Ça s'arrête un matin gris, dans une rue de Trouville, le jeudi 12 avril 2001. Je suis en train de faire des courses quand mon téléphone sonne dans ma poche. C'est Irène qui m'annonce que Jérôme Lindon est mort lundi, et enterré ce jeudi matin même. Les heures qui suivent, je n'ai pas envie d'en parler.
Une amnistie vient d'être promulguée au Brésil et l'ex-gouverneur de l'État de Pernambouc, Miguel Arraes, rentre à Recife en septembre 1979 après quinze ans d'exil. À cette occasion, Robert Linhart part enquêter dans les régions sucrières du Nord-Est brésilien : comment les ouvriers agricoles ont-ils vécu ces années de dictature ? Où en est le mouvement paysan ?
Exode des paysans vers les bidonvilles. Progression de la faim avec la monoculture sucrière. Travail des enfants.
Trente-cinq ans après sa parution en 1980, ce livre reste un témoignage accablant sur la situation de l'époque et, par bien des aspects, sur celle d'aujourd'hui.
« Mourir de faim avec tous les documents du monde, contrat de travail assurances, fiches de paye. Mourir de faim pour le "modèle exportateur" et les rentrées de devises.
À mesure que je recueillais témoignages et données, la faim m'apparaissait avec une terrible netteté comme la matière et le produit d'un dispositif compliqué jusqu'au raffinement. La faim n'était pas une simple absence spectaculaire, presque accidentelle, d'aliments disponibles. (...) Ce n'était pas une faim simple, une faim primitive. C'était une faim élaborée, une faim perfectionnée, une faim en plein essor, en un mot, une faim moderne. Je la voyais progresser par vagues, appelées plans économiques, projets de développement, pôles industriels, mesures d'incitation à l'investissement, mécanisation et modernisation de l'agriculture. Il fallait beaucoup de travail pour produire cette faim-là. De fait, un grand nombre de gens y travaillaient d'arrache-pied. On s'y affairait dans des buildings, des bureaux, des palais et toutes sortes de postes de commandement et de contrôle. Cette faim bourdonnait d'ordres d'achat passés par télex, de lignes de crédit en dollars, marks, francs, yens, d'opérations fiévreuses sur les commodities markets (les Bourses de matières premières, où les spéculateurs vendent, revendent, achètent, rachètent dix, quinze, trente fois le même lot de sucre, de cacao ou de coton avant même qu'il ne soit récolté, faisant chuter ou s'envoler les cours, toujours de façon à concentrer les bénéfices et à déposséder le petit producteur direct), de transactions foncières, d'anticipations, d'astuces et de bons coups. On n'en avait jamais fini d'entrer dans le détail de la production de cette faim. »
Les sondeurs et la télévision ne sont pas deux acteurs de plus dans le jeu politique. Ils contribuent à mettre en place un système politico-médiatico-sondagier dans lequel ils jouent un rôle de premier plan. Omniprésents, les sondeurs revendiquent officiellement le monopole de la connaissance scientifique de la « volonté populaire » et proposent officieusement aux partis politiques les moyens pour la manipuler. Par ailleurs, la médiatisation de la politique et notamment des manifestations de rue, et leur accompagnement par les sondages et les baromètres de notoriété, ont contribué à redéfinir ce qu'on met aujourd'hui sous l'expression « faire de la politique ».
Faire l'opinion est initialement paru en 1990. Cette nouvelle édition est augmentée d'une nouvelle préface et d'une annexe.
« Pour dire la richesse de ce livre passionnant, il faudrait aussi évoquer les pages sur les manifestations de rue et la façon dont elles se sont transformées pour se plier aux règles du nouveau pouvoir journalistique sans lequel aucun événement ne saurait exister comme tel. Ou encore mentionner l'art et la manière avec lesquels le sociologue décrit l'ignorance de la réalité du monde politique, tant il est fermé sur lui-même. » (Didier Eribon, Le Nouvel Observateur)
Micheline Maurel (1916-2009), résistante du réseau Marco Polo, a été déportée en Allemagne en août 1943.
Elle a passé vingt mois à Neubrandebourg, une succursale de Ravensbrück. C'était, dit-elle, « un petit camp très ordinaire », sans chambre à gaz ni crématoire (on se servait pour cela des installations voisines de Ravensbrück) : un simple bagne pour femmes. Un bagne comme il en existe probablement encore dans le monde. Et c'est pourquoi ce livre n'a pas de date, et nous concerne tous.
Il nous dit, ce livre, comment vivent dans un camp, du 1er janvier au 31 décembre, des femmes sans nom, sans appui et sans hommes, la vie en robes à croix, la vie tête tondue, sans maquillage, sans savon et sans vêtements de rechange, dehors par tous les temps, battues tous les jours, ne sachant jamais si elles retrouveront le soir leur couverture et si elles auront la force de grimper sur leur châlit.
François Mauriac dans sa préface écrivait : « Dans un livre comme celui-ci, la protestation de l'âme éclate avec une simplicité et une humilité bouleversantes au point que notre pitié s'écarte de la victime pour aller à ses bourreaux. »
Paru en 1957, Un camp très ordinaire a obtenu le prix des Critiques la même année.
Pendant que des médecins travaillaient à me maintenir en vie, à la suite d'une noyade qui aurait dû finir fatalement, j'ai vécu, ou rêvé, ou halluciné, des aventures si extraordinaires que l'idée m'est venue d'en rapporter au moins quelques-unes.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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Isabelle Vital-Tihanyi, qui vit aujourd'hui en France, n'aurait sans doute jamais songé à écrire le récit des mois d'horreur qu'elle a vécus à Budapest en 1944-45 si, récemment, un ancien ministre de Vichy n'avait cru bon d'affirmer qu'on n'avait jamais tué à Auschwitz que les poux. Elle est bien placée pour savoir qu'il n'en est rien : c'est à Auschwitz qu'est mort son père, et que sont mortes ses amies, avec leurs enfants. Si elle n'est pas morte, elle, c'est qu'à aucun moment elle n'a cessé de faire, presque instinctivement, ce qu'il fallait pour survivre. Jeune juive sans ressources, brutalement séparée de son mari déporté, elle a échappé, tour à tour à la police hongroise, à la Gestapo, aux Croix-Fléchées, et a traversé indemne l'une des plus monstrueuses catastrophes de l'histoire moderne, dans une ville qu'allaient raser, de surcroît, les bombardements de l'aviation russe. Et cela, sans se séparer de ses deux enfants, de six et de deux ans. Or, non seulement elle est parvenue à sauver presque miraculeusement ces trois vies, mais elle va profiter de ses fonctions à la Croix-Rouge suédoise, pour participer au sauvetage de dizaines et de dizaines de victimes déjà condamnées. Pourtant, il ne lui viendrait pas à l'idée de se prendre pour une héroïne ou une sainte : elle ne cesse, au contraire, de se moquer d'elle-même. Même s'il s'agit là d'une histoire vécue de bout en bout, un tel récit pourrait - à bon droit - figurer dans ce recueil de contes hongrois qu'elle raconte, sous le fracas des bombes, à son fils, et dont celui-ci, dit-elle, saisit fort bien le sens caché. Car la lecture de La vie sauve comporte aussi une leçon, et c'est une leçon de simplicité et de courage. On est heureux qu'il existe sur terre des gens comme Isabelle Vital-Tihanyi.
Comment s'explique le vote des électeurs ? Comment peut-on le prévoir ? Comment peut-on l'influencer ? Pour répondre à ces questions, que se posent tous les hommes politiques, Denis Lindon, professeur au C.E.S.A. et Pierre Weill, directeur de la Sofres, qui avaient déjà écrit, en 1967, Les familles politiques aujourd'hui en France, ont construit et validé, à l'occasion des élections législatives de 1973, un modèle explicatif du comportement électoral. En effet, tout se passe comme si le vote de chaque électeur résultait d'un processus relativement simple de comparaison et d'arbitrage entre les candidats en présence, processus dans lequel interviennent, avec des poids variables mais mesurables, une vingtaine de paramètres liés au tempérament politique de l'électeur, à son état d'esprit conjoncturel, et à l'image qu'il se fait des partis et des candidats. Ce modèle permet d'expliquer les élections de 1973 et, en particulier, de mettre en lumière les raisons principales des votes pour chacune des grandes formations. Mais, surtout, il permet de simuler rétrospectivement (et permettre à l'avenir de simuler à l'avance) les effets sur les votes individuels et, par conséquent, sur l'issue d'un scrutin de telle ou telle campagne électorale hypothétique.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Le nom de Robert Davezies a été souvent cité parmi ceux des Français qui se sont associés à la lutte des Algériens pour leur libération, et l'on n'a pas oublié son procès, en janvier 1962, devant le tribunal militaire réuni à la caserne de Reuilly. Pourtant ce livre ne constitue ni une prise de position politique, ni un témoignage sur les prisons. Ou plutôt, c'est aussi cela. Mais Les Abeilles, c'est d'abord, comme Le Front, une voix, celle d'un peuple en armes qui emploie les mots indépendance, liberté et mort aussi simplement, aussi légitimement que d'autres parlent du temps qu'il fait, d'exploits sportifs ou de bonne cuisine. A la différence des nombreux reportages publiés sur les souffrances et les combats, presque tous vécus et exprimés dans une langue désuète (celle d'avant, celle d'ailleurs : la vôtre), Robert Davezies invente ici son langage - dans le sens où l'on appelle « inventeur » celui qui découvre un trésor. Avec Les Abeilles, la guerre d'Algérie quitte le domaine de l'information pour entrer dans celui de la littérature.