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Une poésie petite et toujours balbutiante ; un paysage cherchant son peintre. Ce qui fut d'abord publié sur le web, dans l'immédiateté de l'expérience vécue, avec ses hachures, ses plages de silence et ses ouragans, se trouve ici sédimenté, constitué en unité.
Une petite poésie, oui, comme chacun en porte une, et qui ne fait pas oeuvre mais seulement texte. Et ce texte se brise contre la parole, réitérant l'affront d'essayer toujours de dire, ce qui se refuse. On ne s'étonnera pas, alors, des voies sans issue auxquelles par endroits, le texte donne la voix, revenant toujours à sa matière verbale, l'épurant peu à peu, inventant lentement sa langue. Souvent noire, comme la mer la nuit.
En lignée d'une tradition vieille comme le chant, J. Ailesbée voudrait écrire le tremblement de vivre en homme, c'est-à-dire la perpétuelle absence, encore sauvage, dominante, qui, de la vallée à la marée, du ruisseau au papillon cherche un domaine où s'incarner.
Toute oeuvre, fulminât-elle l'anathème contre les jours futurs, qui atteste quelque grandeur et quelque noblesse, uniquement parce qu'elle existe, détruit, quand on les confronte avec elle, les médiocres mensonges par où subsiste l'autorité des gouverneme
C'est honorer bien peu, il semble, les plus belles productions de l'esprit humain que de les considérer sous l'aspect purement commercial. Loin de se plaindre, si l'on admire Musset, que les éditions de ses oeuvres vont se multipliant, ne devrait-on pas s'en réjouir ? Appartenir à tous, devenir le pain quotidien de tous, n'est-ce point le rêve de tous les écrivains dignes de ce nom ?
Un certain succès obtenu par les Réflexions sur l'Anarchie et les traductions qui en furent faites en anglais et en tchèque me décident à publier une nouvelle édition remaniée de cet opuscule. J'y ai joint une série de propositions touchant la doctrine libertaire et quelques documents pris sur le vif de l'état social actuel.
Ces réflexions s'adressent surtout à ceux qui détermineront l'âme de demain, car les littérateurs d'aujourd'hui sont, pour la plupart, beaucoup trop prudents -- ou même beaucoup trop serviles pour témoigner qu'ils les goûtent. -- Etre un de ces malfaiteurs qui conçoivent un idéal de beauté, par delà les hideurs du temps présent, dire crûement ce qui existe, sans souci de ménagements à l'égard des opinions domestiquées, cela vaut aux esprits libres la rancune et l'animosité des Officiels, des Satisfaits et des Empiriques.
Qu'importe ? Le devoir est de se manifester tout entier, selon soi-même. Nous vivons à une époque de désagrégation universelle : partout l'homme commence à secouer la vermine de dogmes et de lois qui le dévore. Sous le vernis dont le badigeonnent infatigablement nos maîtres, l'édifice malpropre dans lequel nous sommes incarcérés s'effrite et se lézarde. Concourir à sa démolition, ouvrir des jours vers le grand soleil futur, dût-on en souffrir, dût-on en mourir, telle est la préoccupation qu'il sied d'avoir.
Voici donc encore un coup de pioche.
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion, peut bien obéir ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu'il ait écrit dessus ?... Qu'est-ce qu'il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ? Qu'est-ce qu'il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l'assomment, il faut qu'il se dise et qu'il espère quelque chose d'extraordinaire que nous ne soupçonnons pas.
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Dénonçant un illusoire droit au travail qui n'est pour lui que droit à la misère, Lafargue soutient qu'une activité proprement humaine ne peut avoir lieu que dans l'oisiveté, hors du circuit infernal de la production et de la consommation, réalisant ainsi le projet de l'homme intégral de Marx.
Un classique toujours autant lu, plus que jamais d'actualité.
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Là-bas, au balcon, ces trois femmes élégantes en veste de peluche, en chapeau Directoire, trois demoiselles évidemment ; regardez-moi ces pâleurs de craie, ces yeux noircis de kohl, et comme une plaie vive ouverte en pleine chair, dans ces faces de trépassées, la tache écarlate des lèvres archi-peintes, travaillées au carmin, ne sont-ce pas de véritables goules, de damnables cadavres échappés du cimetière et vomis par la tombe à travers les vivants pour séduire, envoûter et perdre les jeunes hommes ? Quel sortilège émane-t-il donc de ces créatures, car elles ne sont même pas jolies, ces fripeuses de moelles, plutôt effrayantes avec leur teint mortuaire et leur sourire sanguinolent.
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« On trouvera dans ces contes la préoccupation d'une composition spéciale, où l'exposition tient la plus grande place souvent, où la solution de l'équilibre est brusque et finale, où sont décrites les aventures singulières de l'esprit et du corps sur le chemin que suit l'homme qui part de son moi pour arriver aux autres. Ils présenteront parfois l'apparence de fragments ; et on devra alors les considérer comme une partie d'un tout, la crise seule ayant été choisie comme objet de représentation artistique. »
Plus que sanguines ces nouvelles sont sanglantes, tant il est vrai qu'un thème court en filigrane tout au long du recueil : celui de la mort, toujours violente, et pour cela rouge, pourpre, écarlate, mais aussi presque désirée comme châtiment de la convoitise, autant que son plus pur accomplissement.
Avec ces textes moins connus, Pierre Louÿs apporte ainsi un surprenant contrepoint aux nombreux textes érotiques qui ont fait sa réputation. Ne savait-on pas qu'Eros était indissociable de Thanatos ?
L´ours traversait une clairière, traînant toujours la comtesse, sans doute pour aller la dévorer tout à son aise dans un fourré.
Toutes ces grimaces flottantes dans les ténèbres, ricanements équivoques de pierres qui regardent, d´arbres qui veulent saisir, agrandissements subits d´objets inanimés, qui s´animent dans l´ombre et que l´ombre déforme et dont l´ombre menace, qui les a vus enfant, les retrouvera sûrement dans les masques.