Une rabbin et un intellectuel musulman s'entretiennent ici autour de l'essentiel : comment être juif ou musulman ? Quel rapport – semblable, différent, complémentaire... – à l'histoire, à la loi, aux rites et aux coutumes, à la laïcité, à la filiation, à la vérité ? Où en sont les femmes dans le judaïsme et l'islam d'aujourd'hui, quelle est leur place publique et privée ? Quelle relation entretiennent musulmans et juifs avec Dieu ?
La révélation dont les textes gardent la trace n'a de sens que dans des interprétations renouvelées au fil des générations : telle est la conviction qui rapproche, au-delà des différences, Delphine Horvilleur et Rachid Benzine, dans un dialogue à la fois vif et profond. La rabbin affirme que lire la Torah, c'est toujours se battre avec un texte complexe ; pour l'islamologue, se réclamer du Coran, c'est d'abord écouter une parole pour être " bien guidé ". La responsabilité religieuse consiste aujourd'hui à sortir de l'idéologie identitaire, du sacré intemporel qui fige la tradition dans le passé, à poursuivre avec les autres – tous les autres – un dialogue à la fois amical et franc, qui refuse les remparts du fondamentalisme religieux et laisse l'avenir ouvert.
Un livre d'une grande liberté de ton, particulièrement bienvenu en ces temps où il faut lutter contre les murs, symboliques ou concrets, que certains érigent comme s'ils étaient devenus l'unique salut possible.
Delphine Horvilleur est rabbin. Elle a publié En tenue d'Eve et Comment les rabbins font des enfants (Grasset, 2013 et 2015).
Rachid Benzine est islamologue. Il a publié Les Nouveaux Penseurs de l'islam (Albin Michel, 2004), Le Coran expliqué aux jeunes (Seuil, 2013) et Nour, pourquoi n'ai-je rien vu venir ? (Seuil, 2016, adaptée au théâtre sous le titre Lettres à Nour).
Deuils, dépressions, naufrages éthiques, ruptures amoureuses, krachs existentiels… : parfois la vie se fait dure, voire terrible. Nul n’échappe à ces chutes qui nous placent face à la seule question qui vaille alors : saurons-nous traverser ces nuits et nous relever – autrement dit : ressusciter ?
Un solide équipement métaphysique peut nous aider à sortir de ces épisodes dramatiques de l’existence, à les commuer en situations résurrectionnelles. C’est d’une telle métaphysique, chrétienne, qu’il est question dans ce livre à la fois marqué par le tragique de la condition humaine et rempli d’espérance. Denis Moreau y entremêle réflexions philosophiques et témoignages personnels pour examiner quelques-unes des catastrophes que la vie nous réserve et décrire la façon chrétienne de tenter de les traverser, à la lumière de la foi en la résurrection du Christ. Parce que les petites résurrections dans nos vies sont comme des rejetons de la grande. Et que, ainsi que l’écrit Hemingway : « L’homme n’est pas fait pour être vaincu. L’homme peut être détruit, mais pas vaincu. »Denis Moreau est professeur de philosophie à l’université de Nantes. Auteur de plusieurs ouvrages sur Descartes et l’histoire de la philosophie moderne, il a aussi codirigé un Dictionnaire des monothéismes (Seuil, 2013) et publié des essais plus personnels où il conduit une réflexion philosophique sur le christianisme, parmi lesquels : Pour la Vie ? Court traité du mariage et des séparations (Seuil, 2014), Mort, où est ta victoire ? (Bayard, 2017), Comment peut-on être catholique ? (Seuil, 2018).
Si le judaïsme et, à sa suite, le christianisme et l'islam proclament l'unicité d'un dieu régnant seul de toute éternité sur le ciel et la terre, la Bible hébraïque elle-même témoigne, pour qui la lit attentivement, de ses racines polythéistes. De fait, le " dieu d'Abraham " auquel se réfèrent, chacune à sa manière, les trois religions du Livre n'a pas été unique depuis toujours.
Comment un dieu parmi les autres est-il devenu Dieu ? Telle est l'énigme fondatrice que cette plongée aux sources du monothéisme se propose d'élucider en parcourant, sur un millénaire, les étapes de son invention. D'où vient ce dieu et par quel biais s'est-il révélé à " Israël " ? Quels étaient ses attributs et quel était son nom avant que celui-ci ne devienne imprononçable ? Quand accéda-t-il au statut de dieu tutélaire des royaumes d'Israël et de Juda ? Sous quelles formes était-il vénéré et représenté ? Pourquoi les autres divinités au côté desquelles il trônait déchurent-elles ? Au terme de quel processus et en réaction à quels événements le culte exclusif qui lui a progressivement été rendu s'est-il imposé ?
À la lumière de la critique historique, philologique et exégétique et des plus récentes découvertes de l'archéologie et de l'épigraphie, Thomas Römer livre les réponses d'une enquête rigoureuse et passionnante sur les traces d'une divinité de l'orage et de la guerre érigée, après sa " victoire " sur ses rivaux, en dieu unique, universel et transcendant.
Spécialiste mondialement reconnu de l'Ancien Testament, Thomas Römer occupe la chaire " Milieux bibliques " au Collège de France ; il est également professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Lausanne.
Les « monothéistes » juif, chrétien et musulman croient en un Dieu unique, révélé dans la Bible et le Coran. Les croyants de bonne volonté parmi eux insistent à bon droit sur ce qui les unit. Il existe pourtant de grandes différences entre ces religions, en particulier à propos des origines de ce Dieu. Comme le montrent Thomas Rmer et Jacqueline Chabbi, la « naissance » de Yahvé et celle d'Allah ont eu lieu dans des contextes anthropologique et sociopolitique très contrastés, presque opposés. Quoi de commun en effet entre les petites royautés-États d'Israël et de Juda entre le viiie et le vie siècle avant notre ère, confrontés à de puissants empires comme l'Égypte, l'Assyrie, la Babylonie, la Perse, et une petite tribu de l'Ouest arabique au VIIe siècle de notre ère, à l'écart des routes caravanières, en dépendance vitale de l'eau ?
Ces conditions historiques ont forcément marqué l'identité et le devenir du Dieu de chaque tradition. Un dialogue en vérité entre le judaïsme, le christianisme et l'islam ne saurait masquer ces différences. Celui de ce livre, entre Thomas Rmer et Jacqueline Chabbi, a la qualité de bousculer aussi les certitudes de tous les fanatiques d'une lecture littérale de la Bible et du Coran.
Peu de gens le savent : Jésus occupe dans le Coran une place éminente.
À partir de deux versets de la sourate IV qui évoquent la crucifixion de Jésus de manière inattendue, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur cherchent à reconstituer ce que l'on peut comprendre des origines de la prédication de Mahomet, de son développement dans un milieu païen très marqué pourtant par les références et les influences bibliques.
Une religion ne naît jamais de rien. L'islam s'est voulu l'ultime révélation après la révélation juive et la révélation chrétienne. Elle en est à la fois l'héritière et la concurrente. Au carrefour des trois monothéismes, dans la succession du judaïsme de Moïse et du judéo-christianisme de certains disciples de Jésus, ce livre explore pour nous la formation de l'islam au début du VIIe siècle de notre ère.
Pourquoi et comment le juif de Galilée mué en Christ fondateur du christianisme est finalement devenu dans la péninsule arabique " le messie Jésus, fils de Marie, envoyé d'Allah ", l'ultime prophète avant le Prophète.
Jérôme Prieur et Gérard Mordillat sont écrivains et cinéastes. Les auteurs de la mémorable série de films Corpus Christi ont publié au Seuil Jésus contre Jésus. Leur premier essai, qui demeure un grand succès, a été suivi de Jésus après Jésus sur les origines du christianisme puis de Jésus sans Jésus sur la christianisation de l'Empire romain.
Jésus selon Mahomet accompagne et prolonge Jésus et l'islam, la nouvelle série qu'ils ont réalisée pour Arte où interviennent vingt-six des plus grands chercheurs internationaux sur l'islam.
L'imitation de Jésus-Christ
L'Imitation de Jésus-Christ tient une grande place dans la littérature chrétienne. Écrit par un moine, Thomas a Kempis, durant la première moitié du XVe siècle, ce petit livre a été lu et médité par des générations de laïcs désireux d'approfondir leur vie intérieure.
L'Imitation est certes un témoignage parmi d'autres du renouveau spirituel de son époque, désigné sous le nom de Devotio moderna, qui oppose la voie de l'intériorisation à un monde extérieur déchiré et violent. Mais les grandes œuvres débordent le temps et le lieu qui ont offert le cadre, le sujet, l'occasion, l'auditeur. C'est l'existence chrétienne de toutes les époques qui est décrite dans ce livre. La grâce et la tentation sont ressaisies à leur " racine " : l'existence de l'amour et du mal. De l'un et de l'autre, l'auteur décrit les formes en appelant le lecteur à la conversion intérieure. L'Imitation tend à cette purification du cœur sans laquelle ne peut être ni compris ni vécu l'Évangile.
Traduit du latin par Félicité Lamennais
« On ne sort pas d'une crise égal à soi-même : on en sort meilleur ou pire. À présent, c'est à nous que revient ce choix. »
Au moment où les sociétés sont assaillies par une crise sanitaire extrêmement déstabilisante, ces mots du pape François appellent à nouveau au combat spirituel autant que politique.
Cinq ans après l'encyclique Laudate si', le pape prolonge ici avec Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, son exhortation à protéger notre « maison commune » des dégradations humaines et écologiques causées par notre système. Les deux hommes dénoncent ces autres virus que nous avons développés, une économie de marché sauvage, une injustice sociale violente. Mais ils entreprennent aussi, avec vigueur et profondeur, de dessiner les voies d'une écologie qui cesse d'être un slogan pour devenir un choix. Biodiversité, économie, migration, éducation, communautés : ces notions font l'objet d'une réflexion particulière, constructive et optimiste.
Réunis par une même confiance dans un changement possible, le pape et le militant appellent toutes les compétences et les bonnes volontés à s'unir pour transformer notre vie et s'engager dans la défense d'une biodiversité indissociablement humaine et écologique. À ce titre, l'expérience des ethnies qui vivent en relation étroite avec la nature est essentielle à considérer : elles « ressentent nos propres ombres » que nous ne voyons pas nous-mêmes. Et les murs que nous construisons, à abattre.
Dieu, Kyrios, Deus, Notre Père, Iahvé, Elohim, Adonaï, Jésus ou Allah ont indéniablement un « air de famille ». Cela ne veut pas dire qu'on puisse les traduire les uns dans les autres sans précaution ni qu'ils soient identiques comme le laissent entendre un peu vite ceux qui prônent la notion de « religions abrahamiques ». Il n'en demeure pas moins que ces trois religions se réfèrent à des Révélations. Elles nous recommandent de croire que Dieu s'est révélé lui-même, de diverses manières selon qu'on soit juif, chrétien ou musulman.
Philippe Borgeaud insiste sur un point névralgique : pour l'historien ou l'anthropologue, l'islam, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, l'animisme ou l'hindouisme n'existent pas en tant que tels, pas plus que les dieux auxquels on les associe. Il n'y a de religion que dans les paroles, les sentiments et les actes de ceux qui s'en proclament les acteurs ou les adversaires. Pour saisir cette divergence fondamentale, entre le sens commun et l'observation des sciences humaines, comparer les croyances entre elles est indispensable.
Tout en interrogeant notre présent, posant la question de savoir si on peut encore « afficher de l'incroyance », Borgeaud analyse les systèmes de pensée religieuse. Dans ce livre, il nous propose de repenser les mythes et les récits fondateurs qui ont contribué à transformer des pratiques et des croyances ancestrales en « religions » modernes.
De toutes les œuvres de Louis-Marie Grignion de Montfort, celle-ci est la plus connue et la plus lue : plus de 300 éditions en vingt langues depuis sa publication en 1842 (soit 126 ans après la mort de l'auteur).
Avec des mots, des expressions, des comparaisons qui datent certes, mais pleines de saveur et de justesse quand on les replace dans la mentalité des débuts du XVIIIe siècle, ce traité déploie l'essentiel de la doctrine spirituelle catholique concernant Marie. Grignion de Montfort, missionnaire et prédicateur né, cherche avant tout à faire aimer Marie, à favoriser la "dévotion" à son égard, à développer une doctrine solide et substantielle qui soutienne la piété des fidèles. La "vraie" dévotion suppose aussi une critique des fausses attitudes, des erreurs et des excès.
On peut dire sans hésiter : "la nécessité que nous avons de la dévotion à la très sainte Vierge" a trouvé, en Louis-Marie Grignion de Montfort, un soutien exceptionnel.
Olivier Roy s'est imposé comme un spécialiste mondial de l'islam politique. Mais l'acuité de son point de vue est-elle simplement due au savant travail d'un universitaire méditant les bouleversements géopolitiques dans la solitude de son cabinet ? Non : ce livre d'entretiens montre au contraire ce que ses analyses doivent à l'épreuve du terrain. De ses engagements étudiants pendant les " années de poudre " aux voyages répétés en Afghanistan avant et pendant la guerre des années 1980, en passant par la Turquie, l'Iran, le Pakistan ou le Yémen, jusqu'à ses fonctions " officielles " en Asie centrale et sa consécration scientifique, il revient sur un parcours surprenant, voire iconoclaste, conté avec talent et liberté.
Mais au-delà d'un récit vivant et coloré, les événements deviennent prétextes à de multiples réflexions, inédites et stimulantes pour l'intelligence de notre situation actuelle. Le livre prolonge en effet la réflexion originale d'Olivier Roy sur ses objets de prédilection : l'islam politique bien sûr, mais aussi l'" invention des nations " postsoviétiques, le rapport du chercheur aux États qui le consultent et, plus largement, le devenir des cultures, des religions et de la laïcité dans les soubresauts de la mondialisation.
Préface d'Olivier Mongin et Jean-Louis Schlegel
Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS, enseigne aujourd'hui à l'Institut universitaire européen de Florence. Il a notamment publié, au Seuil, L'Islam mondialisé (2002 ; " Points Essais ", 2004) et La Sainte Ignorance. Le temps de la religion sans culture (2008 ; " Points Essais ", 2012).
Pourquoi prie-t-on aujourd'hui ? Comment prier ? Le sait-on encore ? Que signifie cet acte, le plus immémorial dans l'histoire des hommes ? À quelle faim, à quelle soif, à quelle urgence, mais aussi à quel amour répond la prière ? Les saints de tous les temps, les poètes et les écrivains, les musiciens et les peintres en ont tissé leurs œuvres. Mouvement intérieur ou communion collective, la prière n'en finit pas de soulever une infinité de questions et d'espérances. Elles sont au cœur du livre de Christiane Rancé où se croisent et se mêlent traits historiques, rencontres, dialogues, aphorismes, paysages et méditations.
Un nouveau bréviaire enchanteur.
Christiane Rancé est grand reporter, essayiste et romancière. Elle a déjà publié deux magnifiques biographies spirituelles au Seuil : Simone Weil, le courage de l'impossible (2009) et Tolstoï, le pas de l'ogre (2010), ainsi qu'un Jésus (Gallimard, coll. " Foliobiographies ").
A travers un essai de lecture générale des Psaumes, appliquée ensuite à quelques-uns d'entre-eux, cet ouvrage présente les "chants sacrés" sous des aspects bien peu conventionnels.
Nuit et jour : c'est dans la lumière et les ténèbres de la Passion, dans les rires et les pleurs, la louange et la supplication, le proche et le lointain, que se trouve la réponse, apparemment contradictoire, du croyant au Créateur. Nuit et jour : c'est le mot de passe de ce livre constitué d'entretiens brefs et familiers où éclate l'originalité de toute prière.
Le texte des Psaumes cités est celui de la traduction liturgique la plus récente (Liturgie des heures, édition 1980).
Paul Beauchamp (1924-2001) était professeur d'Ecriture sainte au centre Sèvres à Paris.
Pourquoi des dizaines de milliers de musulmans se convertissent-ils pour devenir chrétiens ou témoins de Jéhovah ? Comment expliquer que la religion qui croît le plus vite dans le monde soit le pentecôtisme ? Pourquoi le salafisme, doctrine musulmane particulièrement austère, attire-t-il de jeunes Européens ? Pourquoi si peu de jeunes catholiques entrent-ils dans les séminaires alors qu'ils se pressent autour du pape lors des Journées mondiales de la jeunesse ? Comment se fait-il que les défenseurs de la tradition anglicane conservatrice soient aujourd'hui nigérians, ougandais ou kényans, alors que le primat de l'Église en Angleterre approuve l'usage de la charia pour les musulmans britanniques ? Pourquoi la Corée du Sud fournit-elle, proportionnellement, le plus grand nombre de missionnaires protestants dans le monde ? Comment peut-on être " Juif pour Jésus " ? Comment se fait-il que le premier musulman et le bouddhiste élus au Congrès américain en 2006 soient tous les deux des Noirs convertis ?
La théorie du clash des civilisations, de S. Huntington, ne permet pas de comprendre de tels phénomènes. Car loin d'être l'expression d'identités culturelles traditionnelles, le revivalisme religieux est une conséquence de la mondialisation et de la crise des cultures. La " sainte ignorance ", c'est le mythe d'un pur religieux qui se construirait en dehors des cultures. Ce mythe anime les fondamentalismes modernes, en concurrence sur un marché des religions qui à la fois exacerbe leurs divergences et standardise leurs pratiques.
Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS, est, entre autres, l'auteur de L'Islam mondialisé.
Abus sexuels, concentration de la parole et du pouvoir, exclusion des femmes : comment ces faits ont-ils été rendus possibles au sein d'une institution née pour incarner la parole de Jésus ?
Avec toute la vigueur de la colère et d'un attachement authentique au message évangélique, Loïc de Kerimel va à la racine du mal : l'Église ne produit pas privilèges et abus comme n'importe quelle institution de pouvoir le fait ; elle est fondée sur l'affirmation d'une différence essentielle entre une caste sacerdotale, sacrée, et le peuple des fidèles.
Alors que Jésus dénonce le monopole des prêtres et de la hiérarchie lévitique du Temple dans l'accès au salut, l'Église chrétienne naissante se dote d'une organisation similaire. Alors même que le judaïsme naissant se convertit à une spiritualité sans prêtres ni sacrifices, l'Église donne au repas du Seigneur, l'eucharistie, une tournure sacrificielle.
Or, c'est précisément autour du monopole sacerdotal, et masculin, de cette célébration que le cléricalisme a fait système et s'est installé dans l'histoire. Tenu à l'écart des réformes, il a généré les abus de pouvoir qui gangrènent l'Église aujourd'hui.
Un livre passionnant et nécessaire.
Les Pouvoirs du sacré pose une question brûlante : celle de la place persistante du sacré et de la religion dans la vie sociale contemporaine. Ni une vision linéaire de la sécularisation comme déclin progressif et mondial de la religion, ni une compréhension mystique du " retour du religieux " ne conviennent pour appréhender ce phénomène complexe. Hans Joas parcourt, synthétise et discute les grands paradigmes qui ont été élaborés par la philosophie et la sociologie, depuis le xviiie siècle, pour penser la vie religieuse.
En discussion critique avec Max Weber, Joas construit une alternative au récit du " désenchantement du monde ". Il estime qu'une compréhension du devenir de la religion ne peut se séparer d'une interprétation des tensions entre le politique et le religieux, l'État et les Églises, qui ont paradoxalement créé des interstices dans lesquels les individus ont pu construire leur liberté et redéfinir leur vie en commun.
Il s'agit aussi d'un livre engagé en faveur d'un universalisme des droits de la personne qui se traduirait, au plan théologico-politique, par le double rejet des théocraties et des dictatures laïques, et par une mise en garde contre la tentation d'une " auto-sacralisation de l'Europe " contre l'islam.
Hans Joas est aujourd'hui l'un des plus éminents représentants de la sociologie des religions et de la " philosophie sociale " allemande, illustrées jadis par Max Weber ou Georg Simmel. Ont été traduits en français La Créativité de l'agir (Le Cerf, 1999), George Herbert Mead. Une réévaluation de sa pensée (Economica, 2007) et Comment la personne est devenue sacrée. Une nouvelle généalogie des droits de l'homme (Labor et fides, 2016).
Traduit de l'allemand par Jean-Marc Tétaz.
Le nuage d'inconnaissance
Ce texte mystique anonyme du XIVe siècle se situe dans la pure lignée de la " contemplation obscure " qui va de Denys l'Aréopagite à Thérèse de Lisieux en passant par la " docte ignorance " de Nicolas de Cuse et la " nuit " de Jean de la Croix. L'austérité de cette tradition est tempérée ici par une modération toute anglaise, à laquelle la traduction d'Armel Guerne a su garder sa saveur archaïsante.
Traduit de l'anglais par Armel Guerne
Angèle de Foligno, née en 1248, morte en 1309, fut, à en croire Huysmans, "la plus amoureuse des saintes". "Mystique sauvage" en un siècle que l'Inquisition rendit dangereux pour la mystique, elle renonça aux plaisirs mondains pour vivre une aventure spirituelle qui l'ouvrit, de son vivant, à des jouissances célestes.
"Je dirais que l'amour prit, en me touchant, la ressemblance d'une faux... et mes membres se brisaient et se rompaient de désir, et je languissais, je languissais vers ce qui est au-delà."
Avec des images et des accents qui annoncent Thérèse d'Avila, Le Livre des visions et instructions recueille l'expérience de ces excès divins.
La traduction choisie est celle, véritablement inspirée, d'Ernest Hello. Elle demeure inégalée après plus d'un siècle.
Avec les pontificats de Jean-Paul II et Benoît XVI, l'Église serait-elle, comme une vieille dame, atteinte d'ostéoporose ? Telle est en effet le diagnostic implacable que fait Hans Küng. Extérieurement, l'Église catholique est affectée par une crise sans précédent en Europe : absence de prêtres, départ massif de fidèles, absence de toute réforme du gouvernement romain, scandale de la pédophilie des prêtres, rigorisme moral insupportable, autoritarisme, restauration anté-conciliaire qui se dessine, traditionalisme liturgique, œcuménisme défaillant. Küng va aux causes profondes et lointaines de cette débâcle : un système romain – de puissance, de fermeture, d'arrogance – a fait son temps. Juridisme, cléricalisme, système de gouvernement médiéval, mentalité de croisade, méfiance envers la sexualité humaine, refus de toute réforme, mépris de la science aujourd'hui comme hier, refus de la démocratie – réservée aux autres –, goût du secret, haine du moderne, autocélébration et autoconservation internes qui se refusent à toute autocritique véritable : n'en jetez plus ! Il propose aussi toute une série de remèdes, car le mal ne lui paraît pas (encore) mortel, pour " guérir " l'Église catholique : des réformes pour être plus fidèle l'Évangile, et non pour faire plaisir à l'esprit du temps.
Hans Küng, jeune théologien brillant d'origine suisse, fut expert au Concile Vatican II (1962-1965) en même temps que Josef Ratzinger. Dernier livre de Hans Küng au Seuil : Faire confiance à la vie (2010).
"Je sus que ma parole atteindrait les deux horizons, celui d'Occident et celui d'Orient", déclare Ibn Arabî (1165-1240) à la suite d'une vision survenue dans sa jeunesse. L'histoire lui a donné raison. Depuis plus de sept siècles, son œuvre n'a cessé d'être lue, méditée, commentée dans toutes les langues vernaculaires de l'islam ; il a exercé une influence majeure sur le "soufisme", la dimension mystique de l'islam. La vindicte persistante des oulémas (docteur de la Loi de l'islam) à son égard atteste la force de sa présence parmi les "Hommes de la Voie". Il est grand Docteur mystique de l'islam. Pas de question intellectuelle et religieuse qu'il n'ait abordée dans son œuvre immense (plus de quatre cents ouvrages !).
Claude Addas retrace ici la vie et l'œuvre de ce grand "voyageur", exceptionnel "vivificateur de la religion", comme on le désigne dans la tradition musulmane.
Claude Addas
Diplômée des Langues orientales, auteur d'une thèse sur Ibn Arabî, elle poursuit ses recherches sur ce grand soufi andalou.
La tradition bouddhique de langue palie a conservé une collection de plus de cinq cents contes, les Jatakas, qui relatent les vies passées du Bouddha, comme animal, comme dieu et comme homme. Ceux qui ont été traduits pour la première fois dans ce recueil mettent en scène le thème central des dix " perfections ", qualités que le futur Bouddha a dû cultiver avant de pouvoir atteindre l'éveil par la méditation : la générosité, le renoncement, la sagesse, la patience, etc.
Vivants, parfois drôles et pleins de rebondissements, ces contes de sagesse rapportent les paroles et les actes souvent héroïques du futur Bouddha et sont considérés en Asie du Sud-Est comme les classiques de l'éthique bouddhiste. Nul doute que le présent ouvrage fera référence ici aussi.
Kim Vu Dinh
Il a déjà traduit au Seuil Trois enseignements sur la méditation Vipassana de S.N. Goenka (" Points Sagesses ", 2009).
Le livre tiré par Edmond Michelet de ses notes de Dachau constitue un des documents les plus vivants et les plus honnêtes sur l'aventure concentrationnaire [...] : avec une objectivité remarquable, Michelet décrit ce que fut la vie d'un résistant français qui a dû et pu tenir près de vingt mois dans un block de Dachau ; il analyse les conflits qui surgissaient entre classes de détenus - politiques et " droit commun " - allemands, latins et slaves ; il démonte la curieuse machine politique qui avait fini par s'organiser, l'équilibre des pouvoirs dans une cité d'esclaves hantés par la mort et qui, pourtant, ne cessaient de regarder vers la vie. Une galerie de beaux portraits psychologiques alterne avec des scènes dramatiques et de larges fresques, comme l'épidémie de typhus de l'hiver 44-45 et la pagaïe ubuesque d'une libération de fantômes. Le témoignage du chrétien, qui dit ce qu'il a tiré de sa foi, est porté sans ostentation et avec noblesse. Et il n'était pas possible de faire ressortir plus honnêtement l'ambiguïté d'une aventure où l'homme a révélé les pires côtés de sa nature [...] mais aussi ses virtualités héroïques et son irrépressible spiritualité.
Pierre-Henri Simon
de l'Académie française
Elucider l'"incarnation", l'existence dans la chair, l'"être-chair", tel est le propos de ce livre. La chair n'est pas le corps. Car c'est la chair qui, s'éprouvant, se souffrant, se subissant et se supportant soi-même, jouissant de soi selon des impressions toujours renaissantes, est capable de sentir le corps qui lui est extérieur, de le toucher aussi bien que d'être touchée par lui. La chair seule nous permet en fin de compte de connaître le corps.
Mais l'élucidation de la chair rencontre nécessairement l'affirmation fondamentale qu'on trouve dans le Prologue de l'Evangile de Jean : "Et le Verbe s'est fait chair." Thèse invraisemblable, sur laquelle se joue pourtant le sort du christianisme à travers les âges. Elle affirme à la fois que la chair du Christ est semblable à la nôtre, que l'homme "est chair", que l'unité du Verbe et de la chair est possible et se réalise dans le Christ. Mais que doit être la chair pour être révélation ? Et que doit être la révélation pour s'accomplir comme chair ?
Ce sont quelques-unes parmi les questions que Michel Henry aborde dans cette analyse de notre condition incarnée. Il prolonge et approfondit la méditation de la Vie qui faisait l'objet de ses précédents livres, en particulier de C'est moi la Vérité. Et c'est aussi une magnifique relecture critique de la tradition phénoménologique, de Husserl à Merleau-Ponty.
Trois Soûtras et un Traité de la Terre pure
Les Trois Soûtras de la Terre pure et le Traité de Vasoubandhou qui leur fait suite sont à l'origine d'un courant de spiritualité bouddhique encore bien vivant dans tout l'Extrême-Orient. Comme tous les textes du Mahâyâna, ils insistent sur l'idéal des bodhisattvas, ceux qui aspirent à devenir des bouddhas parfaitement accomplis, en décrivant les moyens de parvenir à leur idéal de sagesse, d'amour et de compassion : ils invitent aussi les candidats au Suprême Éveil à atteindre l'état sans-recul, où l'on atteint le but sans jamais retomber dans les mauvaises destinées.
La Terre pure est la nouvelle expérience de ceux qui atteignent cet état sans-recul, et le Bouddha Amida, que les trois soûtras disent demeurer dans la Terre pure occidentale du Bonheur paisible, représente l'idéal du Suprême Éveil manifesté par le Bouddha Châkyamouni. Les trois soûtras racontent comment le futur Amida prononça de grands vœux en faveur de tous les êtres. Ayant compassion des plus faibles, des plus ignorants et même des criminels, il donna la méthode facile du Nemboutsou, la récitation de son nom, dans un esprit de simplicité et de confiance.
Jean Eracle (éd.)
Traducteur, longtemps conservateur du département d'Asie au Musée d'ethnographie de Genève, bonze de l'Ecole du Vrai Enseignement de la Terre pure (Jôo-Shinshû), il fut le résident du Temple de la Foi sereine (Shingyôgi) au cœur de Genève.
Comment un théologien catholique peut-il, ose-t-il, défendre l'idée d'une " aide à mourir ", appelée aussi " suicide assisté " ou " accompagné ", ou encore " euthanasie " ?
Précisément au nom de sa foi ! " Justement parce que je crois en une vie éternelle, j'ai le droit, le moment venu, de décider quand et comment je vais mourir. " C'est comme croyant que Hans Küng défend une fin de vie digne de l'homme, de son humanité. " Un Dieu qui interdirait à l'homme de mettre fin à sa vie quand la vie lui fait porter durablement des fardeaux insupportables ne serait pas un Dieu amical à l'homme. "
Hans Küng parle pour lui-même et ne veut rien imposer à personne. Mais avec beaucoup de délicatesse et de nuances, il revendique, pour ceux qui n'en peuvent plus de vivre, le droit de partir quand ils l'ont souhaité, en toute clarté et lucidité.
Ce livre est aussi un parcours simple et éclairant sur le " changement de paradigme " où nous sommes engagés aujourd'hui dans notre compréhension de la vie et de la mort humaines.
Hans Küng, né en 1928, est un théologien catholique mondialement connu pour ses prises de position contestataires et courageuses dans une Église qu'il n'a jamais quittée.