Ce livre a pour objectif de soumettre à l'expertise des historiens la question qui agite autant le monde savant que les politiques, les citoyens et les médias : comment un État ou un groupe d'États peut-il entrer dans une crise de la dette publique et comment peut-il s'en sortir ? Il semble bien en effet que les historiens disposent d'un vaste champ expérimental, susceptible d'autoriser les comparaisons dans le temps et dans l'espace. Au-delà des variations fortes du contexte dans lequel leurs observations s'insèrent, leurs constats peuvent ainsi entrer en résonance avec les théories ou les faits énoncés ou révélés par les économistes et les sociologues, ouvrant ainsi la voie à un véritable dialogue interdisciplinaire. Les exemples ne manquent pas, ils foisonnent, de moments critiques où les États se sont trouvés dans une situation de surendettement qu'ils ne parvenaient plus à surmonter. Ce livre entend rendre compte de ces épisodes sans doute improprement appelés « crises ». Il s'agit, en effet, d'interroger les auteurs sur un faisceau d'expériences historiques depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, et de leur demander d'analyser à la fois les évolutions qui ont conduit à une montée de la dette publique et les remèdes qui ont pu être appliqués pour tenter de la juguler. De l'Amérique latine à la Russie, le spectre géographique de cette publication a une large portée internationale, l'ouvrage ne délivre certes pas de recettes mais apporte un nouvel éclairage sur des processus qui peuvent faire déraper la dette publique et sur les méthodes employées pour la réduire, l'endiguer, voire l'annuler.
Le siècle dernier a connu de grands bouleversements financiers. Les textes de chercheuses et chercheurs de diverses disciplines rassemblés ici retracent, dans un langage accessible à tous, les évolutions majeures des institutions, des normes, des acteurs, des outils et des pratiques qui caractérisent le système des finances publiques en France. Ce volume met en perspective séculaire la gestion de la dette, le financement étatique de l'économie, la dimension politique du droit financier, l'extension des programmations budgétaires de tout type, mais également les conséquences des guerres et de la construction européenne sur les finances de l'État. À ces analyses s'ajoutent des études de cas sur les modes de financement de la statistique publique et des politiques en matière de culture et d'éducation, respectivement le moins doté et le plus important des postes budgétaires. Cet ouvrage de synthèse dessine à la fois une histoire de l'État par ses finances publiques et une histoire financière d'un long xxe siècle (des années 1880 aux années 2020). Cette double approche permet notamment de mieux comprendre l'état des finances publiques d'aujourd'hui.
Malgré la financiarisation des économies le crédit inter-entreprises occupe aujourd'hui une place majeure dans la structure financière des firmes petites et grandes dans le monde. Malgré cela, il a longtemps été négligé par les historiens de l'économie qui préfèrent travailler sur des sources de financement plus accessibles et plus formalisées. Les études historiques présentées dans ce livre analysent sur un long xxe siècle le crédit inter-entreprises en Europe occidentale, à la fois sous sa forme de crédit commercial (la première source de financement à court terme des firmes) et celle de crédit financier (financement direct interentreprises, crédit intra-groupe, crédit de la famille et/ou du réseau...). Réalisé par une équipe internationale de chercheurs, ce recueil livre une première contribution à l'histoire du financement inter-firmes des entreprises européennes, dont on retrouve bien des traits aujourd'hui dans les flux massifs de capitaux circulant à l'intérieur des groupes mondialisés. Il montre que loin de se réduire à une forme archaïque de financement qui résulterait des imperfections du marché des capitaux, le crédit interfirmes correspond à un besoin de coordination et d'adaptation des firmes à leur environnement et au progrès technique.
La fraude est ici appréhendée dans toutes ses dimensions, spatiales, temporelles, politiques, économiques, juridiques et sociales. Ce livre est le résultat d'un vaste programme de recherches internationales et entend surtout éclairer les relations entre fraudes et territoires. La porosité des frontières politiques ou « naturelles » - mais chaque frontière est artificielle - délimite avant tout une géographie des contournements. Placée dans une perspective de longue durée, car le phénomène de la fraude est ancestral, la fraude se sert des difficultés, voire de l'absence de volonté, des États à contrôler tous les flux ou plutôt les marges. La fraude est une activité économique, par définition mal connue, qui, dans certaines circonstances (guerre, occupation, pénurie...) prend une place prédominante dans la vie quotidienne des populations. Elle peut aussi devenir une question de survie. Les règles juridiques et légales, qu'elles soient douanières ou fiscales, induisent des comportements frauduleux qui proviennent parfois de traditions commerciales préexistantes aux normes étatiques. Enfin, la fraude, malgré ses dangers, fait vivre les fraudeurs et engendre des corps de contrôle. Du Tonkin à la Guadeloupe, en passant par l'Empire espagnol et le Benelux, de Marseille à Londres, en passant par Newport, Calais, Lille, Anvers, le Dauphiné ou encore l'Anjou, les textes de cet ouvrage pluridisciplinaire offrent un vaste panorama des modalités et des acteurs de la fraude. Ils soulignent à la fois les constantes et la diversité des trafics illicites (denrées alimentaires, armes, brevets, sel, monnaies...) dans le monde depuis le XIIIe siècle.
La mondialisation économique et financière actuelle est souvent comparée à celle qui se développe au XIXe siècle et culmine en 1914 ; les inégalités retrouvent, dans nombre de pays, leur niveau record de la veille de la Grande Guerre, de même que l'indépendance des banques centrales ou le libéralisme. La Première Guerre mondiale n'a-t-elle donc ouvert qu'une parenthèse dont les effets ont été depuis effacés, et les économies et sociétés européennes sont-elles revenues à un état « naturel » perturbé par des guerres mondiales « accidents » dramatiques du XXe siècle ? Ce livre s'interroge ainsi sur l'impact de long terme de la Grande Guerre : qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Quelles sont ses traces dans l'économie et la société dans lesquelles nous vivons actuellement en Europe ? Quelles institutions sont apparues alors qui jouent encore un rôle important ? Pour répondre à ces vastes questions, une conférence internationale tenue en novembre 2018 a réuni des chercheurs et chercheuses en sciences sociales spécialistes de l'économie, de la société et des relations internationales. Chacun développe ici sa réponse à partir de son domaine à l'échelle temporelle et spatiale qui lui paraît pertinente. Cette diversité de point de vue permet au lecteur de construire sa propre réponse, et d'abord de découvrir les grandes lignes de tension économiques, sociales et politiques qui se nouent et se renouent depuis la Grande Guerre, pour comprendre ainsi un peu mieux notre temps.
Après avoir été détruite aux deux tiers de son tonnage pendant la seconde guerre mondiale, la Marine marchande française s'est reconstituée en moins de cinq ans. Elle a dû faire face, d'une part à la disparition de ses paquebots de ligne avec l'arrivée sur l'Atlantique nord des premiers avions long-courriers à réaction, d'autre part à la perte de substance du trafic des marchandises sur ses lignes traditionnelles, avec la décolonisation. Précédant en cela les dirigeants des grandes entreprises exportatrices françaises, les armateurs et le personnel navigant, dans leur conquête de nouveaux marchés, ont été confrontés à la question suivante : comment continuer à vivre avec le même niveau de protection sociale et de prévoyance et affronter de manière efficace et équitable la concurrence internationale ? Jusqu'à la fin des années 1970, la flotte française a relevé le défi, multipliant son tonnage par trois et passant en 1975 du 10e au 9e rang mondial. Cependant, après 1980, aux effets de la deuxième crise pétrolière s'ajoutent d'autres facteurs négatifs dont l'absence d'une politique maritime stable. La Marine marchande française connaît alors une récession suivie d'une stabilisation dans les années quatre-vingt-dix. Bernard Cassagnou décrit et explique ces deux grandes mutations, l'une positive, l'autre négative. Et comme le souligne Alain Plessis : « Il ne nous fait pas seulement découvrir ce secteur, sur lequel ce livre constitue désormais une référence obligée, il apporte une contribution à prendre en compte pour donner des réponses aux questions fondamentales que soulève l'histoire économique de la France contemporaine ».
Depuis l'Ancien Régime, la France doit faire face à l'émergence de nouveaux compétiteurs qui attaquent ses productions traditionnelles. La différenciation des produits et l'amélioration de leur qualité vers le haut de gamme peuvent être des solutions efficaces pour réussir dans le cadre d'une libéralisation des échanges internationaux et d'une concurrence mondialisée. La montée en gamme apparaît comme un enjeu crucial que l'histoire économique peut éclairer. En effet, le made in France évoque l'histoire d'un produit, d'une entreprise, d'un territoire mais également la mobilisation de savoir-faire uniques et ancestraux. Issu d'un colloque international et pluridisciplinaire, cet ouvrage s'attache à comprendre les spécialités du commerce extérieur français du XIXe au XXIe siècle, en regard du dynamisme de ses voisins, allemand notamment. Il interroge en outre le succès des « articles de Paris », des parfums et vins français, des entreprises familiales françaises du luxe mais également des montres suisses, des créateurs et créatrices de mode italiens et de l'industrie automobile allemande. Enfin, il invite à repenser les notions de terroir, de cluster (réseau d'entreprises locales) ou encore de marque.
Le Conseil et le Bureau du commerce constituent l'instance principale de l'administration royale du commerce au XVIIIe siècle. Bien que le roi n'assiste jamais aux séances hebdomadaires, cette institution, créée en 1700 et dissoute en 1791, a contribué à modeler l'économie française de l'époque. Installée au sommet d'une pyramide institutionnelle, elle est étroitement associée à l'élaboration et à l'application du droit économique, exerçant un véritable pouvoir par procuration en matière d'édiction de la norme. La très influente présence, en son sein, de députés du commerce la crédibilise aux yeux des forces vives de l'économie. Par ailleurs, une intégration institutionnelle forte tend à la solidariser, de façon presque organique avec les chambres de commerce, les corporations et les manufactures. Contrairement à une vision quelque peu réductrice d'une économie « dirigiste », le Conseil/Bureau du commerce, durant la première moitié du siècle, opère une économie d'une nature profondément conventionnelle. Concrètement, cette institution est le point de rencontre de toutes les entités intéressées au commerce et le rapport de force s'avère ambigu entre le pouvoir et les opérateurs privés. Durant la seconde moitié du siècle, le Bureau du commerce change radicalement de politique, voire de doctrine, pour mettre en oeuvre un libéralisme économique « premier ». Le langage employé et l'intériorisation de concepts économiques et idéologiques nouveaux montrent le degré de pénétration de ce libéralisme.
Le colloque sur La France, l'Europe et l'aide au développement, des traités de Rome à nos jours, tenu à l'initiative de l'AFD et de l'IGPDE, présente sous la forme d'un dialogue entre des universitaires et des grands acteurs de terrain (Philippe de Fontaine Vive, Dieter Frisch, Omar Kabbaj, Bernard Petit, Dov Zerah, Tertius Zongo) un état des lieux de la coopération pour le développement de trois acteurs clefs : l'AFD et les gouvernements français, la Commission européenne, les États bénéficiaires de l'aide. L'aide publique française au développement tient, depuis 1945, à des raisons humanistes et morales, politiques évidemment et de défense des intérêts économiques français. Elle entre dans le dispositif de l'influence française dans les relations internationales. Quel sens donner désormais à l'aide française au développement alors qu'un nouvel acteur, la Commission européenne, intervient dans ce champ depuis 1958 ? Quelle politique les États membres de l'Union européenne et la Commission proposent-ils pour le développement ? Comment la France investit-elle la dimension européenne de l'aide ? L'aide a-t-elle encore un sens dans un espace économique libéralisé où l'initiative privée est prééminente ? Les réponses données manifestent que les sociétés européennes conçoivent les relations internationales autrement qu'en s'appuyant sur les rapports de force économiques ou de froide indifférence. Le colloque du 8 décembre 2011 a célébré les 70 ans de l'Agence Française de Développement, héritière de la Caisse centrale de la France libre créée à Londres par le général de Gaulle, le 2 décembre 1941.
Colloque des 28, 29 et 30 novembre 2007 Grâce au regain d'intérêt pour l'histoire institutionnelle et au renouvellement des questionnements sur l'État royal sous l'Ancien Régime, les Chambres des comptes sont enfin sorties de l'ombre. Les actes du colloque tenu à Paris du 28 au 30 novembre 2007, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes et du 25e anniversaire des Chambres régionales, présentent la géographie des Chambres des comptes, qu'elles soient royales ou princières, décrivent leurs attributions en matière de contrôle des comptables et de surveillance du domaine royal et se penchent sur des aspects moins connus comme l'administration de la régale temporelle. Cet ouvrage apporte des éclairages sur le personnel des Chambres des comptes, la hiérarchie marquée par un clivage majeur entre les présidents et les maîtres - qui ont seuls la qualité de juge - et les auditeurs et correcteurs, le recrutement social et les dynasties qui y ont vu le jour et donné corps à l'institution. Il replace enfin les Chambres des comptes dans le champ institutionnel en reconstituant les relations - faites de conflits mais aussi d'alliances, parfois surprenantes - qu'elles ont nouées avec d'autres corps comme les États provinciaux ou les Parlements. Supprimées en 1791, les Chambres sont réapparues à l'époque contemporaine : obéissant à d'autres principes, elles n'ont qu'un lointain rapport avec leurs devancières comme le révèle la table ronde qui a réuni à l'issue du colloque plusieurs de leurs magistrats et dont les principaux éléments sont rapportés en fin de volume.
Alors que les autorités monétaires s'inquiètent de signes annonciateurs d'un regain de l'inflation, il convient de rappeler les précédents comme la grande inflation de 1914-1923 en Allemagne, le cas le plus extrême à ce jour dans un pays industriel. Dans cet ouvrage, Carl-Ludwig Holtfrerich expose les formes prises par l'inflation en Allemagne : les différentes vitesses de l'augmentation des prix et de l'effondrement du taux de change. Il rappelle les causes et met en évidence les effets, non seulement négatifs, mais aussi positifs, sur la croissance du produit national, l'emploi et la conjoncture des économies étrangères. Il analyse précisément les effets de cette inflation sur la distribution des revenus et du patrimoine au plan national et international. Sur la base de sources nouvelles, aussi bien économiques que politiques et sociales, cet ouvrage présente l'histoire d'un bouleversement de la société dont les résonances et le souvenir retentissent encore aujourd'hui dans l'opinion et dans les choix de politique économique.
D'origine modeste, orphelin très tôt, Louis Bréas connut une enfance ballotée d'une famille d'accueil à une autre, naturellement accompagnée d'une scolarité erratique. C'est néanmoins avec le grade d'administrateur hors classe, le plus élevé de la hiérarchie, qu'il terminera sa carrière à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Au début des années soixante, en période de plein emploi, cette institution nouvelle proposait de belles perspectives professionnelles et aussi une aventure intellectuelle qui avait de quoi griser ceux qui s'y engageaient. De fait, en prenant la mesure des choses par la puissance du calcul, une nouvelle voie d'accès au réel s'ouvrait. Le pouvoir, de plus en plus confronté à la recherche de l'efficacité économique, cherchait à s'y engager. Le récit de vie de Louis Bréas est à resituer dans cette dynamique des Trente Glorieuses. Sa carrière, largement portée par la vague de l'informatisation, s'inscrit dans un mouvement soutenu de développement des connaissances et pratiques statistiques. Mais derrière la froideur des tableaux chiffrés et des organigrammes, l'auteur nous révèle la richesse des relations humaines. Et au-delà de « l'administrateur » Louis Bréas, se dévoile un homme avec son caractère, ses ambitions, ses convictions, ses doutes. Premier prix du concours autobiographique des anciens agents de l'Insee, ce texte, écrit sans fard, nous fait vivre une époque faste de cette administration en perpétuelle évolution.
Comment la France peut-elle faire face à sa dépendance vis-à-vis de l'étranger pour certains produits, développer l'application des sciences et l'innovation dans l'industrie, mieux articuler ses PME et ses grandes entreprises, dynamiser son secteur public, adapter le marché du travail, rénover les relations public-privé, renforcer sa coopération avec certains États européens et avec les États-Unis ? Ces défis ne datent pas d'aujourd'hui. Ils sont d'abord ceux de la guerre de 1914-1918. Les entreprises, leurs syndicats professionnels, les ouvrières et les ouvriers, les ingénieurs, les militaires et les fonctionnaires les affrontent dans l'urgence. Ils mettent l'État à l'épreuve - entre les différents ministères concernés : la Guerre, l'Armement, le Commerce et l'Industrie, les Travaux publics, le Travail et les Affaires étrangères, entre eux et les Finances, entre les gouvernements successifs et le parlement - car le voici sommé de gagner en agilité et en cohérence, de lutter contre les pénuries et les destructions, de permettre à tous de vivre, d'organiser les approvisionnements, les transports et les fabrications pour le combat, et de conjuguer les positions différentes des territoires. Les défis sont aussi ceux des enjeux de long terme créés par l'occupation d'une partie de la France, les ravages et blocages subis par le reste du pays, l'expérience des changements ordinaires et extraordinaires survenus pendant le conflit armé, l'accroissement du rôle de l'État, les désirs d'Europe face à la montée du pouvoir américain et à l'ébullition à l'Est du continent. Ce livre écrit par des historiens étrangers et français s'inscrit dans la suite des volumes sur les Finances dans la guerre. Il présente le premier panorama d'ensemble de l'industrie française dans cette guerre et des multiples réseaux qui la relient au monde. Il donne à voir le pluralisme du modèle français, sa capacité à gagner mais aussi les coûts de la victoire.
Entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle, les États ont massivement encouragé la construction et l'entretien des infrastructures routières, fluviales et maritimes, pour des raisons tant politiques qu'économiques. Le financement de tels investissements, qui peuvent nécessiter d'importants capitaux, pose des problèmes spécifiques requérant l'intervention de l'État, et constitue un défi majeur dans les économies dites précapitalistes. L'objectif de ce livre, qui trouve un écho avec les enjeux actuels, est donc de comprendre comment certains États ont été en mesure, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, de financer d'ambitieuses politiques d'aménagement en mobilisant des ressources croissantes et diverses (péages, impôts, emprunts, réquisition de main-d'oeuvre, dons...). À travers des contributions traitant de la France, de l'Angleterre, de la Suède, de l'Électorat de Trêves et de la Chine, cet ouvrage s'attache également à saisir l'évolution des circuits financiers, des dispositifs comptables et des procédures de contrôle. Il propose en outre une réflexion à différentes échelles, sur les relations entre l'État et ses administrés, le gouvernement et les pouvoirs locaux, les autorités publiques et les acteurs privés.
Lancée en France en 1968, la rationalisation des choix budgétaires, dite RCB, constitue une séquence importante des politiques de réforme de l'État sous la Ve République. Elle est la première tentative d'une introduction généralisée du management dans la gestion des finances publiques. Croisant les approches d'historiens, de sociologues, de politistes et de juristes, cet ouvrage rassemble des enquêtes originales qui analysent les nombreuses dimensions de cette politique : la genèse et le développement des savoirs et des techniques de rationalisation des choix budgétaires ; le processus de réforme, les coalitions et les luttes de pouvoir au sein de l'appareil d'État auxquelles il donne lieu ; enfin, son institutionnalisation dans l'administration française, ainsi que les appropriations variées dont la RCB a fait l'objet dans les différents ministères. Ce livre est le troisième volume d'une série d'ouvrages sur l'histoire de la gestion des finances publiques au xixe et au xxe siècle. Le premier volume (1815-1914) étudiait le développement intriqué d'un droit public financier et des premiers instruments gestionnaires lui donnant corps dans l'administration. Le deuxième volume (1917-1967) mettait en évidence la figure dominante du contrôle, sous toutes ses formes, appliqué à la dépense et à la gestion des services publics. En étudiant les dynamiques de réforme rangées sous le nom de rationalisation des choix budgétaires, le présent ouvrage montre comment la RCB se situe à la charnière de deux périodes et de deux conceptions du pilotage de l'État central : celle de la planification et des instruments de programmation de l'action publique ; celle du management public et du développement des méthodes modernes de gestion.
Cet ouvrage étudie le destin de quelque cent vingt officiera de finance de la première moitié du XVIe siècle. Il analyse leur rôle dans l'appareil monarchique, en s'interrogeant sur leurs méthodes de travail et sur l'ampleur de leur engagement au service du roi. Fortement impliqués dans les circuits de l'argent, ces hommes sont souvent dénoncés pour leurs malversations : ces accusations sont-elles fondées ? La réussite sociale des officiers de finance transparaît d'abord dans l'étude de leurs fortunes, avec pour objectif de comprendre le processus de leur enrichissement, puis dans celle de leurs réseaux, dont il faut mesurer l'efficacité. Par rapport aux puissants du royaume, ils occupent une position originale, étant à la fois leurs clients et leurs créanciers. Dans leur désir de se fondre au sein des élites sociales, les gens de finance tentent de concilier volonté de mimétisme et singularité de leur position. Cette singularité découle de la place suspecte de l'argent dans leur parcours et de la rapidité de leur ascension. L'étude minutieuse de ce groupe restreint est donc mise par Philippe Hamon au service d une large réflexion sur le fonctionnement de la société et de la monarchie dans la France de la Renaissance.
Jamais entreprise collective n'a suscité autant de publications que les réflexions conduites autour de la genèse de l'État moderne depuis une quinzaine d'années. Remodelés, intégrés dans un ensemble, liés entre eux par une suite de présentations qui les regroupe en quatre parties, les dix-huit articles ici réunis sont exclusivement consacrés à ce thème pour la période du bas Moyen Âge. L'ouvrage qui s'ouvre par une large rétrospective en manière de bilan et se termine par l'évocation de nouvelles perspectives de recherche, s'interroge en quatre temps sur quatre facteurs déterminants dans la reconstruction de l'État depuis le début du XIIIe siècle jusqu'à l'aube du XVIe siècle. Convient-il, dans cette évolution, d'accorder à la romanité un rôle aussi déterminant qu'on a bien voulu le dire? Dans quelle mesure le pouvoir royal restauré de faire loi a-t-il constitué un instrument de premier ordre pour redonner vie au politique ? Quelle place revient, dans cette vaste entreprise de reconstruction d'un appareil d'État, à des structures politiques et administratives profondément repensées ? Enfin, et peut-être surtout, comment évaluer à sa juste mesure l'impact d'une fiscalité nouvelle dont on a voulu faire un des facteurs déterminants de la genèse de l'État moderne? À travers elle, c'est tout le problème qui est posé de la puissance de l'argent au coeur de l'État médiéval.
Après avoir été détruite aux deux tiers de son tonnage pendant la seconde guerre mondiale, la Marine marchande française s'est reconstituée en moins de cinq ans. Elle a dû faire face, d'une part à la disparition de ses paquebots de ligne avec l'arrivée sur l'Atlantique nord des premiers avions long-courriers à réaction, d'autre part à la perte de substance du trafic des marchandises sur ses lignes traditionnelles, avec la décolonisation. Précédant en cela les dirigeants des grandes entreprises exportatrices françaises, les armateurs et le personnel navigant, dans leur conquête de nouveaux marchés, ont été confrontés à la question suivante : comment continuer à vivre avec le même niveau de protection sociale et de prévoyance et affronter de manière efficace et équitable la concurrence internationale ? Jusqu'à la fin des années 1970, la flotte française a relevé le défi, multipliant son tonnage par trois et passant en 1975 du 10e au 9e rang mondial. Cependant, après 1980, aux effets de la deuxième crise pétrolière s'ajoutent d'autres facteurs négatifs dont l'absence d'une politique maritime stable. La Marine marchande française connaît alors une récession suivie d'une stabilisation dans les années quatre-vingt-dix. Bernard Cassagnou décrit et explique ces deux grandes mutations, l'une positive, l'autre négative. Et comme le souligne Alain Plessis : « Il ne nous fait pas seulement découvrir ce secteur, sur lequel ce livre constitue désormais une référence obligée, il apporte une contribution à prendre en compte pour donner des réponses aux questions fondamentales que soulève l'histoire économique de la France contemporaine ».
En reconstituant et en analysant l'histoire de l'introduction lente et progressive de l'économie au sein de l'Université française de 1815 aux années cinquante, Lucette Le Van-Lemesle contredit en grande partie la thèse développée par les économistes des années soixante d'une absence de formation économique des élites en France avant 1940, absence selon eux responsable des crises économiques passées. Et si cette vision relevait d'un conflit autour de la formation des élites ? C'est l'une des analyses de l'auteur dans cet ouvrage, extrêmement documenté, qui retrace le développement, le rayonnement et les fondements doctrinaux de l'enseignement de l'économie politique en France. Un livre de référence pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la pensée économique. "Le grand intérêt du travail de Lucette Le Van-Lemesle est de nous introduire précisément dans ce milieu des économistes [...].Elle les connaît tous [...]. Cette familiarité lui permet de recomposer un paysage beaucoup plus complexe où le regard discerne plusieurs plans étagés : la science économique et son avancée mathématique ne constituent qu'un plan,... mais qui compose avec d'autres. Notamment avec les préoccupations sociales et politiques." Antoine Prost.
Par la nature de ses fonctions aux frontières et sa militarisation partielle en temps de guerre, l'administration des douanes a été profondément marquée par les événements nationaux et internationaux qui ont jalonné la période 1914-1940 : de la Première Guerre mondiale à la veillée d'armes de 1939-1940 en passant par l'occupation de la Rhénanie et de la Rhur, la mise en oeuvre de l'union douanière franco-sarroise, la guerre civile espagnole ou la reconquête douanière des zones franches du pays de Gex et de la Haute-Savoie, les douaniers n'ont cessé durant ce quart de siècle mouvementé d'être sollicités dans un monde en profonde mutation. C'est à Jean Clinquart, spécialiste incontesté de l'histoire de la Douane, qu'il revenait de nous faire découvrir comment cette administration a vécu ces bouleversements, comment elle s'est adaptée à l'évolution profonde de l'organisation et des méthodes de travail et surtout à la complexité de ses missions. Il le fait comme à son habitude en historien scrupuleux et en praticien de la matière, mettant son expérience professionnelle au service de la vérité historique.
La fortune des hommes politiques a toujours intrigué les Français même si leur état d'esprit, dans ce domaine, a évolué au cours des siècles. Au XVIIe siècle, il paraissait normal, et presque nécessaire, qu'un ministre fût riche, car cette richesse était le signe qu'il avait la confiance du roi. Dans cet ouvrage, Isabelle Aristide donne pour la première fois une analyse complète, claire et ordonnée de la fortune de Sully.
À partir de l'étude des relations économiques et financières entre la France et l'Égypte de la fin du XIXe siècle à 1914, l'auteur s'interroge sur leurs implications politiques dans les relations internationales. Il démontre que, de 1882 à 1914, l'Égypte, alors sous tutelle britannique, est l'une des principales destinations de l'épargne française. La masse des capitaux français exportés en Égypte atteint un sommet inégalé avant ou après ces trois décennies. Pourquoi les intérêts français se sont-ils maintenus dans un pays occupé par une autre puissance ? Quelle est leur influence dans la rivalité franco-britannique en Égypte ? Samir Saul répond à ces questions en s'appuyant notamment sur l'histoire des entreprises qui font appel aux capitaux français, des plus modestes aux plus grandes : Suez, le Crédit foncier égyptien, les Sucreries. Il détaille l'évolution de leur structure financière, de la composition de leur conseil, de leurs activités et de leurs performances. Il insiste, en particulier, sur le contrôle des capitaux exportés, sur la relation entre la structure des entreprises et les modes de contrôle, ainsi que sur les conséquences autant pour la société égyptienne que pour les capitaux étrangers. Il propose enfin une réinterprétation de la question de l'impérialisme. Ce travail repose sur l'exploitation de nombreux fonds d'archives publiques et privées, françaises, égyptiennes, britanniques et belges. Les archives des entreprises françaises sont utilisées pour la première fois.
La Ferme générale avait mauvaise presse sous l'Ancien Régime et sa suppression en 1790 a répondu à un voeu unanime. De nos jours, son évocation suscite encore des réactions négatives ; on y voit surtout l'origine de fortunes privées, scandaleusement bâties sur la concession par l'État de la collecte de l'impôt. Les études menées à partir des sources disponibles nous éloignent de ces jugements partiels. Elles révèlent que la célèbre (et vilipendée) compagnie financière fut en son temps un modèle administratif et quelle peut être considérée comme la « mère » des services financiers modernes : son mode de gestion du personnel, en matière de retraites notamment, le fonctionnement de ses services centraux, préfiguration des grandes directions ministérielles, ses rapports avec le Contrôle général des Finances sont autant d'illustrations de cette modernité. Ainsi, l'histoire administrative peut-elle gagner à l'approfondissement de nos connaissances sur la vie des services de la Ferme, en particulier de ses services extérieurs qui, par leurs effectifs et par leur implantation sur tout le Royaume, occupent une place de premier rang dans l'appareil administratif de l'Ancien Régime. « L'histoire financière est une histoire difficile, compliquée à souhait, pleine de contradictions, surtout lorsqu'elle s'intéresse à l'Ancien Régime. Les pièges y sont multiples et l'on ne saurait être trop circonspect lorsqu'on y travaille. Branche de l'histoire administrative, elle est une discipline carrefour, à la croisée de l'histoire institutionnelle, de l'histoire économique, de l'histoire du droit, de l'histoire sociale... Histoire éclectique, elle ne possède pas de méthode qui lui soit propre, mais emprunte à toutes les autres. Elle exige tout particulièrement souplesse, doigté, sagesse. Toutes qualités que l'ouvrage de Jean Clinquart met en valeur. Par le miracle d'archives municipales, pas même départementales, que personne n'avait songé à classer ni à inventorier, ressurgit toute la vie, tout le fonctionnement quotidien de la direction des fermes royales du Hainaut » (François Monnier).
De 1491 date du mariage de Charles VIII et d'Anne de Bretagne à 1547 fin du règne de François Ier la Bretagne vit une étape importante de son histoire qui la voit passer du statut de principauté quasi autonome à celui de province intégrée au royaume. De cette évolution on a gardé le souvenir de l'édit d'Union de 1532, qui a défini les relations entre la Bretagne et la France jusqu'à la Révolution de 1789. L'étude de la politique menée par la monarchie dans le domaine financier au cours de la première moitié du XVIe siècle montre que cet acte n'a constitué que l'aspect le plus « spectaculaire » d'un processus d'intégration plus long et plus complexe engagé de façon résolue dès 1491 et poursuivi au-delà de 1532. Il s'est traduit par un remodelage profond de l'administration héritée de la période ducale, par une mainmise sur les ressources de la province et par un choix attentif du personnel chargé de la perception des impôts. Sans rencontrer d'opposition majeure, ce processus a connu des phases d'accélération- sous Charles VIII et après 1524- et des moments de temporisation surtout après 1498 quand Anne de Bretagne profitant de la restauration de ses pouvoirs ducaux a tenté de rétablir l'autonomie de la principauté bretonne.« À la lecture du travail important de Dominique Le Page, on comprend tout ce que peut apporter l'analyse des milieux administratifs à la connaissance des rapports entre l'État et les populations du royaume. Lorsqu'il démonte les mécanismes de fonctionnement de la centralisation monarchique, lorsqu'il met en relief l'enjeu politique des réformes financières et le rôle éminent des gens de finances, il apporte une pierre solide à la connaissance de la croissance de l'Etat français moderne en même temps qu'il incite à porter un regard neuf sur les modalités administratives et humaines de la disparition des grands États princiers médiévaux ». Jean Kerhervé