"Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - "un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal" - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !"
Bernard Pingaud.
"Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu'ils n'ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu'ils jettent l'un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n'est jamais tout à fait dit dans l'un, jamais tout à fait dit dans l'autre, mais seulement dans leur fragile intersection.
L'un de ces textes appartient tout entier à l'imaginaire : c'est un roman d'aventures, la reconstitution, arbitraire mais minutieuse, d'un fantasme enfantin évoquant une cité régie par l'idéal olympique. L'autre texte est une autobiographie : le récit fragmentaire d'une vie d'enfant pendant la guerre, un récit pauvre d'exploits et de souvenirs, fait de bribes éparses, d'absences, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, d'anecdotes maigres. Le récit d'aventures, à côté, a quelque chose de grandiose, ou peut-être de suspect. Car il commence par raconter une histoire et, d'un seul coup, se lance dans une autre : dans cette rupture, cette cassure qui suspend le récit autour d'on ne sait quelle attente, se trouve le lieu initial d'où est sorti ce livre, ces points de suspension auxquels se sont accrochés les fils rompus de l'enfance et la trame de l'écriture."
Georges Perec.
"Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles Orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement."
Matthieu Galey
Fruit d'une correspondance entretenue de l'été 1980 à l'hiver 1991 avec Jean-Luc Hennig - journaliste et écrivain -, La Passe imaginaire dresse un autoportrait singulier de Grisélidis Réal, écrivaine et prostituée.
À travers une écriture engagée et vivante, l'autrice raconte ses jours, ses nuits, ses clients, ses amants imaginaires, ses rêveries, ses coups de gueule, ses révoltes contre Dieu, ses verres de royal-kadir, ses usures.
Alternant poésie, hyperréalisme documentaire et onirisme, ces lettres révèlent celle qui se nommait "la catin révolutionnaire", une grande amoureuse, une militante passionnée, épicurienne et libertaire.
Loin du misérabilisme et du sentiment de honte, Grisélidis Réal donne ici à la prostitution une portée puissante : celle d'un combat à la fois individuel et collectif pour changer la société tout entière. Publiée pour la première fois en 1992, cette oeuvre maîtresse de l'autrice reste aujourd'hui cruciale dans le combat pour les droits des travailleuses du sexe et au sein de la littérature féministe.
CLÉO : J'en étais sûre. C'est grave, n'est-ce pas ?
IRMA : Oui, c'est grave, mais il ne faut rien exagérer.
Tirez encore une carte. Il faut réfléchir, il faut voir.
Cléo tourne une carte. C'est le Squelette.
Cléo, une chanteuse à qui l'on suspecte un cancer, appréhende les résultats de ses analyses médicales. Au cours d'une attente interminable, vécue minute après minute, l'héroïne déambule dans le Paris des années 60. De la rue de Rivoli au Dôme, de Vavin au parc Montsouris, Cléo considère le monde qui l'entoure d'un oeil nouveau. Tic, tac, une tension subtile et précise grandit peu à peu. On vit l'errance angoissée du personnage en temps faussement réel, de 5 à 7, jusqu'au verdict.
Publié dans la collection "Blanche" en 1962, le scénario d'Agnès Varda va bien au-delà du document de travail. Poétique et fantasque, il interroge l'inexorabilité du temps qui passe.c
Illustré par des photogrammes restaurés d'un des films les plus célèbres de la Nouvelle Vague, le deuxième d'Agnès Varda, ce livre raconte l'histoire d'une époque libre et inquiète.
Après un premier roman publié en 1912, Jeanne Galzy se trouve atteinte de la maladie de Pott, une tuberculose osseuse qui la condamne à rester alitée, immobilisée par une gaine de plâtre. Ce drame lui inspire Les allongés, qui reçoit le prix Femina en 1923.
Le roman s'ouvre et se ferme au printemps, dans un sanatorium de Berck, la Maison des Sables. La narratrice évoque au fil des pages son long séjour aux côtés des "allongés", souffrant comme elle d'un mal qui les maintient à l'écart de la vie. Avec une lucidité foudroyante, l'héroïne décrit ces amitiés liées dans l'épreuve.
Juste et poétique, l'écriture de Jeanne Galzy nous offre une réflexion atemporelle sur la douleur, le corps et le prix de l'existence. Et si ces "demi-vies" nous apprenaient à mieux saisir la poésie de l'éphémère ?
Prix Femina.
Après un premier roman publié en 1912, Jeanne Galzy se trouve atteinte de la maladie de Pott, une tuberculose osseuse qui la condamne à rester alitée, immobilisée par une gaine de plâtre. Ce drame lui inspire Les allongés, qui reçoit le prix Femina en 1923.
Le roman s'ouvre et se ferme au printemps, dans un sanatorium de Berck, la Maison des Sables. La narratrice évoque au fil des pages son long séjour aux côtés des "allongés", souffrant comme elle d'un mal qui les maintient à l'écart de la vie. Avec une lucidité foudroyante, l'héroïne décrit ces amitiés liées dans l'épreuve.
Juste et poétique, l'écriture de Jeanne Galzy nous offre une réflexion atemporelle sur la douleur, le corps et le prix de l'existence. Et si ces "demi-vies" nous apprenaient à mieux saisir la poésie de l'éphémère ?
Prix Femina.
CLÉO : J'en étais sûre. C'est grave, n'est-ce pas ?
IRMA : Oui, c'est grave, mais il ne faut rien exagérer.
Tirez encore une carte. Il faut réfléchir, il faut voir.
Cléo tourne une carte. C'est le Squelette.
Cléo, une chanteuse à qui l'on suspecte un cancer, appréhende les résultats de ses analyses médicales. Au cours d'une attente interminable, vécue minute après minute, l'héroïne déambule dans le Paris des années 60. De la rue de Rivoli au Dôme, de Vavin au parc Montsouris, Cléo considère le monde qui l'entoure d'un oeil nouveau. Tic, tac, une tension subtile et précise grandit peu à peu. On vit l'errance angoissée du personnage en temps faussement réel, de 5 à 7, jusqu'au verdict.
Publié dans la collection "Blanche" en 1962, le scénario d'Agnès Varda va bien au-delà du document de travail. Poétique et fantasque, il interroge l'inexorabilité du temps qui passe.c
Illustré par des photogrammes restaurés d'un des films les plus célèbres de la Nouvelle Vague, le deuxième d'Agnès Varda, ce livre raconte l'histoire d'une époque libre et inquiète.
En plein XIXe siècle, dans le pays qui est en passe de devenir le plus industrialisé du monde, Thoreau tourne le dos à la civilisation et s'installe seul, dans les bois, à un mille de tout voisinage, dans une cabane qu'il a construite lui-même, au bord de l'étang de Walden, Massachusetts. Il ne doit plus sa vie qu'au travail de ses mains. C'est là qu'il commence à écrire Walden, grand classique de la littérature américaine, hymne épicurien, souvent loufoque, à la nature, aux saisons, aux plantes et aux bêtes, toutes choses et tous êtres qui ne sont, selon les propres dires de Thoreau, que l'envers de ce qui est au-dedans de nous.
"Les gens heureux ne boivent pas, décréta-t-elle. Qu'un peu de pitié, par grâce, accueille ceux qui cherchent dans la boisson un bonheur illusoire, ou plutôt le mépris du bonheur inaccessible. Ce vice, il est inutile de vouloir le combattre. Il serait vaincu s'il était possible de créer la joie en ce monde."
Voici le portrait de Guita, une buveuse distinguée. Héroïne pleine d'esprit, elle trouve la source de son seul bonheur véritable dans l'alcool. À côté, tout ne lui paraît que souffrance et ennui.
Malmenée par la vie, le quotidien, la société et les hommes, la jeune Guita morcelle le temps, entre ébriété, dégrisement et manque : une ritournelle pour supporter sa peine.
Pour raconter ces sensations procurées par l'ivresse, Colette Andris découpe son roman en "points d'alcoolisme". Intitulés Éveil, Initiation, Insomnie, Flirt, Spasmes ou Éthers, ces courts chapitres décrivent avec une ironie sévère et sans pudeur l'addiction de son personnage.
On redécouvre une plume colorée et scandaleuse injustement tombée dans l'oubli. Publié en 1929, ce roman lève le voile sur un sujet encore terriblement tabou : l'alcoolisme chez la femme.
"Les gens heureux ne boivent pas, décréta-t-elle. Qu'un peu de pitié, par grâce, accueille ceux qui cherchent dans la boisson un bonheur illusoire, ou plutôt le mépris du bonheur inaccessible. Ce vice, il est inutile de vouloir le combattre. Il serait vaincu s'il était possible de créer la joie en ce monde."
Voici le portrait de Guita, une buveuse distinguée. Héroïne pleine d'esprit, elle trouve la source de son seul bonheur véritable dans l'alcool. À côté, tout ne lui paraît que souffrance et ennui.
Malmenée par la vie, le quotidien, la société et les hommes, la jeune Guita morcelle le temps, entre ébriété, dégrisement et manque : une ritournelle pour supporter sa peine.
Pour raconter ces sensations procurées par l'ivresse, Colette Andris découpe son roman en "points d'alcoolisme". Intitulés Éveil, Initiation, Insomnie, Flirt, Spasmes ou Éthers, ces courts chapitres décrivent avec une ironie sévère et sans pudeur l'addiction de son personnage.
On redécouvre une plume colorée et scandaleuse injustement tombée dans l'oubli. Publié en 1929, ce roman lève le voile sur un sujet encore terriblement tabou : l'alcoolisme chez la femme.
Dans ce récit autobiographique, Gisèle Halimi écrit à son père tant aimé pour lui dire « ce qui n'a pas été dit ». Tout commence en Tunisie au pied de l'oranger. Tous les matins, la petite fille se cache pour jeter son café au lait dans les racines de l'arbre. Gisèle Halimi revient sur son enfance rebelle et ses combats précoces contre les stéréotypes de genre véhiculés par la religion et l'école. La haine de l'injustice chevillée au corps, Gisèle Halimi devient l'avocate la plus célèbre du XXe siècle. Actrice et témoin de notre époque, elle a secoué l'Histoire par des combats difficiles qui résonnent encore fortement aujourd'hui. De la guerre d'Algérie à la reconnaissance du viol comme crime, en passant par le procès de Bobigny et la bataille pour la légalisation de l'avortement, tout en côtoyant Mitterrand, Simone Veil, Bourguiba ou encore Camus, Sartre et Beauvoir, elle retrace ici son parcours hors du commun.
Julie Gayet offre une lecture poignante de ce texte emblématique, miroir émouvant tendu à la société du XXe siècle.
"Je me rappelle les soirs rouges, où nous nous dévorions, insatiablement affamées, où nos baisers devenaient des meurtres. Je me rappelle les soirs violets, où notre désir ne désirait que l'anéantissement, et où nous avions la faim et la soif de la mort."
Personnage clé de la Belle Époque, Natalie Barney rencontre en 1900 un des grands amours de sa vie : Pauline Tarn, alias Renée Vivien, grande poétesse. C'est après une rupture abrupte, et avec l'objectif de la reconquérir, que Barney écrit Je me souviens..., en 1904.
Trésor publié anonymement en 1910, cette lettre enfiévrée nous parvient aujourd'hui avec d'autant plus de force qu'elle aurait pu être oubliée. Exceptionnellement moderne, ce poème en prose oeuvre à la visibilité lesbienne dans une époque bercée par les convenances.
Avec cette célébration urgente de l'amour entre deux femmes, Barney habite tous les recoins de la passion, de la cristallisation à la défaite. Ode à la nature et au corps de la femme aimée, évocation sensible du désir et de l'étreinte ; Barney trouve la juste poésie pour rêver, souffrir, attendre et espérer.
Cristina Campo, qui a peu écrit, déclarait qu'elle aurait voulu écrire encore moins. Livre admirable et d'une rare incandescence, Les impardonnables réunit une part essentielle de son oeuvre. Qu'elle explore les contes de fées, les Mille et Une Nuits, le chant grégorien, l'art du tapis ou qu'elle consacre sa méditation à Chopin, Tchekhov, Proust ou Borges, c'est toujours la même saisissante luminosité qui émane de sa prose. Pour Cristina Campo, la splendeur du style n'était pas un luxe mais une nécessité. Cette "trappiste de la perfection" aspirait à une parole nourricière dont chaque mot aurait été soupesé avec délicatesse. Considérant que notre profondeur d'attention est à la fois "le noyau de toute poésie" et "le seul chemin vers l'inexprimable, la seule voie vers le mystère", elle a su porter son regard plus loin que les décrets du visible. Animé par une passion ardente et une sensibilité subtile, Les impardonnables fait partie des livres impérissables qui sont aussi des livres de vie.
"Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XXe siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires.
Le jazz, les amis, l'amour fou - d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être... car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortázar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence."
Florence Delay
La Fée-Cinéma est le récit autobiographique d'Alice Guy : première femme cinéaste du monde.
Écrire vite. Raconter son enfance, d'abord : la jeune Alice est élevée entre le Chili, la Suisse et la France. Puis le pensionnat et la vie à Paris. Suivent des études de sténographie, avant qu'elle ne devienne en 1895 la secrétaire de Léon Gaumont au Comptoir général de Photographie. C'est à la suite de la première projection du cinématographe des frères Lumière qu'Alice a l'idée de tourner de courtes fictions pour soutenir la vente des caméras Gaumont.
Déjà "mordue par le démon du cinéma", elle n'a qu'une obsession : raconter des histoires en réalisant ses propres films, dont le plus célèbre, La Fée aux choux, considéré comme le premier film de fiction...
Longtemps effacée de l'Histoire, Alice Guy décrit ici avec précision les débuts du cinéma, la magie des accidents, des expérimentations et autres bouts de ficelle. Sans détour et sans romance, d'une écriture intime et urgente, elle dit la beauté du 7e art qu'elle a "aidé à mettre au monde" ; elle se réhabilite.
Elle meurt en 1968 et ses Mémoires, pourtant achevés en 1953, ne seront publiés qu'en 1976.
"Toutes les mythologies parlent, soit d'un centre original du monde, soit d'un arbre sorti de terre et qui gagne le ciel, soit d'un mont sacré, en tout cas d'une possibilité de communication avec l'au-delà. Or, il faut que cette possibilité existe, que l'arbre ou la montagne soit là pour de vrai, au même titre que l'Éverest ou le mont Blanc. C'est ce que pense l'auteur du récit et il réunit une expédition pour découvrir le mont Analogue. La description des membres de l'expédition permet à René Daumal d'exprimer sa fantaisie. La base du mont est finalement découverte : c'est la courbure de l'espace qui empêchait de la voir. Le récit est inachevé, mais il est assuré que l'expédition, qui a disparu à nos regards de lecteurs, poursuit son ascension.
Naturellement, les personnages et les circonstances du Mont Analogue sont symboliques : telle est la littérature quand elle se veut utile à l'homme. Dans la circonstance, elle éveille doublement, car toutes les phrases portent. Cela tient à l'intelligence très personnelle de René Daumal et à ce qu'on pourrait appeler son lyrisme de l'ironie."
Roger Nimier.
Trésors à prendre est un authentique journal de voyage, l'imagination n'y a pas de part. Les personnages qui le traversent sont aussi réels que le causse Noir et que la cathédrale d'Albi. Mais Violette Leduc, avec son avidité pour la vie, provoque à tout moment, en tout lieu, les rencontres les plus curieuses et les plus émouvantes.
"QUICHOTTE : Considère bien, Panza, que ce qu'ils appellent folie, moi je l'appelle réalité."
Détournement fantasque, féministe et poétique de Don Quichotte, Le voyage sans fin offre une nouvelle lecture du roman de Cervantès. Ici, Quichotte est une femme chevalier errant, passionnée de livres et d'écriture, en quête de justice et de liberté. Accompagnée de son écuyère, Panza, elle traverse nombre de péripéties et imagine un nouveau monde.
Flanquée de ces deux "guerrillères", Wittig trouve une nouvelle occasion de déjouer les marques du genre et d'éclater les conventions. Elle nous offre dans cette courte pièce une expérience hybride, entre théâtre, cinéma et geste d'écriture : une profonde aventure politique.
Représenté pour la première fois en 1985 au Théâtre du Rond-Point, coréalisé avec Sande Zeig, Le voyage sans fin avait alors été publié dans le supplément de la revue féministe Vlasta. "L'Imaginaire" souhaite aujourd'hui donner l'occasion aux lecteurs de redécouvrir ce texte d'avant-garde hors du commun.
Une descente dans les abîmes. René Daumal explore ceux du monde matérialiste, et aussi ceux que chacun de nous recèle en lui. Au cours d'une beuverie, l'auteur visite la Jérusalem contre-céleste, où séjournent les Évadés. Artistes, scientistes, faux sages s'y enivrent de paradis artificiels. Puis vient le réveil. L'auteur va apprendre à mieux se connaître, à approfondir la voie introspective. "Alors que la philosophie enseigne comment l'homme prétend penser, la beuverie montre comment il pense."
Dans La Soirée avec Monsieur Teste, Valéry explique pourquoi, à la recherche du succès littéraire, auquel il aurait pu légitimement aspirer suivant le voeu de ses amis, il a préféré autre chose. La recherche du succès entraîne nécessairement une perte de temps : "Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il faut pour se rendre perceptible..."
M. Teste est un homme qui a mieux employé son temps : "J'ai fini par croire que M. Teste était arrivé à découvrir des lois de l'esprit que nous ignorons. Sûrement, il avait dû consacrer des années à cette recherche : plus sûrement, des années encore, et beaucoup d'autres années avaient été disposées pour mûrir ses inventions et pour en faire ses instincts. Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce que l'on trouve."
Tel était bien sans doute le programme ambitieux que s'était assigné Valéry lui-même à l'époque où il rédigeait cette fameuse Soirée avec Monsieur Teste.
"À Megara on met encore des oeillets au balcon, et les femmes portent des robes longues ; c'est pour cette raison que la simple vision d'une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées ; et elles se surveillent elles-mêmes ; et s'il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l'ourlet de leur robe maculé de boue que d'avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers."
Admirables portraits de femmes prises aux pièges de l'amour, ces dix-huit nouvelles dessinent les contours de passions faites de promesses et de mélancolie. Avec les paysages lumineux de l'Italie en toile de fond, les femmes des Belles luttent pour échapper aux tragiques carcans de la famille, de la société, et de leurs amants, parfois au péril de leur vie.
Dans cet ouvrage, Borgese, au sommet de la forme courte, célèbre les beaux alibis du coeur et l'universalité du mal d'aimer.
Pendant l'Occupation, Louis Calaferte a onze ans. Il raconte la guerre telle que la voit, telle que la vit un enfant.
"Ils parlent. Ils tapent sur la table. Ils reniflent. Ils se grattent dans les poils. Ils se grattent la tête. Ils se renversent sur leurs chaises. Ils mettent leurs pouces dans leurs bretelles. Ils font semblant, mais ils ne sont pas bien. Ils griffent de l'ongle le bois de la table. Ils parlent. Ils se comprennent. Et pourtant, c'est quoi 14, c'est quoi l'Armistice, c'est quoi Daladier, c'est quoi les Boches, c'est quoi Hitler, c'est quoi la politique, c'est quoi le Taureau du Vaucluse, c'est quoi Chamberlain, c'est quoi le pape, c'est quoi la guerre ?
- C'est quoi, la guerre ?
- Occupe-toi de ta soupe. Mange."
Rares sont les écrivains qui, parallèlement au roman qu'ils écrivent, tiennent un journal de leur travail et le publient de leur vivant. C'est le cas d'André Gide avec son célèbre roman de l'adolescence perverse, Les faux-monnayeurs.
Le Journal des faux-monnayeurs est le long dialogue de Gide avec ses personnages au fur et à mesure de leur création. C'est ainsi qu'il se familiarise avec l'atmosphère trouble dans laquelle évoluent ses héros : Édouard qui tient son journal, Olivier Molinier, Bernard Profitendieu... Tout au long, Gide apprend à vivre avec eux et il dépasse parfois le cadre du roman proprement dit. Ce Journal, qui est aussi son "cahier d'études", permet de mieux sentir le mécanisme créateur, l'intelligence critique, l'ironie du grand romancier.