La moitié des Français expriment un mal-être au travail. Une organisation néo-taylorienne soumise au rendement financier est en train de détruire notre monde commun. Cette machine à extraire le profit écrase le travail vivant : celui qui mobilise notre corps, notre intelligence, notre créativité, notre empathie et fait de nous, dans l'épreuve de la confrontation au réel, des êtres humains.
Contre les " réformes " néolibérales du travail, on a raison de lutter. Mais pour défendre les conquêtes du salariat et prendre soin du monde, il nous faut repenser le travail. Nous avons besoin d'un souffle nouveau, d'un " avenir désirable ". La liberté, l'autonomie, la démocratie au travail, doivent être replacées au cœur de toute politique d'émancipation.
La gauche politique et syndicale a trop longtemps privilégié le pouvoir d'achat au pouvoir d'agir dans le travail. Paradoxalement, les innovations dans ce domaine sont d'abord venues des managers : " l'entreprise libérée " inspire des initiatives patronales souvent futiles et parfois stimulantes. Des consultants créatifs proposent des modèles " d'entreprise autogouvernée " plus audacieux que les rêves autogestionnaires les plus fous. Mais surtout, des expériences multiples fleurissent un peu partout inspirées du travail collaboratif, du care, de la construction du commun, qui sont autant d'écoles d'une démocratie refondée.
Et si on libérait le travail, vraiment ? C'est possible : ce livre en fait la démonstration !
Démissions en chaîne, refus des bullshit jobs, méfiance vis-à-vis des grandes entreprises, préférence pour le télétravail, réhabilitation des activités manuelles, réorientations en milieu de carrière : les questionnements sur le sens du travail n'ont jamais été aussi nombreux. La pandémie a provoqué un débat sur les travailleurs « essentiels », qui sont pourtant moins payés et considérés que les « premiers de cordée ». Quant à la crise écologique, elle impose de réorienter nos emplois. À l'heure où le management par les chiffres a envahi le secteur privé comme la fonction publique, il est crucial de s'interroger sur le contenu et la finalité de nos activités professionnelles. Il fut un temps où l'on cherchait avant tout à occuper un emploi. Aujourd'hui, il se pourrait bien que la priorité soit donnée au sens du travail. C'est là que se produit actuellement une révolution, guidée par les nouvelles exigences sociales et les défis écologiques.Thomas Coutrot est statisticien et économiste, chef du département Conditions de travail et santé de la DARES au ministère du Travail de 2003 à 2022.
Coralie Perez est socio-économiste, ingénieure de recherche à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre du Centre d'économie de la Sorbonne.
Ce manifeste commis par 4 des économistes français les plus éminents est essentiel. Il part du fait incontestable que la crise financière et économique n'a en rien remis en cause les dogmes libéraux qui inspirent nos économies depuis plus de 20 ans. Au contraire - et l'incompréhension le dispute à la colère- les politiques qui ont conduit à l'explosion des inégalités sont utilisées comme des remèdes! Pourquoi et comment il est urgent de changer ? D'abord démonter les fausses évidences , par exemple les idées infiniment ressassées et fausses par les élites politiques et la plupart des journalistes selon lesquelles les marchés seraient bons juges de la santé économique d'un pays ; l'envolée des dettes seraient le résultat d'un excès de dépenses ; l'Europe défendrait le modéle social européen ; l'euro serait un bouclier contre la crise ; la dette publique reporterait le prix de nos excès sur nos petits enfants ; réduire les déficits serait le meilleur moyen de retrouver la croissance..... Ensuite proposer au regard de chaque fausse évidences plusieurs mesures vitales pour refonder nos sociétés. Ce manifeste mis sur internet le 20 septembre pour mobiliser les économistes reponsables notamment, a déjà reçu un très large soutien.
Le numéro de mai-juin de la revue Relations aborde le bouleversement de nos repères par l'essor des mouvements de décolonisation, les migrations et la crise écologique. L'hégémonie de l'Occident décroît et ce décentrement engendre des remises en questions parfois anxiogènes, toujours nécessaires, potentiellement salutaires. Lisez entre autres une entrevue avec Guillaume le Blanc sur les flux migratoires et une table ronde réunissant Catherine Larochelle, Melissa Mollen-Dupuis et Philippe Néméh-Nombré autour de la question coloniale au Québec: comment décoloniser notre regard et notre récit national, dans lequel nous tenons à la fois le rôle du colonisateur et du colonisé? Ce numéro propose aussi un débat sur les Gilets jaunes et la gauche française, un article sur le soutien de l'Église à la mobilisation citoyenne nicaraguayenne et un portrait des inégalités dans Parc-Extension. Retrouvez également la chronique poétique d'Olivia Tapiero, la chronique Question de sens d'Anne Fortin, le carnet de Marc Chabot et les recensions de livres et de films.