Lorsqu'après de trop longues tergiversations, les dirigeants occidentaux se sont décidés à agir militairement contre la guerre entreprise au Kosovo par Milosevic, une certaine gauche s'est levée, scandalisée. Pour la première fois depuis l'effondrement du communisme, ces nostalgiques ont dû répondre à des questions qu'ils tenaient à distance : D'où vient l'épuration ethnique ? La guerre, faut-il la faire ? Avec qui ? Et contre qui ? Qui sont les victimes ? Les résistants ? Ou encore, la sortie du communisme, ça donne quoi ? Le nouvel ordre (désordre) mondial, faut-il le réduire à la toute-puissance américaine ? Et ils nous ont assené des slogans défraîchis. Tel un miroir, la bataille du Kosovo nous a révélé une certaine gauche identitaire dans la tête de laquelle le mur de Berlin n'est pas encore tombé. Avec cet essai qui s'ouvre sur une traversée du Kosovo d'après-guerre, Alain Brossat et Jean-Yves Potel leur opposent une réflexion lucide sur nos responsabilités nouvelles.
« Nous, femmes, il est indubitable que nous venons à la politique avec dans nos bagages les références de notre vécu. C'est une chance. La loi va venir en soutien du mouvement que nous avons provoqué. Les motifs de doute sur notre volonté de nous engager ou les tentations de dissuasion disparaîtront de fait. Mais il y a encore du chemin à parcourir pour que dans la sphère publique comme dans la sphère privée, égalité rime avec mixité. » Catherine Trautmann
L'Europe se débat pour se constituer en union, souvent sans plus savoir exprimer le sens de cette aventure. Pourtant, en 1999, avec la création d'une monnaie unique - l'euro -, elle va se créer comme nouvelle puissance mondiale et, de ce fait, elle représentera une menace pour les intérêts vitaux des États-Unis qui seront contraints de réagir pour défendre leur économie et leur monnaie nationale qui en est largement le soubassement. Ainsi, le conflit s'annonce, inévitable, mais dangereux parce que non prévu et non préparé. Les préjugés européens, favorables aux États-Unis, compliquent notre réflexion. Pourtant, les USA se comportent comme une puissance impériale, et sont devenus le compétiteur acharné de l'Europe. Celle-ci doit défendre ses positions et relancer son économie dans le cadre de cette compétition-là. Vue sous ce nouvel angle, l'Europe est un espoir grandiose - une Europe qu'il faudra sans doute penser alors avec la Russie. Ce court essai, documenté et pamphlétaire, est un salutaire appel à la réflexion et à l'espérance.
Abed Charef a décidé, dès 1993, de devenir « Grand reporter » dans son propre pays. Grand reporter était certes son métier, quand il était journaliste. Il avait même lancé en 1992 l'hebdomadaire La Nation, aujourd'hui dirigé par Salima Ghezali et interdit de publication. En 1994, il dut quitter l'Algérie pour quelques mois. Mais vivre en exil, spectateur passif du drame que vivait son pays, lui était insupportable. Il est donc retourné vivre avec sa famille « quelque part tout près d'Alger », d'où il nous a fait parvenir ce manuscrit. L'originalité et la force de ce livre se construisent à partir de la plus terrible réalité, vécue d'évidence jour après jour, pour nous mener peu à peu à une compréhension profonde de l'Algérie ! d'aujourd'hui. Mais Abed Charef n'est pas sans espoir Il s'agit de trouver les moyens de surmonter la crise : en regardant vers l'avenir. En préférant la justice au règlement de compte. En parlant de paix avant de parler de guerre Il ne s'agit pas ici de naïveté. Cette relative espérance est au contraire l'aboutissement du récit d'un épouvantable massacre dans les monts du Dharha. « Abdelkader Zeraoula est seul face à son drame. Seul face aux dix-sept cadavres de membres de sa famille, alignés dans la poussière, sous le terrible soleil du mois d'août ». La violente chronique est suivie d'une enquête rigoureuse, d'une analyse implacable des forces en présence, des responsabilités de chacun, des mythes nés de la crise algérienne. Voici donc un bouleversant témoignage de la douleur de l'Algérie, mais aussi un formidable souffle de vie pour ce pays
Le Var est-il une « exception culturelle » ? Ou, plus gravement, un laboratoire anticipant la crise de la société politique française ? Cette question qu'hésitent à se poser ceux dont la politique est le seul métier, et souvent le seul avenir, ne pouvait manquer de l'être par un doyen devenu député, ayant gardé de l'universitaire le sens de la provocation et le goût d'une certaine naïveté. S'interrogeant sur la place de la culture dans un département occupé par le Front national, suspectant les Conseils généraux et régionaux de provoquer, par nature, certaines dérives clientélistes, fustigeant le terrorisme juridique immobilisant les élus, l'auteur, en bon gaulliste, avoue ne plus se retrouver dans un monde politicien où la guerre des étiquettes l'emporte sur le débat d'idées. Souhaitant l'apparition de nouveaux clivages susceptibles de refonder l'opposition droite-gauche, et de redonner ainsi un sens à l'engagement politique, Jean-Pierre Giran a écrit un livre riche de son expérience varoise qui pose les questions de fond auxquelles est affrontée aujourd'hui la politique
Commenter la France, quel beau titre en cette période de nationalisme ! Un titre qui souligne bien le pari que tente ici Michel Wieviorka : revenir sur ses commentaires des années quatre-vingt-dix, garder et valoriser ce qui fut écrit à chaud, le regarder en savant - comme aurait dit Max Weber -, mais en s'interrogeant sur son engagement de chercheur, d'intellectuel dans la Cité, aux confins du politique. Michel Samson, hier responsable des « Rebonds » de Libération, et actuellement journaliste au Monde, a souvent sollicité des textes de Michel Wieviorka : « L'éditer dans les pages d'un quotidien, c'est dire au lecteur que le monde est plus compliqué (ou plus simple parfois...) que ce qui est décrit par le journal. » Le lecteur, lui, appréciera la force de ces propos réorganisés et mis en perspective. Il élargira sa perception de la montée de l'exclusion, de l'extrême droite, de la violence, de la différence culturelle, de la vacuité du politique, et il ressentira l'utilité de ce type d'intervention des intellectuels. Un livre clair et stimulant qui fera débat.
Une histoire de l'Ecole normale supérieure, replacée dans le contexte général des grandes écoles et de leur rôle dans les élites intellectuelles de la République.
Expliquant la réalité du délit d'ingérence, Jean-Marie Toppia énonce ses arguments pour pointer les errements de ceux qui gouvernent.
Novembre 1995, des millions de Français manifestent dans toute la France en une révolte contre la crise sociale, et plus encore identitaire, qui ronge la nation. Il convenait, pour saisir les enjeux de cette crise sociale et nationale, de revenir sur ce qui a constitué la spécificité de la construction de la nation française depuis deux siècles : une subtile alchimie entre le pacte républicain et le compromis social qui donnait corps à « l'exception française » et qui semble ne pas résister à la pression de l'environnement international. Ce livre montre que les débats au sein des partis politiques et de l'ensemble de la société (sur la construction européenne, la défense nationale, l'immigration, la délocalisation des entreprises...) ne font qu'exprimer le douloureux travail de redéfinition d'une identité collective ; travail pris en tenaille entre le repli frileux autour d'une image fantasmée de la « grandeur française », et le saut dans l'inconnu d'une mondialisation non maîtrisée. Un ouvrage au coeur de l'actualité.
Pour Pascal Perrineau et les auteurs qu'il réunit ici, le renouveau de l'extrême droite européenne n'est pas derrière nous. Depuis quinze ans, de nombreuses formations d'extrême droite ont recouvré un certain succès électoral : le Front national en France, le FPÖ en Autriche, le Vlaams Blok en Belgique, Romania Mare en Roumanie... Ces poussées, sans précédent depuis les années trente, ont pris plusieurs visages : résurgence d'une extrême droite traditionnelle, émergence de populismes d'un nouveau type, affirmation de partis protestataires, mutation de vieilles extrêmes droites en nouvelles droites radicales... Toutes prétendent répondre aux inquiétudes des sociétés post-industrielles. Cet ouvrage décrit ces phénomènes dans les différents pays de l'Europe, il cerne les cercles que les constituent électeurs, militants, organisations partisanes. Surtout, il dégage les logiques économique, sociale, culturelle et politique qui les favorisent, et il propose enfin une interprétation globale : les crispations de nos société face à la « société ouverte ». Un ouvrage de référence.
Ce livre a une qualité essentielle : quand on le lit, on a le sentiment de comprendre l'Algérie de l'intérieur. Les tentatives démocratiques de certains réformistes du FLN à la fin des années quatre-vingt, la naissance du terrorisme ; la lente montée du FIS, la reprise en main d'un État dirigiste ; les stratégies de la France et des États-Unis, le poids de la corruption, celui de la dette ; les choix du pouvoir - volontaires selon l'auteur - qui ont contraint les démocrates à opter pour le FIS ou pour l'armée, la logique des attentats, la spirale de la violence, les meurtres d'étrangers... Pris sous l'angle du récit chronologique, documenté, précis et vivant, cet essai est nourri de chacun de ces dossiers difficiles. Écrit par un journaliste algérien, qui malgré deux tentatives d'assassinat, a choisi jusqu'à présent de vivre et de travailler à Alger, ce livre a la force des textes écrits de l'intérieur des drames ; avec un vif souci d'objectivité, accessible à un large public, il vient à point nommé.
« D'importantes minorités musulmanes sont présentes dans la plupart des pays d'Europe. Nul ne doute plus de leur permanence au sein de nos sociétés. Parties de positions initiales disparates à l'égard de leurs communautés immigrées, les politiques des pays européens tendent à se rejoindre sur des comportements communs. Chaque société nationale a réagi suivant sa propre culture et toutes se posent des questions sur des évolutions qui se produiront comme sur celles qu'il conviendrait de favoriser ou de conduire. « Les musulmans ne doivent ni s'en aller ni se renier ni s'enfermer. Nous sommes astreints, par une obligation vertueuse réciproque, à rechercher une intégration soucieuse du maintien de l'unité de la société dans la diversité de ses composantes. Il y a des musulmans en Europe. Tout invite à ce qu'ils deviennent des Européens musulmans. Cela exigera autant de volonté, de sensibilité et d'intelligence que de respect. »
Cet essai est un texte de combat, de volonté et d'explication. Combat pour une identité française vivante, ouverte aux mouvements du monde et aux valeurs nouvelles qui l'animent ; volonté de ne pas laisser sans réponse la décision du Conseil constitutionnel de refuser la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ; mais aussi explication de l'histoire française des diversités culturelles. Dans un monde où globalisation et quêtes identitaires deviennent partout inséparables, la diversité culturelle et religieuse apparaît comme un atout. Certes, la France le reconnaît toujours chez les autres. Chez elle cependant la pression de pensée souverainiste rétrograde bloque les évolutions attendues et nécessaires. Comme si certains avaient perdu confiance dans la créativité du « génie français ». Un essai revigorant.
L'an 2000 a focalisé beaucoup d'imaginaires. Repartir sans horizon mythique, sans futur programmable, constitue un défi pour la prospective. D'autant qu'elle doit le faire dans un contexte inédit : celui de la gouvernance. Et avec un enjeu majeur : la démocratie. Un contexte inédit ? Oui, celui où « gouverner » n'est plus possible comme une souveraineté qui s'exercerait sans partage. En effet, d'un côté, une nouvelle réalité mondiale met en péril les fondements de l'action collective (le droit, la science, le politique) et, d'un autre côté, une capacité d'initiative renforcée chez les individus et dans les instances territoriales oblige à davantage de concertation. La gouvernance ? Elle vise à organiser le débat public, à donner sens aux projets, à faire naître des valeurs communes. Son exercice démocratique conduit à privilégier le processus sur l'acte de décider, l'humain sur l'institutionnel, la construction de repères collectifs sur l'application de règles universelles. Dès lors, il convient d'envisager une nouvelle prospective du présent qui lie gouvernance, innovation et changement, devient prospective de l'être collectif et accroît une intelligence partagée des acteurs. Prospective et gouvernance ont toujours partie liée : l'une concerne plutôt les savoirs, l'autre plutôt les pouvoirs. Mais dans une société qui se transforme en renouvelant ses modes de pensée, la prospective ne s'associe à la gouvernance qu'en entrant dans l'arène, en intervenant elle-même dans l'action créatrice de nouveau.