En 1791, Olympe de Gouges s'installe à Auteuil, où elle fréquente les milieux intellectuels avant-gardistes de l'époque, se liant d'amitié avec Sophie de Condorcet et Fanny de Beauharnais. Le 14 septembre, elle publie une brochure radicalement féministe, intitulée "Les Droits de la femme", qu'elle adresse à la reine Marie-Antoinette. Entre la dédicace à la reine et une proposition de "Contrat social entre l'Homme et la Femme", l'opuscule inclut surtout sa désormais célèbre "Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne", pendant polémique de la "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen" de 1789. Outre une exhortation à donner enfin la parole aux femmes - "La femme a le droit de monter sur l'échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune", proclame l'article X - le texte dénonce le fait que la Révolution oublie les femmes dans son projet puisque une bonne partie des droits fondamentaux - droit de vote, droit de propriété, droits professionnels, etc. - ne s'applique qu'aux hommes. Destiné à être présenté à l'Assemblée nationale le 28 octobre 1791, ce premier document juridique français évoquant l'égalité des sexes et proclamant le droit des femmes à devenir des citoyennes égales aux hommes en matière civile et politique, est refusé par la Convention.
OEuvre pleine des résonances des discours de l'Antiquité classique, le "Discours de la servitude volontaire" fait écho aux luttes politico-religieuses intestines du milieu du 16e siècle mais c'est avant tout une prise de position contre les tyrans et la tyrannie sous toutes ses formes. Inspiré par la passion antique pour la liberté, la thèse principale de La Boétie est de montrer que tout pouvoir a un caractère arbitraire et que la servitude des peuples est due d'abord à leur propre ignorance et à leur manque de volonté de retrouver la liberté naturelle à l'homme. Selon lui, si le peuple se contentait ne serait-ce que d'un refus passif du pouvoir, celui-ci tomberait, mais en réalité une grande partie préfère les petites faveurs et privilèges octroyés par le pouvoir plutôt que son droit à la liberté. La Boétie assure cependant que la patience des peuples n'est pas sans limite et que passée cette limite, le refus et la révolte deviennent légitimes. Le "Discours de la servitude volontaire" a constitué et constitue encore un texte de référence pour de nombreux mouvements de contestation politique et de désobéissance civile. Il resurgit contre les pouvoirs en place à chaque époque troublée: au 16e siècle par l'opposition calviniste à la monarchie catholique puis par l'opposition catholique à Henri IV, en 1789 par la contestation révolutionnaire de Marat d'abord puis du cercle de Babeuf, sous la Restauration, à la fin du 18e, au 19e par Lamennais qui le réédite contre la monarchie de Juillet, au début du 20e par l'anarchiste Gustav Landauer, pendant la Seconde Guerre mondiale sous le titre d'"Anti-Dictator", récemment encore, pendant l'épidémie de Covid-19, contre la tyrannie des autorités sanitaires. Cette édition contient la version originale du texte en ancien français et une version transcrite en français contemporain, ainsi qu'un Mémoire sur l'Édit de janvier 1562, une lettre de Montaigne et une biographie d'Étienne de La Boétie.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Stendhal. Publiée en 1829 dans la Revue de Paris puis intégrée en 1855 dans le volume des Chroniques italiennes, Vanina Vanini est l'une des plus romantiques et des plus romanesques nouvelles écrites par Stendhal (1783-1842). Elle raconte l'histoire de Vanina, fille du Prince Vanini, belle romaine "aux cheveux noirs et à l'oeil de feu", prête à tout pour garder l'amour d'un jeune et pauvre révolutionnaire carbonaro. Comprenant que celui qui lutte pour la liberté de l'Italie lui échappe, elle le trahit, puis le sauve de la mort, avant d'épouser finalement un sage aristocrate de son milieu. Vanina Vanini est un somptueux tableau de l'Italie stendhalienne, lieu des passions amoureuses exaltées sur fond historique et politique. Elle nous livre le meilleur de l'auteur de La Chartreuse de Parme et du Rouge et le Noir.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Voltaire. "Le Siècle de Louis XIV" est l'une des plus belles oeuvres de Voltaire et l'un des plus importants travaux historiques de l'époque. Concu dès 1732, Voltaire ne cessera de le remanier et de l'enrichir au fil des publications jusqu'à l'édition définitive de 1768 qui compte un millier de pages. Dès l'introduction, L'auteur de "Zadig" affirme son dessein: "Ce n'est pas seulement la vie de Louis XIV qu'on prétend écrire; on se propose un plus grand objet. On veut essayer de peindre à la postérité, non les actions d'un seul homme, mais l'esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais." Après un tableau des États de l'Europe, où il résume la situation de chaque royaume, il dépeint d'abord dans un récit clair et alerte celle de la France, racontant dans un pur style classique les grands évènements politiques et militaires du règne du Roi Soleil, détachant certains épisodes glorieux et dressant d'admirables portraits de personnages historiques. Dans une série de chapitres suivants, il rassemble ce qu'il a connu de la vie du pays et de la Cour, établissant un saisissant tableau de grande ampleur sur l'état des moeurs, des religions, des sciences, des lettres et des arts. Enfin son "Catalogue des écrivains français", composé de plusieurs centaines de notices biographiques, termine cet ouvrage incontournable sur l'histoire du Grand Siècle.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Lewis Carroll. Né par hasard des récits que Lewis Carroll improvisait pour les jeunes soeurs Liddel, "Les Aventures d'Alice au Pays des merveilles" est dédié à l'une d'elles, Alice. C'est l'histoire d'un rêve: Alice, en suivant un lapin blanc, est précipitée au centre de la terre. Là, il lui arrive de changer de taille selon ce qu'elle mange, de faire la connaissance du chat de Chester qui peut apparaître ou disparaître à volonté, de prendre le thé avec le lièvre de Mars ou encore de jouer au croquet avec la Reine de Coeur. Elle se trouve en difficulté lorsque toutes les cartes du jeu s'agitent autour d'elle, au moment précis où elle se réveille. "De l'autre côté du miroir" est la suite des aventures d'Alice qui voyage ici dans un pays en forme d'échiquier caché derrière le miroir du salon et y rencontre des êtres vraiment très singuliers. Les deux récits, chefs-d'oeuvre de la littérature enfantine et du voyage initiatique, sont emprunts d'une fantaisie, d'un humour subtil et d'un sens du merveilleux qui dominent toute l'action et les personnages. Lewis Carroll, profond connaisseur de la psychologie des enfants, y relate les choses avec leur mentalité libre sans préjugés et souvent sans pitié pour les conventions sociales.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Alphonse de Lamartine. Livre d'un âge de la vie rassemblant les textes écrits entre 20 et 40 ans, ces trois volumes rassemblés - les "Méditations poétiques", les "Nouvelles méditations poétiques" et les "Méditations poétiques inédites" - sont aussi le livre d'un âge de la sensibilité française. On y entend la voix d'un homme en accord avec son temps, les années 1815-1840, période de naissance et de développement du romantisme poétique. Toute la génération des premiers romantiques y découvrit en des images amples et simples, en des rythmes souples, une poésie de l'âme insatisfaite en quête de bonheur, d'amour et de vérité, une poésie pure qui enivre et qui plane. Lamartine y est en même temps un Racine moderne et un Chateaubriand en vers. Il crée un nouveau genre où la poésie devient véritablement émotion. Préludant même à l'âge symboliste, il est en deça et au-delà du romantisme, par l'art de suggérer la fusion du visible et de l'invisible, la suprématie de la musique. Sa quête poétique s'exprime aussi bien dans des discours en vers que dans des élégies, des odes ou des méditations proprement dites. De l'exercice philosophique ou religieux, il garde le mouvement: contemplation, réflexion, élévation. Sa contemplation est un paysage et sa réflexion est un rêve ascendant qui emporte le lecteur. Ce qui n'exclue pas parfois certains poèmes d'inspiration purement politique, tels par exemple "Ressouvenir du Lac Léman", où le diplomate fondateur du Parti Social, redoutable opposant à la monarchie de Louis-Philippe et co-fondateur de la Seconde République française, exprime aussi toute sa détestation de Napoléon.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Vidocq. Après le succès de ses célèbres "Mémoires", Vidocq, l'ancien forçat devenu chef de la Sûreté à la Préfecture de Paris (l'ancêtre de la Police Judiciaire parisienne), publie en 1836 un essai sur le monde de la pègre: "Les Voleurs, Physiologie de leurs moeurs et de leur langage, ouvrage qui dévoile les ruses de tous les fripons, et destiné à devenir le Vade Mecum de tous les honnêtes gens", composé notamment d'un dictionnaire de l'argot parlé dans le "troisième dessous de la société" (dixit Balzac). Ce savoureux dictionnaire d'argot de la racaille du XIXe siècle continue d'inspirer une bonne partie du vocabulaire d'aujourd'hui. Les longs et énergiques développements de Vidocq sur la pauvreté, les criminels, la délinquance, la prison, la police et la justice, entre autres, émaillé d'anecdotes et de faits divers insolites, en font aussi un ouvrage précurseur de certains débats de société toujours actuels.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jean-Jacques Rousseau. Fidèle à son principe philosophique selon lequel l'homme naît bon, ses vices étant imputables à un état social mal organisé et à une éducation déficiente, Rousseau tente d'établir dans ce livre les principes d'une éducation naturelle. Il le fait en donnant à son traité la forme d'un "roman psychologique". L'éducation naturelle est pour lui non pas celle fondée sur les règles et traditions de la société mais sur la connaissance de la véritable nature de l'homme et de l'enfant. Il considère que les instincts naturels, les premières impressions, les sentiments et les jugements spontanés qui naissent au contact de la nature sont les meilleurs guides de la conduite humaine et donc son enseignement le plus précieux. Il s'ensuit qu'il faut respecter et favoriser chez l'enfant le développement de ces phénomènes instinctifs et se garder de les étouffer par une éducation mal comprise. Le philosophe veut "préparer le chemin à la raison par un bon exercice des sens". Ces affirmations de principe étant posées, il propose un cycle complet d'éducation divisé en quatre périodes correspondant au développement du corps (de 1 à 5 ans), des sens (de 5 à 12 ans), du cerveau (de 12 à 15 ans) et du coeur (de 15 à 20 ans). La nouveauté et l'audace pédagogique de l'"Émile" ont fait l'objet de longues polémiques courant de la date de publication du livre (1762) jusqu'au 20e siècle - l'ouvrage fut sévèrement condamné par le Parlement, par l'Église et même par certains philosophes comme Voltaire - mais ses théories sont aujourd'hui en grande partie passées dans la pratique et adoptées par le monde de l'éducation. Et les travaux des plus grands éducateurs du 19e et du 20e siècle (Pestalozzi, Herbart, Froebel, etc), tout en le discutant et le nuançant, dérivent pour la plupart directement de l'"Émile". Un style direct et vivant, riche de digressions poétiques, conservent encore aujourd'hui à ce livre majeur toute sa vitalité.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie d'Herbert Marcuse. Dans "Éros et civilisation", Herbert Marcuse renouvelle l'interprétation marxiste des structures sociales répressives à la lumière d'une relecture de Freud. Il conteste le freudisme comme théorie de l'intégration psychologique individuelle dans la société et renverse la conception freudienne des pulsions. Il y découvre aussi toute l'importance de l'imagination et des forces d'utopie qui, à l'oeuvre dans l'art, par exemple, semblent renfermer la promesse d'un accomplissement du principe du plaisir. Au lieu de voir dans la pulsion de mort le principal moteur de la destinée humaine, il soutient que Éros (ou principe de plaisir) est la seule force capable de lutter contre l'ordre établi (principe de réalité) et contre Thanatos, source de toutes les résignations et de tous les pessimismes. Il s'agit pour lui, exactement comme le fait Jacques Lacan à la même époque, mais par d'autres moyens, de redonner au freudisme ce statut de doctrine subversive qu'il a perdu à force de s'édulcorer au contact des psychothérapies hygiénistes et pragmatiques des sociétés industrielles normalisées. Marcuse prône ainsi une théorie de la libération qui le conduit à imaginer une société fondée sur le dépassement des conflits et la possible pacification de l'existence.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Lautréamont. Sorte d'épopée en prose composée de six Chants, "Les Chants de Maldoror" est un livre magique et torturé, archétype même de l'oeuvre de génie, et sans doute oeuvre la plus déconcertante de la littérature française. Aujourd'hui encore, on ignore presque tout des intentions de Lautréamont (pseudonyme d'Isidore Ducasse), comme on ignore sa vie intime, son caractère et même son physique. L'idée fondamentale du livre est celle d'une rébellion de l'homme contre Dieu. Tirant son inspiration de Edward Young (pour la grandiloquence funèbre), de Lord Byron (pour le satanisme) et de Dante (pour la couleur de certaines visions), Lautréamont y célèbre la haute malfaisance du grand Créateur, cet "Étemel à face de vipère", en se fondant sur tous les crimes dont sa création est le théâtre depuis l'origine des temps. Faisant de Dieu l'objet de son exécration, l'auteur s'installe dans l'absurde pour mieux blasphémer son nom et, dans une sorte de course à l'abîme tout au long du récit, ne relâche jamais rien de sa fureur blasphématoire.