Paru en 1955, L'Opium des intellectuels est une condamnation sans appel de la crédulité teintée de mauvaise foi et du dogmatisme dans lesquels se drape l'intelligentsia française de l'époque.Raymond Aron interroge avec la plus süre probité intellectuelle l'évolution des mots "gauche", "révolution" et "prolétariat", ces mots qui appartiennent au mythe qu'il désacralise.Car, questionne Raymond Aron, comment accpeter l'attitude des intellectuels devenus impitoyables face aux défaillances des démocraties dites "bourgeoises", et pourtant si complaisants pour les crimes perpétrés par les démocraties "populaires", comment ne pas saisir l'absurdité des amalgames politico-idéologiques qui ne font qu'aliéner un peu plus des intellectuels en quête de religion, idolâtrant l'Histoire comme on idolâtre un dieu ?En rupture avec la famille dont il est originaire, Raymond Aron ne se livre pas pour autant à un règlement de compte stérile. Il propose une réflexion dépassionnée, un combat sans haine, invitant à le suivre "tous ceux qui refusent dans les luttes du Forum, le secret de la destination humaine".
Le général de Gaulle est le personnage qu'Aron évoque le plus régulièrement dans ses mémoires.
De leur rencontre en 1940 à Londres, où les avait conduits leur commun refus de la défaite devant le totalitarisme nazi, jusqu'à la mort de de Gaulle, le destin des deux hommes est lié.
Cet ouvrage regroupe l'essentiel des articles écrits par le philosophe sur l'homme politique dans les différents journaux et revues auxquels il a collaboré : depuis la Résistance et la Libération, jusqu'au départ de de Gaulle en 1969, en passant par la sortie du bourbier de la guerre d'Algérie et la rédaction de la Constitution.
Aron approuve souvent l'action du général, notamment sur la Constitution, l'engagement contre le totalitarisme stalinien, la construction d'une défense nucléaire française indépendante ou la réforme de l'économie française.
Mais le respect, voire l'admiration, de l'intellectuel pour le grand homme d'État n'éteint jamais ni le sens critique ni la liberté de l'esprit ; et Aron, quand il l'estime nécessaire, sait prendre ses distances avec de Gaulle : sur son anti-américanisme
inutile, ses réticences à l'égard de la construction européenne, ou, de manière plus douloureuse en 1967, sa rupture avec Israël.
La préface inédite de Jean-Claude Casanova restitue l'horizon politique et intellectuel dans lequel ces textes furent écrits, en même temps qu'elle jette un éclairage personnel sur ce que fut la relation complexe entre Aron et de Gaulle.
Ce livre est issu de conférences données en avril 1963 à l'université de Californie, à Berkeley. Comme ces conférences étaient organisées par un Comité Jefferson, je choisis tout naturellement pour thème la liberté et me proposai de reprendre la vieille controverse sur les libertés formelles et les libertés réelles. Que vaut l'idée, popularisée par les marxistes, selon laquelle les libertés politiques, personnelles, iintellectuelles, n'ont aucune portée effective, seule une révolution touchant à la propriété des moyens de production étant de nature à garantir une liberté réelle ?
J'ai tâché de réondre à cette interrogation par trois sortes d'analyse. Dans un premier chapitre, je me suis reporté à l'origine du débat et j'ai confronté les doctrines d'Alexis de Tocqueville et de Karl Marx entre elles et avec le présent. Là où les libertés formelles ont été supprimées, en Europe de l'Est par exemple, elles apparaissent à ceux qui en sont privés étrangement réelles. Il est vrai, simultanément, que nous sommes tous marxistes en un sens : toutes les sociétés modernes ont l'ambition de construire l'ordre conforme à leur idéal et refusent de se soumettre à aucune fatalité.
Dans un deuxième chapitre, j'examine l'actuelle synthèse démocratique et libérale -libertés formelles, lois sociales, planification souple- et les critiques auxquelles elle est en butte, critique des purs libéraux d'un côté, critiques de socialistes insatisfaits de l'autre.
Enfin, dans un troisième chapitre, je m'interroge sur la compatibilité entre les nécessités de la civilisation technique et la liberté politique au sens strict du terme, c'est-à-dire la participation des citoyens et des élus aux affaires publiques.
Ce petit livre appartient, comme les précédents, à l'enquête que je poursuis, depuis de longues années, sur la civilisation moderne. J'emprunte aux penseurs du passé les questions qui demeurent actuelles parce qu'elles sont permanentes, mais je cherche les réponses dans l'observation du réel.
R.A.
Dissuasion, subversion, persuasion. Ce sont les trois concepts qui désignent les composantes principales des diplomaties-stratégies. Au terme de son enquête, Raymond Aron tente de définir la morale de l'action diplomatique, la stratégie qui donne la meilleure chance de sauver la paix sans sacrifier la liberté. Enfin en un exercice de pensée utopique, il cherche les conditions de paix par la loi.En 1962, lorsque cet ouvrage paraît, ces conditions ne sont pas réalisées et la paix se résume à l'absence ou à la limitation des guerres. L'analyse de Raymond Aron prend place en pleine guerre froide et explicite les rapports de force qu'impose l'arme nucléaire détenue par quelques puissances militaires.C'est aussi une réflexion sur le devenir de l'humanité.
Mai 68 n'aura-t-il été qu'un psychodrame bavard, selon la formule cruelle et lapidaire de Raymond Aron ?Dans La Révolution introuvable, l'observateur perspicace de l'actualité politique montre que par-delà le brouhaha des apparences, les risques étaient faibles que Mai 68 ne constitue un danger sérieux pour les institutions de la Ve République. Les deux grandes forces qui structuraient alors la vie politique française, le Parti communiste et le mouvement gaulliste, n'y avaient aucun intérêt.Comme l'analyse Philippe Raynaud dans sa préface inédite, Raymond Aron, en héritier de la grande tradition sociologique, fut également attentif à la crise essentielle de nos sociétés modernes dont Mai 68 fut un des premiers symptômes : la tension contradictoire entre la passion de l'égalité, la demande de reconnaissance des individus, et l'interdépendance croissante de chacun à l'égard de tous.
Raymond Aron est issu d'une famille de juifs lorrains assimilés et profondément patriotes. Comme Durkheim et Bergson, il est alors représentant de la culture à visée universelle agnostique, de la Troisième République. C'est en 1933, en Allemagne, qu'il rencontrera le problème juif en même temps que le tragique de l'histoire et la pensée philosophie allemande. Depuis lors, sa propre philosophie ne pouvait lui permettre d'écarter de sa réflexion sur l'histoire l'aventure du peuple juif. La brochure De Gaulle, Israël et les juifs, publiée en 1968, rééditée ici avec beaucoup de textes peu ou pas connus, s'inscrit dans l'interrogation et l'inquiétude de toute une vie. Dans ses conférences, ses entretiens et ses articles, Raymond Aron n'a cessé de s'interroger sur l'histoire et l'avenir incertain de l'État d'Israël et sur les liens qu'un citoyen français peut garder avec ce pays singulier.
Le présent ouvrage est le texte des leçons professées par Raymond Aron à l'École Nationale d'Administration en 1952. Il ne constitue pas un exposé de faits ou de doctrines mais une analyse conceptuelle de la démocratie moderne dans ses deux versions antithétiques : institutions représentatives des grands pays occidentaux d'une part, démocraties populaires de l'autre. Il s'attache à définir, au-delà de leurs idéaux proclamés (égalité, liberté, souveraineté populaire, avènement d'une société sans classe), leur réalité essentielle, leur logique interne, en un mot leur principe. La conquête du pouvoir résulte pour les premières d'une compétition pacifique ; son exercice fait appel à l'art du compromis : l'expression des mécontentements catégoriels nés d'un état social naturellement imparfait peut s'y donner libre cours. Dans les secondes les gouvernants tirent leur légitimité d'un processus révolutionnaire mené au nom d'une doctrine millénariste qui justifie l'élimination des opposants et l'emprise d'un parti unique sur l'ensemble de la vie sociale. Comment, à partir de ces prémisses, discerner leur évolution comme leur devenir ? Telle est, dans la lignée de la pensée politique classique, la question centrale de ce livre où Raymond Aron enseigne avec une rigueur méthodique exemplaire l'art de soumettre à la raison les passions politiques de notre temps.
De 1947 à 1977, par ses articles, Raymond Aron informa et fit réfléchir les lecteurs du Figaro. Il le fit à propos de la politique intérieure française mais aussi et surtout à propos des questions internationales comprises au sens large, comme il les entendait lui-même. C'est-à-dire en incluant la politique étrangère de notre pays, les rapports entre l'Est et l'Ouest, le mouvement communiste, la reconstruction et l'unification de l'Europe, le rôle central dans l'équilibre mondial de l'Amérique et de l'OTAN, l'évolution de l'économie et des échanges. Ainsi, pendant trente ans, il publia plus de 1 400 articles sur ces sujets. L'ensemble offre le tableau le plus complet, le plus lucide et le plus profond du monde de l'après-guerre, tel qu'il s'achève en 1990.
Chaque article est accompagné de notes destinées à éclairer, pour le lecteur d'aujourd'hui, les allusions à l'actualité et les polémiques de l'époque.
Ce recueil témoigne de l'activité de commentateur de « l'histoire se faisant » que fut Aron. Il regroupe les articles de politique intérieure parus de 1944 à 1977 dans les quotidiens Combat et Le Figaro, ainsi que dans divers hebdomadaires comme Terre des Hommes, Le Figaro Littéraire, ou revues généralistes, notamment Les Temps Modernes, Liberté de l'Esprit, Réalités, Preuves, Contrepoint. Les articles d'actualité publiés ici complètent les recueils Chroniques de guerre, La France Libre, 1940-1945 (Gallimard, 1990), Les articles de politique internationale dans Le Figaro de 1947 à 1977 (Éditions de Fallois, 1990-1997) et De Giscard à Mitterrand 1977-1983 (Éditions de Fallois, 2005).
De 1947 à 1977, par ses articles, Raymond Aron informa et fit réfléchir les lecteurs du Figaro. Il le fit à propos de la politique intérieure française mais aussi et surtout à propos des questions internationales comprises au sens large, comme il les entendait lui-même. C'est-à-dire en incluant la politique étrangère de notre pays, les rapports entre l'Est et l'Ouest, le mouvement communiste, la reconstruction et l'unification de l'Europe, le rôle central dans l'équilibre mondial de l'Amérique et de l'OTAN, l'évolution de l'économie et des échanges. Ainsi, pendant trente ans, il publia plus de 1 400 articles sur ces sujets. L'ensemble offre le tableau le plus complet, le plus lucide et le plus profond du monde de l'après-guerre, tel qu'il s'achève en 1990.
Chaque article est accompagné de notes destinées à éclairer, pour le lecteur d'aujourd'hui, les allusions à l'actualité et les polémiques de l'époque.
Journaliste autant que philosophe, et comme il l'a dit lui-même « spectateur engagé » de son époque, Raymond Aron a commenté chaque semaine, dans ses éditoriaux de L'Express, pendant six ans, de 1977 à 1983, les principaux événements politiques en France et dans le monde. La lecture de ces éditoriaux nous fait revivre ces années de crise et de bouleversements, en même temps qu'elle nous permet de voir à l'oeuvre un esprit remarquable par sa faculté d'analyse, la distance immédiate qu'il prend avec les événements pour éviter de céder aux passions, et l'attitude exemplaire d'un citoyen qui cherche à comprendre plus qu'à juger sans jamais sous-estimer le devoir de responsabilité.
De 1947 à 1977, par ses articles, Raymond Aron informa et fit réfléchir les lecteurs du Figaro. Il le fit à propos de la politique intérieure française mais aussi et surtout à propos des questions internationales comprises au sens large, comme il les entendait lui-même. C'est-à-dire en incluant la politique étrangère de notre pays, les rapports entre l'Est et l'Ouest, le mouvement communiste, la reconstruction et l'unification de l'Europe, le rôle central dans l'équilibre mondial de l'Amérique et de l'OTAN, l'évolution de l'économie et des échanges. Ainsi, pendant trente ans, il publia plus de 1 400 articles sur ces sujets. L'ensemble offre le tableau le plus complet, le plus lucide et le plus profond du monde de l'après-guerre, tel qu'il s'achève en 1990.
Chaque article est accompagné de notes destinées à éclairer, pour le lecteur d'aujourd'hui, les allusions à l'actualité et les polémiques de l'époque.
Après un quart de siècle de croissance économique, la société moderne doit affronter de nouveaux assauts : les uns, disciples fidèles ou infidèles de Marx, dénoncent ses échecs relatifs ou partiels, les îlots de pauvreté au milieu de la richesse, l'inégalité excessive de la répartition des revenus ; les autres, dont l'inspiration remonte à J.-J. Rousseau, voire aux romantiques, vitupèrent contre la barbarie de la « civilisation industrielle », la dévastation de la nature, la pollution de l'atmosphère, l'aliénation des individus manipulés par les moyens de communication, l'asservissement par une rationalité sans frein ni loi, l'accumulation des biens, la course à la puissance et à la richesse vaine.Le pessimisme ambiant, diffus à travers l'Occident, accentué en France par le choc des événements de mai-juin 1968, imprégnait déjà l'analyse, esquissée dans ce livre, de la modernité. Tout se passe comme si les désillusions du progrès, créées par la dialectique de la société moderne, et, à ce titre, inévitables, étaient éprouvées par la jeune génération des années soixante avec une telle intensité que l'insatisfaction endémique s'exprime en révolte. Du même coup, l'observateur s'interroge sur le sens de cette explosion, sur la direction dans laquelle la société moderne pourrait répondre aux désirs qu'elle suscite, apaiser la faim, peut-être plus spirituelle que matérielle, qu'elle fait naître.Les Occidentaux éprouvent-ils une sourde mauvaise conscience pour s'être réservé la meilleure part des profits de la science et de la technique, ou tendent-ils à se renier eux-mêmes, faute de trouver un sens à leurs exploits ? Relisons Spengler, Toynbee et Sorokine, et ne cherchons pas à prévoir l'imprévisible, le destin d'une civilisation, révoltée contre ses oeuvres et rêvant d'un paradis perdu ou à reconquérir.Raymond ARON1969
Par le plus grand analyste et philosophe politique français du XXe siècle, l'étude approfondie de la formation de la pensée et des oeuvres de Karl Marx, si souvent déformées par ses interprètes, est présentée ici pour la première fois de manière claire et strictement fidèle à ce que voulait faire Marx. C'est une « lecture » de l'ensemble des oeuvres de Marx, depuis les manuscrits de 1844 du « jeune Marx » jusqu'à la systématisation de sa pensée par Engels, en passant bien sûr par Le Capital. Le livre regroupe la lecture et les commentaires de Raymond Aron, donnés dans ses cours de la Sorbonne (1962-63).
Ces trois essais sur la droite, la décadence et la guerre ont été écrits, pour constituer les parties d'un seul livre.
Ces études ; si accidentelle qu'en soit l'origine, se rattachent à des préoccupations constantes. L'essai sur la droite reprend la confrontation des idéologies avec la réalité, objet même de l'Opium des intellectuels. L'essai sur la décadence, comme le Grand Schisme, est une méditation sur le destin de la France. L'essai sur la guerre prolonge les analyses des Guerres en chaîne avec cinq ans de recul, alors que se dessinent les grandes lignes d'une conjoncture substantiellement autre que celle des dix premières années.
L'unité de ce livre n'est pas seulement personnelle. Qu'il s'agisse de la France, des armes atomiques ou du conservatisme, je retrouve la même question : quelles sont les conséquences du fait qui commande le devenir de la civilisation moderne, le prodigieux accroissement des moyens de produire et de détruire ? Que peut-on, que veut-on conserver en un temps où le progrès de la technique interdit de stabiliser l'organisation du travail en commun ? Quel avenir est offert à des pays de dimension moyenne ? Quels caractères auront les conflits entre les États ?
Avouons-le : les raisons d'espoir, pour la plus grande partie de l'humanité, sont lointaines, les raisons de crainte sont immédiates. L'accroissement de la population en Asie a précédé celui des ressources. Le confort des Européens a dès aujourd'hui, l'abondance des États-Unis aura demain pour condition l'afflux de matières premières enfouies dans le sol d'autres continents. Tous les pays trouveraient leur profit au maintien d'un système pacifique d'échanges internationaux. Mais, si la science et l'industrie bouleversent l'ordre immémorial des sociétés, ni les individus ni les collectivités n'ont pour autant changé de nature. Cette constance nous rappelle que la cause dernière de l'espoir et de la peur n'est peut-être pas la technique de l'industrie et de la guerre mais le coeur de l'homme.
Comment utiliser diplomatiquement des armes de manière telle que l'on n'ait jamais à les employer militairement ? Telle est la question, simple et décisive, que pose l'existence des armes thermonucléaires dont la puissance destructive est sans commune mesure avec celle de toutes les armes du passé (une seule bombe thermonucléaire recèle une puissance explosive supérieure à celle de toutes les munitions consommées pendant les deux guerres mondiales).
Les analystes américains ont poursuivi depuis quinze ans recherches techniques et spéculations stratégiques afin de répondre à cette interrogation. L'administration Kennedy s'inspire d'une théorie élaborée, non par des militaires professionnels, mais par des universitaires ou des amateurs. Quoi que l'on pense de ces théories, il faut les connaître, faute de quoi on ne comprendrait ni les relations entre Union Soviétique et États-Unis, ni la querelle sino-soviétique, ni les controverses franco-américaines.
Dans son livre, Raymond Aron expose et discute la théorie américaine ; il pèse avantages et inconvénients de la force française de dissuasion ; il rend intelligible l'univers étrange de la diplomatie actuelle dans laquelle les ennemis sont en quelque sorte alliés contre la guerre et les alliés incapables de s'accorder, les États possesseurs de ces armes terrifiantes voulant garder, à défaut du monopole, le commandement exclusif de la stratégie de l'alliance, et les autres refusant la dépendance et la perte de la souveraineté militaire.
L'action extérieure des États-Unis diffère profondément de celle des États européens par suite d'une situation géopolitique sans équivalent en un siècle, les treize colonies de 1776 ont acquis à la fois les avantages de l'insularité et ceux d'une unité de· dimension continentale. Assurés de leur sécurité physique, les États-Unis jouissent au xxe siècle d'une liberté de choix qui s'est traduite par des violentes oscillations entre intervention et isolement, par de perpétuelles remises en question des politiques adoptées.
Depuis 1947, les États-Unis ont tenu le premier rôle dans le système interétatique cependant que leur économie constituait le centre du système commercial et monétaire. Je consacre une moitié du livre à la « grande politique », celle qui s'exprime dans les relations entre États, guerre froide et détente, l'autre moitié aux rapports économiques de l'État ou des firmes avec l'extérieur, plan Marshall, rôle du dollar en tant que monnaie transnationale, entreprises multinationales, investissements au dehors.
De cette confrontation entre les relations interétatiques et les rapports entre économies se dégagent deux sortes de problèmes ; jusqu'à quel point la grande politique a-t-elle été déterminée ou influencée par les intérêts du capital ? Jusqu'à quel point les investissements à l'extérieur constituent-ils une forme nouvelle d'impérialisme ?
La période 1947-1972 aboutit d'une part aux visites de Nixon à Pékin et à Moscou, d'autre part à fa crise du dollar et finalement à la réélection triomphale de l'ancien croisé de la guerre froide. Entre la diplomatie impériale des vingt-cinq dernières années et l'isolationnisme, le Président va tracer, au cours des quatre prochaines années, une voie intermédiaire, en un système que la querelle sino-soviétique et la nouvelle diplomatie de Washington ont profondément transformé.
Ce livre, issu de conférences à l'Université de Harvard en octobre 1957, est une tentative pour faire comprendre à des étrangers la situation diplomatique, politique et économique de la France à la fin de la IVe République et au seuil de la Ve.
Comment fonctionnait le système, c'est-à-dire le parlementarisme anarchique d'hier ? Quels progrès avaient été accomplis par l'économie en dépit de l'inflation et du déficit de la balance des comptes ? Pourquoi la dissolution de l'Empire français, à tant d'égards comparable à celle de l'Empire britannique, a-t-elle été marquée par deux grandes guerres, celle d'Indochine et celle d'Algérie, qui ont finalement emporté la IVe République et amené, avec le retour du général de Gaulle, l'instauration d'un régime sas précédent dans l'histoire de France ? La Ve République respecte les formes constitutionnelles de la démocratie, mais concentre la réalité du pouvoir dans les mains d'un seul homme élu pour sept ans.
Je n'ai pas dissimulé mes propres opinions mais j'ai cherché à ne pas être partisan. Les récentes vicissitudes de la politique française m'ont rappelé une formule d'Alexis de Tocqueville qui date d'un siècle à peu près : « Un peuple tellement inaltérable dans ses principaux instincts qu'on le reconnaît encore dans des portraits qui ont été faits de lui il y a deux ou trois mille ans, et, en même temps, tellement mobile dans ses passions journalières et dans ses goûts qu'il finit par se devenir un spectacle inattendu à lui-même et demeure aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu'il vient de faire. »
Vainqueurs et vaincus d'aujourd'hui y trouveront un commentaire de leur bonne ou de leur mauvaise fortune, une leçon, pour les uns de modestie, pour les autres d'espoir.
D'un bout à l'autre de la planète, des hauts fourneaux surgissent, le pétrole jaillit du sol, les ouvriers s'entassent dans les usines. A travers les cinq continents, les mêmes mots sont employés, les mêmes valeurs proclamées, les mêmes buts visés. Un type de société, la société industrielle, sans précédent dans l'histoire, est en train de devenir le modèle pour l'humanité entière. Tel est le fait décisif qui sert de base au rapport de Raymond Aron et aux colloques de Rheinfelden, qui ont trouvé tant d'échos dans la presse de tous les pays, comme pour témoigner encore de ce caractère universel du temps que nous vivons. Si l'industrialisme est la loi de notre époque, quel est le sens du grand schisme entre les deux sociétés industrielles d'Union soviétique et des Etats-Unis ? La similitude de l'organisation sociale entraînera-t-elle le rapprochement des idéologies, l'atténuation de la rivalité diplomatique ? Comment les sociétés encore peu développées réussiront-elles à s'industrialiser ? Par quelle méthode ? Au-delà de ces controverses sociologiques, les philosophes, savants, juristes, sociologues réunis à Rheinfelden, ont discuté le problème central que pose et qui dépasse la société industrielle : quelle est la valeur de ce nouveau type social ? La production, l'abondance, l'efficacité ne sont pas buts, mais moyens. Le but est la vie bonne, la société bonne. Et par là, l'humanité, aux prises avec le délire technique, retrouve les questions éternelles de Socrate, du Christ, de Bouddha. Robert Oppenheimer, George Kennan, Raymond Aron, Bertrand de Jouvenel, Asoka Mehta, bien d'autres encore, venus de tous les horizons et de toutes les disciplines, retrouvaient une langue commune pour répondre à cette commune interrogation.
Ce volume réunit deux cours inédits prononcés au Collège de France, entre 1972 et 1974. Trente-cinq ans après l'Introduction à la philosophie de l'histoire, ces Leçons restituent la tonalité propre d'un enseignement, témoignent de l'extraordinaire ouverture d'une pensée constamment mise à jour et accessible à la rectification.
Revenant sur les problèmes de la connaissance historique, Raymond Aron intègre à sa réflexion, dominée autrefois par la sociologie allemande (de Dilthey à Weber), l'apport des auteurs anglo-saxons contemporains. Tentative périlleuse, tant les deux traditions semblent hétérogènes. Les Allemands abordaient directement la question de l'objectivité des sciences historiques. Les Anglo-Saxons analysent les énoncés pour discerner ceux qui sont véridiques et ceux qui ne le sont pas : c'est dans ce cadre qu'ils examinent le langage de l'historien comme langage sur des événements passés. Entre deux approches aussi différentes, rien d'étonnant si le dialogue est rare et parfois difficile.
Raymond Aron montre pourtant que, appliquée aux sciences de l'homme. La philosophie analytique retrouve une interrogation centrale dans la tradition allemande : la connaissance de la réalité humaine présente-t-elle, par rapport à celle de la nature, des traits originaux ? Issue de Dilthey, cette redoutable question, retravaillée par Hempel, Dray, ou Danto, est ici développée dans sa portée concrète : explique-t-on la décision de Hitler d'attaquer l'URSS comme on explique la chute des corps ? Ou encore : quelle est la responsabilité des dirigeants dans les crises internationales ?
En faisant dialoguer les deux principales traditions intellectuelles où s'est développée la réflexion entre les sciences humaines - courant allemand et courant anglo-saxon -, en traduisant les apports de l'une dans le langage de l'autre, c'est le rôle de l'homme dans l'histoire et le tragique de l'action politique que nous convie à méditer la parole vivante de Raymond Aron.
Raymond Aron est inclassable. Intellectuel anticonformiste, il est allé à contre-courant des idées dominantes de l'intelligentsia de gauche. Il a eu raison avant les autres sur la nature du régime soviétique, du stalinisme. Et dans les années 1950, il a eu le courage de tenir sa position, tout en accomplissant une oeuvre scientifique indiscutée.
À la fois journaliste, sociologue, historien, philosophe, Raymond Aron retrace, dans ces entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, son itinéraire politique et intellectuel. Dans ce dialogue vif, stimulant, il analyse les grands événements qu'il a vécus en un demi-siècle. La montée de Hitler au pouvoir, le Front populaire, Munich, la débâcle, Vichy et la Résistance, le génocide, la guerre froide, ses polémiques avec Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty, la construction européenne, la stratégie nucléaire, l'Algérie et la décolonisation, le gaullisme, Mai 68, l'Union de la gauche...
On découvre dans cette réédition du Spectateur engagé une conception de l'Histoire qui laisse sa part à la liberté des hommes, un plaidoyer pour la démocratie occidentale, mais aussi une personnalité complexe, lucide et passionnée.
Raymond Aron ne pouvait manquer de s'intéresser à Machiavel. Qu'il ait laissé une étude originale sur la pensée politique du secrétaire florentin est moins banal. Dans cette étude inédite, il dessine les fondements pessimistes d'une certaine philosophie politique européenne, sensible aussi au XIXe et au XXe siècles chez Nietzsche, puis Pareto ; il souligne la responsabilité de Machiavel dans « la prise de conscience » des moyens machiavéliques ; mais sa véritable originalité est de révéler le rôle essentiel, central, de la politique extérieure dans la conception machiavélienne de l'État, conduisant à une « politique de puissance ».
Ces inédits de 1938-1940 sont aussi l'une des toutes premières études françaises sur le phénomène totalitaire compris historiquement et sociologiquemen1 comme ensemble : suite de sa réflexion sur Machiavel et Pareto qui anticipe la perspective de Hannah Arendt et ses propres réflexions des années 50-60, notamment dans Démocratie et totalitarisme.