Pourquoi tant de presbytères abandonnés ou désertés? Pourquoi tant d'autres habités par les proches du curé? Ces immeubles offerts gratuitement au locataire ont-ils toujours été construits de bonne grâce, comme le veut l'historiographie ancienne et moderne? En plus de répondre à ces questions pour l'époque où le Québec s'appelait Bas-Canada, l'essai démontre la solidarité du curé de campagne avec une paysannerie dominée par la classe seigneuriale. Alors que celle-ci bloque l'accès des jeunes à la propriété foncière, l'occupant du presbytère réclame avec force la protection de l'État contre la rapacité des rentiers du sol.
Cet essai est la troisième contribution à la biographie collective (les savants disent prosopographie) inaugurée dans Quand le Québec manquait de prêtres (2006) et reprise dans l'argent du curé de campagne (2010).
Entre la fin du XVIIIe siècle et les années 1830, le nombre de prêtres n'a jamais suffi à combler la demande. Les curés de campagne ont généralement vécu des carrières épuisantes mais lucratives. Puisque la moitié d'entre eux sont morts avant d'avoir atteint la soixantaine, qu'ont fait de leurs surplus ceux dont la carrière n'a pas été interrompue par une mort précoce? Ce livre retrace les éléments du revenu curial, le niveau de vie enviable du grand nombre, la simplicité volontaire d'une minorité. L'ouvrage illustre diverses stratégies d'épargne et d'investissement, notamment la pratique du prêt ou l'acquisition de biens fonciers. En matière de dons entre vifs ou de pratiques successorales, l'analyse montre quels déchirements vivent les prêtres d'origine modeste, sollictés par les proches et davantage interpellés que les chrétiens ordinaires au grand commandement d'amour du prochain. Les fils de riches ont parfois encassé des avoirs patrimoniaux considérables. Parvenaient-ils facilement à distinguer revenu gagné et cette part de richesse reçue de leurs ascendants? Leur rapport à l'argent était-il différent de celui qu'on observe chez les sujets que la profession a lancés sur la voie de l'ascension sociale? L'essai tente de répondre à ces délicates questions.
Quand le Québec s'appelait le Bas-Canada (1791-1840), l'Eglise catholique était menacée de toutes parts : statut politique précaire, vive concurrence des autres religions chrétiennes, pénurie chronique de prêtres à la campagne où une paroisse sur trois était sans curé. Débuts de carrière précoces, fins de vie professionnelle au-delà de l'âge normal de la retraite comblent tant bien que mal le déséquilibre entre l'offre et la demande, source de richesse pour les hommes robustes, cause d'épuisement professionnel fatal aux constitutions les plus fragiles. La rareté des ressources favorise une pastorale branchée sur les Evangiles : du catéchisme à la prédication, le chrétien est orienté vers la confession, tâche éminemment épuisante lorsque, le carême venu, tous passent aux aveux, les uns pardonnés, les autres écartés de la communion pascale.
A quelle religion le peuple des campagnes fut-il convié ? Telle est la question centrale à laquelle ce livre propose une réponse surprenante. Les prêtres se méfient de la pensée magique : l'eau bénite pour sauver la récolte est utilisée avec parcimonie. Cérémonies et confréries sont réduites au minimum. Une messe avec sermon, célébrée en semaine, vaut mieux que deux célébrations dominicales sans prédication quand un même prêtre dessert deux communautés. Les prédicateurs méprisants sont répri¬mandés, les confesseurs scrupuleux, retirés des paroisses alors que d'autres sont rappelés au devoir de compassion. Au total, le bonheur éternel paraît plus accessible qu'au cours du siècle qui s'achève avec la Révolution tranquille; la prédication d'un jeune prêtre annonce pourtant la montée d'une pastorale de la peur de l'enfer.
Quatre essais portant sur quelques-unes des plus grandes figures de l'indépendantisme du Québec sont à l'honneur dans ce numéro. Tout d'abord, le livre de Victor Lévy-Beaulieu sur Jacques Parizeau propose un « nécessaire recueillement » après le décès de celui-ci en 2015. Puis, Martin David-Blais nous explique comment l'essai de Laurent Duval intitulé Le mythe de René Lévesque risque un « déboulonnage raté ». Les essais de Claude Cardinal sur l'histoire du RIN et de Martine Tremblay sur celle du Bloc Québécois sont aussi recensés dans cette édition. D'autres ouvrages se regroupent sous la thématique de l'héritage, comme par exemple Pratiques et discours de la contreculture au Québec de Jean-Philippe Warren et Andrée Fortin et Google Goulag. Nouveaux essais de littérature appliquée de Jean Larose, tandis que d'autres explorent le thème de « La foi en guerre », avec notamment L'islam dévoilé de Claude Simard et La fabrique du djihad. Radicalisation et terrorisme au Canada de Stéphane Berthomet.