Née en 1860 dans un contexte antijuif particulièrement tendu, tant en Orient (affaire de Damas en 1840) qu'en Occident (affaire Mortara en 1858), l'Alliance israélite universelle s'est rapidement imposée comme la version juive de la « mission civilisatrice de la France ». À travers son réseau d'écoles modernes s'étendant du Maroc à la Perse, elle a contribué à l'émancipation de la condition juive comme à la modernisation des communautés juives et plus largement de leurs pays d'accueil. Mais elle s'est également retrouvée prise dans une série de controverses - avec les rabbins qui l'accusaient de saper les valeurs traditionnelles, avec le sionisme naissant - et de fantasmes antisémites. À travers son prisme, c'est toute l'histoire complexe des relations entre l'Europe, le monde musulman et les Juifs qui se donne à lire et nous ouvre à un autre regard sur les problématiques contemporaines.
Georges Bensoussan, historien, est notamment l'auteur d'Une histoire intellectuelle et politique du sionisme (Fayard, 2002) ainsi que de Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975 (Tallandier, 2012).
Communauté aux origines obscures, qui revendique l'héritage du roi Salomon et de la reine de Saba, les juifs d'Éthiopie ne cessent de fasciner. L'épopée de leur « montée » en Israël au milieu des années 1980 les a brutalement fait passer d'un mode de vie archaïque à l'ultra-modernité. Dans cet ouvrage appelé à devenir la référence en français, l'auteur fait le point sur ce qu'on sait de leur histoire ancienne et met surtout l'accent sur leur installation en Israël, la difficile question de leur intégration et les défis actuels. Elle montre en particulier comment leur identité en tant que nouveau Israéliens, juifs et noirs, les place au carrefour de problématiques contemporaines : identité nationale ou religieuse, conscience de couleur et de genre, transnationalisme, re-diasporisation globalisation...
Présente depuis l'époque de l'Empire romain, la communauté juive d'Italie est riche d'une histoire plurimillénaire. à la Renaissance, elle a pleinement participé à cette formidable aventure culturelle que nous fait revivre Alessandro Guetta. Les études bibliques, talmudiques, la philosophie et la kabbale, mais aussi la linguistique, la poésie, le théâtre, connaissent une effervescence sans pareille, avant et après l'institution des ghettos. Pendant cent cinquante ans, les Juifs d'Italie ont su développer une culture à la fois fidèle à leur tradition et ouverte aux nouveautés de l'époque : en un mot, une culture juive « moderne ».
Figure majeure de l?histoire de France, saint Louis constitue pour les juifs un symbole ambigu. D?un côté, il représente la bigoterie antijuive puisqu?il fait bruler le Talmud, impose le port de la rouelle (l?ancêtre de l?étoile jaune), et cherche à expulser les juifs du royaume de France. D?un autre côté, le xiiie siècle qu?il incarne constitue pour les juifs de France un certain âge d?or.
Au-delà de la figure personnelle de Louis IX ? plus pragmatique qu?on ne l?imagine ? l?auteur dresse un portrait clair de la société juive dans son rapport au pouvoir politique, témoignant de son intégration socio-économique en cette période de naissance du capitalisme et de la richesse de sa vie culturelle.
Cet ouvrage de synthèse, très accessible, nous fait découvrir une époque clé de l?histoire juive mais aussi à un aspect méconnu de l?histoire de France.
Le mot « sionisme », né il y a à peine plus de cent ans ne semble plus compris de nos jours et subit toutes les défigurations qu'entraîne la polémique.
Ce livre vise à rétablir son sens véritable et à examiner ce qu'il en est dans la réalité israélienne d'aujourd'hui : revenir à Sion, terre ancestrale, reconstituer les juifs en tant que nation, créer un État démocratique, rétablir la langue hébraïque et offrir aux juifs en détresse un refuge et une patrie.
« Un petit livre lumineux, passionnant, documenté, ouvert et d'une grande honnêteté intellectuelle. » Bruno Frappat, La Croix.
Le concile Vatican II n’a pas seulement transfiguré le catholicisme romain : à travers la décision conciliaire Nostra Aetate, il a opéré une révolution complète des rapports entre judaïsme et christianisme, dont on n’a pas encore mesuré aujourd’hui tous les effets. Tournant résolument le dos à un antijudaïsme qu’on aurait pu croire au cœur de la foi chrétienne, Nostra Aetate constituait pour les juifs comme pour les chrétiens une « bonne nouvelle » qui mit du temps à se faire entendre. Ce document ne résolvait pas non plus tous les contentieux, anciens comme modernes. Au cours du demi-siècle suivant, surgirent des tensions, notamment à propos de la position du Saint-Siège vis-à-vis d’Israël, lors de l’affaire du carmel d’Auschwitz et d’autres encore. Mais les choses avancent…
Jean Dujardin, oratorien, ancien secrétaire du Comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme, vice-président de l’Amitié judéo-chrétienne de France, fait le point sur ces cinquante ans d’histoire, tant au niveau des autorités religieuses que du point de vue des personnes qui, au sein des communautés, œuvrent au quotidien pour une meilleure compréhension de l’autre.
Gilbert Dahan, directeur de recherches au CNRS, auteur d'une importante thèse sur les relations entre juifs et chrétiens au Moyen Age, nous présente ici un aspect de ces relations : la polémique théologique ou disputatio, qui fleurit aux XIIe et XIIIe siècles. Celle-ci avait commencé de façon courtoise, voire exemplaire. L'auteur étudie la dégradation des relations au XIIIe siècle et développe les principaux thèmes autour desquels tourne la polémique tant orale qu'écrite.
Qu'elle soit étude commune des textes sacrés ou discussion passionnée sur les thèses propres à chacune des deux religions, la "dispute" judéo-chrétienne est constante au Moyen Age et semble se perpétuer d'une certaine façon dans le dialogue judéo-chrétien actuel.
En cette fin du XXe siècle, treize millions de juifs vivent dans le monde, dispersés sur cinq continents. Ils sont profondément impliqués dans les bouleversements politiques de ce siècle, dans ses mutations sociales, scientifiques et techniques. Après un panorama situant les judaïcités contemporaines, ce livre analyse les identités juives, les relations des juifs avec l'Autre, les échanges entre les diasporas et l'Etat d'Israël.
Au XVIe siècle, la Terre sainte au pouvoir des Turcs fut revivifiée par un afflux de juifs expulsés d'Espagne (1492) et du Portugal (1496). Ses villes et ses campagnes se repeuplèrent et bourdonnèrent d'activités nouvelles. Deux tentatives de restauration politique et économique virent le jour, l'une à Safed avec Jacob Bérab, l'autre à Tibériade avec la senora et Joseph Nassi. Sous l'impulsion de ses kabbalistes, Safed exerça bientôt une autorité spirituelle sans partage avec la diffusion en Europe des doctrines d'Isaac Luria Ashkenazi, Ari ha-qadosh.
Poète et philosophe célèbre, né en Espagne à la fin du XIe siècle et mort en terre d'Israël en 1141, Juda Halévi a marqué l'histoire et la culture juives, et plus particulièrement celles des séfarades. Son oeuvre, qui se fait l'écho de ses voyages jusqu'à Jérusalem, des crises de son époque et de ses propres états d'esprit, reflète une ouverture culturelle et littéraire au monde islamique conjuguée à une solide identité juive en lutte pour sa survie en des temps difficiles. Masha Itzhaki, professeur de littérature hébraïque, spécialiste de poésie médiévale, retrace ce parcours singulier et replace l'oeuvre dans la tradition juive dont elle constitue l'un des chapitres remarquables.
Le récit biblique est depuis longtemps l'objet de polémiques. La controverse qui naguère portait surtout sur la Genèse et l'Exode s'est maintenant déplacée vers les livres historiques, notamment les livres des Rois et surtout la période de David et Salomon, pour des raisons à la fois scientifiques, politiques et religieuses.Yaacov Shavit présente ici les recherches les plus récentes et analyse les enjeux de ces débats. Montrant à la fois l'apport de l'archéologie et ses limites, il propose également une réflexion sur les auteurs des livres bibliques : qui étaient-ils ? Quelles étaient leurs sources ? Pour qui écrivaient-ils ?Avec clarté et érudition, ce livre s'efforce de dégager, au-delà des interprétations théologiques, ce qui fait le noyau historique des récits bibliques.
Présents en Espagne depuis l'Antiquité, les juifs ont longtemps vécu sans difficultés majeures au coeur des sociétés ibériques. Tolérés sous le pacte d'Omar, ils demeurent avec un statut particulier dans les royaumes chrétiens qui, du VIIIe au XVe siècle, entreprennent et réussissent la reconquête du sol espagnol, participant à presque toutes les activités économiques et culturelles.
Au moment des guerres civiles et des tensions économiques des XIVe-XVe siècles, les juifs deviennent alors la cible d'attaques populaires, politiques et religieuses. Elles aboutiront à leur expulsion des royaumes de Castille et d'Aragon, le 31 mars 1492.
Dans un paysage désertique majestueux, au bord de la mer Morte, se dressent les ruines de Massada. Les fouilles archéologiques ont largement confirmé les descriptions de Flavius Josèphe, le seul historien à rapporter la chute de la forteresse, au terme de la longue révolte des Juifs contre Rome (66-73), et le suicide collectif de ses défenseurs qui préférèrent la mort à l'esclavage. Au-delà de l'Histoire, ce lieu a pris une valeur symbolique.
Né le 4 août 1895, Albert Cohen aurait eu cent ans cette année. L'auteur de l'une des oeuvres majeures du siècle n'a pas connu l'éclipse que connaissent la plupart des grands écrivains avant de passer pleinement à la postérité et son oeuvre a pris place parmi les classiques. Toutefois, dans l'actualité de notre époque et du destin juif en particulier, la vie et l'oeuvre du créateur de Solal et de Belle du Seigneur prennent un autre visage et des accents nouveaux. C'est eux que son ami Jean Blot s'efforce de découvrir et d'exprimer.
Romancier et critique, Jean Blot a consacré de nombreux essais et un livre à Albert Cohen. Sa vision originale révèle l'homme et l'oeuvre dans ce qu'ils ont de plus secret, tout en les replaçant à leur juste place dans la littérature juive et française.
Le Maghreb juif autour de 1850, un petit monde baroque, coloré, déroutant, pathétique. Un univers encore pétri de traditions, une intimité millénaire avec l'islam, conflictuelle ou conviviale. C'est cette société, ses valeurs, ses signes, son quotidien qui sont ici saisis, reconstitués, explicités, avant l'irruption fracassante de l'Occident et de sa fébrile modernité.
Figure légendaire du judaïsme hébraïque, don Isaac Abravanel (1437-1508) mit ses talents d'homme politique et de financier au service des rois du Portugal, d'Espagne, de Naples et des doges de Venise, et assuma avec dignité la représentation de sa communauté auprès des souverains espagnols lorsque le destin des juifs d'Espagne bascula. Il fut également un penseur dont les écrits constituent le point d'orgue de la philosophie juive médiévale ; son commentaire de la Bible est devenu un classique.
Roland Goetschel, professeur des Universités, directeur du Centre d'études juives de la Sorbonne, retrace la vie et l'oeuvre de cet homme dont la réflexion a nourri le renouveau messianique qui traversa le monde juif aux XVIe et XVIIe siècles.
Traqués par la toute-puissante Inquisition, contraints de masquer leur foi, les cryptojuifs - les juifs du silence - chercheront malgré tout à rester fidèles à la Loi de Moïse. Mais comment vivre, travailler, transmettre la foi dans ce climat de secret et d'angoisse ? Comment affronter au quotidien la peur du lendemain dans une société en proie au racisme religieux ?
Les réponses sont ici laissées aux bourreaux, aux victimes, et à ceux qui ont connu l'expérience de l'observance clandestine.
Durant les premiers siècles de notre ère, il y eut des hommes et des femmes pour qui il était naturel d'être chrétiens tout en appartenant à la nation juive. Il n'y avait pas de contradiction entre leur croyance messianique et leur pratique halakhique : la Torah de Moïse, qui les inspirait dans chacun de leurs gestes quotidiens, n'était pas abrogée à cause du Messie Jésus. Ces chrétiens d'origine juive ont été occultés à la fois par la tradition juive et par la tradition chrétienne, ou renvoyés dans les franges de l'hérésie. Témoins des origines du christianisme, ils illustrent les difficultés de la double appartenance.
Les deux communautés qui font l'objet de l'étude de Nadine Perront, traductrice du chinois, n'ont guère en commun que leur présence en Chine à plusieurs siècles de distance. L'implantation de la première, celle de Kaifeng, date du XIIe siècle. Découverte par des missionnaires jésuites au XVIIe, elle bénéficia d'une totale liberté de culte et de profession, et s'assimila progressivement.
La seconde, celle de Shangai, fut constituée par les vagues de réfugiés d'Europe centrale et orientale dans les années 30. Epargnée par les Japonais, malgré les injonctions allemandes, elle s'est dispersée dès la fin de la guerre vers d'autres destinations.
Qu'est-ce qui a pu pousser un jeune bourgeois juif assimilé de l'empire austro-hongrois, auteur de pièces à succès et collaborateur du plus grand journal de Vienne, à redécouvrir l'aspiration millénaire du retour à Sion et à y consacrer toutes ses énergies jusqu'à mourir d'épuisement ?
En se fondant sur le Journal et la correspondance de Théodore Herzl (1860-1904), l'inventeur du sionisme politique, auteur de L'État juif (1896), Alain Boyer retrace son évolution intime, sa quête d'une solution de dignité pour défier l'antisémitisme ambiant et sa lutte pour un rêve utopique qu'il n'eut pas le temps de voir se réaliser.
Alain Boyer, ancien élève de l'ENS et de l'ENA, est agrégé d'histoire. Il est l'auteur d'un Que sais-je ? sur les origines du sionisme.
Quand Amsterdam se libère du joug espagnol à la fin du XVIe siècle, la ville ne compte aucun juif. Cinquante ans plus tard, elle abrite la plus florissante communauté juive du monde et voit naître Spinoza. Comment des juifs du secret, pratiquant un catholicisme de façade depuis 1492 dans la péninsule Ibérique, ont-ils pu réussir à construire la Jérusalem du Nord, vitrine du judaïsme occidental, et contribuer à l'aventure économique d'Amsterdam ? Cet ouvrage retrace le destin d'une communauté née de la rencontre entre l'éternelle espérance juive et l'exceptionnelle tolérance hollandaise.
L'intérêt de l'histoire de la langue hébraïque dépasse de loin le cadre purement linguistique. Langue de la Bible, l'hébreu fut longtemps considéré par les théologiens comme "la mère de toutes les langues". Son histoire suit celle du peuple hébreu puis celle des juifs dans leurs diverses pérégrinations. Après des siècles de somnolence pendant lesquels l'hébreu ne fut qu'une langue liturgique et une langue écrite, il connaît depuis près de cent ans une véritable résurrection sur la terre qui l'a vu naître.
Du grand naufrage du judaïsme médiéval, français et provençal, anéanti par les expulsions des XlVe et XVe siècles, n'ont surnagé que les communautés juives de deux possessions du Saint-Siège, le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon.
René Moulinas, professeur à l'université d'Avignon, auteur d'une thèse et de nombreux articles sur le sujet, montre les contreparties de la protection qui leur fut accordée. Par l'obligation de résider dans les "carrières" de quatre villes seulement et de porter un chapeau jaune, par la limitation de leurs activités au commerce des choses usagées, les juifs devaient être maintenus dans une situation d'humiliation marquant la malédiction du "peuple témoin" - situation à laquelle mit fin la Révolution française.
Ils étaient 500 en 1789, 40 000 en 1891, d'origine française ou étrangère, à vivre à Paris la vie de tous les Parisiens : intellectuels, petits commerçants, officiers ou riches mécènes, les uns en voie d'intégration, les autres totalement assimilés. Lorsque l'antisémitisme renaissant les rattrape au moment de l'affaire Dreyfus, ils en seront étonnés et meurtris, mais leur indéfectible attachement à la patrie des Droits de l'homme s'en trouvera à peine écorné.
Avec verve et érudition Béatrice Philippe raconte dans ce livre ce qui aurait pi être une intégration réussie.
Docteur en histoire contemporaine, Béatrice Philippe enseigne l'histoire des juifs de France à l'Institut national des langues et civilisations orientales.