Pouvons nous espérer un jour assigner une limite à nos économies dont la forme actuelle de développement menace toujours plus le monde et les communautés humaines dans lesquelles nous vivons ? Cette question inquiète ne porte pas d'abord sur la quantité produite mais sur la bonne consommation. Or la science qui aurait dû consacrer toute son attention à construire une définition réfléchie de la bonne consommation s'est laissée absorber par une toute autre question relative aux conditions de la reproduction sociale et aux formes de distribution du produit à travers l'échange marchand et la répartition. Il en résulte que depuis plus de deux siècles la consommation est le plus souvent tenue pour un acte de reproduction de la vie et des forces de chaque être humain. La richesse est définie à partir du produit. Le bonheur du consommateur est vu comme un état quantifiable. Pour retrouver une plus juste notion de la consommation heureuse, il faut dire au contraire que le don précède la prise, que la consommation est antérieure à la production et que le travail n'est pas d'abord un acte productif mais une passion où le temps se donne comme temps humain.
Un « impôt sur les imbéciles », une « friponnerie », un « jeu cruel », un « fléau inventé par le despotisme »... Les hommes des Lumières n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la loterie royale, une institution que tous les États européens ont mis sur pied au xviiie siècle. Les souverains encourageaient donc la passion du jeu, l'oisiveté, et captaient sans vergogne l'épargne de leurs sujets ? Faire croire que l'on gagne, tandis que l'on perd toujours, n'était-ce pas le propre d'un État corrompu ? Ou bien doit-on plutôt considérer la loterie royale comme un outil d'ingénierie financière, le fruit d'une nouvelle rationalité publique ? La loterie est incompatible avec le secret de la finance, encore défendu par les doctrines absolutismes du pouvoir. Son succès s'appuie nécessairement sur les gazettes, la publicité, la transparence, tant de la roue de la fortune hissée sur une estrade, que des comptes, car tout soupçon de fraude doit être écarté. Pour la première fois, l'État s'expose à ne pas perdre la confiance du public. Les « calculateurs », - des plus savants, comme d'Alembert ou Condorcet, aux plus aventuriers comme le jacobite John Glover ou le vénitien Giacomo Casanova -, proposent des méthodes de gains qui garantissent un revenu permanent, tandis que la croissance du xviiie siècle permet le développement de l'épargne populaire. Voici donc que le hasard, combiné à l'abondance, génère un revenu public, un fonds de trésorerie que tous les souverains convoitent.
L'implication de l'histoire bancaire dans l'histoire des « territoires économiques » constitue la force et l'originalité de ce livre, qui confronte le « local » au « national », de façon comparative et stimulante. Il fédère des champs d'étude que les spécialistes ont, chacun de leur côté, précisé par ailleurs. Il confronte en effet les jeux des « districts industriels » et des « systèmes locaux de production » et d'échanges, le rôle de l'enracinement au sein des communautés d'affaires, la pérennité et la puissance des dynasties patronales, le fonctionnement d'une communauté de place bancaire, la gestion des risques bancaires en région et enfin le débat autour de la capacité des places régionales à préserver leur autonomie face aux pressions de l'insertion dans le système bancaire national. De façon globale, ce livre entend établir des connexions précises et fouillées entre ces six enjeux thématiques et problématisants - et ce, sur la base d'archives bancaires, d'archives d'entreprises et de témoignages de banquiers eux-mêmes. Le cas d'étude Lille-Roubaix-Tourcoing constitue le noeud de ces connexions, sur le long terme. Il s'agit de déterminer et d'analyser l'évolution des rapports entre ces six enjeux tout au long des trois révolutions industrielles et des chocs conjoncturels. L'art de la gestion des risques bancaires face aux mutations des entreprises et des branches d'activité (industrie, négoce) est au coeur des interrogations, mais aussi le portefeuille de talents des responsables des banques et des agences. L'ouvrage présente enfin plusieurs des enjeux de la gestion du patrimoine de la mémoire d'entreprise, des archives, des réseaux d'agences.
Couvrant une vaste période, de la fin du xixe siècle à nos jours, l'ouvrage aborde la question de la culture ouvrière dans une perspective transnationale, interdisciplinaire et interculturelle en cohérence avec les questionnements actuels de l'historiographie : à l'heure du discours sur la mémoire du mouvement ouvrier, il en retrace l'évolution dans l'espace germanophone, en mettant en évidence des pratiques culturelles porteuses de progrès pour la classe ouvrière. La notion de culture ouvrière, prise au sens large du terme, est donc analysée dans ses implications historiques, politiques, sociologiques, linguistiques et artistiques. Plusieurs études font intervenir la dimension comparatiste avec une mise en perspective entre la Rhénanie du Nord-Westphalie et le Nord-Pas de Calais. La politique culturelle de la RDA, État des travailleurs et paysans, y occupe une place centrale, montrant les limites d'une culture ouvrière imposée et uniquement centrée sur la place de l'ouvrier dans l'appareil productif. Dans le contexte d'une culture de masse, la pérennité des notions de classe ouvrière, et donc de culture ouvrière, a pu être remise en cause, mais plusieurs auteurs évoquent aussi une culture qui intègre la dimension du travail, d'un travail aliénant ou précaire, mais aussi l'absence de travail, dans des domaines comme le théâtre, la littérature ou la lutte syndicale, avec notamment les questions d'intégration des immigrés et du multiculturalisme.
L'histoire des concessions contribue à la compréhension des débats actuels sur les énergies renouvelables et l'hydroélectricité, mais la concession des barrages intéresse aussi l'histoire de l'économie d'énergie, des entreprises, des techniques et du droit. La France a connu plusieurs grandes aventures hydroélectriques, dans les Alpes, la vallée du Rhône et celle du Rhin. Notre livre porte sur les Pyrénées et le Massif central : des compagnies ferroviaires et la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) y ont construit des barrages et des réseaux. Le déploiement technique, économique et juridique des équipements hydroélectriques des Pyrénées et du Massif central est reconstitué sur un siècle grâce aux méthodes de l'histoire d'entreprise. Le rôle des ingénieurs, des techniciens et ouvriers y apparaît central. Les parties prenantes aux projets de développement de la houille blanche (compagnies ferroviaires, élus locaux, industriels, ingénieurs, techniciens et salariés énergéticiens ou cheminots, sociétés de bâtiment-travaux publics) sont également présentées pour chaque période chronologique. Ainsi, ce livre déploie la vie régionale du grand Sud-Ouest à travers la restitution de son patrimoine industriel, tout en interrogeant les bases économiques et juridiques d'un modèle énergétique, incarné par la SHEM et EDF.
Servant d'interface entre les territoires d'Outre Mer et les hinterlands européens, les ports de la Rangée Nord, depuis Le Havre jusqu'à Hambourg, constituent de véritables carrefours cosmopolites chargés d'histoire. Ils suscitent un net regain d'intérêt dans nos sociétés et méritent d'être revisités au plan scientifique. En la matière, les approches comparatives ou transnationales mettant en relation ces différents objets d'études sont encore rares. Prenant en compte la longue période, cet ouvrage permet donc de combler en partie un vide en proposant d'européaniser l'analyse et la perspective. Plaçant les dimensions économique, sociale et culturelle au coeur des dynamiques historiques de ces espaces portuaires, les diverses communications apportent un regard neuf sur les relations étroites entretenues par les ports avec leurs hinterlands au travers des grands fleuves que sont la Seine, le Rhin, la Meuse, l'Escaut ou la Tamise. Comme espaces privilégiés où se développent des voies de communication de toute nature, physique comme humaine, les ports et leurs hinterlands oscillent entre une logique de concurrence et de complémentarité révélatrice de l'intégration complexe et progressive de l'espace européen tout en s'inscrivant dans un concert de plus en plus international au travers de la seconde révolution des transports maritimes au xxe siècle. Une articulation entre les lieux et les espaces, le lien entre les systèmes, les acteurs et les activités et enfin, les représentations, les imaginaires et les connaissances mobilisées par l'objet d'étude sont ainsi proposés dans cet ouvrage. Il invite au travers d'une grande diversité de contributions à ouvrir de nouveaux horizons de réflexion en se tournant depuis le grand large vers l'intérieur des territoires.
Le Royaume-Uni, l'Europe et le monde est un recueil d'essais permettant de nourrir les réflexions sur la spécificité politique, diplomatique, culturelle et économique des Îles britanniques par rapport au continent et à la France. Les études sur le rayonnement et la puissance (notamment thalassocratique) du Royaume-Uni servent de points d'appui à des débats autour de la capacité à rester partie prenante dans l'échiquier mondial. L'insertion dans l'Union européenne a contribué d'ailleurs à attiser les débats. Mais la compétition porte aussi sur les enjeux culturels, l'anglophonie face à la francophonie ou l'originalité du modèle patrimonial britannique, par exemple. Ces essais veulent ainsi stimuler les parcours historiques de la « grandeur » britannique et les réflexions autour de la pérennité de l'originalité anglaise. Tout à la fois orienté vers l'histoire britannique, de façon délibérément comparative, et vers l'histoire des relations internationales, ce recueil contribuera à stimuler l'esprit d'ouverture critique.