L'action se déroule à Paris, au pied de la tour Eiffel très exactement, et couvre une année. Ce livre raconte la rencontre puis les frictions, la tendresse, l'amitié, les coups de gueule, les réconciliations et tout le reste encore, tout ce qui se passe entre quatre personnes vivant sous un même toit. Quatre personnes qui n'avaient rien en commun au départ et qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Un aristocrate bègue, une jeune femme épuisée, une vieille mémé têtue et un cuisinier grossier. Tous sont pleins de bleus, pleins de bosses et tous ont un coeur gros comme ça (non, plus gros encore !)... C'est la théorie des dominos à l'envers. Ces quatre-là s'appuient les uns sur les autres mais au lieu de se faire tomber, ils se relèvent. On appelle ça l'amour.
Douze nouvelles délectables. Anna Gavalda est douée pour croquer les gens. Elle fait parler aussi bien une Parisienne qui drague boulevard Saint-Germain, qu'un organisateur de concert rock qui, à l'aube de la quarantaine, tombe amoureux d'une photographe, qu'un jeune militaire complexé par la réussite de son frère, qu'une vétérinaire violée par des Normands éméchés, qu'un gosse qui a eu un accident avec la voiture de son père, qu'un comptable qui vit avec ses deux soeurs et a une folle envie de la responsable des ventes. À chaque fois c'est la justesse du parler et du ton qui est remarquable. Des fous rires, des pleurs avec des gens ordinaires. Gavalda a un coeur gros comme ça.
Les « espaces infinis » ! Si leur « silence » effraie, leur science peut se révéler, elle, fructueuse et fort vertigineuse. C'est ce qu'expérimente avec fruit l'astronome Isaac Bahir, l'un des quatre héros des corps flottants de Mikaël Hirsch. Héros n'est d'ailleurs pas le bon mot, on lui préférera « pôle », « molécule » ou « planète », tant il est vrai que l'égrégore formé par le quatuor Isaac-Miranda-Walter-Éric forme une constellation panique, un dispositif affectif mouvant et dynamique, un jeu de chaises musicales planétaires où les éclipses et les manigances chronologiques joue avec le réel et le temps comme avec un Rubik's Cube indéfiniment manipulable.
Dans cette uchronie intime, Mikaël Hirsch réussit un rare cocktail de hard-science et de mélodrame sentimental, de fantastique temporel et d'épopée savante, à mi-chemin entre Chris Marker et Borgès : Les Corps flottants ou quand Niels Bohr rencontre Douglas Sirk.
La Louisiane, comme chacun sait, persiste à Poissy et s'achève à Anvers. La Louisiane, entendez l'esprit louisianais, ce mélange corrosif et dansant de désespérance rigolarde et d'improvisation swinguante qui monte des mangroves et macère dans la moiteur sudiste. C'est avec pareil jus de bayou qu'ont été biberonnés les deux perdants magnifiques en haletant dans Ne pleure pas sur moi de Samuel Lebon, un roadbook déglingué et journal débordé signé Darline, une âme en peine lancée sur la piste de Lennon, ancien O.S. Peugeot et adepte du no libido, son jumeau stellaire et père de sa fille. Ces deux-là, nés à dix minutes d'écart en 1980, font fusion depuis lors, Lennon ayant atterri à bord du Boston Dollar et du Dixie, deux péniches-concert où l'amateur vient écluser du blues à la louche et faire le plein de jazz néo-orléanais. Un beau matin, Lennon déserte, décidé à gagner les Flandres pour se faire raboter les joyeuses, autrement dit se voir pratiquer une ablation testiculaire. Ulcérée par cette initiative soudaine et unilatérale, Darline prend la route avec l'enfant afin de rattraper l'eunuque potentiel. Elle voit sa vie sexuelle défiler comme les Amérindiens s'isolent dans la nature à la recherche de leur animal-totem.
Un périple qui lui fera traverser un village fantôme, croiser une communauté d'artistes perchés dans les arbres et frayer avec des béguines féministes pour retrouver sa moitié d'orange dûment épépinée. Pour nous tenir en haleine tout au long de ce rodéo monologué, Samuel Lebon ne finasse pas, taclant à tout va dans une écriture qui emprunte à Nick Cave pour l'apocalyptique intime et à Lydia Lunch pour l'éros en roue libre et la pugnacité affective. Tous en selle !
Un voyage low-cost ... dans une armoire Ikea ! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d'une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.
Ce recueil de huit nouvelles présente, dans un style vif et enjoué, des personnages aveuglés par leurs lubies. Les lecteurs et lectrices y rencontrent, entre autres, un vendeur de choucroute à Quimper, un spécialiste du Quattrocento perdu à Las Vegas, un fiancé qui regarde ailleurs, une voleuse de smartphones (sans oublier un voleur de bébé).
Du Finistère au Nevada en passant par la côte aquitaine, tous partagent un même goût pour la fuite en avant, aussi sublime que pathétique.
Joseph Haquim surfe sur le bitume entre Barbès et les Maréchaux nord. Parachuté par Pôle emploi chez les Perez, une agence de presse à faits divers, familiale et crépusculaire, il pousse son pion méchant jusqu'à la réussite entrepreunariale et monte une start-up de fin des temps, entouré d'une escouade de bras cassés. Mais lorsque l'adversité se rappelle à lui, il est prêt à tout pour ne pas changer de lifestyle. Même au pire.
Comment survivre dans le monde cruel du capitalisme triomphant quand on est, comme Antoine, un jeune homme lucide et moral ? Martin Page traite une qualité reconnue, l'intelligence, comme un défaut. Selon L'Ecclésiaste, « qui accroît sa science, accroît sa douleur ». Son héros, Antoine, jeune étudiant surdoué, est persuadé que son esprit insatiable est à l'origine de son mal de vivre ; s'il est intelligent, il n'arrive pas à vivre avec intelligence. Après quelques tentatives thérapeutiques radicales, il entreprend de se guérir de cette maladie d'intelligence. Avec application, il cherchera la méthode pour s'offrir une vie enfin un peu douce. Un premier roman drôlement intelligent.
Une famille est obligée de céder à un affairiste hâbleur et pressant" la maison ", un castel provençal hanté par la figure aventureuse d'une grand-mère mythique, un lieu où s'est thésaurisée la mémoire familiale, un trésor sensible et capiteux qui rayonne de salons en corridors, se tapit sous les piles de linge, jusqu'aux recoins des greniers.
Guérit-on de son enfance, de ce que l'on laisse derrière soi ? Comment grandir et se pardonner de n'avoir pas toujours été à la hauteur ?
Plume ubiquitaire et malin génie littéraire opérant, du polar à la féérie grinçante, dans tous les genre connus et inconnus, Franz Bartelt, dans la foulée du Léon Bloy de l'Exégèse des lieux communs, a inventé un genre : le fait divers ontologique, l'écrasé de chien métaphysique. Bref, la tranche de vie essentielle, en dix nouvelles qui, dans un style gouailleur et acéré, marquées d'un humour outre-noir, sondent les mystères du couple, les affres de l'amour et titillent en souriant la zone anxiogène : l'éros malade de l'homme contemporain.
Ce volume rassemble les carnets :
De littérature et d'eau fraîche (1988-1989), 1992
Messe basse (1990-1992), 1995
Impasse de la Défense (1993-1995), 1998
Petites nuits (2000-2002), 2004
et les chroniques :
Impressions, siècle couchant, 1998
Impressions, siècle couchant II, 2001
publiés par les éditions Erti et Maé-Erti.
Bon qu'à ça réunit tous les titres parus chez ERTI de 1992 à 2004.
Parce que sa belle-fille est malheureuse, Pierre Dippel, soixante-cinq ans, décide de l'emmener à la campagne. Parce qu'elle ne se nourrit plus, il décide de faire la cuisine. Parce qu'elle n'arrête pas de pleurer, il va chercher du bon vin à la cave. Et malgré tout ça, malgré le bordeaux et le boeuf carottes, elle continue de gémir, il décide d'aller se coucher. Et puis finalement, non. Il revient. Il s'assoit à côté d'elle et se met à parler. Pour la première fois, il parle. De lui. De sa vie. Ou plutôt de ce qu'il n'a pas vécu. Cette histoire est donc la confession d'un homme dans une cuisine. ça n'a l'air de rien et pourtant, comme toujours avec Gavalda, tout est dit. Tout est là. Nos doutes, notre ironie et notre tendresse, le tapage de nos souvenirs et « la vie comme elle va »...
On me demande d'écrire quelques mots pour présenter mon nouveau livre aux libraires et aux critiques et, comme à chaque fois, ce sont ces quelques mots qui sont les plus difficiles à trouver. Je pourrais dire que c'est un recueil de nouvelles, que ce sont des histoires, qu'il y en a sept en tout et qu'elles commencent toutes à la première personne du singulier mais je ne le vois pas ainsi. Pour moi, ce ne sont pas des histoires et encore moins des personnages, ce sont des gens. De vrais gens. Pardon, de vraies gens.
C'est une faute que j'avais laissée dans mon manuscrit, "la vraie vie des vrais gens", avant que Camille Cazaubon, la fée du Dilettante, ne me corrige : l'adjectif placé immédiatement avant ce nom se met au féminin. Quelles gens ? Certaines gens. De bonnes gens.
Cette règle apprise, je suis allée rechercher tous mes "gens" pour vérifier que tous s'accordaient bien et j'ai réalisé que c'était l'un des mots qui comptait le plus grand nombre d'occurrences. Il y a beaucoup de "gens" dans ce nouveau livre qui ne parle que de solitude.
Il y a Ludmila, il y a Paul, il y a Jean (!) et les autres n'ont pas de nom. Ils disent simplement "je". Presque tous parlent dans la nuit, pendant la nuit, et à un moment de leur vie où ils ne différencient plus très bien la nuit du jour justement.
Ils parlent pour essayer d'y voir clair, ils se dévoilent, ils se confient, ils fendent l'armure. Tous n'y parviennent pas mais de les regarder essayer, déjà, cela m'a émue. C'est prétentieux de parler de ses propres personnages en avouant qu'ils vous ont émue mais je vous le répète : pour moi ce ne sont pas des personnages, ce sont des gens, de réelles gens, de nouvelles gens et c'est eux que je vous confie aujourd'hui. (A.G.)
Simon, Garance et Lola, trois frère et soeurs devenus grands (vieux ?), s'enfuient d'un mariage de famille qui s'annonce particulièrement éprouvant pour aller rejoindre Vincent, le petit dernier, devenu guide saisonnier d'un château perdu au fin fond de la campagne tourangelle. Oubliant pour quelques heures marmaille, conjoint, divorce, soucis et mondanités, ils vont s'offrir une dernière vraie belle journée d'enfance volée à leur vie d'adultes.
Rappelez-vous l'épisode précédent : L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea ; soit Ajatashatru Lavash Patel, qu'on expectorera selon les goûts et la virtuosité phonique achète-une-truelle ou jette-un-tas-de-choux, as de l'arnaque fakirique en tout sens et madré épateur de gogos. Après un soubresautant tour du monde emboîté dans une armoire Ikea qui l'avait vu, par avion ou par cargo, transbahuté d'Angleterre en Espagne et de Paris à Tripoli, nous avions laissé l'homme coulant les plus doux des jours avec Marie Rivière, la dame de son coeur et écoulant par palettes entières le récit de sa déménageante saga. Les gens heureux étant privés d'histoires et comme d'urgence il nous en faut une, voilà. Alors que notre héros macère dans l'aisance avec la volupté d'un cornichon dans la saumure et se confit dans le plus gras bien-être, son éditeur retoque son second opus, lisse à l'excès et bien bouffi de consensualité. Pour la faire brève, notre fakir est devenu mou du clou, glabre du sabre et son tapis de braises vire à la moquette haute laine. Réagissez, mon bon ! Et notre Patel de repartir à la reconquête de soi. Cap sur la Suède pour rencontrer Dieu lui-même, l'Allah de la clé Allen, le maître d'Ikea, et se fournir en Kisifrøtsipik, la Rolls du tapis à clous. Par chance, dès l'aéroport, les choses vont mal : emporté dans une louche affaire de diamants, confronté au baron Shrinkshrankshrunk, patron de Nespressé et roi de la dosette corsée, au professeur Ronaldo, gemmologue brésilien, sauvé de la mort par une édition polonaise d'Autant en emporte le vent, il se retrouve cloué dans une commode et largué en pleine Baltique, d'où il sera sauvé pour coulisser dans la confraternité d'un cirque belge et apporter une assistance magique à des réfugiés syriens. Tout cela entrecoupé de souvenirs d'enfance marqués par la férule et la duplicité de son maître et initiateur Baba Ohrom. Alors, on avale sa boussole, on ravale sa carte et on mise à l'aveugle. Avec la seconde aventure de son fakir, Romain Puértolas, en digne fils de Verne et parfait gendre d'Alexandre Dumas, réaffirme cette vérité d'évidence : le monde n'est qu'une commode Ikea, assemblée par un fakir, pleine de fausses portes et de doubles fonds, et que l'on assemblera jamais !
C'est le récit d'un drame familial, d'un cruel apprentissage de la vie et du monde du travail. C'est aussi un thriller psychologique : la disparition d'un être cher, le quotidien entre loisir et travail à la caisse du Shopi, et puis le suspense qui enveloppe ce trou noir, ce manque, voilà les trois chemins que suit Claire, jeune fille tendre et fragile, affaiblie par l'absence de son frère. Un roman réaliste aussi étonnant qu'émouvant sur la douleur de la séparation.
Deux femmes, un homme qui va boitillant de l'une à l'autre et plein de gamins tout autour. « Charles est un homme qui tombe amoureux à un moment de sa vie où il ne s'y attendait plus et où, probablement, il ne l'espérait plus. »
L'histoire d'un jeune homme qui ne veut pas mourir, soldat, lors d'une Guerre que l'on dît Grande. C'est tout autant l'histoire d'une jeunesse meurtrie et sacrifiée que celle de la dignité humaine, et a contrario le roman de la bêtise ou de la soumission, un roman extraordinaire, absolument modern, paru en 1930.
Un soir d'été, Juliette accouche sidérée d'un enfant qu'elle n'attendait pas. L'adolescente n'est ni folle, ni menteuse, jamais elle n'a consciemment caché quoi que ce soit aux yeux du monde.
Ce roman traite un sujet passionnant : le déni de grossesse. Il parle aussi de l'abandon, de la déconstruction puis de la reconstruction d'une famille après le drame.
Le livre d'Hélène Machelon est un texte sauvage et tranchant qui explore l'intimité du corps et les violences de la maternité non désirée.
Ce premier roman ne contient pas une once de bonheur, c'est un feel bad book. C'est un roman poisseux, fait de renoncements et de lâcheté, où tout se règle au fond d'un cerveau contrefait, bien à l'abri des autres. C'est la triste vie d'un oisif ayant choisi de tout rater, sans jamais rien tenter, pour se tenir dans l'avachissement. Il n'y a pas de fin heureuse, pas de leçon valeureuse sur le courage ou la dignité, rien ni personne pour se raccrocher à un demi-sourire ou un semblant de bien-être..
Les chevronnés adeptes du Pari Mutuel sont Urbains à un point que l'on n'imagine guère, d'une urbanité qui confine à l'intrusion, voire touche à l'invasion. C'est ce qu'endure à la journée Anatole Bétancourt, héros de Fièvre de cheval, ancien consultant (en quoi, il a oublié) tourné maniaque du tapis vert pré, parieur compulsif et trinqueur frénétique. À peine a-t-il pénétré dans un café-turf, salué bas la tenancière et s'est-il mis, bic en main, un oeil à l'écran, l'autre au carnet, en position de défricher la journée hippique, que s'en vient rôder puis le harceler pléthore de fâcheux en veine de confessions, de petites combines, de bons tuyaux ou de martingales infaillibles. Ainsi d'Abdelkader en Franck, de Rodolphe en Wassim ou Madjid-les-belles-montures, tout un petit monde de glandeurs futés et de flaireurs d'arnaques qui viennent s'épancher et zyeuter les notes d'Anatole. Car notre homme raisonne, compute, déduit, pesant les chances au trébuchet des possibles. Un art de mettre le canasson en équation qui n'est pas toujours payant et l'oblige à quelques entorses avec la légalité. Et quand la patronne de l'hôtel, pour une monte, s'invitera dans son paddock et l'initiera à fouler le gazon et humer l'air des champs de courses, Anatole n'échappera pas à la sortie de piste. Monologue drolatique d'un turfiste stratège, Fièvre de cheval nous restitue avec brio le monde des bistrots attelés, le galop mental et les errances d'une vie sur terrain lourd. Le pari est une fête... mais très rarement.
La peau et les os : c'est ce qui reste à Georges Hyvernaud en 1945, quand il rentre d'Allemagne après cinq ans de captivité. Une version nue de l'humanité où, pour échapper à la folie, on doit entre autres faire semblant, n'être plus qu'un semblant de vivant, une machine à pelleter les morts et surtout à ne pas penser. Publié en 1949 aux Éditions du Scorpion, c'est le récit acéré des souvenirs de la maison des morts-vivants mis à nus dans un camp de détention. Malheureusement un chef-d'oeuvre, que ce procès de la barbarie moderne. Ceci n'est pas vraiment un roman.
Par une belle journée de juin, deux amis se promènent dans Paris. Ils parlent d'Édouard Roberti, député, marié, père de trois enfants, qui à cinquante ans s'est amouraché d'une jolie secrétaire de vingt-cinq ans, Solange Mignot. Cette liaison s'est terminée au bout de trois ans par un crime. Qu'est-ce que la passion amoureuse ? Jusqu'où peut-elle mener ?
Dès les premières lignes, on est happé par ce grand roman publié à la NRF en mai 1963 ; des critiques soulignèrent que Dutourd inventait une nouvelle forme de roman.