Savoir où va l'argent public est une curiosité légitime : on parle, ici, de 300 milliards de dépenses annuelles à l'échelle de la France. En analysant ces parcours financiers, qui sont surtout politiques et économiques, l'auteur nous offre l'opportunité de mieux comprendre pratiques et critères de la commande publique. Il propose aussi de se saisir d'un levier démocratique pour mieux éprouver, comme citoyens, les circuits de distribution de cet argent qui est aussi le nôtre.
Aujourd'hui, les arts de la scène sont confrontés à l'essor des ressources numériques. Ces nouvelles pratiques, renforcées par la crise sanitaire, soulèvent d'importantes questions. Elles concernent notre perception du théâtre, mais aussi ses modèles économiques et sociaux. Au coeur de ce dialogue fécond entre professionnels et chercheurs, les mutations digitales invitent à repenser tant les codes dramaturgiques et scénographiques que les relations avec le public. L'essence même de cet art millénaire en serait-elle ébranlée ?
« [...] ce sont des corps présents, physiques, visibles qui sont toujours en train d'évoquer des choses qui ne sont pas là, ce qui constitue le contrat imaginaire entre nous et le public. » Sopro, création 2017 de Tiago Rodrigues, nous amène au coeur du théâtre : la parole offerte au public le soir du spectacle. Si les mythes, les classiques, la tradition nous précèdent et nous dépassent, grâce au « contrat imaginaire » entre artistes et spectateurs la parole est libre de resurgir, ici et maintenant, sur les planches d'un plateau. Dans le devenir sans fin de l'histoire, une chose est sûre : sopro, le souffle des êtres humains, va rester à jamais...
« Pour moi cette communauté de corps, cette agrégation de corps nus est un début possible de quelque chose, ou bien la fin. » Comédienne, dramaturge et metteuse en scène, Emma Dante trace un panorama de la scène italienne en le situant dans un plus vaste contexte européen. En parcourant l'histoire du théâtre des cinquante dernières années, elle observe l'évolution ininterrompue des expressions artistiques. C'est justement dans ce sillage que s'inscrit Bêtes de scène, à l'intérieur d'une recherche de formes esthétiques tant nouvelles qu'anciennes. Anciennes comme le théâtre, ou, plutôt, comme le genre humain.
« Je pense que la connaissance et la maîtrise, même virtuoses, comme c'était le cas classiquement, ne sont pas les seules conditions pertinentes pour avoir accès à l'art. Et je trouve que cette porte ouverte, cette démarche, est un chemin que chacun peut décider de prendre, où qu'il soit, quel qu'il soit. » Madeleine Louarn dénonce ici le mécanisme de domination qui assujettit les personnes handicapées. Son théâtre se caractérise par la mise en scène d'une vérité singulière, faite d'humilité et d'empathie. Dans une libre adaptation de l'univers kafkaïen, le handicap devient ainsi une passerelle pour mieux comprendre le monde, ses apparences et ses rapports de force. Face à la soumission au quotidien, il s'agit d'oeuvrer à une morale partagée, susceptible d'ouvrir de nouveaux espaces, de beauté et de liberté.
« Pour moi il y a forcément la notion d'histoire, de raconter une histoire. » Passionné de contes et de « petites anecdotes » depuis l'enfance, Thomas Quillardet considère la notion d'histoire comme la pierre angulaire de la création théâtrale. Révélation du Festival 2017, ce jeune metteur en scène déclare avoir pleinement satisfait son inspiration artistique grâce à Tristesse et joie dans la vie des girafes, pièce qui a eu le mérite de concilier deux types de travail apparemment aussi différents que la traduction et la mise en scène. La rencontre entre ces deux activités ouvre un univers imaginaire destiné à un public de tout âge.
« Essayer de faire du nouveau, de l'art, tenter quelque chose, c'est un combat ; que ce soit ce combat-là, c'est ce que j'espère du théâtre. Et voilà que quelque chose se constitue publiquement face à une oeuvre. Que cela doive se constituer dans une bataille, je pense que c'est de notre temps. » Quand Marie-José Malis aborde Hypérion d'Hlderlin, elle veut en transmettre la philosophie aux spectateurs. Le poète a imaginé une nouvelle organisation du monde pour atteindre le bonheur. Cela passe par la nécessité d'apprendre à aimer le monde, les hommes et tout ce qu'engendre l'humanité, entre autres, la pauvreté, les échecs et ne plus avoir peur de la perte. Voilà le bonheur de Marie-José Malis, des idées qu'elle propage sur la scène.
« Dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, on a besoin d'avoir des littératures immenses, d'être face à des choses qui sont gigantesques, pas par la taille ou la durée, mais par la pensée, l'élégance, la puissance de l'écriture. La situation est tellement critique qu'il ne suffit pas de choses « grandes » ou « bonnes », il faut des choses gigantesques. » Faut-il lire au théâtre ? Julien Gosselin montre à quel point il peut être intéressant, voire essentiel, d'aller au-delà du théâtre parlé. Le théâtre, c'est aussi une lecture, des vidéos, de la poésie, de la musique. Un mélange des genres mis en pièces autour de grandes oeuvres.
« Sur la carte des théâtres et des rues d'Avignon, sur celle des cafés et des restaurants, peut se décalquer le palimpseste qu'est la vie du festivalier. » Né il y a 50 ans, le Festival OFF revendique aujourd'hui près d'un million de spectateurs. Derrière ce nombre se cachent pourtant des publics variés, vivant différemment l'événement. S'appuyant sur de nombreuses enquêtes menées auprès des festivaliers, les deux sociologues nous font découvrir les différentes façons d'entrer dans le festival. Ils peignent un paysage nuancé de son public, de ce que veut dire pour chacun « faire le OFF » et du changement de rapport à la ville que le Festival OFF induit pour les Avignonnais.
« Les philosophes doivent être clairs et non pas profonds. Certains d'entre eux sont profonds par vocation, ils aiment cela, ils aiment avoir un jargon ténébreux. Cela, c'est la philosophie romantique. Ce n'est pas ma philosophie ». Alain Badiou repense le lien qui unit théâtre, politique et philosophie. Sa République de Platon offre au spectateur d'observer l'oeuvre originale au travers du prisme contemporain, alimenté par les évolutions et révolutions politiques survenues au cours de l'histoire, plaçant ainsi la république au coeur du Festival d'Avignon.
« Je ne cherche donc absolument pas à enlever les rugosités que le handicap produit, les difficultés de parler, de maîtriser certaines choses. À travers ces difficultés se pose une question qui est humaine, profondément existentielle, celle de nos propres limites. [...] C'est extrêmement palpable chez eux sur le plateau, et c'est sans doute ce qui les rend profondément théâtraux. » Madeleine Louarn entend confronter ses comédiens à la puissance de la langue et du corps. Le théâtre devient alors un combat pour dépasser ses propres limites, pour aller au-delà du handicap, pour vivre, tout simplement, par la langue d'un autre.
Quelles leçons pouvons-nous tirer des arts équestres ? En quoi et pourquoi le cirque peut-il aider à nous éduquer ? Voilà autant d'enjeux profonds, presque existentiels, qu'Alexis Grüss et son fils Firmin ont présentés le 30 mai 2017 à l'Université d'Avignon. Ils lançaient ainsi le Pôle d'Action Culturelle Équestre (PACE) associant les savoir-faire et les savoir-être d'une véritable dynastie d'artistes circassiens à la dynamique d'une université particulièrement attachée au monde de la culture. Par la rencontre de l'artiste et de l'étudiant, de l'écuyer et de l'universitaire, il s'agirait alors, comme le dit si bien Alexis Grüss, « d'élever notre intelligence sur la ruine de nos préjugés », pour mieux comprendre ce que signifie « éduquer ».
« Ce sont les animaux, les chevaux en particulier, qui m'ont expliqué tout cela. Grâce à eux, je sais que l'on ne peut pas faire l'économie, dans le processus d'éducation, de moments de séduction, parce que s'il n'y a pas cette émotion l'un pour l'autre, rien ne peut se passer. » Alexis Gruss « C'est la première fois que je me fais applaudir sans risquer ma vie ! » Firmin Gruss Ce livre à deux voix témoigne de l'engagement d'une famille d'artistes qui, sur six générations, fait vivre les arts du cirque. La piste, les relations filiales, les animaux, l'amour du métier et des traditions : la diversité des propos illustre la force et la beauté de ce cheminement unique en France.
Cet ouvrage condense l'histoire d'une belle aventure qui se poursuit depuis dix ans. Ses différentes contributions ont, pour la plupart, vu le jour sur internet, dans le carnet de recherche Com'en histoire créé en 2013. Le but est de faire dialoguer des chercheuses et chercheurs, spécialisés en sciences humaines et sociales, et des professionnels oeuvrant dans le monde muséal et patrimonial. Le patrimoine est ici considéré à l'intersection des approches historiennes et communicationnelles, créant un fructueux échange sur des thématiques telles que la mise en récit de l'histoire, les nouvelles formes de médiation muséales, l'usage et la réception des reconstitutions historiques et la circulation de l'histoire dans l'espace public.
Ils ont en partage un territoire sentimental et géographique, la Bretagne, et en commun le désir de confronter la question de l'écriture et de sa forme sur la scène du littéraire. Venant du cinéma et de la littérature pour l'un, des arts plastiques cl du théâtre pour l'autre, ils font tous deux une rencontre fondamentale, celle de Marguerite Duras, de son écriture, de ses écritures. De ce dialogue naît un désir de compagnonnage, c'est ainsi que Christophe Honoré, artiste associé au Théâtre de Lorient écrit La faculté pour un projet qu'Éric Vigner a nommé l'Académie. Il porte lui-même ou théâtre celte grande aventure littéraire et intellectuelle qu'est devenu le Nouveau Roman auquel Marguerite Duras, si elle en incarne une des figures majeures, se défendait d'appartenir.
« Pour avoir le souffle de Claudel, il faut s'entraîner. Dans un seul verset, pour conserver un souffle qui tient l'unité de sens du vers du début à la fin, il faut avoir une maîtrise, une connaissance, une sagesse de son rapport au vers, très profondes. » Pour Christian Schiaretti, il ne s'agit pas seulement d'éduquer le comédien à la beauté de la scansion et du souffle, mais aussi d'affiner l'oreille du spectateur à l'élégance d'une belle formulation. La langue et son usage sont au coeur de son travail et il l'a prouvé en installant les Langagières dans le paysage poétique de Reims. Avec Mai, juin, juillet et son mélange générationnel, qu'il considère comme fondamental, Christian Schiaretti lie (par leur parcours similaire), et oppose (par leur positionnement tant politique que théâtral), Barrault et Vilar.
« Interroger l'entrelacement du théâtre et du patrimoine permet d'envisager l'oeuvre du spectacle vivant, art du présent, dans la construction collective d'un rapport au passé et permet de révéler une histoire des sensibilités. » Le couvent des Carmes, à l'abandon jusque dans les années 1960, a connu une nouvelle vie grâce au théâtre. Site historique converti en scène du Festival d'Avignon, c'est aussi dans ses vestiges qu'est né le Festival OFF. Les créateurs et spectateurs en ont fait un espace gagné par des conflits de mémoire. Il a pu influencer les mises en scène par sa disposition particulière mais également par sa symbolique historique et religieuse, tout en interrogeant les relations entre théâtre et patrimoine. Illustré par un des photographes emblématiques du Festival, Christophe Raynaud de Lage, cet ouvrage réunit des chercheurs venus d'horizons disciplinaires variés, allant de l'histoire à la littérature en passant par les études théâtrales.
Combinant différentes disciplines artistiques et passion de la piste, Ex nihilo livre le processus de création des spectacles de la Compagnie Gruss. Créer la nouveauté à partir de l'ancien, faire vibrer le public par la mise en scène : un défi depuis un demi-siècle.
De plus en plus d'institutions culturelles renouvellent leurs dispositifs d'aide à la visite en intégrant les plus récentes technologies et en sollicitant la participation des publics. L'intérêt de cet ouvrage interdisciplinaire est de mobiliser des études de cas et des analyses complémentaires afin de mettre en exergue les enjeux muséographiques, politiques et économiques de ces mises en scène patrimoniales, du Palais des Papes d'Avignon au secteur Unesco de Lyon notamment. Dans une perspective proche de celle des cultural studies, les textes relient les questions épistémologiques de chercheurs en sciences humaines et sociales avec les pratiques médiatiques des professionnels et publics du patrimoine.
Souvent chantés, Avignon et son Pont sont deux termes aujourd'hui indissociables. Parfois, nous pensons connaître l'histoire de cette merveille qui attire les touristes du monde entier. À l'origine, il y aurait eu un saint homme, Bénézet de son prénom, un jeune berger que Dieu aurait poussé à construire le Pont, dans les dernières décennies d'un xiie siècle aussi moyenâgeux que de légende. Mais que savons-nous réellement de ce pont au Moyen Âge ? Qu'a-t-il pu signifier ? Pourquoi un pont sur le Rhône a-t-il vu le jour à Avignon ? Que nous révèlent, entre histoire et mémoire, les différentes étapes de sa construction ou, plus près de nous, de sa patrimonialisation ? C'est à ces questions passionnantes que ce livre entend apporter de nouvelles réponses. À partir d'une lecture historique aussi sûre qu'attrayante, Simone Balossino nous fait voyager dans le temps et dans les sources jusqu'à enjamber le Pont pour découvrir une ville, un fleuve et leurs environnements, même lointains.
Des Français, des Lorrains surtout, partent au XVIIIe siècle coloniser le Banat, région d'Europe centrale au coeur de la monarchie des Habsbourg. À la fin de la seconde guerre mondiale, une partie des descendants de ces pionniers arrive, après de saisissantes péripéties, à rejoindre la France et faire revivre le village de La Roque-sur-Pernes. Smaranda Vultur, anthropologue et historienne roumaine, s'est penchée sur cette odyssée, en mobilisant une importante iconographie et de nombreux témoignages inédits en français. Au fil de ces pages, se dessinent des destinées incroyables qui construisent une mémoire partagée et un récit commun. Référence essentielle pour cette histoire unique, ce livre est aussi appelé à devenir un classique pour quiconque s'interroge sur la création de mythes mémoriels, sur la production de discours rassembleurs, bref sur la définition même de toute identité collective.
De 1789 à la guerre de 14, la figure maternelle, sous la forme d'allégories ou de métaphores, est centrale dans les discours politiques. La représentation de la mère - Patrie, Vierge, Nation - participe à la construction de récits nationaux souvent concurrents, de Robespierre à Auguste Comte, de Napoléon à Jules Ferry. Le recours à ces images maternelles légitime les valeurs qui irriguent les institutions et a des conséquences évidentes sur le lien social. L'ampleur des sources et la qualité des analyses font ressortir des perspectives interdisciplinaires inédites, la psychanalyse constituant le « cadre fantôme » de cette recherche. C'est à une relecture novatrice des univers mentaux d'un long XIXe siècle que cet ouvrage nous convie.
J'ai vécu en un temps où ce qu'on pouvait appeler la justice a été déchiqueté, ce qui veut dire que notre être humain, aussi, a été déchiqueté. (...) Et donc cette question de la justice nous est présentée, à nous. (...) L'art dramatique n'est aucunement un luxe, c'est le fondement même de la civilisation. Le théâtre tel que nous le connaissons fut créé par les Grecs et, sans doute, encore aujourd'hui, c'est le théâtre qui a le plus à nous dire. Les Grecs ont eu besoin de créer le théâtre parce qu'ils créaient la démocratie, la première vraie démocratie urbaine. Ils disposaient pour cela de trois institutions principales : l'Assemblée (...), le Tribunal. (...) Ces deux institutions avaient trait à la loi. La troisième était le Théâtre qui, lui, n'avait rien à voir avec la loi : le Théâtre avait à voir avec la justice, (...) la culture grecque est née de là.
La répétition pour moi est le temps de l'esquisse, du brouillon, de ce qui advient. La répétition, c'est le temps de la forme, et de la forme menacée, parce que l'art du théâtre c'est fondamentalement l'art du refaire. Le refaire, voilà la grande question du théâtre.