Est-il possible de parler de l'histoire de l'Algérie des origines à nos jours en France de manière impartiale sans que cela suscite polémiques, diatribes et anathèmes ? Tel est le but que s'est fixé l'historien Emmanuel Alcaraz. Dans une approche originale, il offre une synthèse limpide et éclairante sur cette histoire qui continue de miner le présent des sociétés françaises et algériennes.
De Jugurtha luttant contre Rome à la conquête arabe, des corsaires d'Alger à la colonisation française, de la guerre d'Algérie à la guerre civile algérienne dans les années 1990 en allant jusqu'au hirak, Emmanuel Alcaraz revisite chaque étape de ce riche passé en utilisant de nouvelles sources tirées des Archives et des témoignages oraux, le tout agrémenté de sa connaissance du terrain algérien, de l'historiographie et de son égo-histoire.
Dans une France marquée par l'indépendance algérienne, terre d'accueil pour les immigrés algériens, l'auteur s'intéresse également aux origines de la montée en puissance des droites extrêmes. Il étudie comment les discours des droites radicales se sont construits dans un esprit de revanche contre les immigrés, par rapport à la blessure narcissique de la perte de l'Algérie française.
Faisant appel à la méthode historique la plus rigoureuse, l'historien interroge l'avenir de la nation algérienne entrée depuis le mouvement populaire de 2019 dans une nouvelle séquence de son histoire, qui ne peut se poursuivre sans la France, avec les Lumières et les ombres du passé à assumer des deux côtés de la méditerranée pour ne pas entrer dans l'avenir à reculons.
Depuis quelques décennies, historiens, archéologues et anthropologues mettent au jour l`existance de brillantes civilisations sur l`ensemble de l`Afrique subsaharienne. Si l`histoire de ce continent, berceau de l`humanité, a longtemps été sous estimée voire niée, il est temps d`en reconnaître aujourd'hui toutes les richesses. Dans cet ouvrage, l`auteur présente la spécificité de la partie occidentale, bornée par l`Atlantique. Face à cet océan hostile, c`est donc plutôt le long des fleuves que se sont constitués les puissants empires du Niger et du Congo, suzerains de royaumes vassaux dont l`histoire intérieure comme celle de la géopolitique suit une logique d`adaptation aux milieux naturels de la savane ou de la forêt dense. Les hommes y ont répondu en développant des systèmes agricoles et artisanaux qui permettaient des échanges interrégionaux prolongés jusqu`en Méditerranée grâce aux caravanes transsahariennes. Cet ensemble économique très élaboré était sous-tendu par une organisation politique et sociale qui reposait sur des monarchies secondées par des administrations et des aristocraties tout à fait comparables aux systèmes européens. Devant la puissance de la nature, les religions et les philosophies développèrent des systèmes d`explication sous formes de mythes qui font toute la richesse d`une littérature orale qui s'est transmise par les griots. L`auteur conteste l`image classique et totalement erronée d`une Afrique monolitique, privilégiant le concept des Afriques. Même si l`on peut dégager des traits communs, la diversité des cultures et des histoires oblige à une présentation régionale mettant en exergue toute la complexité et l'ingéniosité de ces sociétés en marche dans l'histoire depuis toujours.
Toutes les familles ont leur histoire. Celle des dos Santos est extraordinaire. Elle met en scène un père autoritaire, une fille milliardaire, un fils en prison, un général effrayant et de nombreux intrigants. Elle se déroule en Angola, champion pétrolier lusophone dont la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour, et dans sa capitale Luanda, longtemps présentée comme la « Dubaï de l'Afrique ». Arrivé au pouvoir presque par hasard, le père distribue pendant trente-huit ans les ressources du pays à ses proches. Cela fait de lui le chef tout-puissant d'un clan devenu très vite très riche. Ils sont intouchables. Leur règne s'annonce éternel. Jusqu'au jour où le boss est contraint de passer la main. Le nouvel homme fort, pourtant membre de la bande, veut faire le ménage. Dans son viseur, le système dos Santos. Rebondissements, coups tordus et manipulations, tels sont les ingrédients de cette haletante saga familiale. Ce livre est le fruit d'une longue enquête nourrie de faits, d'observations de terrain et d'analyses d'experts. Il comporte néanmoins une part de fiction pour mieux plonger le lecteur dans l'ambiance du pays et l'intimité imaginée de la famille dos Santos.
Dans un contexte d'intensification de la compétition internationale des territoires, les villes rivalisent de stratégies pour accroître leur rayonnement et améliorer leur attractivité. Marseille ne déroge pas à la règle. Ce livre analyse les politiques internationales qui visent à promouvoir une nouvelle image de Marseille, accueillante pour les investisseurs, les touristes ou les organisateurs d'événements culturels ou sportifs.
Quelles sont les facettes de Marseille mises en avant pour projeter la ville et son territoire au-delà des frontières locales et nationales ? Quels liens la municipalité tisse-t-elle avec ses homologues étrangères ? Comment la Région promeut-elle ses intérêts auprès de Bruxelles et parvient-elle à décrocher des fonds européens ? Quel est l'enjeu d'accueillir à Marseille une antenne de la Banque Mondiale ? Quels sont les effets d'une candidature à un événement international sur les recompositions des pouvoirs urbains ?
Le livre répond à ces questions et analyse les conditions de possibilité de l'internationalisation de Marseille, métropole morcelée.
Face aux changements politiques (colonisation, décolonisation, autoritarismes et démocratisation), socioéconomiques (libéralisation, mondialisation des échanges, flexibilité et précarisation de l'emploi, bouleversements au sein de la famille) et religieux (montée de la piété, médiatisation du religieux, émergence de nouvelles autorités) en Afrique, les femmes ont inlassablement et profondément posé leur marque.
En écho à ces différents contextes, ce livre s'inscrit dans plusieurs tendances de la recherche : faire état de l'hétérogénéité du militantisme politique féminin et des recompositions des rapports de genre au cours du XXe siècle ; revisiter les concepts d'empowerment et de religious agency et démontrer leur efficience et leurs limites sur le terrain empirique ; analyser les conditions dans lesquelles s'inscrivent les migrations internationales des femmes et leurs effets sur leur statut, leur vie de couple, leur vie familiale et leurs aspirations.
La perspective de cet ouvrage est de faire état de processus émancipatoires distincts et ambivalents, voire contradictoires de femmes non seulement à travers leurs luttes et prises de position politiques ainsi qu'à travers leurs choix d'activités professionnelles, mais aussi en fonction du rapport au corps, des hiérarchies et normes sociales contraignantes, des référents culturels souvent normatifs et des nouvelles opportunités existantes et ce, à différentes échelles (couple, famille, sphère publique, scènes locale, nationale, sous régionale et internationale, zone urbaine/rurale). Aussi, il s'agit d'analyser les forces et limites de ces processus émancipatoires, leurs avancées et leurs reflux pour montrer en quoi ils sont en cours de construction, fragiles et lents. Cette lecture nuancée de ces dynamiques a été menée selon une optique pluridisciplinaire et un souci de mener des recherches empiriques dans plusieurs pays du continent.
L'affranchissement individuel au sein d'une société à esclaves ou esclavagiste informe sur des situations singulières ou exceptionnelles. Dans une perspective comparatiste, cet ouvrage examine les parcours originaux de ces affranchis entre le XIVe siècle et le début du XIXe siècle, et dans un vaste espace méditerranéen et atlantique - entre la péninsule Ibérique médiévale, les Antilles et l'Europe moderne.
Il retrace la vie et le destin de ces individus, majoritairement d'origine africaine, et pose des questions importantes. Quelles ont pu être les stratégies et l'agentivité développées par ces femmes et ces hommes pour gagner leur liberté ? Quel était ce rapport paradoxal entre dispositifs juridiques ouvrant vers l'affranchissement et représentations sociales et culturelles persistantes déconsidérant les individus affranchis ? Quelles ont été leurs possibilités d'intégration ? Comment et pourquoi la « macule servile » s'est-elle maintenue dans le temps alors que les nouveaux Libres et leurs descendants ont pu occuper des situations économiques importantes ?
En 2002 se sont déroulées dans l'État du Gujarat les plus graves attaques contre des musulmans qu'a connues la République indienne depuis 1947. 2 000 d'entre eux ont péri au cours des violences qui ont duré près de six mois tandis que 150 000 autres ont été contraints de fuir définitivement leur logement, attaqués par des nationalistes hindous agissant avec la complicité des autorités locales.
Charlotte Thomas propose la première exploration du ghetto musulman de Juhapura, qui s'est formé à la suite de ces pogroms. Elle analyse les stratégies de domination mises en oeuvre par les pouvoirs publics à l'encontre de cette minorité. Elle révèle la discrimination, la ségrégation économique et spatiale, le manque d'accès aux services publics de base que subissent les musulmans de Juhapura. Mais l'auteur dévoile aussi les tactiques de résistance qui répondent à ces stratégies de domination, ainsi que le développement socio-économique à l'oeuvre au sein du ghetto grâce aux initiatives de self-help élaborées par les résidents.
Explorer le ghetto de Juhapura et la vie quotidienne de ses habitants, c'est découvrir « de l'intérieur » et en actes le projet politique nationaliste hindou porté par l'actuel Premier ministre, Narendra Modi, dont la responsabilité dans les pogroms de 2002 est directement mise en cause.
Charlotte Thomas est docteure en science politique. Elle est actuellement en postdoc au CERI Sciences Po et dirige le programme Asie du Sud (SAProg) du collectif de chercheurs Noria.
Préface de Howard Spodek
Kirkouk, dans le nord de l'Irak, est l'une des provinces les plus touchées par la violence politique. Les conflits s'y superposent depuis plusieurs décennies : mobilisations sociales, guerre entre partis kurdes et État central, lutte d'influence entre les puissances régionales, insurrection arabe sunnite et montée en puissance des milices chiites.
Kirkouk constitue donc un point d'observation privilégié des dynamiques politiques qui travaillent la société irakienne. En particulier, les partis - ethno-nationalistes ou religieux - sont à la fois producteurs de violence et intermédiaires obligés entre la population et les institutions étatiques, qui restent l'enjeu majeur des affrontements. Ils mettent en oeuvre des politiques d'ingénierie démographique et imposent de nouvelles hiérarchies identitaires. La guerre contre l' État islamique, à partir de juin 2014, radicalisera leurs projets et conduira, paradoxalement, à un retour de l'État par le biais des milices chiites.
Fruit de plusieurs années de recherche sur le terrain, ce livre dépasse les lectures communautaristes ou géopolitiques du conflit irakien qui tendent aujourd'hui à prévaloir. Il apporte ainsi une contribution originale au débat sur le rôle de la guerre dans la formation de l'État.
Cet ouvrage propose une étude de grande envergure, première du genre, sur la mémoire et le souvenir de l'esclavage. En analysant les débats politiques et académiques des vingt dernières années, l'auteur dégage deux approches : celle du soupçon politique (victimisation, instrumentalisation, surenchère) et celle du doute anthropologique (fragilité, absence, vide). Ayant établi ce constat, Christine Chivallon part alors à la recherche des traces du souvenir de l'esclavage, ainsi que des témoins qui les transmettent, pour comprendre la teneur des expressions mémorielles issues de l'expérience esclavagiste.
L'étude de l'Insurrection du sud, qui a opposé, à la Martinique, anciens maîtres et anciens esclaves, en 1870, au moment de l'instauration de la Troisième République, forme le pivot de ce parcours. Elle permet de reconstituer une scène primordiale de violence et d'en trouver les expressions transmises au sein des descendants des insurgés, témoins d'aujourd'hui. L'approche de cet évènement fondateur fournit l'occasion d'aller bien au-delà de la découverte de récits de mémoire minorés pour explorer les différentes manières de transmettre, de s'emparer ou « d'incorporer » le passé, dans un contexte (post)colonial, formé dans la double matrice de l'esclavage et de la République.
Pourtant, cette recherche dépasse largement le cadre empirique de la Martinique, en établissant des connaissances sur la Caraïbe et en construisant des interprétations théoriques, autant sur les faits de mémoire que sur les expériences historiques liées aux conditions coloniales esclavagistes et à leurs devenirs.
Christine Chivallon est directrice de recherche au LAM-CNRS (Sciences Po Bordeaux, Université de Bordeaux), anthropologue et géographe, auteur d'ouvrages et de nombreux articles portant sur les sociétés de la Caraïbe et les questions de la construction identitaire.
L'histoire de Madagascar est marquée, depuis l'origine de son peuplement, par l'importance des courants migratoires. De ce fait, les relations intimes entre vazaha (étrangers) et malgaches y sont anciennes. La colonisation de l'île, en 1896, va pourtant conduire à l'émergence de la « question des métis », commune à l'ensemble de l'empire français. Soucieuses de maintenir une situation coloniale hiérarchisée, ordonnée et cloisonnée, les autorités entreprirent une politique particulière à l'égard des métis, qui s'est concrétisée notamment par leur dénombrement, leur prise en charge dans des institutions spécifiques et l'aménagement de la législation pour faciliter leur accès à la citoyenneté française.
Parce que les institutions recueillant les métis y étaient localisées, parce que ces derniers y étaient les plus nombreux et parce que les relations avec l'étranger y étaient ambivalentes, l'Imerina devint le lieu principal d'expression de cette « question métisse ». Or, cette société était organisée en groupes statutaires hiérarchisés dont les unions étaient réglementées. Son fonctionnement en foko (dèmes) associait en outre territorialité et ancestralité. Dès lors, comment les métis, dont l'origine dérogeait en partie à ces règles, ont-ils pu inscrire leurs trajectoires dans cette région ?
Si cet ouvrage est centré sur le moment colonial (1896-1960), il remonte néanmoins au XIXe siècle précolonial pour montrer comment la colonisation a construit la catégorie « métis ». Il intègre aussi des prolongements contemporains, en analysant, notamment à travers les récits de vie, comment les métis ont su contourner ou se réapproprier cette catégo-risation en jouant de leurs appartenances multiples.
10 pages de Hors-texte couleur.
Cet ouvrage se propose de revisiter la mémoire nationale algérienne pour montrer combien celle-ci participe à fois à la légitimation et à la contestation du pouvoir dans une société façonnée par la guerre d'indépendance, comme l'illustre le rôle majeur de l'armée encore aujourd'hui. L'auteur développe une perspective critique du nationalisme mémoriel algérien et met à jour la pluralité des points de vue, reflet de la diversité en Algérie.
Il contribue ce faisant à éclairer les fondements de la crise identitaire que traverse la société algérienne, qui peine à élaborer un projet de « vivre ensemble » et à faire émerger une citoyenneté faisant consensus. Cette question se pose avec acuité après les « printemps arabes », et l'affaiblissement de la légitimité révolutionnaire des dirigeants algériens.
En étudiant « l'histoire vue de l'autre côté », à travers des sources d'une grande amplitude (enquêtes de terrain en Algérie réalisées de 2006 à 2017, étude des musées et des monuments commémoratifs, archives militaires et judiciaires), l'auteur se positionne de manière originale par rapport au contentieux mémoriel franco-algérien. Il propose une histoire connectée des mémoires, faisant la part belle à une analyse critique des usages algériens du passé et des imaginaires sociaux que ces mémoires construisent. « L'histoire à parts égales » n'est-elle pas un devoir pour parvenir à une «juste mémoire» ?
El-Hadj Omar Tall est né vers 1794 à Halwâr, village du Foûta-Tôro sénégalais situé à quelques dizaines de kilomètres en amont de Podor, dans une famille maraboutique. Il est mort mystérieusement à Déguembéré, dans la falaise de Bandiagara, le 12 février 1864.
La genèse du jihâd d'El-Hadj Omar le rattache aux mouvements similaires qui l'ont précédé : Sokoto, Foûta-Djallon, Mâcina, Foûta-Tôro entre autres. À l'instar de ses illustres devanciers, Omar prépara sérieusement son action en multipliant lettres, discours, sermons, messages, largesses et prières, puis il réussit à lever une armée avec laquelle il se lança à la conquête de ce qu'il est convenu d'appeler le Soudan central.
L'action d'El-Hadj Omar, érudit musulman et redoutable conquérant, a profondément modifié l'aire du jihâd et détourné le cours de son histoire jusqu'à la conquête coloniale. Cela lui valut d'être au centre d'une vaste littérature, et en particulier d'une épopée toujours vivante, aux multiples versions, où l'oralité interfère sans cesse avec l'écriture.
Après avoir quadrillé systématiquement l'espace géographique omarien - Sénégal, Mauritanie, Gambie, Guinée, Mali - Samba Dieng a recueilli une quantité très importante de ces versions orales et manuscrites de textes se rapportant au jihâd et à la geste d'Omar. Puis, il a organisé l'analyse de cette vaste documentation autour de trois grands axes. Le premier étudie les rapports entre l'épopée d'El-Hadj Omar et l'épopée peule traditionnelle. Envisagée sous l'angle de l'intertextualité, la geste d'Omar apparaît en effet comme une formalisation de la tradition épique peule et le produit de formes littéraires alors dominantes en milieu pulaar. Mais la geste du jihâd déborde le modèle peul traditionnel, là où l'Islam affirme sa présence. L'analyse littéraire du corpus occupe la deuxième partie du livre. L'étude du héros et des personnages conjoints éclaire certains mécanismes d'islamisation de l'épopée peule traditionnelle. Enfin, la dernière partie, consacrée à l'édition de textes, donne la transcription et la traduction annotée des principales pièces inédites du corpus.
L'archipel de São Tomé et Príncipe, situé dans le golfe de Guinée et découvert en 1471 par des navigateurs portugais, fut d'abord peuplé par des repris de justice, avant d'être mis en culture sur le modèle de Madère et de devenir « une grande et triste auberge sur l'océan », selon l'expression de l'écrivain santoméen Francisco Tenreiro. Là, les caravelles s'approvisionnaient afin de continuer leur course à la recherche de la route des Indes.
Ces îles de l'équateur, où se mélangèrent les origines africaines et portugaises, réceptives aux influences du monde entier, étonnent le voyageur. Une végétation luxuriante, des paysages montagneux, un relief étrange et une architecture d'une richesse exceptionnelle leur confèrent un charme indéniable. Pays des roças, dernier vestige d'un système agraire unique fondé sur la servitude, c'est aussi le pays du Tchiloli qui, de manière inattendue, met en scène l'empereur Charlemagne en un long plaidoyer pour la justice.
Premier producteur de cacao au début du XXe siècle, São Tomé et Príncipe, à présent micro-État dont l'indépendance date de 1975, s'efforce aujourd'hui d'élever le niveau de vie de sa population et entend accroître ses ressources en les diversifiant. L'essor d'un tourisme de qualité devrait, entre autres, servir cette volonté de développement.
L'auteur livre ici une présentation détaillée de ce pays méconnu et un guide pour une découverte sensible de ces îles du milieu du monde.
Si l'exclusion des indigènes de la participation politique dans le monde colonial est aujourd'hui largement connue et expliquée, nous en savons par contre bien moins sur l'accession des populations issues du peuplement des colonies au statut de citoyens, et dans quels contextes et conditions, ils ont su développer un sentiment d'appartenance à l'État-nation, fût-il colonial. C'est cet angle-mort de la connaissance sur l'époque coloniale que cet ouvrage prétend éclairer.
Comprendre, à partir des deux cas exemplaires de colonies de peuplement françaises que furent l'Algérie et la Nouvelle-Calédonie, comment les Français d'Algérie et les Caldoches sont devenus citoyens. Pour cela, cette étude revient sur les classifications juridiques produites au sein de l'État colonisateur (ethniques ou confessionnelles) et réfléchit à leurs sens pour identifier les populations. Cette démarche implique de repenser la sociologie historique de la citoyenneté en contexte colonial. En effet, tandis qu'en métropole l'apprentissage de la citoyenneté repose sur la promotion d'une participation politique individuelle, libre, éclairée et coupée des solidarités locales, sur le terrain algérien ou néocalédonien, les Français citoyens accèdent à la participation politique par le biais de leur appartenance à des groupes particularisés, et en concurrence avec d'autres dans des sociétés largement ethnicisées et/ou racialisées.
Dans ces conditions, si le projet des colonies de peuplement reste la dissolution de la question indigène, le passage à la modernité politique et à la citoyenneté électorale s'y réalise loin de l'universalisme et de l'individualisme républicain valorisés en métropole. L'apport de ce livre est de mettre en exergue ces évolutions paradoxales de la « fabrique coloniale du citoyen » par rapport à celle de la métropole.
Faire silence sur la couleur de la peau, sur les origines serviles des habitants alors que la majorité de la population libre descendait d'esclaves, était l'idéal affiché au Brésil nouvellement indépendant du Portugal en 1822. Pourtant, ce livre, prix des Archives nationales brésiliennes en 1993, et pionnier dans la recherche sur la construction juridique et sociale des catégories de couleur, démontre tout le contraire. La question raciale est demeurée au coeur de la société brésilienne. Le silence autour de l'esclavage a de fait contribué à la racialisation et au renforcement du racisme.
Ce livre est d'une brûlante actualité car la mémoire de l'esclavage a nourri au Brésil des demandes de droits spécifiques, des politiques publiques de discrimination positive et de réparation, mais aussi d'intenses polémiques au cours des deux dernières décennies : quels enseignements pouvons-nous en tirer aussi bien en matière épistémologique que politique ? La mémoire de l'esclavage résiste-t- elle au politique ou s'en joue-t-elle ?
Les auteurs (de gauche à droite) : Richard Chateau-Degat, Georges B. Mauvois, Jean-Pierre Sainton, Raymond Boutin, Lydie Ho Fong Choy Choucoutou.
Où et quand débute notre histoire ? Tout n'a pas commencé en 1492 ou en 1635.
Le temps des genèses aborde l'histoire des Petites Antilles dans sa continuité, des origines amérindiennes jusqu'au basculement du monde et au choc de la colonisation qui conduisent à la mise en place des sociétés d'habitation esclavagistes au courant du XVIIe siècle.
Le présent ouvrage propose une architecture d'ensemble, une histoire sociale de l'archipel étudiée sous l'angle des structures et des dynamiques. Il invite à un recentrage du regard qui ne signifie pas pour autant repli, isolement et séparation. Il s'agit de rétablir chaque île dans son unité constitutive avec son entour et avec le monde et d'inscrire l'évolution de l'archipel dans le mouvement général de l'histoire.
Ce livre est le premier tome d'un ensemble prévu en 5 volumes.
« La valeur de ce manuel d'histoire repose sur la variété et l'étendue des sources. C'est aussi un travail résultant du croisement de l'histoire, de l'archéologie, de la géographie, de l'ethnologie, de la linguistique. Le résultat de cette croisée nous restitue une histoire de l'homme dans son environnement caribéen, occupant de la mer aussi bien que des terres. »
Préface de Sir Roy Augier, professeur émérite à l'Université des West Indies (Jamaïque) et président du Comité éditorial de la General History of the Caribbean (éditée sous le patronage de l'UNESCO).
Déja paru : Le temps des matrices. Économie et cadres sociaux du long XVIIIe siècle.
Quels sont nos points forts et points faibles pour intégrer une gestion multiculturelle dans la région méditerranéenne ? Le multiculturalisme est-il un faux débat ? Les obstacles et les défis ne sont pas les mêmes dans chaque pays. Mais chacun doit analyser finement son propre contexte et savoir activer les bons leviers et éviter les écueils pour faire face à la complexité des interactions culturelles.
Avec ces questionnements à l'esprit, ce livre met l'accent sur le rôle important du patrimoine immatériel berbère (amazigh) et des cultures méditerranéennes dans leurs apports au développement humain et à la culture de la paix. Il se focalise sur le dialogue interculturel et le rôle de la culture dans le processus de démocratisation au Maghreb.
Cet ouvrage montre que le mouvement berbère en Algérie et au Maroc, même en ayant des revendications légitimes, a suscité des conflits linguistiques et politiques et s'est heurté au pouvoir autoritaire depuis l'indépendance. Il souligne que la culture n'est pas un phénomène superficiel ou complémentaire superposé aux biens matériels. C'est un mode de vie et un facteur dynamique qui devrait être sérieusement pris en compte dans les domaines linguistique, éducatif et social.
Compte tenu de l'évolution récente de la région, les populations méditerranéennes sont amenées à s'ouvrir sur les autres cultures et à lutter contre l'extrémisme et la xénophobie.
Longtemps perçue comme un bastion animiste ou une terre d'élection du christianisme, la Côte d'Ivoire a été le théâtre d'une des plus fortes progressions de l'islam sur le continent africain au cours du dernier demi-siècle. De fait, l'islam est aujourd'hui la première religion du pays par son poids démographique et sa présence est manifeste partout, y compris dans le Sud côtier et forestier.
Cette islamisation a été contemporaine du développement économique, des migrations et de l'urbanisation sans précédent de la Côte d'Ivoire postcoloniale. Ces circonstances, qu'éclairent aussi l'influence durable du christianisme et le statut politique minoritaire de l'entité musulmane dans l'État, ont modelé les dynamiques locales et globales de l'interface entre islam et modernité. Il en est résulté de profondes mutations de la société et de la culture religieuse islamiques ivoiriennes, dominées depuis la fin des années 1970 par l'émergence du mouvement et de la pensée " réformistes ", ayant donné naissance, en 1993, à l'influent Conseil national islamique.
Ce livre retrace la genèse historique et l'importance contemporaine de ces transformations, à travers le cas spécifique d'Abidjan, mégapole cosmopolite, locomotive économique, siège de l'État et principal foyer islamique du pays. Par delà les représentations idéologiques sur l'islam issues du 11 septembre et de la guerre civile ivoirienne, ce livre interroge les processus par lesquels le mouvement réformiste impulsé à Abidjan a promu une interprétation " moderne " et libérale de l'islam ivoirien, mêlant tolérance religieuse, droits de la femme et défense de la démocratie et de la laïcité.
Congo. Ambitions et désenchantements est un livre consacré au déroulement d'une étape, à la fois courte et décisive, dans le long passé de cette région. Au point de départ, les années 1880. Elles virent la concrétisation de vieux rêves de découpage de l'Afrique en grands ensembles transcontinentaux. Rien n'annonçait toutefois que le fleuve Congo devienne un marqueur géopolitique. Ce coup de crayon sur la carte porte la griffe de Léopold II, personnalité hors normes, grand rêveur et maître-manoeuvrier au sein de différents mondes, ceux de la diplomatie, du capital et des « affaires », mais qui fut aussi porté par les grandes inspirations de l'époque, le mouvement scientifique, le réveil chrétien, la vague antiesclavagiste tout comme par les recompositions alors en cours en Afrique même. Sans lui, il n'y aurait eu ni « Congo belge », ni page congolaise dans l'histoire de Belgique.
Le livre rassemble un bouquet d'essais et de questions. Quels furent les grands seuils de la période ? Quelles ambitions économiques, technocratiques, scientifiques, morales, mais aussi quels itinéraires, plus humbles ? Quelle place de la région sur l'échiquier mondial des puissances et du mouvement des idées ? Quid de l'insubmersible Afrique, de son économie de production et de trafics, mais aussi de sa pauvreté ? Quid de sa vie spirituelle toujours renouvelée mais jamais contrôlée, de sa vie artistique, elle aussi toujours novatrice ? Autant de coups de projecteur portés sur trois générations, avec d'occasionnelles excursions dans leurs passés et dans les représentations portées par le présent.
En 1960, au sortir de l'épisode colonial, une semaine d'indépendance confirma que le « Congo belge » avait été conquis mais non soumis.
On ne trouvera ici ni complaisances ni ressentiments, mais le sillage d'une génération d'historiens dont l'engagement fut d'inscrire le passé de l'Afrique dans les grands chapitres de l'histoire universelle. De nouveaux chantiers s'ouvrent désormais, ceux des sensibilités, des mémoires. Le défi reste de repérer les ruptures, mais aussi le long fil des généalogies qui, en Afrique comme ailleurs, relient le présent au passé.
En 1912 les colonisateurs allemands, présents au Burundi depuis 1896, fondent au centre du pays une nouvelle ville, Gitega, destinée à en devenir la capitale. Quatre ans après, la Guerre mondiale les force à abandonner ce chantier aux conquérants belges venus du Congo.
Gitega offre un exemple de création ex nihilo d'une ville à vocation administrative et commerciale. A partir des archives coloniales et des témoignages de vieux Burundais, cette histoire a pu être reconstituée au ras du sol : le choix du site sur un plateau herbeux, la difficile collecte des matériaux et le recrutement d'une main-d'oeuvre, le désarroi de la population locale face aux nouvelles disciplines et les calculs de ses chefs, le lancement du commerce dans une région où la monnaie était quasi absente, l'ébauche d'une scolarisation.
Gitega, de 1912 à 1916, est comme un microcosme de la logique coloniale, avec sa brutalité et ses ouvertures. Par delà tout exotisme, cette situation à l'ouest de l'Afrique orientale allemande évoque aussi celle du Far west américain à la même époque. On y retrouve les agents d'un ordre impérial en construction sur le terrain, mais aussi les jeux d'aventuriers de toutes origines (ici asiatiques et africaines), habituels dans les situations porteuses de nouvelles frontières économiques et culturelles qui rêvent de profits souvent illusoires.
Jean-Pierre Chrétien, historien, a mené des recherches au Burundi depuis une cinquantaine d'années et publié de nombreux ouvrages sur la région des Grands lacs. Il est directeur de recherche émérite au CNRS, dans le cadre du CEMAF (Paris 1) et associé au LAM (Bordeaux).
Cet ouvrage traite de l'évolution de l'Ouest saharien à l'intérieur des frontières imposées aux populations locales par les colonisateurs espagnols et français, une évolution marquée par un processus de décolonisation tardif et encore inachevé selon les organisations internationales. Il s'interroge sur les identités sociales et politiques dont se réclament les populations, autrefois pastorales et nomades, actuellement inscrites dans le cadre de ce territoire.
La démarche anthropologique conduit Pierre Bonte à avancer, sur des points précis, des analyses comparatives de l'évolution de ces populations réparties entre le Sahara occidental, la Mauritanie, le Maroc et les camps gérés par le Front Polisario, mais relevant d'un même ordre social et culturel. Elle restitue ces phénomènes identitaires dans le mouvement historique contemporain, sans négliger les événements plus anciens qui ont accompagné la formation de la société baydhân hassanophone dans ses parties septentrionales et qui ont joué un rôle majeur dans l'histoire du peuplement de cette région.
À Madagascar, la «Grande Île», le colonisateur français a exporté et imposé sa langue mais aussi sa religion simple et complexe, en somme le modèle culturel européen.
Après 1945, à la suite des transformations dues à la modification des mentalités et des jugements de valeurs, la transmission de ce modèle a été assurée efficacement, et même accélérée, par l'action multiforme des congrégations religieuses catholiques et des sociétés missionnaires protestantes anglo-saxonnes et françaises.
Pourtant, leur place et leur rôle dans le processus de décolonisation et dans la lente montée des Malgaches vers leur émancipation ont été très souvent ignorés, en tout cas peu soulignés, surtout en ce qui concerne l'action des communautés féminines.
Comment les missionnaires ont-ils perçu les évolutions du contexte malgache qui les ont poussés à infléchir progressivement leur position dans le sens des nationalistes? Tel est le thème que le présent ouvrage propose de découvrir ou de revisiter à travers les archives parfois inédites des autorités religieuses. Le terrain religieux présente l'avantage appréciable d'apporter à la fois un éclairage et une grille de lecture inhabituels sur les changements qui ont affecté Madagascar entre 1920 et 1960.
Parce que l'on ne s'y est risqué que difficilement, parce que ceux qui en sortaient furent souvent assez dépenaillés et parfois même violents, les déserts arabes sont peuplés de fantasmes. Pourtant l'histoire atteste que les gens qui s'y trouvaient s'y sont avancés en cherchant à exploiter au mieux un espace rébarbatif, par le mouvement qui permet de répondre à la précarité et à l'aléa. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ne l'ont volé à personne ! Ces nomades, poètes réputés parce que la poésie est une chose légère à transporter, sont néanmoins l'objet des fables les plus extravagantes.
Fruit d'enquêtes conduites en Arabie saoudite au tournant des années 1980 et de travaux sur ce thème dans le cadre de l'EHESS, ce recueil entend proposer une image d'ensemble sur un groupe social qui occupe une place à part mais pourtant fondatrice dans le monde arabe. Les Bédouins, ces éleveurs nomades qui, dans la péninsule Arabique et au-delà, habitent la célèbre tente noire, véhiculent des valeurs centrales dans l'Islam (solidarité de groupe, sens de l'honneur, hospitalité) et, en même temps, pugnacité guerrière, religiosité suspecte et refus de tous les pouvoirs établis, ce qui leur a été souvent reproché.
Mettant au jour des aspects contrastés et pourtant bien réels d'une société soucieuse surtout de se maintenir dans des environnements, tant naturels que politiques, extrêmement hostiles, ce livre montre aussi comment les Bédouins ont su s'adapter aux conditions d'une modernisation technologique et économique. Il entend restaurer l'image d'un monde aux dimensions humaines, inscrit dans l'histoire et confronté à des forces qui ont réussi à le réduire, sans jamais le soumettre.
Ce livre est consacré à la conquête du Sahara (fin XIXe-début XXe siècle), cet espace désertique qui a longtemps nourri les phantasmes des Occidentaux.
Du rezzou d'Hassi-Inifel jusqu'à l'installation du Père de Foucauld dans l'Ahaggar, ce sont quelques-uns des épisodes les plus marquants de cette histoire qui sont présentés et analysés ici à travers une (re)lecture critique de plusieurs moments clés de cette histoire.
Toutes les études réunies dans cet ouvrage sont fondées sur des documents issus pour la plupart des Archives nationales d'outre-mer d'Aix-en-Provence. Là, se trouve en effet une somme considérable d'archives traitant de l'avancée puis de l'installation de la France au Sahara central. Écrits souvent passionnants et qui dans leur très grande majorité n'avaient jamais été cités ni étudiés. De plus, ces archives (rapports de tournée, documents officiels, correspondances publiques et privées...) présentent un avantage considérable. Contemporaines des événements, rédigées « à chaud » par les acteurs même de cette conquête, elles dévoilent bien souvent ce que masque, censure ou déforme le discours hagiographique qui, répété de livre en livre, d'article en article, s'est vite transformé en une véritable doxa.
Ouvrage indispensable pour les passionnés du désert comme pour les historiens de cette région.