Il y a quelques années, la mère de Didier Eribon est entrée en maison de retraite. Après plusieurs mois au cours desquels elle a peu à peu perdu son autonomie physique et cognitive, Didier Eribon et ses frères ont dû se résoudre à l'installer, malgré ses réticences, dans un établissement médicalisé. Mais le choc de l'entrée en maison de retraite fut trop brutal et, quelques semaines seulement après son arrivée, elle y est décédée.
Après la mort de sa mère, Didier Eribon reprend le travail d'exploration personnelle et théorique qu'il avait entrepris dans Retour à Reims après la mort de son père. Il analyse le déclin de sa mère, ce qui l'amène à réfléchir sur la vieillesse et la maladie, sur nos rapports aux personnes âgées et à la mort, mais aussi sur l'expérience du vieillissement. Il s'interroge également sur les conditions de l'accueil des personnes dépendantes.
Il montre que si l'expérience du vieillissement nous est très difficile à penser, c'est parce qu'il s'agit d'une expérience-limite dans la philosophie occidentale, dont l'ensemble des concepts semblent se fonder sur une exclusion de la vieillesse.
Eribon reparcourt également la vie de sa mère, et notamment les périodes où elle était femme de ménage, ouvrière puis retraitée, la saisissant dans toute sa complexité, de sa participation aux grèves à son racisme obsessionnel.
Il conclut sa démarche en faisant de la vieillesse le point d'appui d'une réflexion sur la politique : comment pourraient se mobiliser des personnes qui n'ont plus de mobilité ni de capacité à prendre la parole et donc à dire « nous » ? Les personnes âgées peuvent-elles parler si personne ne parle pour elles, pour faire entendre leur voix ?
Cet essai débute comme un récit : à la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve sa famille avec laquelle il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Observant avec sa mère des photos du passé, il revoit avec stupeur le monde ouvrier dans lequel il a grandi. Mais plutôt que de fuir à nouveau son milieu d'origine, il décide de se plonger dans son passé pour tenter de se le réapproprier. En reconstituant l'histoire de sa famille, l'auteur analyse la condition ouvrière des années 1950-60 et les expériences constitutives de cette appartenance de classe. Quel est le rapport des classes populaires à la culture, à la sexualité, au système scolaire ? Comment le vote communiste a-t-il fini par devenir un vote pour le Front national ? Evoquant son enfance et son adolescence, il analyse sa trajectoire de transfuge de classe, et le rôle qu'y a joué son homosexualité. Mais cet ouvrage est bien plus qu'une esquisse d'autobiographie. A la faveur de ce retour à Reims, Didier Eribon se redécouvre fils d'ouvrier, lui qui s'était toujours envisagé comme un enfant gay. Et de s'interroger : comment les catégories contemporaines de la politique fabriquent-elles les enfants que nous avons été ? En quoi la quasi-disparition du marxisme d'un côté, et, de l'autre, la force des mouvements culturels et sexuels prescrivent-ils aujourd'hui ce type de lecture de soi-même ? La politique ne transforme pas seulement le présent et le futur : elle transforme aussi notre passé, notre rapport à nous-mêmes et notre manière de nous définir. Si ce que nous sommes est institué par les théories politiques, il convient dès lors de rompre avec les théories qui découpent le monde selon des frontières uniques (de classes, de genre, de race, de sexualité) ou prétendent que certaines identités seraient plus « vraies » et plus importantes que d'autres. Didier Eribon propose donc d'élaborer une théorie du sujet qui nous permet de penser la multiplicité de nos expériences et d'être le sujet simultané de plusieurs politiques.
Et si... le pouvoir de changer le cours des choses en profondeur était entre nos mains ? Et si..., en réalité, nous avions à disposition, sans en avoir vraiment conscience, un des outils les plus puissants qui existe ? Et si..., en plus, on se mettait ensemble pour y arriver ?
Rob Hopkins nous invite dans son nouveau livre à rêver. Mais à rêver en grand, en remettant l'imagination au coeur de nos vies quotidiennes, professionnelles, sociales et familiales. Cet ouvrage est un appel à l'action pour libérer notre imagination collective, qui prend racine dans l'histoire d'individus et de communautés venant du monde entier qui ont d'ores et déjà emprunté le chemin de l'imagination et initié des changements rapides et profonds pour un meilleur futur.
Comment changer la société si les discours se révèlent impuissants face à la violence d'État ? Émeutes à répétition, chômage élevé, marches de la faim, précarité extrême : la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, est marquée par un désarroi brutal. À New York, Emma Goldman, 24 ans, harangue les foules de chômeurs. Le 21 août 1893, à Union Square, devant plus de trois mille personnes, elle prononce un discours d'une grande virulence, prônant l'expropriation des riches, qui lui vaut d'être condamnée à un an de prison pour incitation à l'émeute. On trouvera ici ce célèbre discours, ainsi que la conférence que Voltairine de Cleyre, elle aussi tenante de l'action directe, donnera alors pour défendre son amie. Quatre autres textes viennent compléter ce recueil sur la violence politique : « Une vision anarchiste de la vie » (1933), « La psychologie de la violence politique » (1917), « En route vers le massacre universel » (1915), et « La puissance de l'idéal » (1912).
La question du devenir des terres et des paysans est vitale, c'est pourtant l'une des moins visibles dans le débat public.
Depuis les années 2010, 200 fermes disparaissent chaque semaine en France dans l'indifférence générale. Alors que la surface agricole totale décroît, la surface moyenne par ferme n'a cessé d'augmenter. Un nouveau cycle de concentration est à l'oeuvre, qui conduit inexorablement à faire grimper le prix de l'hectare, verrouillant de fait l'accès à la terre pour les jeunes.
Tandis que la moitié des agriculteurs s'apprête à prendre sa retraite d'ici 2030, que vont devenir ces terres ? Vers quelle agriculture avançons-nous ? Ce livre est une enquête autant qu'une quête : une enquête sur l'accès à la terre et le renouvellement des générations agricoles ; et une quête de nouvelles solutions qui permettent de produire localement la nourriture dont nous avons besoin.
Véronique Duval est partie à la rencontre de ceux qui font bon usage de la terre aujourd'hui : dans la Marne, sur le Larzac, au Pays basque ou au sein de l'association Terre de Liens, qui rachète des fermes pour y installer des jeunes paysans et paysannes en bio. Comment enfin peser sur l'action publique ? Comment faire de la terre un bien commun ? Telles sont les pistes qu'explore ce texte salutaire, dans une période décisive.
Dans ce livre vivant et lucide, Jean-Pierre Le Goff explore une époque qui a entraîné un glissement anthropologique dont nous continuons de subir les effets." Les années folles qui ont suivi Mai 68 donnent lieu à des interprétations qui oscillent entre la nostalgie et le rejet.
L'état d'esprit de l'époque, les Trente Glorieuses, n'avait rien de dépressif, il était au contraire transgressif et jubilatoire. C'est peut-être cela qu'il est difficile de comprendre pour les nouvelles générations qui vivent dans un présent anxiogène et ont une vision catastrophique de l'avenir.
J'avais 20 ans, j'étais étudiant à Caen et j'ai vécu intensément ces années avec d'autres, en croyant que tout était possible, y compris nos rêves les plus fous. Ce récit ne se situe pas en surplomb de l'histoire, mais décrit
de l'intérieur des rencontres, des lectures et des violences. L'amour fou y côtoie le militantisme, les idées se mêlent aux passions dans un milieu contestataire et gauchiste en pleine ébullition.
Telle est mon hypothèse : Mai 68 n'est pas seulement un
remakedérisoire des révolutions passées auxquelles il se réfère, sa singularité tient à une "révolution culturelle' qui a bouleversé le tissu éducatif et sociétal. Les plus enragés d'entre nous entendaient renverser toutes les valeurs en y trouvant un plaisir certain. C'est en ce sens qu'il me paraît fondé de parler de "révolte'et de "nihilisme' du peuple adolescent. "
La nuit de noces est un événement à la fois banal et singulier pour les femmes et les hommes de la France du XIXe et du premier XXe siècle : si le rite s'impose alors à presque tous, il constitue une expérience personnelle décisive pour chacun. La norme exige que les jeunes mariés attendent la première nuit suivant la cérémonie pour consommer sexuellement leur union, mais aussi qu'ils n'en retardent pas davantage le moment. Bien que ces quelques heures inaugurales de leur vie conjugale se passent portes closes et que la bienséance commande d'en conserver le secret, de puissants attendus familiaux, religieux et sociaux pèsent sur leur bon déroulement.
Pour dévoiler l'imaginaire et les réalités de la nuit de noces, cet ouvrage s'appuie sur des sources étonnantes et des archives exceptionnelles. Des procédures judiciaires engagées par des couples souhaitant se séparer donnent en particulier accès aux témoignages des époux eux-mêmes : le récit des paroles échangées, des gestes effectués, des émotions ressenties offre un éclairage unique sur les pratiques nuptiales, habituellement tues, et sur l'ignorance dans laquelle sont maintenues les jeunes filles jusqu'au soir du mariage. Le " viol légal " que certaines dénoncent apporte une profondeur historique aux réflexions actuelles sur le consentement.
Aïcha Limbada montre que la nuit de noces est vécue par les époux comme une véritable épreuve, au cours de laquelle les femmes doivent attester de leur virginité et les hommes de leur virilité, mais qu'elle est aussi appréhendée par les penseurs et les médecins comme un problème sanitaire et social majeur. De sa réussite dépendent le bonheur du couple et la perpétuation de la société, dont l'ordre repose sur une domination masculine que l'initiation féminine participe à instituer.
« Si je devais vendre mes matinées et mes après-midis à la société, je suis certain qu'il n'y aurait plus rien qui vaille la peine d'être vécu à mes yeux. »
Prenant l'exemple de sa propre vie, Thoreau démontre que les besoins matériels entravent l'épanouissement de l'esprit.
Son éloge de l'oisiveté en communion avec la nature nous invite à explorer les « provinces de l'imagination » pour nous émanciper du matérialisme.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Thierry Gillyboeuf
Pour mieux agir contre les inégalités, il existe un nouvel outil qui nous vient du féminisme noir : l'intersectionnalité, qui révèle des discriminations parfois invisibles et pouvant se renforcer les unes les autres. Cette notion a été théorisée par une juriste, Kimberlé W. Crenshaw, dans deux célèbres essais de 1989 et 1991 qu'on trouvera rassemblés ici pour la première fois et dans une traduction inédite.
Sélection Les 100 livres de 2022 - Lire magazine littéraire
" Un livre absolument nécessaire pour comprendre le nouveau monde dans lequel on vit. " Yann Barthès, Quotidien
" Un essai phare de la rentrée. " Marie-Pierre Grndahl, Le JDD
L'auteur reconnu de La prospérité du vice et d'autres best-sellers décrypte avec une joyeuse férocité cette prétendue « civilisation » qui va bouleverser nos vies. L'amour ? Désormais c'est Tinder ! Le bureau ? En télétravail ! Un nouveau job ? Ce sont les algorithmes qui recrutent ! Les partis politiques ? C'est sur Twitter ! Au centre de ce nouveau monde ? Homo Numericus, un être submergé de contradictions. Il veut tout contrôler, mais il est lui-même irrationnel et impulsif, poussé à des comportements addictifs par ces mêmes algorithmes qui surveillent les moindres détails de son existence.
Faut-il désespérer ? Pas nécessairement. La révolution numérique répond aux attentes d'une société qui voudrait que toute parole soit écoutée, sans vérité révélée. Trouver la voie qui permette d'accomplir cette utopie : telle est aussi l'ambition de ce livre.
Économiste reconnu pour sa clarté et son talent de pédagogue en France comme à l'étranger, Daniel Cohen est membre fondateur et Président de l'École d'Économie de Paris. Il a publié de nombreux livres à succès dont Nos temps modernes et Le monde est clos et le désir infini.
" Aucun autre de ses confrères économistes n'a cette capacité à mobiliser les penseurs les plus pointus de toutes les sciences humaines [...] avec une pédagogoie qui force de respect." Emmanuel Lechypre, L'express
Sélectionné pour le Prix Femina Essai
Prix Montaigne 2023
Il y a vingt ans, pour la première fois, on dénombrait plus de régimes démocratiques que de dictatures ; quelques années et une crise économique mondiale plus tard, les régimes autoritaires sont de nouveau plus nombreux. Comment les dictatures ont-elles fait pour prospérer après Staline, Hitler et Mao ? Pour asseoir leur pouvoir, les dictateurs classiques du XXe siècle utilisaient une arme : la terreur. Le XXIe siècle a vu surgir une nouvelle génération de dictateurs et d'autocrates (Lee Kwuan Yew, Fujimori, Poutine, Erdogan, Orban, etc.), les "spin dictators", qui exploitent les leviers de la politique démocratique et utilisent des formes plus discrètes de manipulation pour étendre leur emprise. Ce livre très informé raconte et décrypte ces nouvelles armes de la tyrannie.
200 millions d'utilisateurs conquis en quelques semaines : jamais une technologie ne s'était imposée aussi rapidement.
ChatGPT est à l'origine d'un tournant fondamental de notre Histoire. Car son fondateur, Sam Altman, veut créer une Superintelligence Artificielle pour concurrencer nos cerveaux, au prix d'une dangereuse course mondiale.
L'école et le monde du travail devront se rénover de fond en comble, or nos dirigeants n'ont pas pris la mesure de la vague prête à nous submerger.
ChatGPT tombe au pire moment et nous ne sommes pas armés.
« Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment : vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. » Telle est la conscience selon Bergson, qui lui associe l'intuition et la mémoire. On trouvera dans ce recueil les pages les plus significatives de son oeuvre sur ce thème : le premier chapitre de l'Essai sur les données immédiates de la conscience, le chapitre 3 du Rire, et bien sûr l'essai sur « La conscience et la vie » - trois textes incontournables d'un des plus grands philosophes du XXe siècle.
Mieux que la compétition et la lutte pour la survie, un modèle a fait la preuve de son efficacité depuis que les sociétés animales et humaines existent : l'entraide. Cette notion est au coeur de la pensée anarchiste de Kropotkine. Pendant près de quarante ans, depuis ses premières expéditions comme anthropologue en Sibérie, il ne cessa de réfléchir à la réciprocité dans les relations sociales, utilisant la théorie de l'évolution tout en rejetant le darwinisme social. Ses idées aboutirent à un ouvrage monumental, L'Entraide, un facteur de l'évolution, dont on lira ici les pages consacrées à la persistance des réseaux de solidarité face à la violence d'État. Ces textes sont suivis d'une adresse aux jeunes les appelant à questionner le sens et l'utilité pratique des études, et à se révolter contre l'injustice sociale.
Cet ouvrage détaillé et vivant raconte la longue grève victorieuse (1924) des ouvrières d'usine de Douarnenez. Cette lutte féminine d'ampleur a laissé de fortes traces dans la mémoire bretonne.
Anne Crignon est journaliste à L'Obs et à Siné-Mensuel. Elle a rédigé l'article sur les Gilets jaunes dans Feu! Abécédaire des féminismes présents (Libertalia, 2021). Originaire de Bretagne, elle s'est prise de passion pour l'épique lutte des sardinières de Douarnenez.
« L'élégance travaillée est à la véritable élégance ce qu'est une perruque à des cheveux. »
Honoré de Balzac décrit malicieusement l'élégance, cette « grâce suffisante ». Bien plus qu'un apparat, la vie élégante est l'esprit d'un temps, un statut social
qui « seul peut échapper au destin des médiocres ».
Une curiosité littéraire pour tous les esthètes, dandys, lectrices et lecteurs d'Honoré de Balzac.
La situation est inédite. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, nous n'avons disposé d'autant d'informations et jamais nous n'avons eu autant de temps libre pour y puiser loisir et connaissance du monde. Nos prédécesseurs en avaient rêvé : la science et la technologie libéreraient l'humanité. Mais ce rêve risque désormais de tourner au cauchemar. Le déferlement d'informations a entraîné une concurrence généralisée de toutes les idées, une dérégulation du « marché cognitif » qui a une fâcheuse conséquence : capter, souvent pour le pire, le précieux trésor de notre attention. Nos esprits subissent l'envoûtement des écrans et s'abandonnent aux mille visages de la déraison. Victime d'un pillage en règle, notre esprit est au coeur d'un enjeu dont dépend notre avenir. Ce contexte inquiétant dévoile certaines des aspirations profondes de l'humanité. L'heure de la confrontation avec notre propre nature aurait-elle sonné ? De la façon dont nous réagirons dépendront les possibilités d'échapper à ce qu'il faut bien appeler une menace civilisationnelle. C'est le récit de cet enjeu historique que propose le nouveau livre événement de Gérald Bronner.
« Si l'éducateur est celui qui sait, si les élèves sont ceux qui ignorent, il incombe au premier de donner, de remettre, d'apporter, de transmettre comme en dépôt son savoir aux seconds. Il n'est donc pas étonnant que, dans cette vision "bancaire" de l'éducation, les élèves soient vus comme des êtres d'adaptation, d'ajustement. Et plus ils s'emploient à archiver les dépôts qui leur sont versés, moins ils développent en eux la conscience critique qui leur permettrait de s'insérer dans le monde, en transformateurs de celui-ci. En sujets. Dans la mesure où cette vision bancaire de l'éducation annule ou minimise le pouvoir créateur des élèves, qu'elle stimule leur naïveté et non leur esprit critique, elle satisfait les intérêts des oppresseurs : pour eux, il n'est pas fondamental de mettre à nu le monde, ni de le transformer.
Les oppresseurs maintiennent les masses aliénées, à travers des mythes indispensables au statu quo. Par exemple, le mythe selon lequel tout un chacun, à condition de ne pas être fénéant, peut devenir un entrepreneur ; le mythe de l'héroïsme des classes oppressives, comme gardiennes de l'ordre ; le mythe du droit de toutes et tous à l'éducation. »
À l'image d'autres grands pédagogues, en premier lieu Célestin Freinet, Freire rappelle que projet éducatif et projet social sont indissociables. Selon lui, le but de l'éducateur est de donner aux opprimés les moyens de construire une conscience claire de leur position, et de rechercher avec eux les moyens de transformer le monde. Écrit en 1968 au Chili, ce texte irrigue aujourd'hui encore la pensée de la pédagogie critique partout dans le monde.
Pédagogue brésilien, Paulo Freire (1921-1997) est mondialement connu pour ses travaux sur l'alphabétisation des adultes des classes populaires et son engagement dans la lutte contre l'oppression par l'éducation. Ses ouvrages sont traduits dans plus de vingt langues.
Marseille, Albert Londres ne faisait qu'y passer lorsqu'il embarquait en reportage. En 1926, il décide de s'y poser pour saisir l'âme d'une ville-monde ouverte sur l'ailleurs. Ode à la gloire du Vieux-Port et de la Canebière, du quartier Noailles où se croisent toutes les immigrations, de la Grande Jetée et du célèbre bassin de la Joliette, des docks et du phare du Planier, son livre est un éloge du cosmopolitisme et de la diversité humaine, de l'énergie, de la fierté des Marseillais - et une formidable invitation au voyage : « Faites votre choix, ici on embarque pour toutes les mers ! »
À l'ère des fake news et autres faits alternatifs, il est revigorant de relire ce qu'Umberto Eco avait à dire sur le sujet. Avec sa clarté, et son gai savoir habituels, le grand écrivain italien déconstruit les notions de mensonge, de faux et de falsification, dont il a si souvent joué dans ses fictions. L'humaniste emprunte autant à l'histoire de la logique, à la philosophie du langage qu'à la littérature, pour nous parler d'éthique, de mauvaise foi, d'ironie et d'authenticité. Car encore faut-il connaître la vérité pour mentir tout en disant le faux.
Eco nous rappelle que notre capacité à évoluer dans le monde avec sécurité se fonde sur le contrat social, et que notre meilleur allié contre les mensonges et les falsifications reste le temps puisque - presque toujours - celui qui ment ou falsifie finit par être découvert.
Dans cet essai aussi bref que réjouissant, le grand intellectuel italien nous offre des clés pour démêler le vrai du faux.
Traduit de l'italien par Myriem Bouzaher
Que nous apprend le regard d'un grand historien quand il se pose sur l'avenir et non sur le passé ?
Dans ce recueil de textes rassemblés ici pour la première fois, ce n'est pas sur le passé, même récent, mais le présent et l'avenir que l'historien exerce ses compétences, puisant autant dans les époques qu'il étudia que dans son expérience de celles où il vécut - entre guerre et paix, terrorisme et démocratie, impérialisme et environnement, conséquences de la chute de l'URSS et futur des États-nations.
Invoquant une mémoire dont il estimait qu'elle « n'est pas tant un mécanisme d'enregistrement qu'un mécanisme de sélection » permettant de « lire les désirs du présent dans le passé », de cette synthèse naît un point de vue où luttent lucidité, optimisme et pessimisme. Où le militant embarque souvent l'historien.
Aussi l'intérêt de ces pages se trouve moins dans les prédictions (ou les erreurs de prédictions) de l'auteur que dans la compréhension qu'accompagnent les analyses, par un intellectuel engagé dans les luttes de son temps, offertes à celles et ceux qui vivront un temps qu'il ne connaîtra pas.
« À terme, les gouvernements mèneront une guérilla constante contre la coalition entre de petits groupes d'intérêt bien organisés et les médias. Ces derniers seront de plus en plus persuadés que leur rôle politique consiste à publier ce que les gouvernements veulent cacher, alors que - et c'est là toute l'ironie d'une société basée sur un flux illimité d'informations et de divertissements -, pour remplir leurs pages et leurs écrans, ils feront confiance aux propagandistes des institutions qu'ils sont censés critiquer. »
Les crises liées la mobilité se succèdent. Le mouvement des Gilets Jaunes, né du refus des limitations de vitesse et de la taxe carbone, et l'immobilisation forcée d'une bonne partie de la planète en 2020, en sont emblématiques. De fait, la vitesse de déplacement du train, de la voiture, de l'avion, combinés à la révolution numérique d'internet, ont permis à la mobilité d'occuper une place centrale dans nos vies quotidiennes. Mais si voyager loin, rapidement et à bas coût exauce les rêves de liberté et de découverte d'une partie toujours plus importante de la population mondiale, la mobilité véhicule, renforce, voire produit de la fatigue, des inégalités sociales, des systèmes peu résilients et génère des problèmes environnementaux majeurs.
Qu'il est donc devenu difficile d'être soi ! Tout bouge si vite autour de nous. Identités qui s'entrechoquent, familles qui se dé/recomposent, monde extérieur qui se fait anxiogène... : un kaléidoscope de métamorphoses, inédites, remue tout un chacun dans ce qu'il a de plus intime. L'identité sexuelle est-elle devenue politique ? En quoi les nouvelles masculinités questionnent-elles le genre ? Suis-je mieux chez moi à consommer des séries ? Mon assiette dit-elle qui je suis ? Quatre auteures nous racontent ces grandes transformations du moi et des émois, quatre facettes essentielles d'un nouveau visage en train de prendre forme - le nôtre.
Eva Illouz est sociologue, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Daisy Letourneur est l'autrice du blog « La Mecxpliqueuse » où elle écrit sur les masculinités depuis 2017.
Sandra Laugier est professeure de philosophie à l'université Paris-I, membre senior de l'Institut universitaire de France.
Guénaëlle Gault est directrice générale de L'ObSoCo (L'Observatoire Société et Consommation).
Depuis son livre-enquête Dans quelle France on vit, Anne Nivat a continué de parcourir la France, rencontrer et écouter des centaines de personnes issues de générations, de parcours et de milieux différents. Des gens simples et remarquables.
A Denain, Givors, Alès, dans la vallée du Diois, à Saint-Maixent-l'Ecole, Fégréac, Andernos-les-Bains ou Châlons-en-Champagne, elle a observé La France de face. Ni de haut, ni d'en bas.
Elle a vécu des scènes intimes, surprenantes, drôles, inquiétantes, obtenu des témoignages inattendus, émouvants, parfois dérangeants. Tous illustrent l'état de notre pays traversé par la défiance et les colères, mais aussi parcouru d'élans d'humanité.
Au gré des pages se dessine une France à mille lieues de celle que nous croyons connaître, où les préoccupations quotidiennes des Français sont très éloignées des sujets de la vie politique nationale.
Dans ce « road-movie » palpitant et empathique, Anne Nivat nous invite à plonger en nous-mêmes, sans hystérie, préjugé ou concession. Elle rappelle à quel point la démocratie se mérite. L'observer, y compris quand elle semble dysfonctionner, c'est aussi la choyer.
Anne Nivat est reporter de guerre indépendante. Après avoir couvert seule, des années durant, la Tchétchénie, l'Afghanistan, l'Irak et la Syrie, depuis une décennie elle porte son regard sur son propre pays. Elle est l'auteur de quatorze livres, dont Chienne de guerre, prix Albert-Londres 2000 (Fayard), Dans quelle France on vit (Fayard), Un continent derrière Poutine ? (Le Seuil), et de deux romans graphiques dont Dans la gueule du loup (Marabulles, 2021).