Louis Witter a passé dix-huit mois dans le Nord-Pas-de-Calais. Dix-huit mois à enquêter sur la stratégie de politique intérieure lancée par Bernard Cazeneuve et renforcée par Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : celle dite du « zéro point de fixation ».Caractérisée par des battues ou chasses à l’homme organisées toutes les 48 heures, cette stratégie de gestion policière des campements de migrants a pour but de dissuader les personnes de s’installer et de se regrouper : une manière de gouverner par l’image, l’exemple et la violence.Dans ce livre, à mi-chemin entre l’enquête et l’essai, Louis Witter montre comment la politique locale, le droit, les politiques institutionnelles et les pratiques policières œuvrent de concert pour légitimer toujours plus de violences envers les personnes étrangères.Un phénomène qui témoigne d’un rapport particulier, inquiétant et renouvelé que la police et l’État entretiennent avec l’étranger et la citoyenneté. Louis Witter est journaliste. La Battue est son première livre.
La crise des démocraties est devenue un lieu commun. Partout dans le monde, et malgré les histoires et cultures politiques spécifiques de chaque pays, on assiste aux mêmes phénomènes : défiance face aux institutions, malaise dans la représentation, abstention record ou clientélisme lors des élections, multiplication des revendications de droits individuels, haine du pouvoir élu... Olivier Mongin reprend à nouveaux frais la question démocratique en s'inquiétant de ce qu'il diagnostique comme la disparition du politique. Les institutions ne garantissent plus le lien social, elles provoquent au contraire inégalités, divisions et violence. En « bas » comme en « haut », chaque plan est soumis à des contradictions insolubles, à des apories théoriques et pratiques qui imposent une nouvelle réflexion sur les médiations possibles. Alors que l'individualisme devient toujours plus radical, que l'étranger et le migrant sont perçus comme des dangers pour l'identité nationale, que le contrôle des citoyens et la violence policière s'aggravent, que les pouvoirs autoritaires et illibéraux surfent sur la vague populiste, ce livre cherche comment refaire de la politique en démocratie. Grand lecteur de Paul Ricoeur, Olivier Mongin trouve une source féconde dans sa pensée du pluralisme démocratique comme dépassement du « paradoxe politique » : source de violence, le politique est aussi, doit être, foncièrement, projet de réduction de la violence.
Directeur de la revue Esprit de 1988 à 2019, Olivier Mongin a été éditeur au Seuil et chez Hachette. Il co-préside l`association Paul Ricoeur à Paris. Il a publié entre autres une trilogie des passions démocratiques, des ouvrages sur la vie intellectuelle et politique, sur Paul Ricoeur, sur le cinéma, et sur l'urbanisation.
Préface de Frédéric Worms
La dissolution de l'URSS et la guerre du Koweït ont signé en 1991 la fin du XXe siècle. On imaginait alors un XXIe siècle dominé par les États-Unis, hyperpuissance militaire et économique. Mais ce " siècle américain " a avorté entre 1997 et 2003. La crise financière internationale de 1997-1998 a suscité l'irruption de nouvelles stratégies économiques, le sursaut de la Russie, la rupture de nombreux pays latino-américains avec le modèle américain et l'émergence de la Chine comme pivot de la stabilité en Extrême-Orient. En tentant de restaurer leur hégémonie par la force, les États-Unis ont engendré, en Afghanistan et en Irak, deux désastres militaires et politiques. Alors qu'ils faisaient figure de victime le 11 septembre 2001, ils sont aujourd'hui isolés diplomatiquement et doivent affronter l'image de Guantanamo et des tortures à Abou Ghraïb. Sous nos yeux naît un nouveau XXIe siècle, sans puissance régulatrice, marqué par un monde multipolaire et où la souveraineté nationale redevient un axe clé de la pensée politique. Las, les élites européennes tardent à reconsidérer leurs politiques à l'aune de cette nouvelle donne. Comme leurs aînées incapables de comprendre le XXe siècle ouvert par la " Grande Guerre ", elles s'accrochent à des prismes politiques obsolètes. Pour combattre la répétition de cette erreur funeste, Jacques Sapir s'attache à montrer quelles leçons la France et l'Europe devraient tirer d'une perception plus juste du siècle qui vient.
Jacques Sapir, directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'École économique de Moscou, a notamment publié : Les Économistes contre la démocratie (Albin Michel, 2002), Les Trous noirs de la science économique (Seuil, " Points Économie ", 2003), Quelle économie pour le XXIe siècle ? (O. Jacob, 2005), La Fin de l'eurolibéralisme (Seuil, 2006).
L'autre société
Le culte de l'individu et la mondialisation du capitalisme n'ont pas accompli la promesse moderne de l'émancipation. Ils ont défait les liens sociaux, sans lesquels aucune liberté ne peut grandir. L'hyperlibéralisme engendre une dissociété violente et désordonnée, qui finit par susciter un rappel à l'ordre obscurantiste et antidémocratique. Le défi du XXIe siècle est ainsi de penser une autre société instituant des liens sociaux qui libèrent les individus. Ainsi Généreux renoue avec l'essence du projet socialiste, mais en le refondant sur l'état contemporain des savoirs quant au fonctionnement des êtres humains. À la lumière des sciences de l'homme, et à l'opposé d'une gauche " moderne " qui court derrière des idées libérales dépassées, l'auteur dessine une République sociale et écologique, une " société du progrès humain " qui dépasse la modernité pour en accomplir la promesse.
Jacques Généreux
Auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages, est professeur à Sciences Po. Cet ouvrage est le deuxième opus d'une refondation anthropologique de la philosophie politique, économique et sociale inaugurée par La Dissociété (Seuil, 2006 ; 3e éd ., 2011).
http : //genereux.info
Cet ouvrage a fait l'objet d'une 1re édition sous le titre Le Socialisme néomoderne ou l'Avenir de la liberté (Seuil, 2009).
Depuis les grands classiques qui ont fondé la sociologie des organisations, de Weber à Crozier-Friedberg en passant par les Américains, Merton, Selznick, March et Simon, entre autres, des approfondissements significatifs ont eu lieu que cet ouvrage présente de manières accessible.
L'école dite des conventions (Boltanski et Thévenot) aborde l'organisation à travers la recherche du principe unificateur, de "ce qui fait tenir". Il s'agit des "conventions", accords implicites qui fondent les "mondes" présents dans les organisations.
L'école de la traduction (Callon, Latour), s'intéressant aux conditions de production de la science, montre la place des réseaux où les acteurs/actants produisent de la coopération à travers des opérations de traduction.
La sociologie des logiques d'action insiste sur les dimensions historiques et culturelles de l'acteur et refuse de s'attacher à des écoles particulières pour se servir de manière pragmatique de leurs différents concepts (pouvoir, rationalité, régulation, identité, mondes, réseaux socio-techniques). Utilisés de telle sorte, ils permettent d'acquérir une méthodologie pratique pour comprendre les organisations.
Ces quatre ensembles constituaient le corps des deux premières éditions. Il est repris dans cette troisième édition et augmenté d'un nouveau chapitre entièrement inédit présentant les dernières approches de la sociologie des organisations: réseaux, fin des frontières, nouvel esprit du capitalisme, socio-économie, intervention et métissage, et enfin la nouvelle manière de traiter le thème de la coopération.
Troisième édition augmentée d'un chapitre inédit.
Pour la quasi-totalité des « compétiteurs » politiques, le vote est un jugement porté par les électeurs sur les options présentées par les camps en présence. Toute voix obtenue est considérée comme une approbation des principes fondamentaux de son bénéficiaire. La théorie démocratique postule des citoyens attentifs aux événements politiques, au fait des problèmes et instruits des idéologies en lice, exprimant en définitive par leur vote un choix réfléchi et motivé. C'est une tout autre réalité que dévoile l'analyse sociologique...
Semaine de 40 heures, retraite à 60 ans, drop-out scolaire, travail ménager contesté... : du temps libéré, pourquoi faire ? Le loisir est une de nos grandes obsessions et pourtant il reste mal connu : ses dimensions réelles sont cachées par la représentation dominante, stéréotypée, mythique de ses rapports avec le travail et les autres engagements sociaux. L'ignorance de ces relations dans la dynamique des mutations culturelles et sociales de notre temps, rend la réflexion théorique illusoire et la politique culturelle aveugle. Le loisir ne se réduit pas au temps libéré par le progrès économique et la revendication sociale. Il est aussi création historique, née du changement des contrôles institutionnels et des exigences individuelles. Tout en étant conditionné par la consommation de masse et la structure de classe, il est de plus en plus le centre d'élaboration de valeurs nouvelles, surtout dans les jeunes générations : mises en question des règles du travail professionnel et scolaire, de la vie familiale, socio-spirituelle et socio-politique. Il a donné naissance à un mouvement social qui va ébranler et modifier non seulement les structures de la société mais, plus radicalement, les orientations de la vie elle-même.
Que savez-vous des promoteurs ? Tout le monde affirme qu'ils gagnent trop d'argent, qu'ils organisent la spéculation, qu'ils favorisent l'inflation et qu'ils détruisent le paysage urbain. S'il gagnent trop d'argent, comment et combien ? S'ils organisent la spéculation, peut-on s'en défendre ? Et sont-ils les seuls à profiter de la pénurie des terrains ou des logements ? S'ils favorisent l'inflation, ne peut-on trouver une politique de la construction qui préserve l'équilibre économique ? S'ils détruisent le paysage urbain, n'est-ce pas avec l'accord tacite, si ce n'est avec les encouragements, de la classe politique au pouvoir ? L'action des promoteurs est au coeur des problèmes quotidiens de chaque citoyen. Connaître les rouages du système de la promotion est donc une condition pour agir sur l'environnement, pour modifier le cadre de vie, pour intervenir dans la politique de l'habitat. Comment naît une tour, quelles sont les grandes banques qui dirigent des groupes immobiliers, y a-t-il beaucoup de dérogations, quel est le principe de la publicité immobilière, peut-on être protégé par la loi en acquérant un logement ? Au-delà des scandales qui défraient périodiquement la chronique, il est temps d'aborder sans fard les vrais problèmes de la promotion et des promoteurs.
En France, le pouvoir central est si envahissant, que les pouvoirs locaux paraissent souvent quantité négligeable. Cependant, l'intégration nationale dépend - en grande partie - de l'équilibre instauré dans le système politico-administratif entre le centre et la périphérie.
Largement hérité de la IIIe République, le système politico-administratif local, lieu d'interaction et de la légitimation réciproque des bureaucrates et des notables, définit un jacobinisme apprivoisé, dans lequel les détenteurs du pouvoir périphérique grignotent constamment la volonté rationalisatrice centrale, au profit des exigences locales.
Vu d'en bas, l'État apparaît ainsi - très largement - comme un colosse aux pieds d'argile, empêtré dans des rapports de clientèle, neutralisé en même temps que soutenu par les réseaux notabiliaires, qui se développent à la jointure des organisations bureaucratiques et des institutions de représentation.
Il semble, cependant, que cette mécanique complexe et mal connue d'équilibre des pouvoirs soit en train de s'enrayer, entraînant ainsi, avec la fin de l'administration républicaine, la disparition d'un mode d'intégration nationale.
Loisir et Culture (1966) démontrait que le loisir, vécu à l'échelle d'une ville entière, ne se réduit pas à une consommation standardisée, mais qu'il est aussi un cadre diversifié d'accès à des valeurs culturelles de niveau inégal, réparties de façon variable selon les classes sociales. Aujourd'hui (1976), une nouvelle étude de cette même ville (Annecy) précise dans quelle mesure, selon les classes et les âges, ces valeurs sont dépendantes ou indépendantes de celles du travail, des obligations familiales, des engagements socio-spirituels ou socio-politiques et des niveaux d'instruction. Une observation participante, accompagnée d'enquêtes menées entre 1956 et 1975, a permis d'établir dans quelle mesure l'avènement de la télévision de masse, les troubles de la guerre d'Algérie, les espérances de mai-juin 1968, ont affecté l'évolution des activités sportives, artistiques ou intellectuelles proposées par les associations volontaires et les services publics. Les rapports de soumission ou de rébellion de la structure d'animation correspondante avec les institutions et les idéologies dominantes, sont examinés sous l'angle de l'émergence difficile d'une société éducative, de même que les changements de cette structure provoqués par les progrès conflictuels de la commercialisation et de l'institutionnalisation de l'action culturelle. Enfin, l'apparition, à partir de mai 1968, d'un mouvement social orienté vers la revendication d'un pouvoir culturel, est analysée à travers ses vissicitudes.
La crise a effacé l'image à la fois orgueilleuse et banale que les sociétés industrialisées aimaient à donner de leur avenir. Mais elle risque de les enfermer dans un souci myope de la conjoncture économique. Pour sortir de la crise, ne faut-il pas, beaucoup plus que réparer les conséquences d'un accident, reconnaître que nous changeons de société et de culture ? Ce livre, préparé au sein d'un groupe international qui s'est réuni pendant deux ans, à Turin, puis à Paris, ne considère que les changements des sociétés économiquement les plus avancées mais, dans ce cadre à la fois limité et important, s'efforce de lier trois champs de réflexion : les transformations de la culture, celles des rapports sociaux et de l'État, l'apparition de nouveaux objectifs politiques. Ses auteurs n'acceptent plus la distance, devenue insupportable, entre la réalité historique d'aujourd'hui et les idées auxquelles la plupart des observateurs recourent pour l'analyser. Ils se méfient des exégètes et des doctrinaires ; ils veulent aussi aller au-delà de l'utopie. Pour eux, la crise est moins une situation que notre impuissance à comprendre, à accepter et à orienter les mutations en cours. C'est en analysant ce que devient la production, la famille ou l'État que nous préparons ce renouveau de l'action politique qui peut conduire ces sociétés au-delà de la crise.
Avons-nous perdu la société ? Les discours anciens ne la saisissent plus : les révoltes se placent hors d'elle ou dans sa marge.
Rarement société a détourné son regard aussi opiniâtrement de son propre corps et de ses mouvements.
Et pourtant, crises, conflits et choix politiques nous rappellent au présent.
Il faut réapprendre à regarder une société qui commence à prendre forme après une époque de transformations aveuglantes. Mais ce regard ne peut être impersonnel, et le sociologue s'interroge sur la manière dont il produit son analyse.
Journal intellectuel, écrit de l'automne 1974 au printemps 1976, la Société invisible construit par morceaux une image de la société, en interrogeant les événements politiques, les débats intellectuels et le sociologue lui-même.
Alain Touraine
La France, en ce début des années 80 - comme d'autres sociétés occidentales -, traverse un étrange passage à vide. Des individus, des groupes, les intellectuels eux-mêmes, paraissent se mettre en retrait du social et de l'idéologie. Derrière la cacophonie trompeuse de l'information, règne, en fait, un énorme silence. Comme une panne de la production de sens, une panne de toute transcendance. Le vide social, cette crise multiforme, n'est pas la fin de l'histoire, mais une sorte de ruse partagée confusément par tous, une manière de vivre en attendant. Mais en attendant quoi ? Quelle prodigieuse mutation ce vide prépare-t-il ? Quel est le lien entre cette crise de la société civile et de l'État, et les nouvelles pensées qui se cherchent autour de notions comme celles d'autonomie ou de système ? La société du vide d'Yves Barel est sans doute la première analyse en profondeur de ce qu'on appelle de manière trop simpliste la crise. Elle ouvre vers l'avenir des chemins encore largement inexplorés. Ce n'est pas si fréquent.
C'est vrai, les entreprises françaises changent. Prises dans la tourmente économique et le tourbillon technologique, elles relèvent des défis et s'engagent sur la voie de la modernisation. Flexibilité, participation, innovation sont les maîtres termes que l'on décline sur tous les tons, véritables mots de passe pour accéder au paradis convoité du post-taylorisme. Mais, à y regarder de plus près, en dépit des mouvements qui traversent l'entreprise et concentrent toutes les curiosités, les hommes et les femmes ne continuent-ils pas de trimer selon la bonne vieille logique taylorienne ? Les autres solutions imaginables sont incertaines, mais aussi, et surtout, le consensus réel dans l'entreprise n'est pas assuré, ce qui conduit nombre de directions à adopter une politique d'organisation du travail plus que prudente. Tant que la confiance ne règnera pas, ne vaut-il pas mieux attendre ? Et user du participatif comme d'une véritable panacée en espérant des jours meilleurs ? Pourtant il n'est pas sûr que cette politique, que l'on pourrait assimiler au fond à celle de l'autruche, soit la plus efficace.
Aucun individu, aucun groupe et pas une société ne peuvent se passer - durablement - de produire du sens. Du sens, c'est-à-dire un horizon discernable, un système de références, un fondement quand ce n'est pas, plus modestement, une simple raison de vivre, de survivre et d'espérer. Ils s'y emploient donc et y parviennent, même quand, périodiquement, le défi, le déni ou le dépit veulent tuer ou exténuer le sens. Mais produire du sens fut sans doute, dans l'histoire, l'entreprise la plus difficile qui soit. Et elle le reste. Il s'agit d'unir ce que tout devrait opposer : le sens venu ou imposé de l'extérieur - la transcendance - et celui - immanence ou autoréférence - venu de l'intérieur. Cette question du sens hante aujourd'hui plus que jamais nos sociétés au ciel vide, nos groupes en panne de transcendance. Or, les Grecs, en leur temps, et en même temps qu'ils inventaient la politique - ce qui n'est pas un hasard -, ont créé la matrice vers laquelle maintenant encore nous retournons quand nous voulons créer du sens, ruser avec lui, apprendre même - provisoirement - à nous en passer. Comment les Grecs ont su résoudre cette question fondamentale, voilà ce que Yves Barel propose ici de raconter. Si ce livre était un roman ce serait un roman à clefs. Car c'est bien de nous, en cette fin du XXe siècle, qu'il est aussi question.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Des milliards de fonds publics, régulièrement injectés dans la sidérurgie des marchés publics garantis à l'informatique américano-française ; à Dassault, à Thomson ; des prêts de faveur à Peugeot, pour racheter Citroën à Michelin ; le secteur public mis en déficit pour le bénéfice de ses plus gros clients et fournisseurs ; une fiscalité des sociétés au service des concentrations et des liquidations d'entreprises, etc. Autant de faits caractéristiques d'un système en crise, qui ne peut survivre sans sa drogue, son financement massif par l'État.
Faut-il parler de « cadeaux aux trusts » ? C'est davantage une donnée structurelle de la phase actuelle du capitalisme : le capitalisme monopoliste d'État.
Comment un gouvernement de Gauche, héritant d'un tel système, parviendrait-il à ne pas « casser la machine », sans pour autant « gérer le capitalisme » ? C'est ainsi que l'on présente, souvent, l'alternative ou le défi. En réalité, ce qu'il faut, c'est changer la machine elle-même, par des réformes de structure profondes, au premier rang desquelles figurent les nationalisations prévues par le Programme commun de la gauche. Elles seules, permettront de développer un nouveau type de croissance et de passer de l'étatisation actuelle à l'autogestion nationale.
De toute part, les informations économiques nous assaillent, sans que nous puissions toujours démêler le vrai du faux, les faits incontestables, des interprétations les plus diverses. Les mécanismes économiques nous paraissent déployer leurs contraintes bien au-delà de notre portée. Or, en même temps que nous sommes spectateurs de la vie économique, nous en sommes aussi acteurs. Comment nous situons-nous dans le circuit économique par nos revenus, notre consommation, notre travail, notre attitude à l'égard des conflits sociaux ? Quels rôles y jouent les entreprises, les administrations, les banques, les pays étrangers ? À quoi peut-on juger une économie ? À sa croissance ? À ses équilibres ? Peut-on la modifier ou changer les règles du jeu ? Initiation de base, cet ouvrage nous permet, à travers des tests, des schémas, des tableaux statistiques, de situer à la fois nos connaissances et nos options par rapport à l'approche qui est ici proposée.
Les commerçants sont les nouveaux contestataires de la société française. Ils barrent les routes, enlèvent des personnalités, mettent à sac des perceptions ou des caisses de retraite. Ils s'en prennent aux pouvoirs publics qui, il est vrai, ont commis à leur égard un certain nombre d'erreurs. Mais la vraie raison de leur révolte est ailleurs : c'est la révolution commerciale qui bouleverse les structures économiques et sociales de la distribution française, comme elle a bouleversé celle de tous les pays industrialisés.. Par l'imagination et le génie commercial d'hommes seuls et sans capitaux, le commerce français a plus bougé, depuis quinze ans, que durant tout les siècle précédent. Ces novateurs sont la bête noire des commerçants traditionnels, mais sont aussi la providence des consommateurs. L'État va-t-il entraver leur action pour apaiser la fronde des commerçants ? Va-t-il, de la sorte, bloquer un secteur de plus dans la société française ? Les révoltés auront-ils raison des révolutionnaires ? Une industrie qui tente d'épouser son siècle va-t-elle demeurer tributaires d'une distribution qui divorce du sien ?
La spéculation fait partie intégrante de l'économie libérale : la liberté d'entreprendre contient celle de spéculer : nul besoin là de fabriquer ou de transformer, il suffit de posséder. À l'entreprise succède ainsi l'agiotage, à l'économie de production l'économie de rente. Le jeu chasse l'effort, et le désordre s'étend. La valeur du bon tuyau est telle, que la structure même de l'information, qui constitue désormais un nouveau champ d'inégalités au sein de la société, est profondément modifiée. On spécule sur les terrains à bâtir, sur les oeuvres d'art, sur les monnaies, sur les matières premières, etc., entraînant inévitablement l'inflation et le désordre des marchés. L'accroissement de la dépendance des économies nationales vis-à-vis d'un marché mondial incontrôlé et incontrôlable, laisse prévoir une évolution chaotique, des crises renouvelées, voire des dislocations du système. À quelles conditions un gouvernement de gauche pourrait-il maîtriser la spéculation ?
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
L'idéologie est omniprésente. Au même titre que la production économique et l'organisation politique, elle est l'une des trois dimensions consubstantielles à toute société. L'idéologie est la culture commune à tous les hommes que la société fait vivre ensemble, en de nombreux groupes de convivance reliés en un réseau plus ou moins vaste. Elle s'enrichit de la culture plus raffinée que les appareils idéologiques, peu à peu spécialisés, font circuler dans ce réseau. En chaque société, les appareils et le réseau composent une structure idéologique, de type variable, que les luttes de classes mettent sous tension. L'exploitation économique et la domination politique ont ainsi, pour répondant, une hégémonie idéologique, garante de l'ordre établi et du consentement que lui accordent les hommes-en-société. Les nations s'identifient, les classes prennent conscience d'elles-mêmes, sous cette tension hégémonique. Les us et coutumes s'élaborent, les religions naissent et meurent, les arts et les sciences se cherchent sous cette même tension omniprésente. Omniprésente et impérissable : l'abolition de l'exploitation et le dépérissement de l'État sont concevables et réalisables ; la fin des idéologies est un pur non-sens. D'où l'immense prix de cette invention due à Marx : la prise de distance critique dans l'idéologie.
Vivons-nous la fin de l'âge politique ?
C'est ce qu'affirme implicitement la science politique dominante, à la suite des principaux théoriciens américains tels que Parsons, Deutsch, Easton, Dahl, Blau, etc. Sous l'influence grandissante de la science et des techniques, les sociétés occidentales seraient parvenues à rejeter les chimères idéologiques génératrices des déséquilibres et des conflits permanents. Il serait désormais possible à des élites professionnelles politiquement neutres d'organiser scientifiquement la société, dans le sens de l'intérêt général, à l'écart des phénomènes anciens de pouvoir et de domination.
L'administration scientifique des choses par des élites spécialisées remplacerait le gouvernement des hommes, cependant que la masse des citoyens se contenterait de son intégration dans des groupes primaires affectifs.
Pierre Birnbaum montre que ces tendances actuelles sont un nouvel avatar des courants organicistes et positivistes du dix-neuvième siècle (Saint-Simon, Spencer, Auguste Comte, etc.) qui s'opposent aux théories classiques de la démocratie fondées sur la participation des citoyens.
Le bilan critique de ce modèle dominant devrait permettre de réagir contre ce qu'il faut bien appeler une régression et une tentative pour détourner les hommes de la maîtrise de leur destin collectif.
Quoi de commun entre un indigène d'Afrique du Sud et un ouvrier de Détroit ? Entre un paysan de l'Ancien Régime et un exclu de la société avancée ? Tous ont été, ou sont encore, des terrains de recherche pour les sociologues et les ethnologues, des matériaux de l'observation de l'homme, de la science de l'homme. Peut-on, dès maintenant, élaborer une théorie générale de l'observation sociale ? Pourquoi aujourd'hui ne pas observer les observateurs de l'homme ? Historiquement, leur pratique s'est inscrite au coeur des rapports sociaux qu'ils prétendaient étudier en toute objectivité. Quels étaient les termes de l'échange entre observateurs et observés, groupes sujets et groupes objets ? À travers divers documents de l'histoire des sciences sociales sont dévoilées les mises en scène des enquêtes menées depuis deux siècles en Occident, leurs conditions historiques, culturelles et politiques. Questionnant des frontières faussement évidentes, cet ouvrage analyse de façon critique l'insertion et le rôle des sciences humaines dans différents types de sociétés contemporaines et la lumière qu'elles jettent, à leur corps défendant, sur leur environnement.