De ce pamphlet publié pour la première fois à Londres en 1870, probablement de manière clandestine, on ne sait presque rien. Auteur ? Date ? Le mystère reste entier.
Il nous apprend les formes du despotisme, des plus violentes aux plus insidieuses. Si pour le tyran "la société est une proie", il sait isoler, corrompre voire travestir son joug en liberté. La complicité, la nécessité ou la peur font le reste. Sidéré, on est saisi par ces fulgurances si actuelles :
"Il est plus facile d'organiser le silence que la liberté."
"Chacun sentant qu'il est tenu d'obéir, méprise chez les autres l'humiliation que lui-même il subit."
Avec le sentiment troublant de l'interdit, on se glisse dans ce texte brut qui bouillonne, esquissé furtivement par un esprit libre et révolté.
L'auteur du Bref Été de l'anarchie et de La Grande Migration retrace dans cet essai l'histoire des terroristes russes qui, de 1862 à 1917, inlassablement, ont sacrifié leur vie pour renverser le régime tsariste. C'est peu dire que ces personnages sont romanesques ou hors du commun : ils se sont volontairement situés, par l'absolu de leur révolte, hors de l'humanité, poussant à son extrême le mépris de soi, des autres et de la vie en général. Mépris qui culmine dans les figures de Netchaiev ou Asev, qui organisèrent des dizaines d'attentats terroristes et travaillaient en même temps pour la police secrète du tsar.
Hans Magnus Enzensberger est né en 1929 à Kaufbeuren en Bavière. Docteur en philosophie et éminent représentant de la poésie allemande contemporaine, H. M. Enzensberger est aussi romancier, traducteur, journaliste et essayiste. Analyste critique des médias, il s'est notamment illustré par ses études consacrées aux liens qui unissent violence et politique.