Le Bateau-usine nous plonge en pleine mer d'Okhotsk, zone de conflit entre la Russie et le Japon. Nous sommes à bord d'un bateau de pêche, où le crabe, produit de luxe, est conditionné en boîtes de conserve. Marins et ouvriers travaillent dans des conditions misérables. Un sentiment de révolte gronde...
Ce récit bouleversant, inspiré de faits réels, provoque un puissant sentiment d'empathie avec ces hommes et leurs aspirations. L'oralité, le style incisif et le "regard caméra" adopté par le narrateur font de cette identification un appel à la révolte en soi.
Phénomène de société au Japon, livre culte en France et traduit dans le monde entier, Le Bateau-usine reste une référence pour tous les révoltés et contestataires. Un phare donc, pour naviguer sur les eaux de notre présent tempétueux.
Kobayashi Takiji est né en 1903. Devant le succès de ses premiers livres, auprès des intellectuels comme des ouvriers et des paysans, il est mis sous surveillance par l'appareil de sécurité de l'État. La publication, en 1929, du Bateau-usine le consacre comme l'un des plus grands romanciers de la classe ouvrière japonaise. Mais, dans un contexte de répression, l'ouvrage est censuré dès sa sortie. Il est soumis à interrogatoire par la police secrète et meurt sous la torture le 20 février 1933.
L'Éloge de l'oisiveté est une pépite dénichée dans l'oeuvre immense et protéiforme de Bertrand Russell. Dans la grande tradition des essayistes anglais (Swift, Stevenson), il manie le paradoxe pour s'attaquer aux fondements mêmes de la civilisation moderne. Derrière l'humour et l'apparente légèreté du propos se cache une réflexion de nature à la fois philosophique et politique qui s'exprime avec une ironie mordante : "Il existe deux sortes de travail : le premier consiste à déplacer une certaine dose de matière à la surface de la terre ; le second à dire à quelqu'un d'autre de le faire."
Dans La Nature, sa première oeuvre, Emerson expose avec lyrisme les principes philosophiques qui dirigeront toute son oeuvre : la cohérence intime de l'univers, la plénitude et l'harmonie de l'esprit individuel, la correspondance symbolique entre lois naturelles et lois morales.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le "réfugié" préfère en général l'appellation de "nouvel arrivant" ou d'"immigré", pour marquer un choix, afficher un optimisme hors pair vis-à-vis de sa nouvelle patrie. Il faut oublier le passé : sa langue, son métier ou, en l'occurrence, l'horreur des camps. Elle-même exilée aux États-Unis au moment où elle écrit ces lignes dans la langue de son pays d'adoption, Hannah Arendt exprime avec clarté la difficulté à évoquer ce passé tout récent, ce qui serait faire preuve d'un pessimisme inapproprié. Pas d'histoires d'enfance ou de fantômes donc, mais le regard rivé sur l'avenir. Mais aux yeux de ces optimistes affichés, la mort paraît bien plus douce que toutes les horreurs qu'ils ont traversées. Comme une garantie de liberté humaine.
Née en 1906, Hannah Arendt fut l'élève de Jaspers et de Heidegger. Lors de la montée au pouvoir des nazis, elle quitte l'Allemagne et se réfugie eux Etats-Unis, où elle enseigne la thoérie politique. À travers ses essais, tels que La Condition de l'homme moderne, Les Origines du totalitarisme, Eichmann à Jérusalemou encore Le Système totalitaire, elle manifeste sa qualité d'analyste lucide de la société contemporaine. Elle meurt en 1975.
Célèbre surtout pour son oeuvre romanesque, Robert Musil (1880-1942) est aussi l'auteur de nombreux essais, conférences et aphorismes, qui le montrent attentif aux mutations de la conscience moderne. De la bêtise, qu'il considérait comme l'un de ses textes majeurs, aborde un sujet tabou dans la pensée classique : confrontée à son contraire, la réflexion ne court-elle pas le risque de vaciller sur ses bases ? "Si la bêtise ne ressemblait pas à s'y méprendre au progrès, au talent, à l'espoir ou au perfectionnement, personne ne voudrait être bête."
Voici un ouvrage d'un genre nouveau, dans lequel Walter Benjamin pratique le collage à la manière de ces amoureux des télescopages poétiques que furent Dada et les surréalistes. Rue à sens unique se compose de notes autobiographiques, de souvenirs d'enfance, d'aphorismes, de scènes de la vie urbaine, de considérations acérées sur l'état du monde, et de l'Allemagne en particulier, mais aussi de réflexions sur l'écriture elle-même, sur la graphologie. Benjamin se penche par exemple sur l'entrelacs des manuscrits arabes. Voire va-t-il jusqu'à donner des conseils à l'écrivain : par exemple, ne jamais faire lire une oeuvre non encore achevée ; une musique et quelques voix en fond sonore sont recommandées, de même que l'attachement maniaque à tel type de papier ou à telle plume. Benjamin rend compte par la même occasion de l'éclatement de l'écrit dans la signalétique qui émaille nos villes, désormais parsemées de messages à décrypter. Arrachée du livre imprimé, son asile de prédilection, l'écriture se retrouve désormais dans la rue, à travers la publicité, prise dans le chaos d'une économie devenue toute-puissante. Et l'auteur ne manque pas d'humour en ce sens, reprenant pour titre de ses pensées les recommandations, mises en garde et autres slogans assenés dans nos villes : "Travaux publics", "Défense d'afficher", "Attention aux marches" ou encore "Allemands ! Buvez de la bière allemande". Emprunter cette Rue à sens unique, c'est se laisser entraîner dans une dérive au coeur d'une ville certes de papier mais dont les mots fournissent autant de repères urbains pour qui sait jeter des passerelles. Du reste, entre la ville décrite et le paysage fait de mots que dessine l'écrivain, il n'y a pas loin, quand Benjamin nous propose de découvrir les "principes des pavés ou l'art de faire des livres épais".
Voici un ouvrage d'un genre nouveau, dans lequel Walter Benjamin pratique le collage à la manière de ces amoureux des télescopages poétiques que furent Dada et les surréalistes. Rue à sens unique se compose de notes autobiographiques, de souvenirs d'enfance, d'aphorismes, de scènes de la vie urbaine, de considérations acérées sur l'état du monde, et de l'Allemagne en particulier, mais aussi de réflexions sur l'écriture elle-même, sur la graphologie. Benjamin se penche par exemple sur l'entrelacs des manuscrits arabes. Voire va-t-il jusqu'à donner des conseils à l'écrivain : par exemple, ne jamais faire lire une oeuvre non encore achevée ; une musique et quelques voix en fond sonore sont recommandées, de même que l'attachement maniaque à tel type de papier ou à telle plume. Benjamin rend compte par la même occasion de l'éclatement de l'écrit dans la signalétique qui émaille nos villes, désormais parsemées de messages à décrypter. Arrachée du livre imprimé, son asile de prédilection, l'écriture se retrouve désormais dans la rue, à travers la publicité, prise dans le chaos d'une économie devenue toute-puissante. Et l'auteur ne manque pas d'humour en ce sens, reprenant pour titre de ses pensées les recommandations, mises en garde et autres slogans assenés dans nos villes : "Travaux publics", "Défense d'afficher", "Attention aux marches" ou encore "Allemands ! Buvez de la bière allemande". Emprunter cette Rue à sens unique, c'est se laisser entraîner dans une dérive au coeur d'une ville certes de papier mais dont les mots fournissent autant de repères urbains pour qui sait jeter des passerelles. Du reste, entre la ville décrite et le paysage fait de mots que dessine l'écrivain, il n'y a pas loin, quand Benjamin nous propose de découvrir les "principes des pavés ou l'art de faire des livres épais".
En proie à de multiples doutes quant à son inspiration, confronté à l'angoisse de la maladie dont il vient de connaître les affres, Rainer Maria Rilke se promène sur les rochers du château de Duino, non loin de Trieste, quand il entend soudain une voix. Celle-ci lui dicte ces mots : "Qui donc, si je criais, m'écouterait dans les ordres des anges ?" Il tient là la première sentence des Élégies de Duino, recueil dont la rédaction s'échelonne de 1912 à 1922. Ces dix années résument à elles seules les interrogations fondamentales du poète et y répondent. Dans ces poèmes, vie et mort ne s'opposent plus. Elles constituent des forces qui forment une "grande unité", un éternel devenir. Une inspiration entièrement renouvelée guide cette prose poétique, expression d'une vie intérieure intense dont elle suit le rythme. Comment vivre avec la menace de la mort ? Comment accepter les limites de l'homme, qui n'est ni animal ni Ange ? L'amour peut lui offrir ce soupçon d'éternité, permettre un dépassement. En acceptant de se plier à sa condition terrestre, l'homme peut résolument accepter la mort. Avec la figure tutélaire de l'Ange, intercesseur entre le monde visible et l'Invisible, la mort devient une condition de l'éternité.
"Ah oui, la question n'est pas : comment devient-on un moraliste ? La question est plutôt : comment peut-il se faire qu'on ne le devienne pas ? Quand on voit ce que signifie la guerre - et moi, je l'ai vue avec les yeux d'un garçon de quinze ans... Je me rappelle, quand je suis allé en France, j'ai vu dans une gare, probablement à Liège, une file d'hommes qui, chose étrange, 'commençaient aux hanches'. C'étaient des soldats qu'on avait amputés jusqu'en haut des cuisses et qu'on avait simplement posés là, sur leurs moignons. Ils attendaient ainsi le train pour rentrer dans leur patrie. Ce fut ma première impression de la Première Guerre mondiale. Quand on voit un tel spectacle alors qu'on sort d'une famille paisible, il est tout simplement impossible de ne pas devenir un moraliste."Avec la spontanéité propre à l'oralité, Günther Anders livre dans cet entretien quelques anecdotes significatives, notamment l'étonnement du philosophe quand il s'aperçut que lui, juif, pouvait faire le poirier plus longtemps que ses autres disciples, tous grands et blonds. Mais ce livre est surtout le récit d'un parcours philosophique et politique, où l'on croise également Brecht et Husserl et qui révèle en France une personnalité comparable à celle de George Orwell par son courage intellectuel et sa lucidité.
"Les lecteurs rompus au commerce des hommes reconnaîtront la justesse de mes propos ; tous les autres les trouveront excessifs, jusqu'au jour où l'expérience, s'ils ont jamais l'occasion de faire réellement l'expérience de la société humaine, leur ouvrira les yeux à leur tour. J'affirme que le monde n'est que l'association des coquins contre les gens de bien, des plus vils contre les plus nobles."Publiées de façon posthume en 1845, ces Pensées sur le caractère des hommes et leur conduite dans la société présentent, sous forme d'aphorismes, d'anecdotes significatives ou de sentences lapidaires, l'essentiel des conclusions léopardiennes sur la morale.
L'auteur du Bref Été de l'anarchie et de La Grande Migration retrace dans cet essai l'histoire des terroristes russes qui, de 1862 à 1917, inlassablement, ont sacrifié leur vie pour renverser le régime tsariste. C'est peu dire que ces personnages sont romanesques ou hors du commun : ils se sont volontairement situés, par l'absolu de leur révolte, hors de l'humanité, poussant à son extrême le mépris de soi, des autres et de la vie en général. Mépris qui culmine dans les figures de Netchaiev ou Asev, qui organisèrent des dizaines d'attentats terroristes et travaillaient en même temps pour la police secrète du tsar.
Hans Magnus Enzensberger est né en 1929 à Kaufbeuren en Bavière. Docteur en philosophie et éminent représentant de la poésie allemande contemporaine, H. M. Enzensberger est aussi romancier, traducteur, journaliste et essayiste. Analyste critique des médias, il s'est notamment illustré par ses études consacrées aux liens qui unissent violence et politique.
Peut-on concilier variété des désirs individuels et quête universelle du bonheur ? Y aurait-il un dénominateur commun aux désirs de chacun ? Peut-on imaginer des principes nous permettant de bien vivre ? Spinoza distingue d'emblée actions, portées par la raison, et passions, contraintes depuis l'extérieur. Parce qu'indépendantes de notre seule volonté, les passions sont généralement mauvaises. Le libre examen et l'intelligence confèrent au contraire à l'homme une puissance d'agir, garantie de son bien-être. Il faut donc oeuvrer à parfaire ses facultés d'entendement. D'un même allant, être de nature, l'homme ne peut faire fi des contingences extérieures, et encore moins d'autrui. Spinoza expose les fondements de la sociabilité humaine, vertu à laquelle accéder par l'exercice de la raison.
Né à Amsterdam parmi les descendants des marranes, ces Juifs qui ont été chassés d'Espagne au XVe siècle par les Rois catholiques, Baruch Spinoza s'est rapidement écarté de tous les dogmatismes pour se tourner vers la science et s'intéresser à la pensée de Descartes. Considéré comme le père du rationalisme, il est l'auteur de L'Éthique (1663), du Traité théologico-politique (1665) et du Traité de l'amendement de l'intellect (1677), parus aux éditions Allia.
Joe est boxeur. Il s'apprête à se marier. Mais avant, il doit encore livrer combat, le dernier promet-il à sa fiancée, qui lui permettra de gagner les cent dollars, nécessaires à leur installation. Il doit affronter une brute épaisse, à la force terrifiante. Joe, plus fluet, compte sur son intelligence du "jeu". Tout se jouera au dernier round. C'est ce combat de David contre Goliath, de la finesse contre la force, que raconte London, lui-même grand amateur de boxe, dans ce récit peu connu mais tout à fait emblématique de son oeuvre.
Texte d'une conférence prononcée en 1930, Jeu et théorie du duende "donne une leçon simple sur l'esprit caché de la douloureuse Espagne." Mot espagnol sans équivalent français, le "duende" dérive, au sens étymologique du terme, de l'expression : "dueño de la casa" (maître de la maison). Le duende serait un esprit qui, d'après la tradition populaire, viendrait déranger l'intimité des foyers. Son second sens est enraciné dans la région andalouse. Le duende désignerait alors "un charme mystérieux et indicible", rencontré dans les moments de grâce du flamenco, apparentés à des scènes d'envoûtement. Ces significations se rejoignent dans l'évocation d'une présence magique ou surnaturelle. Le duende provient du sang de l'artiste. "C'est dans les ultimes demeures du sang qu'il faut le réveiller", écrit Lorca. Le duende serait une sorte de vampirisation qui injecterait un sang neuf à l'âme. De ce fait, il flirte avec la mort. En tant que forme en mouvement, García Lorca énonce que "le duende est pouvoir et non oeuvre, combat et non pensée". Là où le duende s'incarne, les notions d'intérieur et d'extérieur n'ont plus lieu d'être. Si le duende est universel et concerne tous les arts, c'est dans la musique, la danse et la poésie orale qu'il se déploie pleinement, puisque ces arts nécessitent un interprète. Or, le duende n'existe pas sans un corps à habiter. Ce minuscule décalage du regard qui donne à voir l'intervalle entre les choses, bouleverse le mode de pensée cartésien.Edition bilingue.
Alors qu'il s'apprête à dévorer son pain, un barbier y découvre, lové dans la mie, un nez. L'aurait-il coupé par inadvertance à quelqu'un ? Mieux vaut dans tous les cas ne pas laisser de preuve et s'en débarrasser au plus vite. Il s'empresse de le jeter dans la rivière. Or, un commandant, qui plus est conseiller d'État, se réveille un matin privé de son élongation nasale. Soudain, il aperçoit le fugitif, logé dans un carrosse qui sillonne la ville. Ledit fugitif se dresse dans un costume brodé d'or en tout point semblable à celui d'un haut fonctionnaire... Serait-ce l'oeuvre du diable ? L'inquiétude gagne le propriétaire et, avec lui, le lecteur. Derrière la description attentive et lucide de la vie des hommes d'État, derrière le jeu des apparences, le cauchemar étend son emprise sur le réel. Alors que l'absurde règne ici en maître, l'auteur n'oublie pas d'être caustique vis-à-vis du pouvoir et de ceux qui le détiennent. L'humour corrosif de Gogol bat son plein dans cette nouvelle fantastique et grotesque. Et si le nez n'était pas le nez mais quelque autre éminence du corps mâle ? Toute vanité en serait d'autant plus bafouée.
Les présents poèmes sont choisis parmi les pièces isolées rangées par les éditions anglaises sous les titres Domestic pieces et Occasional pieces. Les grands poèmes de 1816 (Ténèbres, Prométhée) sont écrits en Suisse, lors du séjour à la villa Diodati où Byron fréquenta Shelley, et où il s'était exilé après que ses relations avec sa demi-soeur Augusta Leigh (à qui sont dédiés les Stances et l'Épître donnés dans ce recueil) eussent achevé de briser son mariage et justifié son exclusion par la grande société anglaise.
Poète dandy, Lord Byron (1788-1824) a écrit une oeuvre empreinte de mélancolie. Mais aussi de rébellion. Mis au ban, par l'aristocratie à la suite de scandales, aussi bien publics que domestiques, il quitta l'Angleterre, se réfugia en Suisse puis en Italie. Mais il était alors déjà entré dans la légende, incarnant le romantique révolté par excellence. Son oeuvre et sa vie ont remporté l'admiration de Shelley et de Goethe. Allia a déjà publié Poèmes (1997), Caïn (2004) et Manfred (2013).
Dans ce poème en prose, Rilke relate un épisode de la vie d'un de ses ancêtres, Christoph Rilke, jeune noble parti en guerre en 1663 ; il est porte-drapeau, engagé volontaire dans la cavalerie de l'Empire d'Autriche en guerre contre l'Empire ottoman. Sous la plume du poète, Christoph Rilke devient l'étendard de la passion amoureuse. Durant le périple accompli par l'armée impériale, le cornette se lie d'amitié avec un marquis français qui lui confie en guise de protection une feuille de rose reçue de son amante. Une nuit dans un château de Hongrie, le jeune noble rencontre lui-même l'amour. C'est cependant le moment que l'armée turque choisit pour attaquer. Les cors résonnent, les tambours vibrent, mais le drapeau est absent. Le jeune homme se réveille trop tard, isolé et assailli par les flammes. Mais il veut encore porter haut son drapeau et court à la poursuite de son régiment, sa bannière en feu. Il est malgré tout vite cerné par ses ennemis et trouve la mort sur le champ de bataille. Il n'a alors que 18 ans. Sa dépouille ne sera jamais retrouvée. C'est son frère Otto qui héritera de ses biens.
Dans le monde de l'économie, le caractère fantasmagorique de la marchandise est nommé fétichisme par Karl Marx. Afin d'analyser les formes que prennent les rapports sociaux engendrés par l'échange marchand, l'auteur cherche à décrypter le secret de la valeur. De ces pages géniales, qui appartiennent au premier chapitre du livre I du Capital, sont directement issues la théorie de la réification de Luckacs et celle du spectacle de Debord.
Théoricien révolutionnaire allemand et figure majeure du mouvement ouvrier, Karl Marx (1818-1883) fut également historien, sociologue et journaliste. Engagé politiquement dans la Ligue des Communistes aux côtés de Engels puis dans l'Association internationale des travailleurs, on lui doit une description minutieuse des mécanismes du capitalisme et une théorie érudite de l'économie politique. Sa pensée se fonde sur l'humain en tant qu'être pensant mais avant tout agissant.
Nul doute pour John Cage, il serait un artiste. Mais, de là à choisir une seule et unique forme d'expression artistique, il y a toute une vie : architecture, peinture, composition de musique, théâtre, art du cirque, Cage touche à tout, laisse de côté, puis revient, et décide finalement que c'est la musique qui l'anime. Cette musique, cependant, il l'expérimente : Cage repousse les règles académiques et base ses oeuvres sur le silence et le hasard. Par ces fragments de 1989, d'une écriture fluide et ramassée, le compositeur dresse un tableau à la fois succinct et complet des moments forts et charnières de sa vie pourtant extrêmement riche, tout en va-et-vient, recherches et changements d'avis. Le tout, sans jamais se défaire de son humour et de son esprit de dérision inimitables.
Compositeur de musique contemporaine expérimentale de génie, sans doute le plus stimulant du XXe siècle, mais aussi poète et plasticien, John Cage (1912-1992) est l'nventeur du piano préparé. Celui-ci consiste à placer divers objets entre les cordes de l'instrument afin d'en modifier le timbre, Il est aussi l'initiateur de la musique électronique. L'une de ses oeuvres les plus célèbres est sans doute 4'33'', un morceau joué en silence.
Omar Khayyam célèbre ici les femmes et la beauté, l'ivresse et la poussière du néant. Ennemi de l'esclavage de la pensée, il s'élève aussi dans ces vers contre l'imposture religieuse et politique. Mystique en apparence, débauché en réalité, préférant les jouissances de l'éphémère aux vérités érigées en dogmes, Khayyam ne souhaite à l'humanité qu'ivresse et amour. Le manteau des explications mystiques couvre, dans ses poèmes, toutes les hardiesses. Qu'un pareil livre ait pu circuler librement dans un pays musulman ne laisse pas de surprendre : la littérature européenne peut-elle citer un ouvrage où toute croyance soit niée avec une ironie si fine et si amère ?
Né en 1048 à Nishapour en Perse, Omar Khayyam a contribué à la réforme du calendrier en 1079. Après une période d'activité scientifique intense, il choisit de se retirer de la vie publique. Éminent savant mais être épris de liberté, il s'éloigne vers 30 ans du pouvoir. Mathématicien et astronome, ses calculs sur l'infiniment grand l'ont rendu proche de l'infiniment petit. À force de sonder le ciel, il a mesuré la durée dérisoire des hommes. Ce buveur invétéré meurt probablement mort en 1131.
Simmel démontre ici le mécanisme psychologique qui a permis de transformer l'argent de moyen en fin. Or, en servant quantité de fins, l'argent devient "incolore", privé de valeur en soi. Simmel analyse des cas pathologiques, allant de l'avare au dépensier compulsif, aspects psychologiques complétés par de passionnantes observations d'ordre historique et sociologique. Il se penche également sur les liens générés par l'argent, source paradoxale de l'individualisme moderne. Si la possession d'argent procure une liberté personnelle, elle engendre une insatisfaction croissante, tant la dimension qualitative, inexprimable en termes économiques, s'efface au profit du quantitatif. L'argent n'en reste pas moins pour l'homme moderne un aiguillon de son activité, une promesse illusoire de bonheur.
Philosophe et historien de formation, Georg Simmel (1858-1918) fut l'un des fondateurs, avec Max Weber, de la sociologie allemande. Auteur de Philosophie de l'argent(1900), il donna également des cours à l'université de Berlin et de Strasbourg. Son oeuvre connut d'emblée une réception très favorable aux États-Unis, puis en France.
Mais à quelle mystérieuse occupation se livre donc le jeune Owen Warland, horloger de son état, connu pour sa fabuleuse habileté ? Certains prétendent qu'il est à la recherche du mouvement perpétuel. Mais à chaque fois, le résultat de ses nuits de labeur acharné se brise dès que quelqu'un s'en approche. Il connaît le désespoir, la tentation du renoncement. Seule la jeune fille dont il est amoureux devine qu'il essaie d'insuffler la vie dans la matière. Cette nouvelle mi-réaliste mi-fantastique est bien sûr une parabole sur la création artistique et la place du beau dans ce monde. À travers le personnage de Warland, à la fois sublime et pathétique, incompris et proche de la folie, Hawthorne a livré un portrait de lui-même qui révèle la profondeur de ses tourments intimes.
En 1929, une crise économique inédite ébranle le monde. Face à l'interventionnisme de l'État et au chomâge massif, des voix s'élèvent. Bernard Landon propose une "solution miracle" : soutenir l'industrie en renouvelant fréquemment les biens d'usage. Selon lui, la crise entraîne une baisse de consommation et donc de production, menant à la fermeture des entreprises et au maintien de la situation économique critique. Seule une sortie de ce cercle vicieux pourra sauver le pays. Et si les usagers ne consomment pas d'eux-mêmes, il faut les y pousser voire les y obliger. Mais en utilisant dans cet essai autodité de 1932 le terme d'"obsolescence programmée", il ne se doutait pas qu'il désignerait quelques décennies après l'introduction volontaire de défaillances techniques dans les produits.
Juif originaire de Russie, Bernard Landon est un agent immobilier et un courtier arrivé à New-York au début du XXe siècle. Fervent défenseur du progrès et poussé par le succès de ses investissements, il s'intéresse de près à l'économie américaine et propose des solutions innovantes pour sortir son pays de la crise et relancer la croissance. La plus connue reste l'"obsolescence programmée", qui sera transformée après-guerre par les industries en "culte de la nouveauté".
Un mystérieux automate habillé à la turque parvient à tromper ses adversaires lors de tournois d'échecs organisés par son propriétaire. Jouant sur une table éclairée à la bougie, cette "pure machine" ne perd quasi jamais. Le joueur d'échecs a plus que tout autre automate emporté l'admiration du public du XIXe siècle. Prompt au scepticisme, loin de se laisser berner par quelque pouvoir magique attribué à l'étrange machine, Poe s'attache à en disséquer la mécanique mystérieuse. Il tranche, démontre que ce joueur d'échecs ne peut être autre qu'un homme savamment déguisé. Ce faisant, le lecteur pénètre dans toutes les arcanes de la mécanique, perce au fil de la lecture le secret de ces rouages fabuleux, qui l'avaient d'abord abusé. De naïf, il devient lui aussi sujet voyant et concevant.
Né en 1809 à Boston, mort en 1849 à Baltimore, Edgar Alla Poe connut une existence tragique, marquée par l'alcoolisme. Considéré comme le père du fantastique, il connut la célébrité grâce à ses Histoires extraordinaires que Baudelaire traduisit en français en 1856. Novelliste, poète, dramaturge, critique littéraire, romancier, essayiste, admiré par Valéry et Mallarmé, Edgar Allan Poe est l'une des figures-clés du romantisme américain.