Correspondance rassemblée par Jean Guyon, Nicolas Le Flahec et Gilles Magniont. Préface de Richard Morgiève.
Souvent reclus mais jamais indifférent, Jean-Patrick Manchette (1942-1995) cherche et trouve enfin dans sa correspondance la voie d'un renouvellement créatif ; dans une sorte d'art poétique en fragments, il cause, parfois avec humour et toujours avec énormément de soin, du style, du polar, de la traduction, de l'économie du livre, du cinéma, de l'art et de la marchandise... ; il s'entretient avec de grands auteurs - tels Pierre Siniac, Jean Echenoz, Robin Cook, ou les Américains qu'il aime et parfois traduit, de Donald Westlake à James Ellroy en passant par Ross Thomas - mais se montre aussi attentif et précis lorsqu'il s'agit de répondre à ses lecteurs, alors même qu'il refuse régulièrement (et parfois vertement !) contributions et invitations officielles. Ainsi, la correspondance laisse percevoir les voies singulières par où Manchette communiquait sa "fraternité contenue", en même temps qu'elle fait entendre les échos d'une époque, ses controverses politiques aussi bien que ses déflagrations violentes, des soubresauts du terrorisme aux premières émeutes de banlieue.
Pour accompagner ces lettres, des notes permettent une rapide contextualisation biographique ou historique. Ou encore suggèrent un lien avec d'autres textes (critiques ou romanesques) de Manchette : activité d'écriture capitale à ses yeux, la Correspondance constitue en définitive un élément essentiel de son oeuvre, par quoi l'écrivain cherche et finit par trouver cette grande forme qu'il convoite.
Jusqu'ici, n'ont été publiées, et de manière éparse, que quelques lettres de Jean-Patrick Manchette ; cet épais volume en rassemble plus de deux cents - dont un tiers traduites de l'anglais -, pour l'essentiel inédites. Elles couvrent les années 1977-95, du moment où Manchette commence à les archiver méthodiquement jusqu'à sa mort. Cette période, qui semblait coïncider avec un retrait progressif (plus de roman publié après La Position du tireur couché en 1981) est enfin rendue, grâce à ces lettres, dans tout son bouillonnement Elles sont le reflet de la vie littéraire et artistique des années 1970-80.
"À trente-quatre ans, j'ai éprouvé de nouveau l'empoignade d'une lecture d'enfance. Elle a duré deux nuits. Je relisais, bouleversé, Ceux de 14. [...] M'apprêtant à écrire sur les paysages du Barrois et de la Woëvre, j'avais pensé recevoir d'une nouvelle lecture de Genevoix la bénéfique influence. Sa réputation de paysagiste était solide et l'on disait qu'il n'était pas seulement le meilleur peintre de la Loire, mais aussi de la nature meusienne. Je pense maintenant que la cause était plus profonde."
Après Saint-Germain-des-Prés, Montparnasse et Montmartre, Jean-Paul Caracalla nous entraîne sur les grands boulevards de la capitale. Au fil d'une déambulation de la Madeleine à la Bastille, on croise Tristan Bernard, Alfred Capus, Georges Courteline, les deux Guitry, Georges Feydeau, Jules Renard, Aurélien Scholl... Comédiens, écrivains, journalistes mais aussi courtisanes ou directeurs de théâtre, gens d'esprit et de culture qui ont ébloui Paris à la Belle Époque. Avec eux, on pousse les portes des théâtres, on découvre par le menu les restaurants et les cafés à la mode, on pénètre dans des hôtels particuliers, on assiste à la création de journaux, on célèbre le septième art...
"Il suffit parfois de quelques pages, de quelques phrases, de quelques mots pour nous entraîner très loin, même si l'on ne quitte pas sa chaise dans les jardins du Luxembourg. Ces grands voyages immobiles figurent parmi les charmes de l'existence. Aussi, dans une époque saisie par la modernité, faut-il être résolument démodé, rétrograde même : continuer de fumer la pipe, de lire dans le métro ou les jardins publics, et d'employer l'imparfait du subjonctif - le temps le plus vieillot, le moins commode et le plus bougon de la langue française, mais si nostalgique et si sympathique sous ses grands airs!
D'Aragon à Zweig, voici quelques-uns des écrivains, des livres qui ont accompagné mes promenades dans la vie. Parfois, au détour d'une page, ils évoquent les "pourquoi" de la littérature. On écrit, peut-être, pour célébrer la présence, la beauté des choses, et conjurer l'absence des êtres."
François Bott.
Voyages dans le temps et dans l'espace, ces vagabondages suivent les pérégrinations parisiennes de quelques écrivains illustres. Abandonnant aux érudits le commentaire de leurs chefs-d'oeuvre pour se consacrer à la baguenaude en compagnie de ses auteurs favoris, l'auteur sillonne les lieux de leurs promenades, accompagne leurs visites, leurs déménagements, tente de discerner les motifs sentimentaux, familiaux ou financiers de leurs déplacements dans le Paris de leur époque.
Certains auteurs sont éliminés de ce florilège : ce sont des Parisiens sédentaires. En revanche, Chateaubriand, Hugo, Stendhal, Simenon et quelques autres ont manifesté une bougeotte citadine. Proust lui-même, pantouflard claquemuré dans sa chambre de liège du boulevard Haussmann, a déambulé comme un s.d.f., victime des aléas du négoce immobilier. Léon-Paul Fargue, piéton de Paris légendaire, exprimait, après tant d'indolentes flâneries, un voeu qui anticipait cet ouvrage : "Il y a des années que je rêve d'écrire un "plan de Paris" pour personne de tout repos, c'est-à-dire pour des promeneurs qui ont du temps à perdre et qui aiment Paris."
Sept titres, quinze volumes dans la collection blanche de la NRF, près de 4 000 pages : À la recherche du temps perdu est un monument de la littérature, une cathédrale de papier. Elle abrite une foule de personnages, depuis le héros omniprésent jusqu'aux silhouettes fugaces d'une mondaine ou d'un valet. Si plusieurs recensions des personnages proustiens ont été effectuées, Michel Erman est le premier à se pencher exclusivement sur les quelque deux cents êtres de fiction qui peuplent la Recherche. Il montre comment, par touches successives, Marcel Proust donne vie à Gilberte ou Elstir, Odette ou Charlus, Albertine ou Swann...
« Voilà une biographie à la fois inattendue, brillante et bienvenue. [...] Ernest Pinard, qui en est l'objet, fut un procureur soumis en tous points à l'ordre social de son temps, un ministre de l'Intérieur somme toute médiocre, et sa postérité, à vrai dire, n'avait jamais encore interpellé quiconque. [...] On eût été tenté de rejeter d'emblée le souvenir d'un homme qui eut pour titre de gloire - ou, à tout le moins, pour chemin vers la notoriété - de faire condamner Flaubert, Baudelaire et Eugène Sue, qui s'opposa à l'érection des statues de Baudin et de Voltaire, et eut maille à partir avec Zola. Excusez du peu ! [...] Au travers du destin d'un homme, on traverse une époque, les yeux et les oreilles aux aguets. On voit s'achever la monarchie de Juillet, avec ses fausses certitudes, s'édifier la Deuxième République, celle de toutes les ambiguïtés, vivre le Second Empire, avec ses contradictions si souvent fécondes, s'improviser la Troisième République avec l'entrelacis de ses arrière-pensées. Nul ne pourra plus écrire sur le Second Empire sans tenir compte de la contribution d'Alexandre Najjar. C'est le témoignage à lui rendre. »
Extrait de la préface de Philippe Séguin.
"Je suis amateur d'aphorismes et de maximes. Je les collectionne, et les cite volontiers. Des aphorismes du genre : "Le temps passe, c'est une mauvaise habitude qu'il a prise." C'est chic dans les dîners, mais cela agace parfois mes amis. Ils me permettent un aphorisme par repas. N'empêche, c'est mon genre littéraire préféré, avec les portraits et les nouvelles.
Puisque la vie est un voyage, comme l'affirme Mme de Staël, voici une cinquantaine d'aphorismes pour les transports parisiens - les autobus et le métro."
«J'avais autrefois l'illusion de ressaisir Balbec, quand, à Paris, Albertine venait me voir et que je la tenais dans mes bras», écrit Proust dans Albertine disparue. Après avoir recensé les quelque deux cents êtres de fiction qui peuplent À la recherche du temps perdu, Michel Erman explore ici l'espace proustien et montre à quel point il ne constitue pas une simple toile de fond. De la chambre de Combray aux hôtels particuliers du faubourg Saint-Germain, de la cité balnéaire à la cité des doges, les lieux de la Recherche sont lourds de sens. Réels ou inventés, ils font esprit et corps avec les personnages qui les habitent, qui les arpentent ou qui les hantent.
'La liberté n'est jamais acquise, elle est une perpétuelle reconquête. Quand je vois l'imbécile "nouvel ordre mondial" prôné par les pharisiens glabres d'outre-Atlantique et les excités barbus d'Arabie (qui, les uns et les autres, prétendent régenter nos moeurs, nous dicter ce que nous devons penser, croire, écrire, manger, fumer, aimer) étendre son ombre sur la planète, j'ai l'impression d'avoir labouré la mer, écrit et agi en vain. Pourtant, je m'opiniâtre. Qu'il s'agisse de la résistance au décervelage opéré par les media, de la résistance à l'omniprésente vulgarité des mufles, de la résistance aux prurigineux anathèmes des quakeresses de gauche et des psychiatres de droite, Séraphin, c'est la fin!, où sont assemblées des pages écrites de 1964 à 2012, témoigne que je demeure fidèle aux passions qui ont empli ma vie d'homme et inspiré mon travail d'écrivain ; que, jusqu'au bout, je persiste dans mon être.' Gabriel Matzneff.