Le sonnet occitan n'avait jusqu'à présent fait l'objet d'aucune étude d'ensemble, les historiens des littératures française et européenne l'ayant toujours pratiquement ignoré. Et pourtant, le nom même de sonnet, revenu en France par l'italien, est d'origine occitane, les premiers sonnets occitans (écrits par des Italiens) ont précédé de quelque trois siècles l'apparition des premiers sonnets français ; le Provençal Bellaud de la Bellaudière, contemporain de Ronsard a écrit plus de sonnets que Pétrarque, le Gascon Bertrand Larade, un peu plus tard, plus que Camoens, le Provençal Michel Tronc plus que Quevedo, etc. Et le sonnet, avec la Renaissance provençale et occitane des XIXe et XXe siècles, a continué d'inspirer un nombre considérable de poètes : romantiques, parnassiens, symbolistes ou même, aujourd'hui encore, résolument tournés vers une incontestable modernité poétique. Il paraît désormais impossible de ne pas tenir compte, dans une approche globale du sonnet européen, de la contribution des sonnettistes occitans.
Bien des cansós, baladas, pastorèlas, dansas, albas, resteront à jamais perdues. Or l'importance reconnue à tel ou tel troubadour dépend beaucoup du nombre de pièces et de mélodies arrivées jusqu'à nous. C'est ainsi que les auteurs ici présentés sont réputés «mineurs», parce qu'un petit nombre de leurs oeuvres a franchi les aléas de la transmission manuscrite. Pourtant la qualité de leurs compositions amène le lecteur à l'admiration et à la reconnaissance. Troubadours «mineurs» des XIIe et XIIIe siècles, chantres du XIVe et poètes des Jeux Floraux toulousains, tous ont illustré une littérature prestigieuse qui nous parle encore aujourd'hui. Les revoici, dans soixante compositions que Pierre Bec arrache à l'oubli. De ces merveilles de poésie occitane, chaque morceau sera savouré deux fois : dans la langue des créateurs et, ensuite, dans l'agile traduction de Pierre Bec.
Ces « Écrits » sur les troubadours s'échelonnent sur quelque trente ans de recherche et de réflexion sur la lyrique occitane du Moyen Âge et les lyriques parallèles. Ils groupent divers articles publiés essentiellement dans des revues et excluent, à l'exception de deux cas (les n°s 1 et 9), des contributions que j'ai plus ou moins reprises dans mes différents livres et qui sont de ce fait aisément accessibles. De plus, pour mettre un peu d'ordre dans une production qui pourrait paraître disparate, j'ai classé ces 19 articles indépendemment de leur date de parution en cinq centres d'intérêt, correspondant à des approches assez différenciées, mais toutes bien axées sur un seul et même phénomène socio-culturel, dont les exégèses les plus diverses sont encore loin, me semble-t-il, d'avoir épuisé la passionnante complexité.
Qui ne s'est jamais interrogé sur ses origines ? Il y a des peuples dont il est malaisé d'appréhender la réalité. Les Gascons d'aujourd'hui se définissant plus volontiers comme « habitants du Sud-Ouest » n'échappent pas à cette règle. Quant à la Gascogne, bien peu savent la situer avec précision tant ses limites territoriales ont fluctué au cours de l'histoire. Se pose aussi la question de l'avenir de notre région, de son identité et de sa culture spécifique au sein d'une Europe des peuples. En mai 1983, le Cercle gascon A nòste Qu'èm organisa à La Teste de Buch, une exposition consacrée à la culture gasconne. Au cours de ces journées, eut lieu une soirée publique sur le thème « le gascon, origine, histoire, avenir » avec les intervenants suivants :
- Robert Escarpit, professeur de sciences de l'information et de la communication à l'Université Michel de Montaigne (Bordeaux III) : « Je suis Gascon » ;
- Pierre Bec, professeur de littérature médiévale à l'Université de Poitiers : « La langue gasconne et son histoire » ;
- Michel Rouche, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Lille III :« La naissance de la région » ;
- Christian Coulon, chargé de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique : « Les régionalismes en Gascogne »
Cette conférence fit l'objet d'une première publication en 1984. C'est donc une nouvelle édition de ces textes qui n'ont rien perdu de leur pertinence que nous proposons ici aux lecteurs.