« Pourquoi cette lettre, pourquoi rouvrir ainsi une page ancienne de ma vie, alors que je croyais en avoir définitivement terminé avec elle lorsque, voici plus de quatre décennies, un ministre marocain m'a fait savoir que j'étais devenu persona non grata dans son pays, qui était aussi alors le mien ? Parce que le passé n'a pas tardé à me rattraper. Parce que l'heure de l'islam sonne un peu partout à l'horloge de l'Europe et que, d'une certaine façon, les problèmes auxquels nous, juifs, étions confrontés dans les pays du Maghreb au lendemain de leurs indépendances se posent à nouveau à nous, mais dans une configuration radicalement différente. J'ajoute que, français par la nationalité et par choix, juif par tous les pores de ma peau, je n'ai pas cessé de me sentir marocain par mes tripes, par mes souvenirs, par mes fidélités et par mes espérances.... Amis musulmans du Maroc, de France et de Navarre, aux carrefours de nos histoires respectives, nous avons, les uns et les autres, assez divagué. Ni les uns ni les autres n'avons fait preuve jusqu'à présent d'esprit de novation ou de générosité. Et si nous décidions enfin de changer ? »
Les cinq livres, parmi les plus courts de la Bible, que la tradition judaïque nomme les "Cinq Rouleaux" - Cantique des Cantiques, Ruth, Lamentations, l'Ecclésiaste et Esther - ont en commun d'être lus à la synagogue à l'occasion des fêtes juives. Pourtant, ils sont souvent méconnus et considérés comme obscurs, au point que l'on a pu s'interroger sur les raisons de leur insertion dans le canon des Ecritures Saintes.
Seule une âme de poète, comme celle de Claude Vigée, peut en percevoir toute l'intensité spirituelle et voir en eux un "puits d'eaux vives". Témoin d'un Dieu qui pour lui est la "mémoire du monde" et dont nous sommes les répondants, Claude Vigée est ici interrogé sur les Cinq Rouleaux par Victor Malka, pour l'émission "Ecoute Israël" de France Culture. Par ses réponses, l'auteur de Dans le silence de l'Aleph développe un commentaire qui n'est jamais une réduction texte, mais son renouvellement.
Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David et Salomon chacun de ces célèbres personnages bibliques, à sa façon, a contribué à l'édification de l'histoire sainte dont est issue une partie de notre civilisation. Mais les autres, tous les autres ? Ésaü, le frère de Jacob, et Aaron, celui de Moïse ; Balaam, le devin païen ; Gédéon le «Juge» et son homologue féminin, la prophétesse Deborah ; Jonathan, l'ami cher au coeur de David et la «Femme vaillante» célébrée par le livre des Proverbes : n'ont-ils rien à nous apprendre ?
Tous ces «seconds rôles» de la saga biblique ont un message à nous livrer. Au cours d'une série d'émissions sur France-Culture, Claude Vigée et Victor Malka ont tenté de cerner ces figures inconnues ou méconnues. Mêlant tradition orale du judaïsme et démarche moderne, respect du texte et liberté de l'esprit, ils nous montrent que la Bible, à travers chacun de ses personnages, fût-il le plus obscur, nous interpelle ici et maintenant au plus profond de notre existence.
En janvier 2015, les victimes de l'Hyper casher de la porte de Vincennes n'ont pas été assassinées à cause de ce qu'elles avaient fait - exercer leur liberté d'expression ou veiller à l'ordre républicain -, mais uniquement à cause de ce qu'elles étaient. Comment, dès lors, peut-on être juif en France ? Comment vivre avec ce traumatisme qui s'ajoute à l'augmentation constante des actes antisémites depuis les années 2000, aux effets délétères d'une détestation croissante d'Israël et aux massacres abominables de Toulouse et de Bruxelles ?Salomon et Victor Malka, écrivains et journalistes, ont voulu répondre à cette question en allant à la rencontre de juifs de toutes tendances à Toulouse, Strasbourg, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice... Ils ont interrogé des intellectuels, des responsables religieux et associatifs, assisté à des colloques, scruté le fait juif dans des livres et films contemporains, dans les discours des musulmans.Le tableau qu'ils dressent est beaucoup plus contrasté que ce que l'on pourrait croire : non, la tentation de l'émigration n'est pas générale non, le réflexe communautariste est loin d'être la seule réponse à une peur pourtant bien palpable. Mais par-delà les différentes réactions régionales et individuelles qu'ils ont constatées, un sentiment domine : le grand désarroi des citoyens juifs de notre pays.Une enquête passionnante qui soulève des questions fondamentales pour l'avenir de notre République.