"Parti à la recherche des origines de la sociologie moderne, j'ai abouti, en fait, à une galerie de portraits intellectuels... Je me suis efforcé de saisir l'essentiel de la pensée de ces sociologues, sans méconnaître ce que nous considérons comme l'intention spécifique de la sociologie, sans oublier non plus que cette intention était inséparable, au siècle dernier, des conceptions philosophiques et d'un idéal politique." Raymond Aron.
"Ce livre fait suite aux Dix-huit leçons sur la société industrielle et à La lutte de classes. Il traite de deux régimes typiques de la civilisation moderne, l'un que j'appelle constitutionnel-pluraliste et l'autre que je caractérise par la prétention d'un parti au monopole de l'activité politique.
La comparaison entre les régimes politiques, à la différence des comparaisons entre les économies, met surtout en lumière des différences. Les régimes apparaissent comme des solutions opposées à des problèmes semblables.
L'année 1957-1958, celle durant laquelle le cours fut professé, fut celle de la fin de la IVe République et du retour au pouvoir du général de Gaulle. Une préface écrite en 1965, équilibre le chapitre consacré à la République morte par une analyse critique de la République gaulliste."
Raymond Aron.
La vérité scientifique se détache de la conscience qui l'a élaborée puisque, à un certain degré d'approximation, elle vaut éternellement. En va-t-il de même pour la reconstitution historique ? La science historique, comme les sciences de la nature, se développe-t-elle selon un rythme d'accumulation et de progrès ou, au contraire, chaque société récrit-elle son histoire parce qu'elle se choisit et recrée son passé ?
Cette analyse devenue classique de l'historicité conduit Raymond Aron à une philosophie historique qui, s'opposant aux synthèses spéculatives en même temps qu'au positivisme, est aussi une philosophie de l'histoire. "La philosophie de l'histoire, écrit-il, est une partie essentielle de la philosophie, elle en est à la fois l'introduction et la conclusion. Introduction, puisqu'il faut comprendre l'histoire pour penser la destinée humaine, d'un temps et de toujours, conclusion, puisqu'il n'y a pas de compréhension du devenir humain sans une doctrine de l'homme. Double caractère qui serait contradictoire si l'on se représentait la philosophie selon le schéma des théories déductives, mais qui devient intelligible dès qu'on la rattache à la dialectique de la vie et de l'esprit, qui s'achève dans la conscience de soi de l'être qui se situe dans l'histoire et se mesure à la vérité."
"J'ai lu De la guerre pour la première fois il y a une vingtaine d'années, puis je l'ai cité comme tout le monde. En 1971-1972, j'étudiais l'ensemble des écrits militaires, politiques, personnels de Clausewitz et crus constater que la pensée du plus célèbre des stratèges restait à découvrir et à comprendre", écrit Raymond Aron en 1976.
La pensée de Carl von Clausewitz retrouve ici sa dimension essentielle : être une théorie en devenir, qui jamais ne trouva sa forme définitive, puisque le général prussien, né en 1780, mourut en 1831, victime du choléra.
Dans ce premier tome, Raymond Aron reconstruit, avec la rigueur qu'on lui connaît, le système intellectuel de celui qui voulut mettre à jour l'esprit, c'est-à-dire la nature et l'essence, de la guerre, "véritable caméléon". Formation du système, tendances divergentes, synthèse finale, équivoque irréductible, rapport à Montesquieu, à Kant ou à Hegel - sur tous ces sujets Aron formule ses analyses qu'il confronte aux jugements des critiques allemands.
Grand prix de la Fondation de France 1976
Prix Paul-Valéry 1976
Ce tome deuxième prend l'exacte mesure de la place de Clausewitz dans le monde d'aujourd'hui. Les grandes écoles d'état-major l'enseignent, Moltke comme Foch, Lénine comme Mao Zedong l'ont lu, étudié ou appliqué. Qui d'entre tous s'y montre le plus fidèle? Clausewitz peut-il lui-même être tenu pour responsable des massacres militaires et civils de la Première Guerre mondiale ou bien pour le plus farouche procureur contre la guerre d'anéantissement menée par Hitler ?
Grâce à son échec dans l'action, Clausewitz, tel Machiavel, a trouvé le loisir et la résolution d'achever au niveau de la conscience claire la théorie d'un art qu'il a imparfaitement pratiqué. Son héritage consiste en deux idées maîtresses : le principe d'anéantissement et la suprématie de l'intelligence politique sur l'instrument militaire. L'arme nucléaire confirme la deuxième et modifie le sens de la première.
"Monsieur l'Administrateur, mes chers Collègues,
Nul ne franchit sans émotion le seuil de cette illustre maison. Même si l'âge le devrait convaincre que, pour lui et pour son oeuvre, les jeux sont faits, même s'il a déjà goûté quelques-unes des satisfactions ambiguës qu'apportent les honneurs académiques, celui que vous avez, par vos suffrages, appelé parmi vous n'échappe pas à l'inquiétude. Personnellement, il me semble que je ressens les affres du candidat au moment de vous exprimer une gratitude dont je vous prie de ne pas mettre en doute la sincérité."
Raymond Aron
Maintenant que les idéologies qui avaient pour horizon l'Histoire et ses promesses ont replié leurs bannières, le marxisme réintègre sa place parmi les philosophies.
C'est exactement à quoi invitait Raymond Aron, voilà quelque trente ans, dans cette critique des saintes familles existentialiste et structuraliste : il faut, disait-il, remettre Marx à sa vraie place - celle non pas de l'avenir radieux du prolétariat mondial, mais d'un moment de la conscience philosophique occidentale.
"Ce cours n'est et ne veut être qu'une introduction, objective je pense, à l'étude d'un problème chargé de passions politiques. Il s'adresse non au spécialiste mais à l'étudiant et à l'honnête homme. Il n'impose pas de réponses dogmatiques, il dissipe les mythes : celui d'une évolution nécessaire du capitalisme au soviétisme, celui d'une convergence fatale des deux types de société industrielle, celui du caractère homologue des diverses phases de la croissance, quelle que soit l'époque et quel que soit le régime politique."
Raymond Aron.
"Les études rassemblées dans ce volume, dont quelques-unes remontent à l'avant-guerre, partent toutes d'un même projet : éclairer les problèmes que posent les péripéties de l'histoire contemporaine en les rapportant aux idées des philosophes classiques (Machiavel, Marx, Pareto, Max Weber, Alain) et aux systèmes de la science moderne politique à l'intérieur des États ou entre les États.
Le lecteur percevra l'écho du tumulte du forum dans ces études, engagées et détachées, d'un homme qui n'a jamais franchi le seuil de l'action, "spectateur impur" des batailles auxquelles il ne se mêle que par la plume ou la parole."
Raymond Aron.
La lutte de classes prolonge l'enquête des Dix-huit leçons sur la société industrielle. Les dix-huit leçons analysaient les caractères communs à toutes les sociétés industrialisées et aussi les différences spécifiques des types occidental et soviétique. Selon la même méthode, Raymond Aron analyse cette fois les groupes sociaux et les catégories dirigeantes dans la société de type soviétique et dans la société de type occidental. Il montre en quel sens il y a, en quel sens il n'y a pas de lutte des classes dans l'une et dans l'autre société. Une fois de plus il irritera les dogmatiques de tous les camps et il instruira ceux qui veulent comprendre le monde avant de le transformer.