À soixante et un ans, Emmanuel Joyce est un dramaturge à succès. Accompagné de sa femme Lillian et de son manager dévoué Jimmy Sullivan, qui partage leur vie nomade, il s'apprête à quitter Londres le temps de repérer une comédienne pour la production de sa dernière pièce à Broadway. Alors qu'aucune candidate ne fait l'affaire, surgit l'idée de confier le rôle à Alberta, sa secrétaire de dix-neuf ans, tout droit sortie du presbytère de son père dans le Dorset. Seulement, il faudra lui apprendre le métier. Ils embarquent pour l'île grecque d'Hydra où Jimmy aura six semaines pour faire répéter l'ingénue, tandis qu'Emmanuel tâchera de renouer avec l'écriture. Lillian, fragilisée par sa maladie de coeur et dévastée par la mort de leur fille survenue plusieurs années auparavant, profitera de cette parenthèse loin des mondanités du théâtre pour tenter d'exorciser ses démons. Pourtant, elle ne sait se défaire de certains tourments : et si Emmanuel s'éprenait de la délicieuse Alberta? Le temps d'un été brûlant, la dynamique qui lie les quatre exilés prend une tournure inattendue, et la vie de chacun change de cap.
' De Kerouac, on a surtout lu Sur la route et Les Clochards célestes, mais on connaît peu The Town and the City. C'est pourtant le premier roman de Kerouac, publié en 1950, celui qui annonce l'inspiration fabuleuse d'un auteur prolifique."The Town", c'est en fait Galloway (Massachusetts), petite ville de tisserands où s'écoule une existence mi-rurale, mi-citadine, celle de la famille Martin, unie par l'affection mais surtout soucieuse de faire durer les bonheurs fragiles - le cidre qu'on boit au gallon, le chahut des polkas, et l'émoi des premières tendresses, sous les feuillées tremblantes. "The City", le New York des années 1940, en est la figure d'opposition, où le jeune Peter Martin entamera sa carrière de footballeur tout en découvrant l'ébullition de la vie urbaine, mais aussi la fureur poétique - le roman retrace l'émergence prometteuse de la Beat Generation, chacun des personnages de la "city" incarnant un adepte du mouvement : Leon Levinsky est Allen Ginsberg, Kenneth Wood est Lucien Carr, Will Dennison campe William Burroughs.
Il faut relire The Town and the City, ce roman sur lequel Kerouac a planché de 1946 à 1948, qui dépeint avec une gaieté triste, comme s'il s'agissait d'une civilisation vouée à disparaître, la beauté brute des cols bleus, la force de leurs traditions et de leur musique folk. '
Marion Bet, Zone critique.
Entre 1952 et 1954, Jack Kerouac sillonne les États-Unis, de New York à San Francisco, et s'échappe au Mexique, au Maroc, ou encore à Londres et Paris. Ses notes, prises sur le vif, s'accumulent dans des carnets.
La vie quotidienne en Caroline du Nord, le travail du serre-freins dans les dépôts de chemins de fer, les bruits dans les bois, les gens dans la rue, les filles, le vin, l'herbe... Orage approchant, brume grise, herbes folles, hôtels, bars, camions, lumières...
Autant d'images et d'impressions qui composent le motif de ce Livre des esquisses.
L'histoire des St. Charles est celle d'une famille anglo-irlandaise, noble mais ruinée, vivant dans un mélange d'élégance et de décrépitude, et qui refuse de prendre en compte les réalités contemporaines. La narratrice, Aroon, est la fille de la maison. Mal aimée par sa mère, éperdue d'admiration pour son père, elle passera toute sa vie à Temple Alice, et finira par devenir une vieille fille dure, oscillant entre la nostalgie et la violence intérieure. Derrière le monde de rêve et de bonnes manières que décrit Aroon, le lecteur devine la vérité des passions tragi-comiques qui détruisent les St. Charles.
Par-delà sa peinture acérée des moeurs d'une classe
sociale et des vices d'un système néo-féodal, Molly Keane bâtit un roman familial parcouru de névroses et de tabous universels.
Grand jour pour lady Bird : la splendide demeure qu'elle habite avec son époux Julian s'apprête à résonner à nouveau du tumulte d'une famille au grand complet. John, l'amour de sa vie, l'aîné de ses trois enfants, est de retour de ce qu'on s'empressera d'appeler son "voyage à l'étranger" : un séjour en maison de repos. Pour affronter cet événement, dans une existence largement dévouée à l'entretien du jardin et à la constitution d'une garderobe à faire pâlir les plus coquettes de la capitale, lady Bird peut compter sur Eliza, une vieille amie de la famille. Mais peu à peu le vernis de la paisible haute société anglo-irlandaise se craquelle...
Tous deux fraîchement diplômés de Princeton, John et Joe sont davantage affamés de littérature que de nourritures terrestres, et ils ont la ferme intention de tourner le dos à tout ce qu'on attend d'eux aux États-Unis : un mariage, un bon job, une visite hebdomadaire aux parents. Ainsi s'embarquent-ils pour un long voyage qui les mènera de Munich à Nairobi sur une moto BMW immaculée, baptisée en l'honneur du périple : le Nil Blanc.
Objet littéraire singulier, ces carnets de voyage constituent un roman de formation itinérant. En même temps qu'ils arpentent champs de ruines gréco-romaines, villages de Bédouins ou capitales du tiers-monde, les deux amis font l'apprentissage de l'altérité, de la solitude, et, aussi, des inévitables désillusions au détour du chemin. L'opulente nature africaine est ici magnifiée sous une plume d'une fougue et d'une franchise irrésistibles qui ont le charme de ses vingt ans.
Se mettre dans la peau d'un jeune orphelin noir, voilà ce que Jack Kerouac a réussi à faire dans son tout dernier roman. Dédoublement significatif, aliénation symbolique, projection de sympathie et d'engagement, Pic est certainement tout cela et plus encore : un portrait saisissant du milieu noir américain des années quarante, ses odeurs, ses couleurs, ses personnages truculents.
De la Caroline du Nord à la Californie, en passant par New York, l'errance kerouacienne prend ici une allure inusitée. Représentée par Pic, "vagabond sur la terre", voyageur éternel sans famille ni domicile connu, elle se transforme en une magnifique satire sociale, à la fois naïve et astucieuse, regard éclairant sur le ridicule de la condition humaine.
Pic, roman issu du réveil de la conscience sociale des Noirs, dépeint en fait tout être humain "vivant dans la noirceur" et renferme, par pur divertissement, des pages enfiévrées sur le jazz et la prédication.
Angel, femme séduisante, égocentrique et généreuse, attend impatiemment le retour de son fils. Elle règne sur la vie de ses enfants. Aucun ne résiste à ses sourires manipulateurs. Elle a un plan pour chacun d'eux. La superbe Slaney réussira le mariage parfait grâce à ses intrigues. Julian, le jeune héros qui revient de la guerre (qu'Angel considère encore comme son bébé) dirigera le domaine familial, et Tiddley, sa nièce, orpheline, qui n'a pas la sophistication de ses cousins, sera sans aucun doute ravie de devenir l'esclave consentante d'Angel.
Mais les plans d'une mère ne se déroulent pas toujours comme prévu : Julian débarque accompagné d'une fiancée américaine, divorcée et résolue de surcroît à protéger son amour ; Slaney s'éprend d'un jeune colonel sans le consentement maternel ; et Tiddley montre des signes de rébellion.
Angel va aiguiser son esprit et se battre pour conserver son pouvoir tyrannique, sans se douter qu'elle peut, elle aussi, succomber aux pièges de l'amour et du désir.
Molly Keane révèle une fois encore son extrême sensibilité et son éblouissante dextérité pour animer des personnages et les installer dans des situations éminemment romanesques.