Ma grand-mère habitait à Sarajevo, à cinq cents mètres de l'endroit où l'archiduc François-Ferdinand a été assassiné en juin 1914, événement considéré comme déclencheur de la Première Guerre mondiale.
A la fin de la Seconde, en mai 1945, on la retrouve à Berlin, au milieu des décombres, entourée de ses enfants.
Ces deux anecdotes sont le fondement d'une quête qui retrace presque deux siècles et demi d'une chronique à la fois familiale et historique.
Commencé en Autriche à la mort de Mozart, en 1791, tandis que la France où je verrai le jour est en pleine ébullition révolutionnaire, ce roman met tour à tour en scène six générations d'une famille. Balayant une Mitteleuropa en perpétuelle évolution, il tâche de rendre hommage à ceux dont l'histoire n'a pas retenu les noms, mais qu'elle a tout de même embarqués dans ses bouleversements. Et, en ces temps où la situation des migrants n'a jamais été aussi controversée, il a aussi pour volonté de remettre dans nos coeurs les péripéties modestes et singulières de nos origines.
T. B.
Thierry Beinstingel est l'auteur de nombreux romans parmi lesquels Ils désertent (Fayard, 2012, prix Eugène Dabit et Prix Amila-Meckert), Faux nègres (Fayard, 2014) ou Vie prolongée d'Arthur Rimbaud (Fayard, 2016).
En obtenant son premier emploi, Eve a le sentiment de rompre avec une adolescence marquée par le chagrin, à la suite de la mort de son père, une décennie auparavant.
Mais l'entreprise dont la jeune femme est désormais salariée traverse un moment de grandes turbulences. Un procès commence, très médiatisé, au sujet d'une vague de suicides survenue il y a quelques années au sein du personnel.
Proche de la retraite, Vincent a connu ces drames qui, déjà à l'époque, faisaient les gros titres. Mais il se souvient surtout de la période qui a suivi, celle ou l'entreprise a voulu se donner une autre image, où de nouvelles valeurs ont été mises à l'honneur, l'« humain », le « bien-être des employés ».
Vincent y a-t-il cru de façon un peu trop naïve ?
Et quel rapport avec Eve, dont il a favorisé l'embauche ?
A la suite d'une confusion, c'est avec la dépouille d'un inconnu qu'Isabelle Rimbaud fait le trajet de Marseille à Charleville.
Déjouant les pronostics des médecins, Arthur, lui, se remet.
Et ce sont les journaux qui lui apprennent sa mort...
Jadis poète, naguère marchand, Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud sera-t-il capable de s'inventer un troisième destin ?
Relancé dans la tourmente de l'histoire, de l'affaire Dreyfus aux tranchées de la Première Guerre mondiale ; assistant stupéfait à l'élaboration de son propre mythe, à la construction de sa légende littéraire, celui qui écrivit « Je est un autre » avait-il imaginé à quel point cette phrase se révélerait prophétique ?
Vous ne verrez jamais son visage. Vous ne connaîtrez même pas son prénom, puisque l'entreprise qui l'emploie lui en a donné un autre. Il est le téléopérateur qui finit par vous répondre après que vous avez dû appuyer successivement sur la touche étoile, trois, six, dièse puis de nouveau étoile. "Eric à votre service." Eric ? Inutile de vous en souvenir. Lors de votre prochain appel, vous tomberez sur quelqu'un d'autre. John, George, Paul ou Ringo. Peu importe. En revanche vous aurez droit aux mêmes réponses. Elles apparaissent au téléopérateur sur un écran d'ordinateur, classées par thèmes. Une série de suicides dans l'entreprise rappelle douloureusement que les employés ne sont pas des machines. Pour ne pas en arriver à une telle extrémité, Eric, lui, décide simplement de transgresser les consignes : un jour il rappelle un client de sa propre initiative... Après Central, Composants et CV roman, Retour aux mots sauvages continue d'aborder le sujet du travail et de sa représentation en littérature. Retour aux mots sauvages replace ainsi la problématique du langage que l'univers économique tente de contrôler. Les mots sont les vecteurs d'une organisation libérale devenue débridée, donc sauvage. Mais ce "retour" - à la manière d'un boomerang - est un message d'espoir aussi : on ne peut pas régenter la communication jusque dans ses moindres détails sans dommages. La vague de drames de cette multinationale démontre que l'humain, à travers sa langue maternelle, a une capacité de résistance. Et c'est sans doute le rôle principal de la littérature de révéler cet aspect "sauvage".
VRP en papier peint, celui que ses collègues appellent l'« ancêtre » fait relier ses échantillons dans de gros volumes à couverture de cuir. Ils racontent quatre décennies d'intérieurs à la française, depuis les motifs bariolés du yéyé jusqu'à la tyrannie du blanc. Mais sa vraie passion, c'est la correspondance de Rimbaud, celle des pistes africaines, quand le poète était aussi voyageur de commerce. Il l'emporte partout, dans les petits hôtels aux réceptionnistes parfois mal aimables, la feuillette au resto chinois ou à la pizzeria, y songe encore en traversant la place déserte d'un patelin, cigarette aux lèvres. Et chaque fois qu'un rendez-vous l'amène du côté de Charleville, il va se recueillir sur la tombe de son compagnon de route.
Une jeune femme fraîchement nommée à la tête de l'équipe a pour mission de convaincre ce poète du papier peint de s'adapter au nouveau concept global de l'entreprise : amener les gens à acheter un canapé assorti au revêtement du mur. Mais lui refuse d'en entendre parler. Quand il pense aux milliers d'années qu'il a fallu à l'homme pour apprendre à se tenir debout, vendre des canapés lui semble une défaite.
La nouvelle responsable sait toutefois que les canapés ne sont qu'un prétexte. L'ancêtre est usé, ses méthodes sont caduques, à l'image du cuir craquelé de ses reliures. Il indispose la direction qui veut se débarrasser de lui. Or aucun canapé ne l'attend nulle part. Le priver de la route, des petits hôtels et des restos chinois ; l'empêcher de contempler les stations-service et les aires de repos avec les yeux de Rimbaud, c'est le réduire à néant.
Ils sont trois. Elle enseigne l'allemand dans un lycée mais tente aussi d'inculquer des notions de français à des migrants accueillis par une association humanitaire. Lui a accepté le travail le plus étrange de sa vie : gardien d'une station de pompage même plus en service et si isolée au milieu d'interminables champs de maïs que son employeur a dû l'y faire déposer en hélicoptère. La troisième, encore aux études, gagne sous le manteau un peu d'argent en rendant visite à un garçon autiste que celle qui se présente comme sa mère cache aux services sociaux dans un immeuble de la périphérie voué à une démolition prochaine. Tous les trois vont faire, à des degrés divers, l'expérience de l'effacement, de la perte des repères et des habitudes qui tiennent lieu le plus souvent d'identité. Mais si c'était pour mieux découvrir ce que vivent d'autres gens, et notamment les plus faibles ?
Lors de la dernière présidentielle, c'est dans un petit village de l'est de la France qu'un parti d'extrême droite réalise son meilleur score. Des journalistes sont dépêchés pour se pencher sur le phénomène. Parmi eux, de retour en France après avoir passé vingt ans au Moyen-Orient, coupé du pays natal depuis trop longtemps pour manier un discours de circonstance, Pierre arrive sur les lieux. Accompagné d'un preneur de son aveugle, hébergé dans un gîte rural, il écoute les habitants éluder ses questions, parler d'invasions qu'ils n'ont pas subies ou évoquer une pierre préhistorique enfouie sous les fondations de l'église. Chacun réinvente une histoire différente mais les protagonistes ignorent encore qu'un drame va les réunir. Mêlant une narration romanesque avec le langage collectif, Faux nègres confronte notre histoire avec l'actualité la plus récente.Thierry Beinstingel est l'auteur de dix romans, parmi lesquels Retour aux mots sauvages (2010) et Ils désertent (2012) pour lequel il a reçu le prix Eugène-Dabit du roman populiste et le prix Jean-Amila-Meckert.
Avec ces Feuilles de route de Thierry Beinstingel, voilà le troisième grand ensemble d'écriture avec Internet que nous rassemblons.
Il y a des ancrages communs à ces trois ensembles : Perec en est un, certainement. La curiosité des autres, aussi, certainement. Et que cette curiosité croise ou traverse sans cesse le chemin des livres.
Ce qu'il y a de spécifique à Thierry Beinstingel, c'est la publication, au cours de ces trois ans de chronique, de ses deux premiers livres chez Fayard.
Beinstingel, on le sait par Central, le premier de ces livres, travaille à France Telecom, ce n'est pas un secret. Il assumera, jusqu'à aujourd'hui, l'étrange situation de travailler en entreprise et de publier des livres, cela parfois ne lui rendra pas la vie facile, ni dans l'entreprise, ni dans l'écriture. Mais c'est cet ancrage, cette route droite, qui lui a permis à l'automne dernier d'écrire cette réflexion romanesque sur les chemins de vie associés au travail, dans CV roman.
Au début, je croyais un peu naïvement que c'est ce travail qui avait donné à Thierry son goût d'Internet, et nous avoir rejoint si tôt dans les expériences en ligne. Aujourd'hui que je le connais mieux, je serais plutôt à le titiller pour qu'il dote enfin Feuilles de route d'un flux rss...
Ce qui est passionnant dans l'expérience d'écriture en ligne de Thierry, c'est qu'elle trouve très tôt ses principales figures : notes de lecture, et quel lecteur, de Claude Simon et Marguerite Duras à Salvaing ou Christine Angot, via Moitessier, Joinville, ou, au hasard des librairies, des étals, de Detambel à Beckett, via René Fallet ou Charles Juliet ; notes d'écriture, l'accompagnement permanent de la gestation des livres, heurts, pannes, soubresauts, mais aussi la fabrique du livre, le service de presse, les émissions à France-Culture à parution, ce qui vient dans le carnet, ou par les discussions, les rencontres ; enfin les étonnements : vie professionnelle, vie familiale, la curiosité d'être, l'observation, les routes qui le ramènent au pays de Rimbaud.
Comment ne pas penser, dans ces entrecroisements, aux Carnets de notes de Pierre Bergounioux ? L'outil a pu changer, avec la publication en ligne, mais le travail de celui qui chemine vers un livre, entre lecture, écriture, saisie du monde, est la même discipline pour chacun. Et c'est ce que Thierry Beinstingel nous donne à lire.
Un autre tome suivra, avec les trois années suivantes. Mais nous avons choisi de respecter l'intégralité du parcours : voilà 440 pages de ce que le journal en ligne de Thierry Beinstingel a rassemblé au fil des jours, quatre années consécutives, dans une période où les sites littéraires étaient plus rares - on ne s'étonnera donc pas de quelques croisements.
Feuilles de route : c'est le titre d'un livre de Cendrars. Et Thierry Beinstingel met en exergue ce poème de Cendrars, sur les îles. Peut-être que c'est une clé pour entrer dans ce journal : île de l'écriture, îles de la vie professionnelle, familiale, île que représente chaque livre ouvert.
Pour cela qu'on en propose, en libre accès, de larges pans. Autre chose : nous sommes, à publie.net, une équipe bénévole. Nous proposons téléchargement gratuit de Feuilles de route à qui accepterait de dresser un des index que nous souhaitons y joindre : auteurs cités, livres lus, lieux traversés... Nous prévenir si volontaire !
Un merci particulier à Sarah Cillaire pour relecture, composition et mise en page.
FB
Il a travaillé de longues années au Central des télécommunications, s'est dévoué à l'Entreprise. Mais il y a vécu également les grandes étapes de la déshumanisation du travail.
Témoin cette Description d'emploi, formulaire que chacun se doit un beau jour de remplir en puisant à un Glossaire des verbes afin de décrire son activité avec le plus de précision possible. La suite de la carrière en dépend. Ces verbes, on les emploiera de préférence à l'infinitif ou à la troisième personne du singulier sans mentionner le pronom personnel. Des verbes sans sujet, donc.
Sans sujet ? Ce jour-là, le narrateur se jure d'être lui aussi implacable, d'écrire un roman peuplé de verbes sans sujet, de retourner contre l'anonyme concepteur de cette insulte à l'humanité la violence de son acte. Il en résulte cet étonnant roman de l'incommunicabilité au coeur de la communication où plus personne, bientôt, ne répondra à personne.
Né à Langres en 1958, Thierry Beinstingel est cadre dans les télécommunications. Il vit à Saint-Dizier. Central est son premier roman.
«Remplir les étagères vides avec le fatras étalé au milieu de la pièce», voilà la tâche que doit accomplir un intérimaire, isolé pendant une semaine dans un entrepôt pour ranger des composants mécaniques. Répétition des gestes, des pensées, et des jours : le travail, le repas dans la gamelle, le retour chez soi par le même bus, le même train, les brefs instants de vie de famille, le sommeil harassé... On travaille, semblable à ces milliers d'intérimaires qui se louent ici un mois, là quinze jours, éléments d'une mécanique, composants d'un ensemble qui le plus souvent les dépasse.
Comme dans son précédent roman, Thierry Beinstingel plonge le lecteur au coeur du monde du travail dans ce qu'il a de déshumanisant et d'absurde, tout en donnant naissance à une «poétique sociale» où les vérins à vis coulissante et les filetages trapézoïdaux, les crémaillères à denture droite triple rang finissent par former un recueil, lignes lumineuses de tout ce temps perdu au travail.
Des clochers raclent le ciel comme des navires échoués, tout un paysage tangue au fil de ces pages : au milieu des terres labourées, un tracteur Fiat bleu passe ; à son volant, un ouvrier agricole. C'est son histoire qui est ici racontée. Ses semaines, partagées entre les champs, le café du village sur la nationale, la bâtisse familiale au décor inchangé depuis son enfance, les bals du coin, qu'il fréquente assidûment pour tromper sa solitude et rencontrer, qui sait, la femme de sa vie. Mais quelle est celle qui voudra de cet homme entre deux âges, sa veste pied-de-poule un peu démodée sur les épaules ? Et que fera-t-il lorsqu'il découvrira un soir, en rentrant du boulot, sa mère morte dans le poulailler, face contre terre ?
Son histoire est aussi celle d'un monde qui finit, où les petites exploitations meurent, et où la télévision, lucarne vide de sens, luit dans la nuit des fermes. Reste la beauté des paysages et des chemins creux, que l'auteur, dans un souffle, rend palpable.
On a tous un CV. Brillant ou terne, modeste ou ronflant. Ceux qui changent souvent d'emploi le mettent à jour régulièrement, comme les grands voyageurs renouvellent leur passeport. Mais que reflète-t-il ? Que dit-il de ce que nous sommes vraiment ? Nous passons en moyenne huit mille jours de notre vie au travail. Et tout cela tiendrait sur une page, banal rectangle de 21 par 29,7 centimètres ? CV : n'était-il pas urgent d'en faire un roman ?
On dit que le genre du bestiaire au Moyen-âge était d'attester de la présence divine à travers les animaux. Maintes fois utilisée par de nombreux auteurs et à toutes époques, cette caractéristique angélique a fini par tomber en désuétude. Darwin est passé par là et c'est tant mieux pour la vérité scientifique : l'homme a classifié l'évolution ; il s'est ainsi couronné au sommet du règne animal. Lorsque j'ai lu il y a longtemps sur une plage de Corse les Bestiaires de Maurice Genevoix, j'ai découvert un monde moins doctoral et plus harmonieux : j'avais l'exacte impression de partager l'existence de chaque poisson, mammifère ou insecte. A cette époque, je n'écrivais pas encore mais j'ai été conscient du choc de cette lecture. C'était exactement cette écriture que je voulais produire, quelque chose de précis qui vienne me capturer, me ravir comme un lecteur-oiseau enfermé un bref instant dans une cage. Et puis m'envoler : juste sentir le goût de la vie farouche et de la liberté retrouvée. Contrairement aux Bestiaires de Maurice Genevoix, dans les quarante et un textes que je propose, les animaux n'occupent pas de place centrale. Ils sont indomptables : ils traversent parfois juste le récit ou s'y complaisent longuement ; ils peuvent être minuscules ou exotiques mais ils rythment tous les événements de la vie et font toujours partie du décor parmi les hommes. En cela, ce Bestiaire domestique est dans la continuité de ce que j'ai publié : nous évoluons dans un univers qui se déduit de notre environnement. Comme dans Paysage et portrait en pied de poule, nous pouvons être délaissé au milieu une campagne primitive ou comme dans Central, Composants ou CV roman, la société du travail nous façonne. Mais ces milieux que nous maîtrisons se dérobent souvent : les animaux, par excellence, nous apportent l'imprévu. Un pigeon passe au milieu d'une journée de travail, vous apercevez un chevreuil au bord d'une route et ce chien qui aboie au milieu de la nuit rappelle votre enfance. Après tout, écrire un bestiaire aujourd'hui n'est pas si éloigné que la démarche ancienne : la présence divine est remplacée par une absence magique dans ce partage universel que l'on croyait ordonné.
Avant, le soir, pour me détendre, je faisais des croquis, avec règle et compas, comme on me l'a appris pendant mes études de dessin industriel. Maintenant j'écris sur un cahier volé dans la maison d'en face, désertée par ses occupants. Je me suis toujours fait l'effet d'un homme sans histoires. Ce qui m'a pris d'entrer dans cette maison, je ne saurais l'expliquer. La poussière qui s'accumulait sur la voiture garée devant, la boîte aux lettres qui débordait de publicités ont dû me faire craindre un événement dans le genre des faits divers dont parlent parfois la télévision ou les journaux. Ce que j'y ai découvert n'avait rien de spectaculaire. Pourtant, ce cahier que j'y ai ramassé dans une chambre d'enfant allait bouleverser mon existence. Thierry Beinstingel est l'auteur de plusieurs romans très remarqués, parmi lesquels Retour aux mots sauvages (Fayard, 2010), Ils désertent (Fayard, 2012) et Faux nègres (Fayard, 2014). Il poursuit dans ce nouveau roman son inlassable enquête sur le rôle du langage, à travers l'histoire d'un homme à qui les mots se sont imposés, d'abord pour se protéger, puis pour l'éclairer.
« Franck n'est pas un personnage. Franck est quelqu'un. Né le 6 juin 1968, mort le 17 septembre 1990, il a vécu 22 ans d'une vie chaotique, en partie racontée, en partie inventée, en partie tue dans un livre qui porte son prénom. »
Franck d'Anne Savelli a été publié en 2010 aux éditions Stock. Il s'agit d'un texte conçu par lieux : « Chercher dans la ville ce qui détourne, apaise, le balancement, le suspens. Les pas qu'on n'entend plus, la fin des ordres, un rythme à soi dans le franchissement des carrefours. »
Un texte qu'on publie peut prendre plusieurs formes, et même une fois édité, connaître des prolongements inattendus, des variations, des suites, et d'autres auteurs, à leur lecture, peuvent s'en emparer et leur faire écho, les prolonger en les emportant avec eux, en les confrontant à leur univers, leur écriture, pour une lecture croisée.
« Autour de Franck » est donc la rencontre de deux textes. « Douze façons de plus de parler de toi » écrit par Anne Savelli, regroupe des passages de « Franck » qu'elle avait supprimés pour des raisons d'équilibre et d'autres, rédigés ensuite. « Avant Franck » a été écrit par Thierry Beinstingel, sur son site, Feuilles de route. J'ai souhaité y associer l'enregistrement sonore de leur lecture croisée (intégré dans la version ePub, à télécharger séparemment pour l'écouter en lisant le pdf) à la bibliothèque de Montreuil le 23 septembre 2011.
Dès la parution de son livre, Anne Savelli a mis en ligne un site dédié à « Franck ». Dans la ville haute propose une lecture intégrale du texte accompagnée d'une série de photographies prises sur tous les lieux de son « histoire » qui montrent évidemment autre chose que ce qui est décrit, ainsi que le journal de parution du livre.
Cette notion de prolongement et d'écho est au coeur du travail d' Anne Savelli. Elle a par exemple écrit un texte à partir d'un album Cowboy Junkies, The Trinity Session, tiré d'un paragraphe de Franck, un autre sur la voix de Franck paru dans la revue Dock(s), puis d'autres, qui le concernaient toujours, dans la revue d'ici là, ou sur différents blogs. Une rubrique de son blog Fenêtre Open Space s'intitule d'ailleurs Crossroads : chronique des textes qui se croisent. C ette édition numérique sur Publie.net est donc une nouvelle extension.
Il y a des êtres qu'on rencontre, qu'on côtoie et qui nous poussent à écrire, à décrire leur parcours, et des textes qui racontent ses trajectoires inoubliables, qui font remonter en nous des souvenirs qu'on croyait perdus, qui ouvrent des perspectives sur le monde qu'on ne soupçonnait pas, des textes qui donnent envie d'écrire d'autres textes. « Franck », fait partie de ceux-là.
P.M.
Tout en attendre. Ne rien espérer. Aller à sa rencontre comme si on tombait amoureux.
Qu'est-ce qu'un oloé ? Un lieu quelque part où lire ou écrire ? Un état d'esprit ? Une idée, un rêve, une envie ? Un livre, pour commencer.
Dans ce livre, Anne Savelli interroge à la fois ses propres pratiques créatives (comment se consacrer à la littérature quand on est perpétuellement en mouvement ? ) et la possibilité de faire de l'écriture, domaine de la solitude par excellence, un territoire du commun.
À qui sommes-nous reliés quand nous lisons ? Comment n'écrit-on jamais seul quand on écrit ? Reflet de la diversité qui l'a inspiré, le néologisme "oloé" est passé dans notre langage courant. Il est utilisé par tous : des auteurs invités dans cette nouvelle édition à s'approprier le concept aux lecteurs qui pourront, grâce à plusieurs propositions d'écriture façon "atelier", prolonger l'expérience pour que chacun puisse écrire, à son tour, dans l'énergie des oloés. Élastique, forcément.
Avec la participation de Thierry Beinstingel, Pierre Cohen-Hadria, Virginie Gautier, Maryse Hache, Olivier Hodasava, Christine Jeanney, Pierre Ménard, Juliette Mézenc, Franck Queyraud, Joachim Séné et Lucien Suel.