, quelle est la pertinence de ce diagnostic ?
Dans cet essai charpenté et incisif, fruit d'une enquête scientifique et de travaux de recherche menés depuis dix ans, Sebastian Roché dessine un paysage et une réalité sociale bien plus complexes qu'on ne l'entend d'ordinaire. Oui, la question de l'identité collective et de la culture civique ont toute leur légitimité dans le débat - elles sont au fondement du fonctionnement des Etat-Nations- mais il ne faut pas oublier que la fabrique de la démocratie repose pour une large part sur la socialisation des enfants et l'éducation. Oui, les croyances dans les principes civiques et l'identité collectives sont bien affectées par les phénomènes migratoires et les pressions religieuses. Mais, loin de faciliter la cohésion sociale, les fonctionnements actuels de l'Ecole et de la Police creusent le sentiment de rejet et amplifient le malaise. L'instruction publique n'est pas la matrice des valeurs collectives, elle ne convainc que les gagnants de la compétition scolaire, laissant les perdants sur le bord de la route. Et la police, de son côté, par ses pratiques douteuses, comme les contrôles d'identité discriminatoires, et son impossible réforme face à un pouvoir faible, freine l'intégration des enfants des zones pauvres et des minorités ethniques...
Au terme de ce constat en clair-obscur apparaît une question qui vient ébranler le fondement de nos institutions : Et si l'Etat tel que nous le connaissons était le poison et non l'antidote à la crise que nous traversons ?
Raymond Aron avait analysé en son temps l'emprise du communisme sur les esprits dans L'opium des intellectuels.
Et si l'opium des élites était aujourd'hui l'européisme ?
On nous endort tous les cinq ans en nous promettant des lendemains qui chantent, alors que les vrais choix politiques ont été opérés il y a plus de trente ans. Et n'ont jamais été expliqués aux Français, auxquels on a au contraire raconté des fables lénifiantes.
« La gauche devrait-elle opter pour l'Europe contre le socialisme, ou pour le socialisme contre l'Europe ? » s'interrogeait François Mitterrand dans une longue tribune publiée dans Le Monde en 1968. Eh bien, c'est précisément François Mitterrand une fois Président qui, avec le tournant de mars 1983 puis l'Acte Unique européen de 1986, a fait prendre à la France puis à l'Europe entière le chemin du fédéralisme. De sorte que loin d'être un bouclier contre la dérégulation, comme il nous a été répété à l'envi, l'Europe fut la matrice, puis le vecteur de la mondialisation libérale.
Mieux (ou pire) : ce sont les Français qui ont été les chevilles ouvrières du néo-capitalisme financier, les anglo-saxons ne faisant que s'engouffrer dans la brèche que nous avons nous-mêmes ouverte, avec Fabius et Beregovoy au pouvoir en France, Delors et Lamy à la tête de la commission européenne, Chavranski à l'OCDE, Trichet à la Banque centrale européenne (BCE), Camdessus au FMI et Lamy à l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
La civilisation européenne était supposée reposer sur l'État, plus l'État-Nation, plus l'État de droit, plus l'État-Providence. Or, l'État perd son pouvoir, l'État-Nation est voué aux gémonies au profit d'un fédéralisme hors-sol qui s'apparente à une religion politique, et l'État-Providence fut sacrifié, jusqu'au « quoi qu'il en coûte » de Macron, sur l'autel de la rigueur Maastrichienne.
Cela s'appelle l'abdication d'une démocratie, selon la belle mise en garde de Pierre Mendès France: « L'abdication d'une démocratie: la délégation de tous les pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique ».
Résultat : aucune majorité présidentielle ou parlementaire n'a été reconduite en France depuis 1983, le FN est passé de 0,8% des voix à plus de 25%, le pouvoir régalien parait illégitime ou impuissant, et ce que les élites appellent le « populisme » gronde.
On connait la formule de Georges Bidault (ministre des Affaires étrangères) en 1953: « Faire l'Europe sans défaire la France ». Nous avons défait la France en catimini au nom de l'Europe, sans pour autant parvenir à faire l'Europe démocratique qu'attendent les peuples et pour laquelle plaide l'auteur. Nous avons en somme perdu sur les deux tableaux.
Un sursaut est possible : après une analyse au scalpel de la décomposition française (première partie) et une déconstruction non moins rigoureuse de l'idéologie européenne (deuxième partie), c'est à quoi se consacre la troisième partie de cet ouvrage.
Un essai politique de fond, puisant aux meilleures sources françaises et internationales, puissant et argumenté, qui fera date tant il remet en cause les opinions convenues.
« Leurs journées commencent en général avant celle des autres, au milieu de la nuit. Ils saignent, découpent, dépècent et désossent. L'obsession est de suivre les cadences et de tenir. Au départ, c'est un petit boulot, et ça devient un métier. En France, 50 000 ouvriers travaillent dans les abattoirs. Ils tuent et découpent, chaque jour, trois millions d'animaux et les transforment en steaks, côtelettes ou saucisses. Pendant trois ans, je suis partie à la rencontre de ces mal-aimés qui nourrissent les Français. Je les ai écoutés, j'ai entendu leur souffrance. Pour ce livre, je les ai rejoints sur la chaîne, quelques jours, sans me cacher, histoire de "faire les gestes". Pour comprendre. »
Cet endroit à part, où l'on travaille dans le sang et les viscères, on le voit rarement d'aussi près. Pas même en vidéo. Sans parler de la « tuerie », le lieu auquel personne ne veut penser. Alternant portraits, rencontres et témoignages, Olivia Mokiejewski nous offre un récit puissant et salutaire. Bienvenue dans le monde tabou de l'industrie et de la mort.
Il s'agit d'un ouvrage (auto)biographique et philosophique qui traite du mouvement des idées et de la société durant la période allant de 1965 à 1975. Pourquoi ce titre ? Parce que, selon l'auteur, la génération 65-75 a eu, à tort ou à raison, le sentiment qu'elle pouvait penser plus librement que les générations précédentes (trop encombrées de marxisme ou d'idéologies défuntes, de Vichy aux guerres coloniales). Jean-Claude Milner assume son appartenance à cette génération « arrogante » qui se crut, plus qu'une autre, capable de faire « du passé table rase »... Pourquoi les années 65-75 ? Parce que, en même temps, on y assista au début du déclin du marxisme et à la fin de l'après-guerre. La place était libre pour forger de nouveaux concepts. Cette période s'acheva, historiquement, avec la fin des « trente glorieuses » et la progressive disparition du gauchisme européen. Ce livre opère, par ailleurs, une distinction inhabituelle entre le gauchisme et « le mouvement » de Mai 68. Le gauchisme, en effet, désire une révolution tandis que les soixante-huitards ne désirent que le triomphe de l'esprit libertaire. Au centre de ce « désir de révolution » gauchiste,. Milner place l'aventure de la Gauche Prolétarienne - dont il fut l'un des grands acteurs. De plus, ce livre se veut également « autobiographique », dans la mesure où son auteur y a expérimenté sa philosophie. Ce qui l'intéresse : « La rencontre du nom de Révolution par les porteurs du nom juif ». Y avait-il donc, pour les Juifs, un enjeu particulier dans cette redéfinition de l'idée révolutionnaire ? Milner le croit. En ce sens, on peut dire que L'arrogance du présent achève le tryptique qui compte déjà Les penchants criminels de l'Europe démocratique et Le Juif de savoir.
Le 8 août 2008, Poutine lançait ses chars contre la Géorgie sous les yeux de l'Occident stupéfait. Ce n'est ni un accident, ni un hasard de l'histoire mais l'aboutissement d'un processus qui débute au milieu des années 1990 alors que se noue, sans qu'on n'en ait encore conscience, le tragique échec de la démocratie en Russie. Ce livre raconte la renaissance d'un « système » qu'on croyait défunt et comment, depuis le Kremlin, Poutine et ses hommes ont engagé la reconquête idéologique, politique et économique de la population et du territoire russes. Il explique les raisons qui conduisent aujourd'hui à la contre-attaque de l'Empire. Parce que Laure Mandeville a été au coeur du volcan russe depuis 1989, parce qu'elle a été le témoin privilégié des arcanes du pouvoir, son histoire de la Russie post-communiste se lit comme un véritable roman avec ses héros, ses mauvais génies, ses drames, son peuple ballotté et sa quête d'une démocratie introuvable. De l'échec de l'ère elstinienne qui a tourné au pillage à l'invasion de la Georgie, de la montée de Poutine au pouvoir à la chute du nouveau Prince du capitalisme russe, Mikhaïl Khodorkovski, c'est la même logique d'un pouvoir prédateur qui s'impose, détruisant systématiquement toute possibilité d'opposition. Aujourd'hui cette dérive nationaliste russe sonne comme un défi majeur pour l'Occident. Saura-t-il arrêter les apprentis sorciers qui, au Kremlin, ont agi jusqu'ici en toute impunité ? Si tel n'était pas le cas, la reconquête russe ne serait pas seulement synonyme d'une nouvelle tragédie pour la nation russe mais sonnerait le glas de la sécurité de nos démocraties.
« La finalité des polices dans les démocraties ne devrait pas être de faire régner un ordre. L'ordre devrait, en réalité, n'être qu'un moyen. Mais un moyen de quoi ? Les agents ne forment pas une armée face à un adversaire - même si certains responsables aiment à les caricaturer ainsi. La mission éminente des polices est de produire de la certitude et de la confiance en défendant des normes et des valeurs supérieures et, ainsi, de contribuer à la cohésion sociale ».
Toute démocratie a besoin d'une police, et réciproquement la police a besoin que les citoyens la soutiennent, qu'ils la considèrent comme « leur police ». Mais les gouvernements ont peu soutenu la transformation des forces de l'ordre en service tourné vers le public et soucieux de l'égalité de tous les citoyens, en particulier des minorités. Nos grands voisins européens sont bien meilleurs que nous sur ces points. Les conséquences sont lourdes, sur notre sol, au moment où la confiance est particulièrement nécessaire.
D'autres défis sont également devant nous. Le ministère de l'Intérieur confond force et autorité. Or, la façon dont la police agit en banlieues et l'injustice observée dans les contrôles au faciès fragilisent encore l'autorité étatique. A l'heure où la diversité de la population est une réalité que nul ne peut plus ignorer, et où les conflits de valeurs et d'identité entre les différentes communautés (musulmane en premier lieu) sont soulignés, la question religieuse s'invite dans les enjeux de police. La distance prise par certaines communautés face à la collectivité politique nationale et aux valeurs qu'elle doit incarner (liberté, égalité) se traduit par une défiance croissante manifestée face à la police. Sa légitimité, et partant son efficacité, sont affaiblies. Et avec la cohésion de notre pays.
Dans cette enquête unique et inédite, Sebastian Roché analyse « l'expérience de la police » vécue par la population française actuelle et dresse un constat préoccupant. Loin des stéréotypes et des idées toutes faites, il dévoile l'état de la police et de son rapport au peuple dans un pays en colère et en transformation, et propose des solutions pour renverser la spirale négative dans laquelle nous sommes engagés.
L'amitié en politique existe-t-elle ? Nombreux sont ceux qui en doutent. Que reste-t-il du désintéressement et de la permanence au pays des rivalités et des revirements sans frein ? Etudier l'amitié en politique revient à se pencher sur un sentiment pur dans un monde impur. Mais l'amitié, ce lien rare, ce mot galvaudé, possède ses parts d'ombre et la politique ses accès de sincérité. L'amitié n'est ni le compagnonnage, ni la camaraderie, ni la sympathie, ni la fraternité, ni le copinage. C'est en revanche un sentiment totalement tourné vers l'autre, comme devrait l'être la politique. Il semblait logique de passer de l'autre côté de l'image publique et de demander à des hommes et des femmes politiques de livrer leur vision de l'amitié et leur version d'une amitié. Ainsi Edouard Philippe explique pourquoi il tient l'amitié en politique en haute considération. Pierre Moscovici raconte une amitié loyale, une autre trahie, une dernière inexistante. François Hollande revient sur ses liens avec ses premiers ministres. Bruno Le Maire analyse pourquoi l'amitié en politique mène inexorablement à des blessures. Aquilino Morelle compare deux figures tout à fait opposées. Patrick Stefanini se plonge dans une histoire compliquée avec Alain Juppé. Bernard Cazeneuve explique pourquoi il est resté loyal à François Hollande. Sylvain Fort livre une vision sans fard des liens humains en politique et Anne Hommel raconte, pour la première fois, son long cheminement auprès de Dominique Strauss-Kahn et ce qu'il en reste.
Un livre sur l'amitié vire-t-il parfois à un livre sur l'inimitié ? Les amitiés sont des histoires qui comportent ruptures, malentendus, trahisons, réconciliations. Aussi le récit possède-t-il ses fantômes (Dominique Strauss-Kahn), ses figures de référence (François Mitterrand et Lionel Jospin), ses absents (Jérôme Cahuzac). L'amitié achoppe sur deux écueils omniprésents en politique : la hiérarchie et la rivalité. L'amitié entre Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin survivra-t-elle à la compétition de leurs ambitions ? L'amitié entre Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux est-elle un exemple de pure loyauté ou un simple lien de subordination ?
Marie-Laure Delorme a choisi la forme du portrait car nos amis sont un reflet de nous-mêmes. Elle a rencontré, pour des témoignages inédits, François Hollande, Edouard Philippe, Brice Hortefeux, Sylvain Fort, Marielle de Sarnez, François Bayrou, Patrick Stefanini, Pierre Moscovici, Bruno Le Maire, Bernard Cazeneuve, Gilles Boyer, Anne Hommel, Sébastien Lecornu, Aquilino Morelle. « J'ai tenté de montrer que nos décisions quant au juste et à l'injuste dépendront de quelle compagnie nous choisissons, de ceux avec qui nous souhaitons passer notre vie », écrit Hannah Arendt. L'amitié est un choix, une élection, une affinité. Nos amitiés sont de chair et non de papier. Elles nous engagent dans le monde. Avec qui voulons-nous vivre ?
« Il est indispensable de passer d'un idéal de prospérité partagée, dont nous n'avons cessé de nous éloigner, à un idéal de bien vivre ensemble. »
A 25 ans, Waleed Al-Husseini est un homme libre, et cette liberté, il en a payé le prix.
En 2010, il est le premier Palestinien d'origine musulmane incarcéré en Cisjordanie pour avoir rejeté l'Islam. Sur internet, seul espace de liberté, l'adolescent dénonçait les ressorts rétrogrades, violents et misogynes des textes coraniques et la pratique des religieux.
Mais on ne quitte pas l'Islam. L'Autorité palestinienne, qui se déclare pourtant laïque, en fait son ennemi public numéro un et l'arrête pour outrage à la religion. Commence alors un long et douloureux séjour dans les prisons palestiniennes, où il subit des tortures psychologiques et physiques. Il parviendra finalement à en sortir grâce à des soutiens internationaux, et trouvera asile en France.
Témoignage poignant, Blasphémateur ! offre le regard inédit d'un citoyen palestinien sur son propre Etat, paralysé selon lui par les conflits internes, la collusion des pouvoirs, la prégnance du religieux. C'est aussi le plaidoyer enflammé d'un homme déterminé à se battre pour la liberté de penser. Un homme des Lumières.
Caroline Fourest s'est fait une spécialité de clarifier et de mettre en lumière les grands débats comme les aime notre époque, mouvante et inquiète. Avec un talent unique, elle créée des concepts, les clarifie, et fournit ainsi une « boîte à outils » intellectuelle pour ceux qui se sentent malmenés ou perdus dans les violentes ruelles de la pensée. Ainsi, dans La tentation obscurantiste, Caroline Fourest ouvrait une voie d'analyse historique sur la gauche française : elle distinguait deux gauches, l'une fondée sur la résistance au nazisme ; l'autre fondée sur la lutte contre le colonialisme. Cette clé d'apparence simple n'a cessé de montrer sa force, et d'être reprise par tous. Depuis bientôt quatre ans, Caroline Fourest travaille sur une question majeure : l'agonie de l'universalisme - notre dernière utopie. Cette belle ambition, gravée dans le marbre de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, est battue en brèche. Pourtant, il n'existe pas de meilleur remède à la crise que connaît le multiculturalisme depuis le 11 septembre 2001, à force de tout tolérer au nom de la culture et du religieux. Cet enjeu dépasse largement l'aspect rhétorique. Il est au coeur de débats qui agitent quotidiennement le monde. Les Nations-Unies, le Canada, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud, l'Australie, l'Inde, la Belgique, les Pays-Bas, la France... Dans tous les pays où le respect des minorités et le culte de la diversité progresse, on se déchire pour savoir comment concilier droit à la différence et respect des valeurs communes. Peut-on tout tolérer - l'excision ou l'infanticide - au nom des coutumes ? Faire passer le respect du voile avant l'égalité hommes-femmes ? Accepter des menus séparés dans les cantines ? Des créneaux non-mixtes dans les piscines ? Faut-il retirer les sapins de Noël des places publiques ? Reconnaître des arbitrages basés sur la charia ? Dans ce livre puissant, Caroline Fourest explique le « modèle français », admiré et controversé, le malentendu avec le monde « anglo-saxon ». Elle revient sur la Révolution française, la Constitution américaine, raconte le débat canadien sur les « accommodements raisonnables ». Elle rend clair, enfin, les termes qui nous font perdre la tête : communautaire, communautarisme, multiculturalisme, essentialisme, racisme, islamophobie, musulmanophobie... Et nous livre, à trente ans, le bréviaire courageux sur lequel rebâtir l'envie de faire société.
Qui doit gouverner ? Cette question, que chacun se pose avant de mettre son bulletin dans l'urne, est aussi celle de la philosophie politique depuis son origine. Le citoyen d'aujourd'hui est ainsi, sans toujours le savoir, l'héritier d'une longue tradition d'hésitation et de perplexité. Est-ce un seul, plusieurs ou tous, qui doivent gouverner ? Et au nom de quoi ? De leur compétence, de leur charisme, de leur sens du service ? Vote-t-on par analyse, par fidélité, par affinité ? Ce livre se propose de faire l'inventaire des grandes réponses qui ont scandé l'histoire de la politique et de la pensée. Elles nous instruisent sur la nature de la démocratie contemporaine et les dilemmes qui la traversent ; car si nous sommes désormais convaincus que c'est le peuple qui doit gouverner, nous sommes encore très loin de savoir ce qu'est le peuple en vérité et quel est le portrait de son meilleur représentant. C'est pourtant là que se trouve la clé du passage à l'âge adulte des démocraties, qui, loin d'être vieilles et fatiguées, comme on le dit parfois, semblent encore trop juvéniles. Peut-être leur faut-il aujourd'hui moins « s'indigner » que prendre la mesure de l'extrême difficulté de l'exercice du pouvoir à l'âge de la mondialisation.
Jacques Rigaud parle ici de lui, de sa famille, de son passé, de ce qu'il aime, de ses rêves aboutis ou restés en suspens. Mais surtout, et c'est là l'essentiel du livre, il se penche sur son passé et aperçoit, à travers sa propre histoire, l'empreinte d'une génération, "la classe creuse" comme il l'appelle : tous ceux qui, nés au tournant des années 20-30, ont contribué à rebâtir la France de l'après-guerre, pères et mères de la génération de mai 68, hommes et femmes de l'ombre qui ont oeuvré à l'écart des grandes ruptures du monde, trop jeunes pour la guerre, trop vieux pour la décolonisation ou les rêves de 68, avec l'opiniâtreté des "missionnaires" : ils avaient le sentiment que l'Histoire leur avait confié la "mission" de réinventer l'avenir...
Sous des formes et avec une intensité variables selon les époques, l'Etat, en France, s'est toujours mêlé de ce qu'on appelle aujourd'hui la culture. Nos partenaires, d'Europe ou d'ailleurs, ne laissent pas de s'étonner de cette particularité française dont, selon le cas, ils s'inspirent ou se moquent. Dans le débat européen et la compétition mondiale des années quatre-vingt-dix, on commence à comprendre que la culture, même si elle demeure pour chacun un choix intime, est aussi un enjeu collectif de taille. Facteur d'identité des groupes et des nations, expression de l'esprit créateur, richesse économique, source d'emplois, voire de devises : la culture est tout cela. La France, étatiste, unitaire et encore monarchique par certains côtés, a une manière bien à elle de traiter la culture et revendique aujourd'hui à grand bruit cette exception culturelle qu'elle n'hésite pas à brandir à la face du monde sans trop se demander si elle la sert aussi fidèlement qu'elle le prétend.
Jean-Pierre Tuquoi, quarante-neuf ans, journaliste au Monde, est un spécialiste de l'Algérie, du Maroc, de la Tunisie.
Il a déjà publié deux livres : Emmanuel d'Astier, la plume et l'épée (Arléa, 1987, préface de Lucie Aubrac) ; et Notre ami Ben Ali : l'envers du miracle tunisien (La découverte, octobre 1999, préface de Gilles Perrault), qui fit grand bruit.
En enterrant Hassan II, à l'été 1999, les Marocains pensaient voir disparaître une conception hautaine et archaïque de la monarchie. Deux années plus tard, les espoirs mis en Mohammed VI, « M6 » comme on le surnommait affectueusement, s'envolent. Passées les premières mesures audacieuses et quelques gestes sympathiques, le « roi des pauvres » ne cesse de décevoir. Alors que les rumeurs circulent au Maroc sur sa vie privée, sur ses voyages, Mohammed VI ne s'exprime guère, n'a lancé aucune réforme d'envergure, travaille peu, déserte Rabat, la capitale, au profit des autres palais hérités de son père.
On est loin des audaces et du style flamboyant de Hassan II. Mohammed VI donne l'impression de s'ennuyer, comme si le pouvoir ne l'intéressait pas. Il y a donc une énigme Mohammed VI. Pour la percer, et entrevoir ce que pourrait être son règne, sur quoi se fondent tant d'espérance, il faut revenir sur ce qu'a été son enfance, ses années d'éducation, les rapports de « sidi Mohammed » avec son père. C'est un autre monde que l'on découvre alors, celui du palais, du harem, des petits complots, d'un luxe outrancier, et des excès... Un lieu de ténèbres. Mohammed VI a vécu à l'ombre d'un père jupitérien qui l'a broyé. Entre les Islamistes et les militaires, le Maroc risque d'en faire les frais.
Visant à éclairer le sens des principes générateurs de la démocratie moderne (l'égalité des conditions, l'autonomie de l'homme, l'indépendance des individus), Robert Legros tente, dans cet ouvrage, de montrer qu'ils ne sont pas simplement issus d'idées nouvelles, d'une compréhension de l'homme qui serait enfin libérée des préjugés et de l'obscurantisme, ni le simple produit d'un processus historique ou social, ou d'une transformation du mode de production, mais émanent plus profondément d'une expérience neuve d'autrui, de soi, de notre humanité ; mais aussi, dans le même temps, de l'au-delà, de la nature, de l'origine des normes, en un mot du monde. Il est vrai que l'égalisation des conditions, l'autonomisation et l'individualisation qui sont à la source de la démocratie suscitent une dissolution de toute image de l'homme, et font naître l'idée d'une indétermination essentielle de notre humanité. Pourtant la reconnaissance de l'autre comme semblable, instaurée par la démocratie, ne relève pas d'expérience sensible de notre humanité.
Dans quelle mesure l'expérience démocratique est-elle libératrice ? Telle est la question qui est au centre de cet ouvrage. Robert Legros tente de la traiter en s'inspirant de l'enseignement de la phénoménologie.
Il montre en effet que la démocratie est libératrice dans la mesure où son avènement (l'égalisation progressive des conditions) est lié à une mise en suspension des identités d'appartenance qui est indissociable de ce que la phénoménologie appelle une suspension du monde " naturel ", une mise entre parenthèses de toutes les évidences du monde quotidien. Et dans la mesure où cette mise en suspension collective des identités d'appartenance ouvre à une expérience d'autrui, de soi, du monde, qui incite à préserver l'indétermination essentielle de l'homme sans le dissoudre dans le vide d'une universalité abstraite.
Pascal Ory examine ici les lointains précurseurs de l'anarchisme de droite dans les figures souvent mêlées du dandy, de l'artiste bohème ou de réactionnaire fulminant, au cours d'une analyse centrée sur les thèmes du pessimisme, de la violence, de la virilité ; c'est tout un pan de la civilisation de cette fin de siècle qui est passé au crible. Pascal Ory est conduit à s'interroger sur le caractère éminemment "français", ou non, de l'anarchisme de droite, à évoquer les figures d'intellectuels comme Ernst Jünger ou Julius Evola, d'artistes comme Samuel Fuller... Ou Clint Eastwood. Ce livre est donc aussi un manifeste pour une "histoire des idées politiques" reconnaissant à un film policier ou à une bande dessinée la même dignité intellectuelle qu'à un traité théorique en bonne et due forme.
Deux journalistes, deux générations, deux expériences... Lacouture ? Il fut le grand contemporain de la décolonisation d'Extrême-Orient et d'Afrique du Nord. Correspondant à Saïgon, interlocuteur de Giap et d'Ho-Chi-Minh, témoin des évènements égyptiens de 1956, mendésiste, il a longuement médité, en tant que « journaliste engagé » sur les droits et les devoirs de sa profession - sur ses éventuels égarements, aussi. Guetta ? Sa grande affaire, ce fut la « décommunisation » de l'Est, les débuts de Gorbatchev, la Pologne de « Solidarnosc » - complété par un rôle de « correspondant permanent » aux Etats-Unis sous Reagan. Face-à-face, ces deux hommes dialoguent donc ici, confrontent leurs expériences, leurs enthousiasmes, leurs déceptions. Peut-on « tout » dire ? Choisir la vérité ou la « tamiser » ? Quelle est la place des convictions dans le devoir d'informer ? Ces questions - qui pourraient n'être que des questions de cours - sont ici traitées à partir d'expériences fortes, captivantes, profondément sincères et généreuses. On apprendra une foule de choses, au passage : sur Nasser, Norodom Sihanouk, Reagan, les Khmers Rouges, Walesa, Gorbatchev et tant d'autres. Le Monde et Le Nouvel Observateur sont, bien entendu, au centre de cette autobiographie croisée : n'importe quel journaliste débutant apprendra son métier en lisant ce livre frémissant.
La République est un trop beau combat pour que l'on consente à la voir confisquée par un étrange parti qui va de Jean-Pierre Chevènement à Charles Pasqua, en passant par Max Gallo, Régis Debray, Pierre Bourdieu ou Philippe Séguin.
Cat telle est la leçon que ces bons maîtres voudraient nous inculquer : la France, c'est la République jacobine recyclée par l'Empire ; ce modèle serait aujourd'hui le seul rempart contre l'horreur économique du capitalisme mondial : et quiconque - fût-ce par Corse interposée - écornerait l'Etat-Nation un et indivisible nous livrerait à la férocité du marché.
Et si le véritable risque n'était pas là ? Et s'il était moins dans l'autonomie des régions, ou dans le pouvoir nouveau des juges, que dans l'assoupissement nostalgique d'une France rêvée ? Entre le nihilisme moral et la restauration jacobine, entre les chimères de la pensée identitaire et la résurrection d'un néo-bonapartisme, il y a place pour les héritiers d'une tradition girondine, qui entendraient rénover et refonder une République inachevée.
En revisitant la question corse comme miroir et lapsus du modèle français, Jean-Marie Colombani remonte au coeur du malaise politique contemporain et propose une certaine idée de la République - démocrate, plurielle et girondine.
" Le conformisme a changé de camp. Ce n'est plus le vieux conformisme bourgeois qui règne, mais un nouveau " politiquement correct " à la française. Il est l'apanage des maîtres du moment : féministes, gays, communautaristes, croisés de l'anti-mondialisation, dévots de la pureté, apôtres du populisme, parmi d'autres. Leur discours est omni présent ; leurs aspirations triomphent ; leurs fantasmes fabriquent désormais l'imaginaire collectif. La société a abdiqué devant eux, comme elle le faisait autrefois devant les seules classes dirigeantes. Etonnant renversement de perspective : est devenue dominante l'idéologie de ceux qui ont l'intelligence de se présenter encore comme les dominés.
" Ni Dieu ni maître " : pourquoi le plus beau des principes ne s'appliquerait-il pas à nos nouveaux maîtres ? Pourquoi échapperaient-ils à toute interpellation. Pourquoi, exhibant, tels des quartiers de noblesse, leurs souffrances passées, ou leur marginalité d'hier, seraient-ils à l'abri de la critique qu'ils ont, à juste titre, développée à notre endroit ? "
Dix épîtres à nos nouveaux maîtres pour lever cette chape de plomb :
Ø Premier épître : à nous-mêmes, les mal pensants
Ø Deuxième épître : aux féministes
Ø Troisième épître : aux gays
Ø Quatrième épître : aux communautaristes de tous acabits
Ø Cinquième épître : aux zélotes des " ONG "
Ø Sixième épître : aux croisés de l'anti-mondialisation
Ø Septième épître : aux obsédés de l'anti-américanisme
Ø Huitième épître : aux dévots de la pureté
Ø Neuvième épître : aux apôtres du néo-populisme
Ø Dixième épître : à nous-mêmes, hypothétiques bien-pensants