Comment bâtir une stratégie efficace à l'époque de la désinformation et de la défiance permanentes ? La multiplication des faits alternatifs (fake news), l'hystérisation des débats, l'emprise croissante des dispositifs numériques et le culte de la disruption fragilisent la prise de parole et la capacité d'action des décideurs. L'écosystème médiatique a définitivement basculé dans l'ère du « bûcher des vérités ».
Pour tous les décideurs et responsables, cela signifie qu'il est temps de changer de logiciel. L'écosystème technologique et idéologique impose des choix iconoclastes qui déjouent les illusions médiatiques, les mirages de la transformation permanente et les écrans de fumée du prêt-à-penser. Plus que jamais, il faut se donner les moyens d'analyser des tendances lourdes, porter un regard lucide sur le monde, définir une vision claire, la verbaliser et la faire partager. La communication est devenue avant tout une quête de sens, d'éthique et de leadership intellectuel.
Au travers d'exemples empruntés à la politique (Trump, DSK), au sport (Griezmann, Benzema), à la pop culture (Game of Thrones, Batman), à l'univers économique et au digital, ce manuel présente les mécanismes qui régissent nos sociétés de communication, et en analyse les bonnes et les mauvaises pratiques. Mais ce livre n'assène pas des certitudes d'experts : il réfléchit aux moyens à mettre en oeuvre pour réenchanter la parole publique et combattre la défiance commune.
Xavier Desmaison est président du d'Antidox, groupe de conseil en stratégie de communication. Il préside par ailleurs Civic Fab, une association dédiée à la lutte contre les « fake news » sur internet. Il dispense également des enseignements à Sciences Po Paris.
Guillaume Jubin est associé fondateur du cabinet de conseil Wemean. Il enseigne à Sciences Po Paris.
Le contexte géopolitique et économique a basculé en quelques mois : la pandémie et la guerre en Ukraine ont accentué un phénomène de fragmentation du monde. Résurgence de la violence entre États, retour des concepts de souveraineté et d'autonomie stratégique, urgence écologique, creusement des fractures économiques et sociales, déchaînement des foules digitales redessinent la géographie de la globalisation.
Plus volatil, plus ambigu et plus incertain, l'environnement des affaires n'est plus celui d'une mondialisation heureuse ou d'une convergence planétaire. De fait, la diplomatie d'affaires doit s'y adapter en se dotant de stratégies hybrides, en utilisant des outils plus sophistiqués qu'autrefois, mêlant intelligence économique, géostratégie, cybersécurité et les ressources du droit, de la communication et du soft power.
Le présent essai, qui analyse les enjeux de cette nouvelle forme ¬d'intelligence économique, se veut aussi un manuel à destination des ¬décideurs publics et privés.
Les entreprises de la Silicon Valley sont parvenues à convaincre la planète entière qu'elles tiraient leur réussite de leur supériorité technologique et de leur génie créatif. Or tout cela n'est qu'une illusion. Pour entretenir l'accoutumance des consommateurs et investisseurs, elles se servent d'une substance hautement addictive : la Junk Tech, un subtil alliage entre l'aptitude à saisir l'air du temps, la capacité à convertir les aspirations individuelles en une offre cohérente, et le pouvoir de façonner des mythes qui entrent en résonance avec les désirs collectifs. Dans la civilisation digitale, les dealers de rêves ont pris le relai des ingénieurs et développé une vision du monde qui leur permet d'attirer les capitaux, les talents et l'attention du public. En France et en Europe, nous cherchons à reproduire cette formule sans utiliser les bons ingrédients.
Victimes du mirage californien et de l'approche « technocentrée », nous adoptons la mauvaise recette : hypertrophie du produit, culte de l'intelligence, dépendance aux approches rationnelles et faible culture de la coopération. Convaincus qu'il faut rompre avec le culte de la disruption, le présent essai plaide en faveur d'un renouvellement des mécanismes d'innovation et d'une meilleure prise en compte des fondamentaux du marketing. L'enjeu est majeur : dessiner de nouvelles perspectives crédibles pour rivaliser avec la Silicon Valley et concevoir des technologies vertueuses ayant un impact positif sur le futur et la planète.
Jean-Marc Bally est président d'Aster, société de capital-investissement implantée à Paris, Londres, San Francisco, Tel Aviv et Nairobi.
Xavier Desmaison est président d'Antidox, groupe de conseil en stratégie de communication à forte dominante numérique et co-président de Monolith Partners, agence de technologies marketing. Il enseigne à Sciences-Po Paris.