Bénédict Pictet (1655-1724) est un cessationiste convaincu, c-à-d qu'il croit que les charismes miraculeux donnés à l'Église le jour de la Pentecôte, et en particulier le don de prophétie, ont disparu depuis longtemps. Sur les instances d'Antoine Court (1695-1760), il écrit une lettre condamnant les agissements des Inspirés, nom qui désigne un groupe de camisards plus ou moins mystiques, encore insoumis au despotisme religieux de Louis XIV. Cependant l'historien Edmond Hugues (1846-1929), cofondateur du Musée du Désert, est beaucoup moins péremptoire sur ce jugement négatif à l'égard du misérable reste des dissidents français ; il lui trouve des circonstances atténuantes, et même un rôle de transmetteur de flambeau. Il était donc intéressant de réunir dans un même volume, la Lettre de Pictet, et le chapitre de l'historien. Si au vingt-et-unième siècle évangélique il n'y a plus à craindre qu'une querelle entre ceux qui croient que des prophètes, en chair et en os, existent toujours dans l'Église, et ceux qui pensent qu'il ne faut les chercher que dans la Bible, dégénère en violence, il n'en demeure pas moins une certaine tension entre la Théologie Réformée et la Théologie du Réveil. Tension bénigne par ailleurs, puisque comme celle suscitée par le baptême des nouveaux-nés, ou celle du pastorat féminin, elle se résout presque entièrement aujourd'hui, dans le paradigme du chat de Schrödinger, ainsi que nous le signalons en note introductive.
La maxime inscrite au fronton du temple de Delphes : Connais-toi toi-même, reprise par Socrate et Platon, suscite toujours une espèce de respect et d'approbation universelle, qui vient de ce que chacun sent qu'elle doit être sage, sans la comprendre vraiment. Comment se connaître soi-même ? Ne nous étant pas faits nous-mêmes, notre essence nous reste à jamais impénétrable ; d'ailleurs n'y aurait-il pas quelque déception à savoir ce que nous sommes vraiment ? C'est oublier que dans l'esprit de ceux qui avaient placé en exergue ce conseil, de se connaître soi-même, il venait des dieux. Or le vrai Dieu, le Dieu de la Bible, nous donne le même : une grande partie des Écritures sert à exposer la nature de l'homme, obligatoirement dépendante de celle du Dieu qui l'a créé à son image. Jacques Abbadie a été un des plus grands théologiens protestants du XVIIe siècle. Cette réédition a pour but de faire connaître aux évangéliques modernes, une oeuvre puissante et originale, qui jette un jour merveilleux sur la connaissance de soi.
Un nom reste inséparable du maintien du culte protestant en France, après son interdiction totale par le roi Louis XIV et ses successeurs immédiats : celui d'Antoine Court (1695-1760). Ce jeune homme né dans une famille pauvre, n'ayant reçu qu'une éducation fort sommaire, mais doté de riches qualités propres, de courage, de facilité d'expression, de vigueur, de sagesse, a su mobiliser le faible reste des huguenots encore présents dans le sud-est du royaume, pour le conduire par une forme de résistance non-violente, jusqu'à l'aube du traité de tolérance, promulgué par Louis XVI, qui redonnera un statut civil aux protestants. C'est en somme la vie d'Antoine Court que raconte Edmond Hugues (1846-1929), historien, fondateur du musée du Désert, dans ces deux volumes intitulés Histoire de la Restauration du Protestantisme en France au XVIIIe siècle, d'après des documents inédits. Les pièces justificatives qu'il y a accumulées, son style simple et coulant, permettent au lecteur de revivre authentiquement à cette époque héroïque lourde de sévères persécutions, mais enceinte du grand principe imprescriptible de liberté, que la Révolution française allait bientôt proclamer.
Issu d'une famille bretonne anoblie sous Napoléon, Charles-Alfred de Janzé (1822-1892) a été un député des Côtes-du-Nord remarqué pour son esprit critique et sa grande vigueur de plume. Bien que l'on ne sache que peu de chose sur ses convictions religieuses personnelles, il a laissé à la postérité cet ouvrage remarquable et unique, dans lequel il expose méthodiquement, pièces historiques à l'appui, les conséquences dramatiques pour la France de la Révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV. On ne peut le lire sans ressentir un profond dégoût pour ce roi mégalomane qui a persévéré si longtemps dans la cruelle persécution de la meilleure partie de son peuple, et qui a finalement ruiné son pays par son orgueilleux entêtement. De janzé accumule une foule de détails qui racontent mieux ce que furent les souffrances des Huguenots que maint livre d'Histoire officiel. Enfin dans le dernier chapitre il montre à quel point leur émigration à considérablement enrichi jusqu'à aujourd'hui les nations qui les ont accueillis.
Bien que ce missionnaire méthodiste n'y ait travaillé qu'une dizaine d'années avant d'y mourir en 1848, le nom de John Hunt reste inséparablement lié à l'histoire des îles Fidji. C'est lui qui initia l'unité de leur langue et la mit par écrit, en traduisant le Nouveau Testament dans le dialecte alors en usage à Mbau ; c'est sous sa prédication que diverses tribus renoncèrent à leurs guerres perpétuelles et à la pratique du cannibalisme. Le plus grand obstacle au développement des peuples isolés a souvent été la cupidité et la cruauté des trafiquants occidentaux : ils sévissaient aussi dans cet archipel du Pacifique, à l'époque de John Hunt. Mais la puissance salvatrice et libératrice de l'Évangile de Jésus-Christ, apporté par son humble et passionné disciple, a fini par triompher de toutes les apparentes impossibilités. Puisant à des documents authentiques, Matthieu Lelièvre (1840-1930), lui-même pasteur méthodiste, signe là une des ses premières et des plus intéressantes biographies.
Appelé aujourd'hui Vanuatu, autrefois Nouvelles-Hébrides, ce chapelet d'une douzaine d'îles situées dans le Pacifique Sud, au nord-est de la Nouvelle-Calédonie, a une longue histoire de colonisation par l'Angleterre et la France. A l'époque du missionnaire écossais John Paton (1824-1907) le cannibalisme s'y pratiquait couramment, et c'est sous le titre de « John G. Paton, le grand apôtre des cannibales » que parut en 1898 la traduction française et abrégée de son autobiographie. On y admire l'extraordinaire persévérance et la foi invincible de ce disciple de Jésus-Christ, venu apporter en son nom le message évangélique de salut et de liberté, à des frères humains prisonniers de la superstition, et livrés à la sauvagerie. Paton a principalement travaillé sur deux petites îles, Tanna et Aniwa, mais ses tournées en Australie et en Écosse permirent de lever les fonds nécessaires à la construction d'un navire et au soutien des missionnaires qui allaient se consacrer à la poursuite de l'évangélisation de Vanuatu. A la fin du dix-neuvième siècle, John G. Paton était devenu une figure éminente du monde protestant anglo-saxon, notamment connue de Charles Spurgeon et de George Müller.
Le second tome de l'ouvrage de Charles Weiss expose principalement la très grande influence économique, culturelle et politique que les émigrés protestants français eurent en Hollande et en Suisse. Il consacre ensuite quelques pages au Danemark et à la Suède, pays luthériens, qui suite à la révocation accueillirent un nombre beaucoup moindre de fugitifs calvinistes. La Russie, l'Afrique du Sud et le Surinam ne sont pas non plus oubliés dans cette passionnante enquête. Enfin l'historien termine par une collection de pièces justificatives, qui comprend notamment le texte complet de l'Édit de Nantes et celui de sa révocation.
Si pour recevoir le message évangélique du salut, adressé à tous les peuples, il n'est pas nécessaire d'avoir étudié le milieu social, culturel et religieux dans lequel Jésus a grandi et vécu, cette connaissance est par contre indispensable pour bien comprendre nombre de passages du Nouveau Testament. Le dix-neuvième siècle, qui fut celui de la critique biblique, a pour cette raison vu se multiplier les ouvrages cherchant à dépeindre ce panorama historique où le Christianisme a pris naissance. Parmi eux, un livre d'Edmond Stapfer (1844-1908), La Palestine au temps de Jésus-Christ, a connu un certain succès, signalé par de nombreuses rééditions, et en vérité justifié par sa lecture instructive et agréable. Ce volume était en fait la suite d'un premier, que nous rééditons ici : Les idées religieuses en Palestine à l'époque de Jésus-Christ. Puisant ses sources principalement dans le Talmud et dans Flavius Josèphe, il permet de se faire une idée assez précise de ce qu'était devenu le judaïsme après le retour de l'exil, et ainsi de mieux comprendre les rapports que Jésus-Christ a pu soutenir avec les Pharisiens et les Saducéens.
Le phénomène des Français qui réussissent à l'étranger après avoir été maltraités dans leur propre pays ne date pas du siècle de la mondialisation galopante, mais doit être retracé jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes, lorsqu'environ deux cent mille huguenots se virent obligés de passer les frontières pour échapper à une cruelle persécution. Que sont ensuite devenus ces réfugiés ? Charles Weiss (1812-1864) répond à la question, après de consciencieuses et minutieuses recherches parmi tous les documents disponibles. Il nous apprend l'extraordinaire influence que les protestants français exilés ont exercé sur les pays qui les ont accueillis, en y développant une prospérité tant matérielle que culturelle et politique. Dans le premier tome de son ouvrage l'historien détaille l'activité de la communauté huguenote de Prusse, qui par son mûrissement du concept philosophique de liberté préparera la Révolution française ; d'Angleterre, où son génie inventif introduit la civilisation occidentale dans l'ère industrielle ; d'Amérique, où le rôle qu'elle a joué dans la guerre d'indépendance est généralement plus grand qu'on ne l'imagine. La lecture des accomplissements de ces chrétiens, vaillants et courageux, ne sera pas sans procurer quelque fierté à leurs lointains cousins, restés au pays.
Les cent ans qui suivent la Révolution marqueront le protestantisme français par deux évènements majeurs : 1) La signature du Concordat sous Napoléon, qui théoriquement lui donne le droit d'être traité comme les autres religions dans ses rapports avec l'Etat ; 2) La crise libérale, qui va le diviser, peu après la guerre de 1870, en deux grandes fractions : les protestants évangéliques, qui croient toujours au surnaturel biblique, et les protestants libéraux, qui le nient. François Bonifas (1837-1878), professeur d'histoire ecclésiastique à la faculté de théologie de Montauban, raconte, dans le livre 6 du présent ouvrage le deuxième évènement, Guillaume de Félice ayant pour sa part arrêté l'Histoire des Protestants de France à l'année 1861, avec le livre 5.
Les ouvrages de référence sur l'histoire de la Réforme protestante sont légion, leur nombre ne faisant que traduire la magnitude d'un séisme spirituel et social qui a changé la face de notre civilisation. Parmi eux, celui de Guillaume de Félice, plus spécialement consacré à l'histoire de la Réforme en France, se distingue par l'intérêt et la passion avec lequel il se laisse lire. Dans un beau français, qui sait aller directement à l'essentiel, l'auteur nous raconte l'épouvantable tragédie de cette longue et barbare persécution des huguenots, qui a ruiné la France, fait la richesse des pays qui ont accueilli ses émigrés, et nourri une des principales racines de la Révolution. Le lecteur ne pourra manquer de faire le rapprochement entre la folle volonté d'antan d'imposer à tout un peuple une religion d'État, et les insupportables prétentions médiatiques d'aujourd'hui à lui dicter ce qu'il doit penser : ce même esprit centralisateur et sorbonnagre, qui ne cherche qu'à asservir, n'a pas cessé d'exister. Pasteur à Bolbec, professeur d'homilétique à la faculté de théologie de Montauban, Guillaume de Félice (1803-1871) reste connu pour avoir rédigé la pétition de 1846 en faveur de l'abolition de l'esclavage. Son Histoire des Protestants de France a été rééditée maintes fois et traduite en anglais.
Extrait
LA PARABOLE
MATTHIEU 22.1-12
Alors Jésus prenant la parole, leur parla derechef en similitude, disant : Le Royaume des Cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Et il envoya ses serviteurs pour appeler ceux qui avait été conviés aux noces, mais ils n’y voulurent point venir. Derechef il envoya d’autres serviteurs, disant, dites à ceux qui étaient conviés, voici j’ai apprêté le dîner : mes taureaux et mes bêtes engraissées sont tuées, et tout est prêt : Venez aux noces !
Mais n’en tenant compte, s’en allèrent l’un à sa métairie, et l’autre à son trafic. Et les autres prirent ses serviteurs, et les outragèrent et les tuèrent.
Quand le roi l’entendit il se mit en colère, et y ayant envoyé ses gendarmes, il fit périr ces meurtriers-là, et il brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Or bien, les noces sont apprêtées, mais ceux qui étaient conviés n’en étaient pas dignes. Allez donc aux carrefours des chemins, et autant que vous en trouverez, conviez-les aux noces.
Alors ses serviteurs sortirent vers les chemins, et en assemblèrent autant qu’ils en trouvèrent, tant mauvais que bons, tellement que le lieu des noces fut rempli de gens qui étaient à table. Et le roi y étant entré pour voir ceux qui étaient à table, vit là un homme qui n’était pas vêtu de la robe de noces.
Il lui dit : Compagnon, comment es-tu entré ici, sans avoir une robe de noces ? Et il eut la bouche close. Alors le roi dit à ses serviteurs, liez-le pieds et mains, et le jetez aux ténèbres de dehors ; là il y aura pleurs et grincement de dents. Car plusieurs sont appelés, mais peu sont élus.
Ce deuxième tome de la biographie d'Antoine Court, le restaurateur du protestantisme en France, couvre la trentaine d'années qui commence avec son installation à Lausanne, en 1730, et qui s'achève à sa mort en 1760. Le lecteur y revivra les rêves des huguenots qui, après la mort de Louis XIV, espéraient voir leur existence civile reconnue et leur culte autorisé, sous le règne du Bien-Aimé Louis XV. Hélas, aussi leurs cruelles désillusions, lorsque la persécution se rallumera de plus belle sous le souffle assassin d'un clergé fanatique. Cependant la France finit par se lasser de tant de massacres et de malheurs gratuitement dispensés ; finalement vaincu par la ténacité protestante, l'étau tyrannique se relâche, les esprits s'ouvrent à l'idée de tolérance, déjà l'orage révolutionnaire se fait pressentir. Un an après le départ d'Antoine Court, éclate l'affaire Calas, qui aura un si grand retentissement dans l'opinion publique. En fin de volume, une série de pièces justificatives rédigées dans l'orthographe anarchique de l'époque, permet de se replonger dans l'authenticité de cette historique victoire pour la liberté religieuse.
Cet ouvrage du philologue, exégète, poète et archevêque de Dublin, Richard Chenevix Trench (1807-1886), a connu 5 éditions successives du vivant de l'auteur, et reste aujourd'hui encore un grand classique pour les étudiants du Nouveau Testament.
Son principe consiste dans un choix de paires ou de groupes de mots grecs dont les sens sont voisins, et dans l'explication de leurs ressemblances et de leurs différences. Le pasteur Clément de Faye (1824-1902), avait dès 1869 fait paraître une traduction de la deuxième édition, qui comportait alors 91 synonymes détaillés. La présente édition porte à 105 ce nombre, traduits d'après la dernière édition anglaise. Il va de soi que la lecture des Synonymes nécessite un minimum de connaissance de la ?????, la langue grecque commune dans laquelle a été écrit le Nouveau Testament.
Ceux qui s'y intéressent goûteront ici le plaisir de constater combien la diversité de son vocabulaire éclaire souvent et siginficativement le texte.
Bernard Palissy brûlant ses meubles et son plancher, pour découvrir le secret de la fabrication de l'émail, est une image d'Épinal que nous gardons tous des livres scolaires de notre enfance. Cet inventeur-artiste n'a pas seulement été une gloire de la Renaissance, mais encore une figure emblématique de la Réforme française, puisqu'il est mort en prison plutôt que de renier sa foi. C'est pourquoi sa biographie a par la suite suscité diverses petites fictions littéraires, destinées à la jeunesse, dans le but de lui enseigner les vertus de la persévérance et de la confiance inébranlable en Dieu. Celle d'Anne Manning (1807-1879), romancière anglaise spécialisée dans l'histoire huguenote, est certainement la plus spirituelle et la plus originale d'entre elles. Traduites par Victorine Rilliet de Constant (1822-1895), The provocations of Madame Palissy se laissent lire à tout âge, avec amusement, et finalement émotion. La préface est du pasteur Paul Chatelanat (1831-1899).
Léon Maury (1863-1931), pasteur réformé, professeur de théologie pratique à la faculté de Montauban, a passé son doctorat en soutenant cette thèse, d'une étendue impressionnante. Sa lecture agréable et captivante sera d'autant plus pertinente aujourd'hui à l'adresse d'un public évangélique français, mentorisé par la mode néo-réformée américaine, qu'il ignore la plupart du temps sa propre histoire. Ainsi il y apprendra que le Réveil protestant du dix-neuvièmeµ siècle en France, n'a pas été une simple importation du méthodisme anglais, mais qu'il a trouvé ses premiers départs de feu dans l'Église Réformée elle-même, alors profondément endormie dans une fausse sécurité scolastique, et devenue étrangère à la foi de ses fondateurs. Les nombreuses péripéties et dislocations consécutives à ce puissant mouvement spirituel ont modelé le paysage de nos églises protestantes évangéliques actuelles et de la théologie dont elles ont hérité, où, selon une belle expression due à Émile Guers, a fini par prévaloir un « juste équilibre des doctrines ».
Dans ce roman historique en trois parties, Félix Bungener nous fait revivre au dix-huitième siècle, en présence du roi Louis XV, de madame de Pompadour, du duc de Richelieu, de philosophes et d'ecclésiastiques plus ou moins corrompus, et d'une foule d'autres personnages de l'époque dite des Lumières. Son but est de nous faire saisir la mentalité de cette élite décadente pré-révolutionnaire, qui en contradiction totale avec les grandes idées de tolérance qu'elle prétend admirer chez les encyclopédistes, persécute à outrance les protestants. Le premier volume introduit deux hommes, qui seront les vrais héros de l'intrigue : le père Jacques Bridaine (1701-1767) missionnaire catholique qui marqua de son éloquence et de son zèle le midi de la France, et le pasteur protestant Paul Rabaut (1718-1794), champion de la résistance huguenote non-violente (père du non moins célèbre Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne, qui fut président de l'Assemblée constituante, et guillotiné en 1793). Tout comme le Sermon sous Louis XIV, la trilogie de Bugnener sous Louis XV ne contient aucun prêche ennuyeux ; mais elle charme le lecteur par son abondance de traits d'esprit, pique sa curiosité par des situations imprévues, et l'incite à réviser son Histoire.
Si aujourd'hui une majorité d'hommes politiques refusent de reconnaître les racines chrétiennes de la civilisation européenne, ils souscriraient d'autant moins à la thèse de Léon Maury (1863-1931) sur l'origine de l'idée de progrès. De son temps, qui voyait le triomphe des sciences appliquées et l'apparition des grandes théories sociales, la question du progrès passionnait les milieux pensants. Aussi dans une première partie le pasteur Maury se penche sur les écrits des philosophes de l'antiquité : il n'y trouve que tristesse et regret d'un mythique âge d'or ; le concept d'une amélioration morale et sociale de l'humanité en est absent. Secondement il prouve que c'est en réalité de l'Ancien et du Nouveau Testament que sort l'idée d'une marche ascendante de l'humanité, vers un but glorieux situé à la fin de l'Histoire. Dans la troisième partie l'auteur examine comment, sous l'influence des philosophies anti-chrétiennes modernes, la vraie aspiration au progrès était peu à peu remplacée par le dogme laïque d'une évolution fatale. A l'opposé du progrès chrétien, par nature optimiste, l'évolution aveugle et athée ne peut que nourrir un noir pessimisme quant au futur de l'humanité. Un siècle et demi après, la thèse de Maury n'a pas besoin d'être changée sur ce point.
Henri Roehrich (1837-1913) fut pasteur à Stockholm, à Hambourg et à Strasbourg, avant de revenir exercer son ministère à Genève, où il était né. Il reste connu en Suisse, pour avoir versifié l'ancien hymne national « Ô Monts indépendants ». Son don de poésie s'est encore exercé à l'occasion de sa monographie sur le prophète Habbakuk, qui contient une traduction en prose, puis en vers, du texte hébraïque. Dans la partie critique, assez fouillée, l'auteur s'intéresse notamment à la date de composition de ce livre biblique, qu'il situe vers 605 avant J.-C., sous le règne de Jojakim. La rareté des études consacrées au petit prophète Habakuk, nous fait d'autant plus apprécier la qualité et la beauté de la sienne.
Après le retentissant succès de La Case de l'Oncle Tom un petit nombre de nouvelles et de romans d'Harriet Beecher Stowe furent traduits en français par des maisons d'édition protestantes, sans que la critique en renvoie beaucoup d'échos. Ces compositions tombées dans l'oubli valent pourtant leur temps de lecture, pour qui veut mieux connaître à la fois l'Amérique du XIXe siècle et le caractère d'une femme hors du commun. Bien qu'écrit à la première personne sous un masque masculin (Harry Henderson), on devine en effet dans Ma femme et moi des éléments autobiographiques de l'auteur, surtout ceux qui se rapportent à son enfance. Sans doute les oeuvres d'H.B.S. sont toutes dirigées par un but militant : il s'agit ici de plaider les droits de la femme dans le mariage, comme autrefois les droits des noirs dans une société esclavagiste. Le mouvement féministe des années 1970 aux US n'a d'ailleurs pas manqué d'essayer de récupérer à son compte le renom d'Harriet. Cependant l'atmosphère évangélique qui imprègne ses pages, reste le composant essentiel de leur parfum, qui communique encore aujourd'hui plaisir et sérénité à les lire.
L'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe est une oeuvre fondamentale, sans laquelle, selon l'observation de l'orientaliste Louis Duchesne, « nos connaissances sur les trois premiers siècles de l'Église se réduiraient à peu de choses ». Né en 265, son auteur la mit en chantier vers 310, d'où elle sortit vers 325, composée de dix livres. Dans le premier, Eusèbe se concentre sur la personne de Jésus-Christ ; dans les sept suivants, il relate l'histoire de l'Église en prenant comme fil conducteur la succession des évêques des villes importantes, Rome, Antioche, Alexandrie, Jérusalem ; dans les deux derniers, il rend témoignage du christianisme de son temps ; enfin dans un addendum intitulé les Martyrs de la Palestine, il raconte les supplices indicibles que subirent pour leur foi des chrétiens durant la persécution déclenchée par Dioclétien. De l'aveu général, traduire le grec d'Eusèbe n'est pas chose facile, à cause de l'imprécision ou de l'incorrection de sa langue. Au début du XXe siècle Émile Grapin (1856-1918), curé-doyen de Nuits-Saint-Georges, s'attela à cette tâche pour la collection Textes et documents pour l'étude historique du christianisme, éditée par Hemmer-Lejay. Saluée avec reconnaissance par la critique, son Introduction, sa traduction et ses notes, sont toujours une référence aujourd'hui.
Les vieux livres, comme les vieux films, possèdent le magique pouvoir de nous transporter à des époques disparues, et néanmoins pas si lointaines. Ils ont souvent été bâtis pour appuyer une morale, qu'ils ne manquent pas de mettre en évidence dans leur conclusion. C'est ce qu'a voulu faire Harriet Beecher-Stowe en écrivant Pink and White Tyranny, comme elle le déclare elle-même dans une courte note de l'édition originale. Sans doute les personnages de son histoire nous paraissent aujourd'hui encore plus caricaturaux qu'ils ne l'étaient aux yeux des lecteurs de la fin du siècle victorien ; mais leur psychologie théâtrale contribue à la fluidité et au piquant du récit, que l'auteur nous prie de considérer, non comme un roman astucieusement construit, mais comme une « parabole en forme de nouvelle ». Son but est d'attirer l'attention sur le caractère inaliénable, éducatif, et finalement divin du mariage. En vérité, les bouleversements sociétaux qui ont eu lieu depuis les jours où la question féministe faisait courir la plume de madame Beecher-Stowe, n'ont fait que confirmer sa thèse : le mariage ne peut trouver son sens le plus élevé, que dans une vision chrétienne du monde.
Dernier survivant des douze apôtres, saint Jean a voulu laisser à l'Église un résumé de ce qu'il savait être le plus important pour la continuation de sa marche terrestre. Il ne s'agissait plus tant, à la fin du premier siècle, de rappeler le principe de la justification par la foi sans les oeuvres, suffisamment déjà établie par le ministère de l'apôtre Paul, que d'insister sur la nécessité d'une intimité personnelle avec le Sauveur. Le danger ne venait plus des judaïsants, qui auraient voulu asservir la liberté de la grâce aux exigences de la loi rituelle, mais des gnostiques qui dénaturaient la personne de Jésus-Christ, en en faisant un personnage fantomatique, sorti de leur imagination. Or toute la longue vie de Jean, depuis sa rencontre avec Jésus, s'était nourrie de cette contemplation intérieure du Fils éternel de Dieu, devenu Fils de l'homme, pour sauver la famille humaine ; c'est pourquoi dans toute son épître il ne cherche pas à démontrer logiquement des vérités spirituelles, mais il les affirme avec l'autorité du témoin. Cette Explication Pratique qu'en a donné August Neander (1789-1850) est elle-même aussi une sorte de testament qu'il laisse, sur ce qu'il a trouvé d'essentiel pour la vie chrétienne. Elle a été traduite de l'allemand par Jean Monod (1822-1907), fils de Frédéric Monod (1794-1863).
Enfant surdouée qui composait des poésies en grec ancien à l'âge où les autres jeunes filles jouent encore à la poupée, Olympia Fulvia Morata (1526-1555) a passé sa prime jeunesse à cour de Ferrare, où malgré son origine modeste, elle fut l'amie de Renée de France, de sa fille Anne, et d'autres personnages élevés en dignité. Adulée pour ses talents exceptionnels Olympia serait devenue une sommité littéraire de la Renaissance, sans l'intervention de la Providence divine qui avait d'autres plans pour elle. Son père se convertit au protestantisme ; puis bientôt elle-même fut gagnée aux idées de la Réforme ; dès lors, ce fut la disgrâce, la persécution, l'exil. Jules Bonnet (1820-1892), historien du protestantisme, nous raconte les deux parties de la vie de cette femme extraordinaire, dont le nom serait resté sans lui encore plus inconnu du grand public. Il joint à son récit une série de lettres qui nous permettent d'apprécier la spiritualité de l'écrivaine, et la réalité de son amour pour Jésus-Christ ; si l'hagiographie de la Réforme protestante se cherchait des icônes féminines, Olympia Morata mériterait certainement de l'être.