Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. À bord d'un paquebot voguant vers l'Argentine, deux joueurs d'échecs s'affrontent. L'un, Mirko Czentovic, est le champion du monde en titre. Fruste, taciturne, inculte, c'est cependant un redoutable tacticien que personne n'arrive à battre. L'autre, Mr. B., est un passager inconnu, un intellectuel qui a appris à jouer seul aux échecs pour résister aux persécutions nazies et échapper mentalement à l'enfermement. Il est parvenu à mémoriser les plus grandes parties d'échecs relatées dans le seul livre alors à sa disposition, puis a développé l'étrange faculté de pouvoir jouer contre lui-même, blancs et noirs en même temps. Alors qu'il n'a pas joué depuis plus de vingt ans, il gagne une première partie contre le champion du monde, mais sa schizophrénie lui fait perdre la revanche. Au-delà de la symbolique du jeu d'échecs et de la "psychanalyse" de deux personnages que tout oppose, cette nouvelle de Stefan Zweig, écrite juste avant son suicide, plonge le lecteur dans les labyrinthes de l'âme humaine. C'est aussi une profonde réflexion sur la folie totalitaire à une époque charnière où se jouait le destin de l'Europe sur le grand échiquier du monde.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Francis Scott Fitzgerald. "Il est vrai que nous autres écrivains sommes condamnés à nous répéter. Nous connaissons, dans notre vie, deux ou trois moments grands et bouleversants, si grands et si bouleversants qu'il ne semble pas que quiconque les ait jamais saisis... Puis nous apprenons notre métier, plus ou moins bien, et nous racontons nos deux ou trois histoires, chaque fois sous un voile diffèrent, peut-être dix fois, peut-être cent, aussi longtemps que les gens veulent bien écouter. S'il en allait autrement, il faudrait reconnaître qu'on n'a pas d'individualité du tout. Et chaque fois je me prends à croire sincèrement que, parce que j'ai trouvé un nouveau décor et une nouvelle idée d'intrigue, je me suis enfin débarrassé des deux ou trois histoires que j'ai à raconter" - Francis Scott Fitzgerald.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Franz Kafka et d'une étude de ses manuscrits. Écrite en novembre 1919, publiée en 1953, cette lettre de l'auteur du "Procès" écrite à l'intention de Hermann Kafka, son père, est considérée comme la clé de sa personnalité et de son oeuvre. En 1919, Franz Kafka a 36 ans. Il a publié quelques nouvelles ("La Métamorphose", "Le Verdict", "La Colonie pénitentiaire") mais doit occuper un emploi peu satisfaisant de juriste dans une compagnie d'assurance pour gagner sa vie. Tuberculeux, il est incapable d'assurer son indépendance et vit encore au foyer de son géniteur. Deux tentatives de mariage ont déjà échoué. Il projette cependant d'épouser une jeune praguoise, Julie Wohryzeck, rencontrée au début de l'année. Son père s'oppose au projet. Franz, n'ayant pas la force de contester l'autorité de ce père juif castrateur, rédige alors cette longue lettre poignante, à la fois réquisitoire et plaidoyer, où il fait le tour des relations conflictuelles qu'il entretient avec lui. Plaidant "coupable", il n'en règle pas moins son compte avec la figure paternelle qui domine sa vie, révèlant l'ultime secret: "Dans mes livres, il s'agissait de toi, je ne faisais que m'y plaindre de ce dont je ne pouvais me plaindre sur ta poitrine." Seule sa mère lira la lettre, son père n'en aura jamais connaissance.
Durant les hivers 1915-16 et 1916-17, Freud donne une série de conférences à la faculté de médecine de Vienne. Indice de la popularité croissante de la psychanalyse à l'époque, ces conférences, publiées en volume et bientôt traduites dans une quinzaine de langues, connaîtront un grand retentissement dans le monde entier. Un siècle plus tard, le succès de ce livre-source de la psychanalyse et du freudisme, ne se dément toujours pas. "L'Introduction à la psychanalyse" comprend trois groupes de leçons: les quatre premières - qui reprennent en partie la matière de "Psychopathologie de la vie quotidienne" - concernent les actes manqués. Dans le chapitre introductif, Freud y fait alterner avec brio le sérieux et l'humour, la rigueur et la dérision, afin de présenter sa nouvelle science à un public qu'il considère mal informé, voire en partie hostile. Il s'attarde notamment sur la distinction entre médecine et psychanalyse: "Le traitement psychanalytique ne comporte qu'un échange de paroles entre l'analysé et le médecin", assène-t-il. Il aborde ensuite les deux grandes difficultés qui attendent les analysants: l'essentiel des processus psychiques sont inconscients et la sexualité y joue un rôle majeur avec ses divers phénomènes de pulsions, de résistances, de refoulements et de sublimations. Les onze leçons suivantes - synthèse récapitulative de l'ouvrage pionnier "L'Interprétation du rêve" - sont consacrées au rêve et à la connaissance nécessaire de son imposant corpus de symboles lorsque la technique de l'association libre n'opère pas. Enfin les treize dernières sont regroupées sous le titre de "Théorie générale des névroses" et marquent une étape importante dans le développement théorique freudien qui sera poursuivi par la suite à travers les études sur la libido, l'inhibition, l'angoise ou encore le narcissisme. Le dernier chapitre est consacré à la thérapeutique analytique, soulignant tant les préjugés auquels elle doit faire face que les abus auquels elle peut donner lieu, du fait notamment de la manipulation du transfert.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de H. G. Wells. Exploitant toutes les ressources du merveilleux scientifique, H. G. Wells s'est imposé, avec Jules Verne, comme le grand pionnier de la science-fiction et de l'anticipation, annonçant dans de nombreux volumes la radio, les avions, les voyages interplanétaires ou encore la bombe atomique. Son célèbre "L'Homme invisible", chef-d'oeuvre de la littérature fantastique, exploite le mythe et le fantasme récurrent de l'invisibilité de l'être humain. Un savant, ruiné après une quinzaine d'années passée en vaines recherches, découvre enfin la formule pour devenir invisible. L'expérimentant sur lui-même, notamment pour fuir ses créanciers, il ne peut plus revenir à sa forme humaine visible et abuse bientôt de son pouvoir, profitant de son invisibilité pour épier les gens, les voler, commettre un meurtre et même terroriser une petite ville. Au-delà du fascinant récit de divertissement, "L'Homme invisible" est aussi et avant tout un grand livre de réflexion sur l'éthique scientifique et le danger, hélas trop humain, du sentiment de toute-puissance.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. Né en 1759, élève des Oratoriens de Nantes puis professeur à Arras où il rencontre Carnot et Robespierre, Joseph Fouché est élu député à la Convention aavant de réprimer férocement l'insurrection de Lyon en 1793. Accusé de zèle terroriste par Robespierre, il rallie ses opposants. Nommé ministre de la Police en 1799, il participe activement au coup d'Etat de Bonaparte et conserve son portefeuille sous le Consulat. Se distinguant par son cynisme et ses abus de pouvoirs, incontournable depuis l'affaire de la "machine infernale", il demeure ministre durant l'Empire. Ayant mis au point des méthodes d'investigation redoutables, maître absolu dans le domaine des renseignements et des tractations souterraines, il obtient en 1809 le ministère de l'Intérieur, tout en conservant la Police. Mais en raison de sa trop grande puissance occulte, Napoléon se ravise et lui supprime ses fonctions ministérielles tout en le faisant duc d'Otrante. Très surveillé, puis exilé à la Restauration malgré ses manoeuvres, il meurt à Trieste en 1820.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Thomas De Quincey. Auteur des célèbres "Confessions d'un mangeur d'opium anglais" (que Baudelaire popularisa avec "Les Paradis artificiels") et de nombreuses autres nouvelles gothiques, essais biographiques et récits divers tous emplis d'humour noir et d'ironie, Thomas De Quincey - qui fut journaliste chroniqueur de faits divers - s'attarde ici dans un essai aussi noir qu'érudit sur le meutre. Composé de trois parties écrites à différentes périodes (1827, 1839 et 1854), "De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts" retranscrit d'abord une "Conférence" du narrateur devant un club d'esthètes sachant apprécier comme des oeuvres d'art les plus beaux assassinats de l'Histoire commis depuis Caïn jusqu'au XVIIIe siècle, puis un "Mémoire supplémentaire" proposant de nouveaux exemples notables (les Thugs étrangleurs de l'Inde, les Sicaires de Palestine, etc), enfin un "Post-Scriptum" traitant des crimes particulièrement sanglants commis dans l'Angleterre pré-victorienne par le tueur en série John Williams. Au-delà de son ironie et de son aspect iconoclaste frôlant le macabre qui lui valut d'être parodié par Edgar Poe et de figurer en bonne place dans l'"Anthologie de l'humour noir" d'André Breton, "De l'Assassinat" est aussi une profonde réflexion sur l'instinct criminel.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Mikhaïl Boulgakov. Un professeur de médecine, spécialiste du rajeunissement, greffe l'hypophyse d'un homme qui vient de mourir sur un chien errant. L'expérience réussit; le chien Bouboul se métamorphose bientôt en un individu nommé Bouboulov qui apprend à parler et acquiert une identité citoyenne. Mais l'animal se transforme aussi en un être humain grossier et alcoolique qui, devenu révolutionnaire professionnel sans scrupules, ment, dénonce, vole et tente même d'exproprier son bienfaiteur. À travers ce conte fantastique irrésistible de drôlerie, censuré en Russie soviétique au moment de sa publication car jugé contre-révolutionnaire, l'auteur du Maître et Marguerite étrille férocement un système politique totalitaire et absurdement bureaucratique.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Thomas Mann. Tonio Krger est un jeune écrivain d'origine bourgeoise et bohème de nature. Esprit tourmenté, il mène une vie solitaire et comme séparée de celle des autres hommes. Il ne peut vivre sans constamment s'interroger sur soi-même, sur l'oeuvre qu'il crée, sans se regarder vivre, alors qu'il n'aspire qu'à vivre comme ceux qui vivent sans y réfléchir, qui ne s'analysent pas, qui ne rêvent pas, qui se contentent de s'abandonner simplement à leurs instincts sociaux. En un mot, il rêve de vivre comme Hans et Inge, tous deux jeunes et beaux, blonds aux yeux bleus, et qui ont tous deux tenu une grande place dans sa vie affective. Thomas Mann évoque la douloureuse solitude d'un être d'exception avec un art d'une rare perfection. Largement autobiographique, "Tonio Krger" est à la base de toute l'oeuvre de Thomas Mann.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stefan Zweig. À Vienne, dans les années 20, un homme se réfugie dans un café pour échapper à une averse. Pris d'une impression de déjà-vu, il réalise que bien des années auparavant, alors qu'il effectuait des recherches sur le mesmérisme, il avait fait ici même la connaissance d'un vieux bouquiniste juif russe, Jacob Mendel, qui passait sa vie plongé dans les livres et les catalogues bibliographiques. Véritable encyclopédie vivante, le viel homme connaissait par coeur le titre, l'auteur, les différentes éditions et les prix de tous les livres publiés. Cherchant à savoir ce qu'était devenu Mendel, il apprend que la police l'a arrêté pendant la guerre en raison de ses origines et qu'il a été enfermé pendant deux ans dans un camp de concentration. À son retour, il avait perdu sa prodigieuse mémoire et était revenu mourir dans ce café où il avait passé trente-cinq ans à cataloguer des livres. Pour l'auteur, "les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli".
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Yasunari Kawabata, Prix Nobel de littérature. C'est d'une rupture de fiançailles et d'une rencontre avec une troupe de théâtre itinérant dans la péninsule d'Izu que le futur auteur des "Belles Endormies" et de "Pays de neige" s'est inpiré pour son premier chef-d'oeuvre, "La Danseuse d'Izu". La nouvelle - qui donne son titre à ce recueil de cinq textes exprimant tous dans leur subtil dépouillement stylistique l'amour, la mort, la solitude, la beauté et le silence - relate l'histoire d'un jeune orphelin parvenant à découvrir le sens de la vie et la valeur d'une bonté sans limites, trouvant ainsi une certaine communion de sentiments avec les autres. Délicat, raffiné, contemplatif, tout en touches impressionnistes, ce récit de pure mélancolie fournira en quelque sorte la base de la vaste production littéraire de Kawabata, qui, tout en étant destinée par sa nature aux happy few et aux amateurs de haute culture japonaise, a aussi le bonheur d'être appréciée par des millions de lecteurs dans le monde entier.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de James Joyce. Préface de Valery Larbaud. Le monde de "Gens de Dublin" est déjà le monde du "Portrait de l'Artiste en jeune homme" et d'"Ulysse" mais c'est Dublin et ce sont des hommes et des femmes de Dublin. Non seulement toute la topographie de la ville y est exactement reproduite, les rues et les places y gardant leur vrai nom, mais encore les noms des commerçants n'ont pas été changés et certains notables habitants - bourgeois, journalistes, agents électoraux - y sont mis en scène avec leurs opinions politiques et leurs remarques parfois peu respectueuses. Leurs figures se détachent avec un grand relief sur le fond des rues, des places, du port et de la baie de Dublin. Jamais peut-être l'atmosphère d'une ville n'a été mieux rendue, et dans chacune de ces nouvelles, les personnes qui connaissent Dublin retrouveront une quantité d'impressions qu'elles croyaient avoir oubliées. Mais ce n'est pas la ville qui est le personnage principal, et le livre n'a pas d'unité: chaque nouvelle est isolée. C'est un portrait, ou un groupe, et ce sont des individualités bien marquées que Joyce se plaît à faire vivre ici. Nous en retrouverons du reste quelques-uns, que nous reconnaîtrons, autant à leurs paroles et à leurs traits qu'à leurs noms, dans les livres suivants de l'auteur.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Knut Hamsun. Pan, de l'écrivain norvégien Knut Hamsun, met en scène un personnage que l'on retrouve souvent dans son oeuvre, celui du vagabond solitaire et fantasque trop proche de la nature pour ne pas être en rupture avec la société et le monde moderne. L'ex-Lieutenant Thomas Glahn, figure manifestement héritière du Werther de Goethe et du prince Mychkine de Dostoïevski, est un chasseur aussi orgueilleux que solitaire vivant avec son chien Ésope dans une cabane de la grande forêt du Nordland. La jeune mais sophistiquée Edvarda, qui, après l'avoir séduit, le délaisse en raison de son caractère impossible et de ses mauvaises manières en société, le rend fou amoureux. Une autre jeune femme, Eva, plus modeste, lui voue elle un amour simple et sincère. Prix Nobel de littérature, écrivain admiré par Thomas Mann, Isaac Bashevis Singer, Hermann Hesse, Franz Kafka, H.G. Wells ou encore Henry Miller, Knut Hamsun nous livre ici, entre mythes et légendes du Nordland, sur le rythme changeant des saisons, un magnifique roman lyrique vibrant des profonds mystères de la nature et de la passion amoureuse.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Federico Garcia Lorca. Pièce centrale dans l'oeuvre théâtrale et poétique de Federico Garcia Lorca, "Noces de sang" ("Bodas de sangre") retrace l'histoire tragique d'un amour rendu impossible par les traditions ancestrales d'un petit village andalou. Elle illustre l'attachement que l'auteur du "Romancero Gitan" - fusillé au début la Guerre civile à l'âge de 38 ans - éprouvait pour la terre et le peuple espagnol. "Noces de Sang" fut créé à Madrid en 1933, puis au Théâtre de l'Atelier à Paris en juin 1938. Elle n'a cessé depuis de connaître des représentations triomphales dans le monde entier et plusieurs artistes l'adaptèrent avec succès, tels entre autres le chorégraphe Antonio Gades qui en réalisa une version flamenca dansée, ou le cinéaste Carlos Saura pour sa trilogie sur le monde flamenco.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Baltasar Gracian. L'oeuvre de Baltasar Gracian, écrivain jésuite, que l'on peut rattacher à celles de Machiavel et de Castiglione, est l'une des plus représentatives du baroque espagnol du Siècle d'Or. Aujourd'hui classée sous l'étiquette du "conceptisme", esthétique littéraire initiée par Luis de Gongora, elle est pleine de doubles sens et de jeux de mots, et fourmille de traits psychologiques pleins de vérité et de piquant. L'auteur en a laissé la théorie dans son Art et figures de l'esprit, qui fut le code de la vie littéraire espagnole jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Mais ses ouvrages ont aussi exercé une grande influence en Europe sur un plan philosophique, inspirant notamment les moralistes français (La Rochefoucauld), Voltaire, puis, au XIXe siècle, Athur Schopenhauer et Friedrich Nietzsche. Plus récemment, Vladimir Jankélévitch, Jacques Lacan et le situationniste Guy Debord ont lu avec passion son traité sur L'Homme de Cour, intitulé originellement Oracle manuel et Art de la prudence, qui reste d'une modernité brûlante. L'ouvrage rassemble quelque trois cents maximes sur l'art de la courtisanerie. Au-delà des préceptes politiques individuels, c'est une profonde réflexion sur l'art de se gouverner soi-même, et plus généralement sur la condition humaine et mondaine.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Pétrarque. Le 26 avril 1336, Pétrarque, 32 ans, ecclésiastique et poète déjà renommé, décide de gravir le mont Ventoux (Vaucluse), en compagnie de son frère Gherardo. Parti avant l'aube du village de Malaucène, il ne revient qu'au milieu de la nuit. Toute la journée, il a erré sur divers chemins avant d'atteindre enfin, harassé, le sommet d'où il embrasse alors du regard toute la région, des Monts du Lyonnais aux Alpes et aux Pyrénées. Subjugué par ce spectacle du monde, il ouvre au hasard un petit volume des Confessions de Saint Augustin et tombe sur un passage qui lui révèle le sens de son ascension: "Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes, les vagues de la mer, le vaste cours des fleuves, l'immensité de l'Océan, les révolutions des astres, mais ils négligent de s'examiner eux-mêmes". Dès son retour, il rédige cette lettre adressée à son ami et directeur de conscience, le Père augustinien Dionigi dei Roberti, où il relate les péripéties de sa journée et la prise de conscience de ses propres turpitudes ici-bas. Métaphore d'une élévation spirituelle et d'un parcours initiatique vers la béatitude, ce texte introspectif de haute spiritualité, remanié plusieurs fois par Pétrarque avant d'être inséré dans ses Lettres familières, annonce le futur Secretum (Mon Secret), livre majeur de la Renaissance présenté comme un dialogue avec Saint Augustin.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de David Garnett. Angleterre, fin du XIXe siècle. Silvia Tebrick et son mari se promènent dans la forêt lorsque la jeune femme, après le passage d'une chasse à courre, se métamorphose soudain en renarde au pelage roux. Le mari, désemparé mais toujours amoureux, décide de la ramener à la maison et de continuer la vie conjuguale car, sous sa nouvelle apparence, Sylvia a conservé sa bonne éducation et sa sensibilité humaine. Mais les jours passent et il constate que l'instinct animal et la soif de liberté de la renarde prennent progressivement le dessus sur leur affection. Elle mord, tente de s'enfuir, saigne un lapin, creuse une tanière. Finalement, surmontant l'amour qu'il lui voue, il laisse son épouse rejoindre la forêt où elle donne bientôt naissance à cinq petits renardeaux. Malgré ses efforts pour la protéger dans son milieu naturel, Sylvia est tuée par des chiens de chasse. Avec ce surprenant récit fantastique aux allures de fable poétique qui défie toutes les tentatives d'interprétation, David Garnett - compagnon de route du Bloomsbury Group - nous livre une des plus belles histoire d'amour de la littérature.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Eduard Mrike. À l'automne 1797 Wolfgang Amadeus Mozart se rend en compagnie de sa femme à Prague où, après le succès des "Noces de Figaro", il doit diriger la première représentation de son "Don Juan". Dans un lyrisme tout intime, discret et familier, Mrike relate le voyage du musicien à travers ce savoureux récit mêlant fiction et biographie, écrit pour le centenaire de la naissance de Mozart. "Il faut bien avouer que cet homme ardent, si bien fait pour ressentir tout le charme du monde et ce qui est proposé de plus noble à la sensibilité humaine, ne parvint jamais, pendant le court temps où il lui fut donné de vivre et de créer, à un sentiment paisible et durable de soi-même. Si nous ne voulons point nous égarer en de trop subtiles analyses, ni mettre une excessive profondeur là où elle n'a que faire, nous ne pourrons nous expliquer cet être exceptionnel que par les indéracinables faiblesses de son caractère; aussi bien inclinons-nous à croire que ces faiblesses tiennent par un lien nécessaire à toutes les qualités qui nous font admirer Mozart."
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Yukio Mishima. Dans cet essai introspectif mêlant souffrance, esthétisme et mort, l'auteur de Confession d'un masque nous livre une sorte de testament spirituel, racontant les étapes de son développement personnel, de sa formation d'écrivain à son engagement nationaliste au service du Japon. Prenant tardivement conscience de son corps en s'exposant au soleil, il s'astreint à un entrainement intense de culture physique - musculation, course à pied, kendo (escrime au sabre pratiquée autrefois au Japon par les samouraïs), ... - "l'acier" du titre - seul moyen pour lui d'échapper au "pouvoir corrosif des mots" en redonnant vie à l'esprit. L'écrivain relate également son expérience quasi kamikaze de vol à haute altitude à bord d'un avion supersonique. Il sait qu'au bout de cette préparation la mort l'attend. Le soleil et l'acier, clé indispensable pour comprendre la vie et l'oeuvre de Mishima, sera publié deux ans à peine avant son seppuku, spectaculaire suicide réalisé en s'ouvrant le ventre avec un sabre, selon la tradition des guerriers japonais.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Thomas de Quincey. Est-ce le "puissant, juste, et subtil opium" qui tira souvent Thomas De Quincey vers le plus acre des plaisirs -- la dépréciation de l'idéal ? Est-ce la ténébreuse tentacule de vanité qui nous sert à aspirer avidement en nos héros toutes les bassesses de leur humanité ? Qui sait ? Les oeuvres de Thomas De Quincey sont toutes pénétrées de cette passion. Il n'aima personne autant que Coleridge, mais révéla les manies de son poète préféré avec volupté. Il adora Wordsworth; et en trois pages d'extase il montre le grand homme coupant un beau livre - qui ne lui appartient pas - avec un couteau souillé de beurre. Mais parmi les héros de Thomas De Quincey, sans contredit le premier fut Kant. Voici donc quel est le sens du récit qui suit. De Quincey considère que jamais l'intelligence humaine ne s'éleva au point qu'elle atteignit en Emmanuel Kant. Et pourtant l'intelligence humaine, même à ce point, n'est pas divine. Non seulement elle est mortelle mais, chose affreuse, elle peut décroître, vieillir, se décrépir. Et peut-être De Quincey éprouve-t-il encore plus d'affection pour cette suprême lueur, au moment où elle vacille. Il suit ses palpitations. Il note l'heure où Kant cessa de pouvoir créer des idées générales et ordonna faussement les faits de la nature. Il marque la minute où sa mémoire défaillit. Il inscrit la seconde où sa faculté de reconnaissance s'éteignit. Et parallèlement il peint les tableaux successifs de sa déchéance physique, jusqu'à l'agonie, jusqu'aux soubresauts du râle, jusqu'à la dernière étincelle de conscience, jusqu'au hoquet final. Ce journal des derniers moments de Kant est composé au moyen des détails que De Quincey tira des mémoires de Wasianski, de Borowski, et de Jachmann, publiés à Koenigsberg en 1804, année où Kant mourut; mais il employa aussi d'autres sources. Tout cela est fictivement groupé dans un seul récit, attribué à Wasianski. En réalité l'oeuvre est uniquement, ligne à ligne, l'oeuvre de De Quincey: par un artifice admirable, et consacré par Defoë dans son immortel Journal de la Peste de Londres, De Quincey s'est révélé, lui aussi, "faussaire de la nature", et a scellé son invention du sceau contrefait de la réalité.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Matthew Gregory Lewis. En 1794, M. G. Lewis, âgé de 19 ans, est envoyé à La Haye en qualité d'attaché d'ambassade. C'est au cours de son bref séjour dans cette ville qu'il écrit un livre éminemment subversif, "Ambroise, ou le Moine", dans le but de divertir sa mère. Se déroulant à Madrid à l'époque de l'Inquisition, le récit relate le destin tragique d'Ambrosio, abandonné à la naissance aux portes d'un couvent de Capucins. Élevé par les frères, il devient un prédicateur admiré pour sa vertu, la pureté de sa foi et l'éloquence de ses sermons. Mais ce prieur pur et intransigeant se croyant à l'abri de toute tentation charnelle se lie d'amitié pour un jeune moine novice qui se révèle être en réalité une femme aux pouvoirs démoniaques. Sa vie va alors basculer dans le péché, entraînant de nombreuses victimes dans les pires infamies. Interdit par la censure lors de sa parution en 1796, puis republié dans une version corrigée et épurée, le roman ne cesse depuis de susciter l'enthousiasme des lecteurs. Avec "Le Château d'Otrante" d'Horace Walpole (1764) et "Les Mystères d'Udolphe" (1794) d'Ann Radcliffe, "Le Moine" est aujourd'hui considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre du roman gothique. D'une noirceur romantique inégalée (satanisme, sado-masochisme, viol, inceste, matricide,..), il inspirera par la suite nombre d'auteurs dont entre autres Lord Byron, Le Marquis de Sade, Samuel Taylor Coleridge, E.T.A. Hoffmann, Victor Hugo, Mary Shelley, Maturin, Robert-Louis Stevenson, Charles Dickens, André Breton ou encore Antonin Artaud. Il a fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques, dont la plus récente est celle de Dominik Moll, avec Vincent Cassel dans le rôle du moine.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Thomas Mann. Célèbre écrivain d'âge mûr, Gustav von Aschenbach se rend en villégiature à Venise. À son hôtel du Lido, il rencontre un adolescent d'une beauté apollinienne, Tadzio, dont il tombe éperdument amoureux. Le désir homosexuel qu'il éprouve lui fait honte et leur relation demeure distante. Dans une Venise au charme maléfique dont il apprend bientôt qu'elle est rongée par une épidémie de choléra, il épie le moindre fait et geste du jeune éphèbe. En proie à une fièvre dionysiaque qui le mine chaque jour un peu, Aschenbach ne quitte pas Venise. Il meurt seul sur la plage, grimé en pathétique vieux beau, contemplant une dernière fois l'objet de sa fascination. Traversé par les thèmes de la beauté, de l'art, de l'amour et de la mort, imprégné de culture grecque classique, La Mort à Venise est sans doute le roman le plus contemplatif et le plus mélancolique de Thomas Mann qui en a reconnu la part autobiographique lors de l'adaption au cinéma par Luchino Visconti. Pour l'auteur de La Montagne magique - qui souhaitait à l'origine raconter l'histoire du dernier amour de Goethe, âgé de soixante-dix ans, pour la jeune Ulrike von Levetzow - ce roman est essentiellement "une histoire de mort considérée comme une force de séduction et d'immortalité, une histoire sur le désir de la mort [...], sur la tragédie de la maîtrise de l'art, sur la passion comme désordre et dégradation."
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de F. Scott Fitzgerald. Publiée dans un magazine littéraire des années folles avant de figurer dans l'anthologie de nouvelles "Tales of the Jazz Age", "Un diamant gros comme le Ritz" est l'une des meilleures et des plus célèbres nouvelles de l'auteur de "Gatsby le magnifique". Inspirée par l'été que Fitzgerald passa près de White Sulphur Springs Montana, elle relate l'histoire d'un jeune homme de la petite bourgeoisie provinciale qui tombe amoureux d'une très riche héritière vivant dans une propriété d'un luxe inouï. Elle lui rend son amour mais il est condamné par le secret entourant la fortune familiale. Celle-ci résulte de l'exploitation d'une mine composée d'un immense bloc de diamant, "plus gros que l'hôtel Ritz".
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Luigi Pirandello. On ne peut comprendre l'auteur des Six personnages en quête d'auteur qu'en se reportant à ses origines siciliennes. Les Siciliens de Pirandello ne sont pas moins impulsifs que ceux de Cavalleria Rusticana mais cette soudaineté qu'ils apportent dans l'action, ils l'apportent aussi dans la pensée. Ils pensent aussi vite qu'ils agissent, ils sentent aussi vite qu'ils pensent. On les voit passer instantanément du rire aux larmes, de la colère à la pitié et à l'attendrissement, de la fureur à l'ironie. Toutes les nouvelles rassemblées dans ce recueil témoignent de ce souci et de ce don. Elles dévoilent aussi une île hantée par les récits entendus dans son enfance à Agrigente, tout le paganisme foncier des fils de la Grande-Grèce, leur besoin d'union avec la nature, leur joie de vivre et de railler. Mais parler de régionalisme serait cependant une erreur. Si on trouve bien dans ces nouvelles, à travers la variété des images et du ton, la culture, les coutumes et la sensation charnelle de la "Vieille Sicile", on observe aussi la présence d'une nature immortelle qui n'épuise jamais ses réserves de vie, et la dramaturgie qui s'est édifiée à la suite s'ouvre à la partie divine du personnage et à la consolation spirituelle.