Pour quelqu'un de ma génération, né après la Seconde Guerre mondiale et désireux de savoir comment il se serait comporté en de telles circonstances, il n'existe pas d'autre solution que de voyager dans le temps et de vivre soi-même à cette époque.
Je me propose donc ici, en reconstituant en détail l'existence qui aurait été la mienne si j'étais né trente ans plus tôt, d'examiner les choix auxquels j'aurais été confronté, les décisions que j'aurais dû prendre, les erreurs que j'aurais commises et le destin qui aurait été le mien.
Cet ouvrage a paru dans la collection Paradoxe en 2013.
Bien qu'impossible (peut-être même parce qu'impossible, tant la théorie littéraire s'est habituée à avoir réponse à tout...), l'exercice s'avère passionnant. Il conduit à lentement nous rapprocher de ce qui constitue le véritable objet de cet essai, à savoir le "point de bascule". À quel moment un individu passe-t-il d'un côté ou de l'autre de la zone grise où chacun se contente de cultiver son jardin ? (Jean-Louis Jeannelle, Le Monde)
L'étude des différentes manières de ne pas lire un livre, des situations délicates où l'on se retrouve quand il faut en parler et des moyens à mettre en oeuvre pour se sortir d'affaire montre que, contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu'un qui ne l'a pas lu non plus.
On ne cesse d'affirmer, depuis l'Antiquité et plus encore depuis Freud, qu'OEdipe aurait tué son père.
Mais cette accusation ne résiste pas à l'examen. En menant avec rigueur l'enquête sur les circonstances du meurtre et en révélant l'identité de l'assassin, ce livre montre que des pans entiers de notre culture reposent sur une erreur judiciaire.
On ne cesse de critiquer les informations fausses, en méconnaissant tout ce qu'elles apportent à notre vie privée et collective. Elles ne sont pas seulement, en effet, source de bien-être psychologique, elles stimulent la curiosité et l'imagination, ouvrant ainsi la voie à la création littéraire comme aux découvertes scientifiques.
Ce livre prend leur défense.
Aucun texte littéraire n'a probablement suscité autant de lectures et d'interprétations qu'Hamlet et n'a fasciné à ce point les critiques, qui n'ont cessé de débattre des ambiguïtés et des contradictions de la pièce, s'interrogeant sur les circonstances mystérieuses dans lesquelles est mort le père du héros.
Mais tous ces auteurs parlent-ils bien du même texte ? Ce dont témoigne Hamlet, en raison du nombre de ses commentaires, est la difficulté, dans l'échange littéraire, à éviter le dialogue de sourds. Il est en effet impossible, quand nous discutons d'une oeuvre, de sélectionner des passages identiques, de les percevoir à travers des théories semblables, d'inventer des questions qui ne soient pas marquées par une époque et par la personnalité de celui qui les pose. Bref, de parler de la même chose que les autres lecteurs.
Trouver la solution à ce problème du dialogue de sourds est pourtant un passage obligé si nous voulons reprendre l'enquête inachevée sur la mort du père d'Hamlet. Et tenter, en reconstituant ce qui s'est passé il y a cinq siècles à Elseneur, de résoudre l'une des plus vieilles énigmes criminelles de la littérature mondiale.
« Après Qui a tué Roger Ackroyd ?, brillant Cluedo à partir d'Agatha Christie, le nouvel essai de Pierre Bayard pose à son tour "THE" question : qui a tué le père d'Hamlet ? Notre Hercule Poirot psychanalyste n'a rien perdu de son humour, ni de l'intelligence ludique propre à chacune de ses investigations littéraires. Son Enquête sur Hamlet se propose d'élucider une énigme qui préoccupe depuis quatre siècles les amateurs de Shakespeare : Claudius est-il vraiment l'assassin ? » (Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles)
Paru en 2002, Enquête sur Hamlet est le deuxième volume d'une trilogie qui comprend aussi Qui a tué Roger Ackroyd ? et L'Affaire du chien des Baskerville. Ces ouvrages de « critique policière » visent à résoudre des énigmes criminelles tout en menant une réflexion sur la littérature.
À l'image du romancier américain Morgan Robertson, qui raconta le naufrage du Titanic avec quatorze années d'avance, les créateurs semblent disposer d'un accès privilégié vers l'avenir, qui leur permet d'anticiper les guerres, les dictatures ou les catastrophes naturelles.
Prendre la mesure de cette capacité prémonitoire ne devrait pas seulement inciter à leur confier des responsabilités politiques et à les associer aux recherches de la science, mais aussi à remettre en cause notre lecture des oeuvres ainsi que notre représentation de l'histoire littéraire et artistique.
Ce livre est le troisième volume d'une trilogie qui comprend également Demain est écrit et Le Plagiat par anticipation.
Alors que la psychanalyse appliquée recourt à des modèles constitués pour lire les oeuvres littéraires - avec le risque de donner toujours des résultats identiques -, la méthode que nous présentons ici, appelée littérature appliquée à la psychanalyse, recherche dans les oeuvres et dans leurs représentations singulières de la vie psychique des éléments permettant de construire de nouveaux modèles.
En effet, d'Homère à Chrétien de Troyes et de Shakespeare à Proust, les écrivains ont proposé sur nous-mêmes des hypothèses qui ne se confondent pas avec celles de la psychanalyse. Plutôt que d'interpréter leurs oeuvres au moyen d'une théorie extérieure, pourquoi ne pas prendre au sérieux leur capacité de penser ce qui nous échappe, en prolongeant leurs intuitions et en mettant en forme les théories originales qu'ils esquissent ?
Il est vrai qu'une telle méthode n'a guère de chance de fonctionner. Mais si ce projet se révèle impossible pour une série de raisons que ce livre détaille, un travail de réflexion sur une méthode inopérante - alors que sont sans cesse privilégiées les méthodes efficaces - permet d'étudier avec précision les contraintes que la critique exerce sur le texte et les difficultés qu'elle rencontre, mais aussi ses motivations inconscientes et son noyau de délire, bref d'interroger l'acte de lecture.
La littérature peut-elle prédire l'avenir ? La question se pose devant le nombre d'écrivains qui, d'Oscar Wilde à Virginia Woolf ou de Proust à Kafka, anticipent sur les événements majeurs de leur existence - rencontres, accidents, disparitions - et ne semblent pas seulement marqués par ce qui s'est produit hier, mais par ce qui leur arrivera demain.
S'il est vrai que la littérature puise une partie de son inspiration dans le futur, il convient d'en tenir compte dans notre perception des oeuvres et de découvrir des conjugaisons nouvelles, de rechercher les traces stylistiques des événements qui n'ont pas encore eu lieu et de raconter la vie des écrivains dans le bon sens, c'est-à-dire en commençant par la fin.
Parmi tous les gestes qui ont scandé la vie de lecteur de Jean Bellemin-Noël, le plus notable est d'avoir, en fondant la textanalyse, débarrassé la critique freudienne de l'écrivain. Geste doublement scandaleux, dans la mesure où l'écrivain est une institution dans le champ littéraire et l'homme le centre vivant de l'activité analytique. Les débats suscités par ce geste, comme par la notion d'inconscient du texte, ne peuvent dissimuler l'influence de la textanalyse et sa remarquable fécondité. Car il est de fait, que la décision de lire sans l'auteur, autrefois impensable, s'est imposée dans le champ des lectures freudiennes, et que l'oeuvre de Jean Bellemin-Noël a joué un rôle décisif dans ce développement. Prenant appui sur ses propositions, les auteurs de ce livre étaient invités à réfléchir, soit sous une forme théorique, soit par le biais d'une lecture de texte, à ce que signifie aujourd'hui le fait de lire avec Freud. Ainsi, cet hommage à l'oeuvre de Jean Bellemin-Noël est-il le prétexte, à partir des problèmes qu'elle pose, à une interrogation plus large sur l'état actuel de la critique freudienne.
Quelle est l'origine de la royauté ? Quel est son symbolisme ? Quels étaient les pouvoirs magiques des premiers rois ? Autant de questions tout aussi mystérieuses que passionnantes. À travers le sacre des rois de France, les auteurs se livrent à une enquête qui nous entraîne dans un passé fabuleux dont les influences restent encore vivantes.