"La ligne droite", c'est, pour le géomètre, le plus court chemin d'un point à un autre. Pour le coureur de fond ou de demi-fond, c'est le troncon de la piste où il faut produire le plus grand effort, attaquer puis déborder l'adversaire. Stefan Volker n'est pas seulement un dieu du Stade. Après une brillante performance qui ouvre pour lui la porte à tous les espoirs, il est mobilisé, envoyé sur le front russe et porté disparu. En réalité, blessé et physiquement diminué, il se cache sous un faux nom. Lorsque son ancien entraîneur, Julius Henckel, le retrouve, il vend des journaux à la gare de Munich. Pourtant, Henckel, avec l'aide de sa femme Helga, parviendra à refaire un athlète de cet homme déchu, déchiré. Mais Volker ne croit plus en lui, ne croit plus en rien et c'est tout le drame de La Ligne droite : peut-on, doit-on sauver les hommes malgré eux ? Dans ce livre, Yves Gibeau a su donner toute la mesure de son talent de conteur et de l'extrême sensibilité qui animait déjà ses précédents ouvrages. Un jour, Stefan foulera de nouveau la cendrée et, oublieux de son bras mutilé, tentera de forcer la victoire dans "la ligne droite" pour battre son propre record. Leçon d'affection, de courage et de ténacité. Ce récit sobre et prenant a obtenu le Grand Prix de Littérature sportive en 1957.
Mobilisé le 26 août 1939, l'archéologue Michel Scalby n'a aucune disposition pour la guerre ; il a dû abandonner Odile, rencontrée peu de temps avant la mobilisation. Relativement « planqué » dans un poste en retrait des lignes, il a tout loisir de s'interroger sur la grandeur et l'utilité du « devoir » pour lequel on l'a pressenti et il a conscience davantage chaque jour de l'asservissement auquel on le contraint. De plus il se heurte à un certain capitaine Wasselet, ancien de 14-18, pour qui la guerre est une revanche sur un destin médiocre. Appelé au chevet de son père accidenté, Scalby arrive trop tard, et les carnets de guerre de ce dernier, découverts par hasard, le confirment dans un choix qu'il hésitait encore à faire : « il ne rejoindra pas ». Pourtant un oncle et sa mère l'en dissuadent. Arrive le 10 mai 40. Alors que la division monte vers la Belgique, des avions bombardent le convoi. Scalby aura enfin le courage et l'inspiration nécessaires pour venir à bout du cas de conscience qui ne cessait de l'obséder. Ce récit d'une désertion en 1940 est écrit dans le ton familier à Yves Gibeau : plein de verve et de naturel. Le drame de la conscience individuelle en face des obligations civiques atteint ici à son point culminant. Il ne s'agit nullement d'un livre contre l'armée, mais d'un conflit intérieur auquel le talent si personnel du romancier confère une tendresse exceptionnellement rare.
Rapatrié en 1941 à Marseille, Stéphane accepte pour survivre toutes les compromissions : vendeur de cochons, barman dans un bordel improvisé, caissier dans un bistrot transformé en salle de jeux, chauffeur d'un infirme richissime, amant intéressé de la maîtresse d'un officier allemand. Candide au sein d'un entourage composé de voyous, truqueurs, arnaqueurs, Stéphane aime la pure Nathalie, arrêtée à son domicile par la Gestapo. Il la retrouvera cependant pour le grand salut de son âme. Yves Gibeau nous offre là un roman largement autobiographique, qui se déroule dans le Marseille qu'il aime et sait si bien faire revivre...
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
« Ils commençaient à rigoler, les gens. J'étais toujours là, pas très jovial d'allure, la peau et les os, mais vivant. Je savais ce qu'ils pensaient, ce qui les démangeait de me crier du milieu de la place : Alors, pas encore décidé ? On hésite ? C'est pas commode de mourir, même avec la meilleure volonté... » C'est pas commode de mourir et c'est encore moins commode de vivre, quand on a, comme le narrateur, hérité de sa mère le goût des larmes et reçu de son père plus de coups de pied au cul que de caresses. On n'est pas très armé pour affronter les surprises qu'elle vous révèle, l'existence, comme une chienne qui flaire la débandade de vos méninges en préretraite, avec votre plume d'écrivain pour seule compagne et vos souvenirs pour uniques copains. Alors le retour au vert patelin de votre enfance peut prendre les couleurs d'un enfer quotidien... Après plus de vingt-cinq ans de silence, Mourir idiot signe le grand retour d'Yves Gibeau au roman. Et c'est un superbe roman que ces pages poignantes, où brûlent la difficulté d'être, le refus de la médiocrité et la rage des mots.