Ce texte posthume, dont Nietzsche avoua l'importance dans son orientation vers la philosophie, fut dicté à l'un de ses amis en 1873. L'auteur de La Naissance de la tragédie y expose une conception du langage qui restera la même tout au long de son oeuvre.Il s'y attaque à la prétention philosophique d'élaborer un système comme une «pyramide de concepts ». Contre l'idée d'un discours entièrement rationnel, il fait valoir les droits de la métaphore, cette force instinctive qui produit des images, bien avant que l'homme ne songe à établir une rigueur théorique fondée sur les distinctions lexicales et les conventions morales.Le philologue est ainsi devenu philosophe, mais son style sera celui d'un « poète-prophète ».
Présentation, traduction et commentaire de Marc de Launay.
Marc de Launay est chercheur aux Archives Husserl de Paris (ENS-Ulm). Il a traduit des philosophes allemands (Kant, Schelling, Nietzsche, Husserl, Cohen, Rosenzweig, Scholem, Cassirer, Adorno, Habermas, Blumenberg) et vient de recevoir le Grand Prix Etienne Dolet. Il dirige l'édition des oeuvres de Nietzsche dans La Pléiade.
Philosophe autant que dramaturge emblématique des Lumières, Lessing donne avec cet essai un pendant magistral à sa dernière pièce. Peu avant la mort de l'auteur, L'Éducation du genre humain est ainsi l'épilogue à la querelle théologique sciemment déclenchée trois ans plus tôt comme occasion publique d'une réflexion sur les valeurs conjointes de la Révélation et de la raison en matière de religion. Les vérités révélées par une instance divine peuvent-elles avoir pour but d'éduquer, d'âge en âge, la raison humaine, de façon que celle-ci finisse par atteindre sa pleine autonomie ?Ce texte essentiel mérite le nom de chef-d'oeuvre philosophique parce qu'il force à mettre en oeuvre, par la finesse et le brio de sa composition, ce que les Lumières veulent toujours promouvoir avant tout : la nécessité de penser par soi-même, loin des oppositions binaires. Traduction de Marc de Launay (CNRS, UMR 8547, Archives Husserl).Présentation et commentaire de Charlotte Morel (CNRS, UMR 8547, Transferts culturels).
La pensée de Heidegger est plus contestée que jamais depuis la publication des Cahiers noirs.
La controverse a pris une ampleur qui déborde l'université, ses recherches et ses enseignements. L'interprétation des Cahiers noirs, écrits entre 1932 et 1948, est devenue politique et a même pris l'allure d'un Kulturkampf. Ceux qui ont pris position contre Heidegger et qui exigent qu'on interdise la diffusion de sa pensée sont du côté des Lumières et du progrès ; ceux qui se déclarent pour lui et qui ne mettent pas en doute son importance pour le XXe et sans doute le XXIe siècles soutiennent l'obscurantisme, voire pire. La partition anti-ennemi recoupe la division politique de l'Europe qui se dessine toujours plus nettement. Que la pensée de Heidegger puisse être entraînée dans pareille querelle tient au fait qu'elle confine parfois à l'idéologie.
La publication de mon Introduction critique à la pensée de Heidegger ne pourra se soustraire à ces débats.
Peter Trawny
Les textes traduits ici proviennent tous des Journaux et notes de jeunesse de Gershom Scholem. Ils ont été écrits entre 1917 et 1919. Réformé pour raisons « psychiatriques », Scholem rend souvent visite à Benjamin à Berne, et, à son contact, cherche à développer une conception du langage, et, notamment, du langage biblique, à l'occasion des traductions qu'il fait de certains cantiques de lamentation. On trouve ainsi un écho direct de ses discussions avec Benjamin, sur la « justice divine » comme sur la notion d'« expérience vécue » dont Buber est, du côté juif, avec Rosenzweig, le principal représentant. À cette « expérience », Scholem veut opposer la position qu'il adoptera définitivement, celle du philologue-historien. Dans cette perspective, il esquisse une conception du temps où le prophétisme et le messianisme jouent un rôle de premier plan, ce que montre son commentaire du prophète Jonas.