Pour Paul Dakeyo, le livre est devenu une passion que son cour pèse et soupèse à chaque instant de sa vie, tandis qu'il laisse son génie créateur s'illustrer, pour notre plaisir, dans des recueils de poèmes jaillis de la terre arable du songe, comme dirait Saint-John Perse, le songe, précisément, des siècles d'errance et de tribulations de son peuple noir agenouillé, tout habillé de prières, aux limites saintes de son horizon. Et c'est ainsi que nous verrons défiler « Les barbelés du matin », « Le cri pluriel », « Chant d'accusation », suivi de « L'espace carcéral », puis « J'appartiens au grand jour » (Prix européen de Poésie) aux éditions Saint-Germain-des-Prés à Paris, et un coup de sang, « Soweto, soleils fusillés » paru aux éditions Droit et Liberté. Des ouvres alignées d'une belle coulée sonore, des impulsions de la mémoire qui ont pris tout d'un coup l'aspect d'une consécration. Elles occupent fort bien la place qui leur est faite par des juges difficiles qui n'auront pas été abusés par l'effet de surprise. Ce sont des poèmes qui passent comme des vents de sable et n'épargnent rien, où nous avons pu admirer les cuivres d'un langage porté à son point extrême d'incandescence. Une voix qui ranime les grands pans de nos croyances fauchées par le vent de l'Histoire. Il s'agissait de dire avec les épices nécessaires, de convoquer à la rencontre des hommes, les forces énergétiques qui ont longtemps dormi dans le mystère ignoré des minerais obscurs. Et nous pensons ici encore à Saint-John Perse : « Et le poète est avec vous. Ses pensées parmi vous comme des tours de guet. Qu'il tienne jusqu'au soir, qu'il tienne au regard sur la chance de l'homme ! » Au fond, on pourrait se demander si l'écriture n'est pas, pour Paul Dakeyo, ce qu'il aime le plus, une cible qu'il veut atteindre et blesser ou caresser (c'est identique) par le truchement de l'édition ? La dernière opération sera l'alliance de l'encre et du sang. Et les éditions Silex indiquent le passage d'une dimension à une autre, du chaos émotionnel à l'harmonie spirituelle dans un monde rénové, du feu à l'ordonnance de ce feu. Et le poète noir camerounais se fait le conquérant d'un territoire neuf : La femme où j'ai mal.
Mandela, ce nom lancé à travers siècle, comme celui de Gandhi ou Luther King, appelle les hommes à se défaire des frontières, à se garder des hérissements qu'en tous lieux elles provoquent. Hauteur, passion de l'âme noire, Mandela marche en nos devants. Il guérit les ébréchures de la terre qui s'imposent trop souvent au sens commun. Exposé aux grands outrages, il lave en nous le flux amer qui assaille le continent d'humanité. Visage semblable à celui d'un soleil vaste ôtant lumière du fourreau, ôtant le cour et la pensée des préjugés qui les dominent, ôtant l'audace des bontés du venin des lassitudes. Bien-aimé de nos jeunesses et bâtisseur de ces jeunesses, offrant les clefs d'un avenir qui se refuse à être vain. Entre tes mains, la joie du monde à reconstruire, le déni de ce qui offense et qui meurtrit. Entre tes mains mêlées aux nôtres, la terre rude, notre origine à dépolir.
Dans Moroni, cet exil, un autre palier du chant « volcan » a fait son apparition parmi les strates de mots tourbillons, se répondant en écho, comme pour libérer le plein d'angoisse qui pèse lourd sur le coeur d'un père, sur la peau ? noire ? parmi les potins de « Babylone », la ville du mal, capitale de la République aux lois à plusieurs vitesses. Le poète ne passe plus par quatre chemins pour dire les ignominies d'un monde social et son organisation judiciaire qui le traquent, le jettent en prison et le contraignent à l'exil. La poésie s'empare de l'histoire personnelle, l'élargit à celle du groupe dont la cause n'est jamais gagnée d'avance. Moroni devient alors le lieu d'accueil, l'île hospitalière aux souvenirs d'où émergent ces images apaisantes : celles d'un père parmi ses enfants, comme le montre la quatrième de couverture. Le poète retrouve sa vraie terre lorsqu'il baigne dans l'affection de ses enfants ?
Cette anthologie, que nous donne à lire PauI Dakeyo, entend dévoiler dans leur nudité, diverses formes d'expression poétique qui sous-tendent la parole littéraire au Cameroun. Si elle se borne à la poésie de langue française, c'est pour mieux la circonscrire en témoignant de ses possibilités, de son itinéraire, de son identité Plus de cinquante poètes - des précurseurs aux nouveaux venus- sont ici convoqués. Par-delà quelque variété de ton et d'écriture, quelque entrelacs de thèmes et de symboles, il y a, chez ces poètes, une même exigence de fidélité à une terre commune. Car ils portent chacun la marque de leur situation historique.
À MON PEUPLE À LA MÉMOIRE DE SES MARTYRS EN ATTENDANT LA LIBERTÉ
Les poètes sud-africains, qu'ils soient en exil ou qu'ils vivent encore sur le sol natal, ont tous le même accent de sincérité qui ne trompe pas. Et, si la vie quotidienne est faite de haine et d'amertume, de souffrances et de désillusions, leur poésie sait aller au- delà du simple militantisme pour tendre vers un idéal de justice, vers un monde plus humain.
Paul Dakeyo, poète camerounais, se voit comme le réceptacle des occurrences de la vie. Il « porte en lui le temps furieux ». S'il existe en tant qu'individu, il n'oublie pas qu'il est « de ceux qu'on opprime ». Comme Africain, il a des visions bouleversantes de son pays, éprouve l'exil, le mal de l'immigré, et souhaite que son « cri surgisse de la nuit ». Partout où l'homme souffre, au nom de la « misère-élément », il est présent. Il lance des vers vengeurs, en flammes, sur les toits des prisons. Le « Cri pluriel », ce cri unanime, contre ceux qui ont tué Lumumba, Guevara, Cabrai, Allende, N'Krumah... Comme l'écrit son préfacier, le professeur Tidjani-Serpos Noureini, chez Dakeyo, « le lyrisme n'exclut pas la lucidité ». Cette « voix dit que dans la grisaille ambiante quelques jeunes refusent d'être de pâles imitateurs des sectateurs de la Négritude ». Ces poèmes de combat sont suivis d'une conférence de Pierre Fougeyrollas intitulée Le défi de la sécheresse et la lutte des classes en Afrique soudano-sahélienne. Selon l'essayiste, la sécheresse récente et son cortège de famine, le long du bassin du Niger, est une lointaine conséquence du déséquilibre économico-démographique apportée par la colonisation, soucieuse hier de ses intérêts, et encore aujourd'hui par bourgeoisie interposée. Le développement « rentable » des cultures d'arachide, de coton ou de gomme arabique a été fait au détriment de la culture du mil - qui représente pour une zone s'étendant « du Sénégal et de la Mauritanie à l'Éthiopie et à la Somalie, englobant, en outre, le Mali et la Haute-Volta, le nord du Dahomey, du Nigeria et du Cameroun, le Niger, le Tchad et le Soudan » - ce que le riz est pour l'Oriental. Seule « une rupture brutale ou progressive, des économies de ces continents par rapport au marché mondial et leur transformation d'économies extraverties en économies autocentrées » pourrait éviter la famine, conclut l'auteur au terme de son analyse. Pierre Fougeyrollas ne voit pas d'autre solution pratique que la Révolution africaine.
Voici donc les Actes du dernier colloque du CERPANA qui s'est tenu à Montpellier les 7 et 8 décembre 1985. Il nous semble qu'il a été utile, parce qu'il a permis à des spécialistes de diverses disciplines ou universités de se rencontrer et de confronter leurs problématiques. Nous y sommes d'autant plus sensibles que depuis un an, nous avons organisé à l'université un Diplôme d'Études Approfondies interdisciplinaires africaines qui recouvre quatre secteurs de recherche : histoire, géographie, anthropologie, littératures. Comme le lecteur pourra le constater, les participants à ce colloque « Littératures et Anthropologies » venaient d'horizons très divers. Il a également permis à nos collègues de rencontrer le centre de Vérone, en la personne d'Itala Vivan, ce qui a fourni à notre ami André Viola l'occasion de composer un « limmerick » : There was a Lady from Verona Who had travelled all alone But when she arrived at the Hotel She found that they had raised Hell And said she would sleep on her own ! Ce séminaire nous a également permis de renforcer nos relations culturelles avec l'université de Harare, au Zimbabwe (voir le texte joint en annexe). Le prochain colloque du CERPANA se tiendra à Montpellier en mai 1987. International, il aura pour thème : Les littératures de l'Afrique australe : les situations et leurs représentations littéraires (Afrique du Sud, Zimbabwe, Botswana, Namibie).
Le Cameroun, comme bon nombre de pays en développement en général, et de pays africains de la zone franc en particulier, a été plongé dans une profonde crise, depuis le milieu des années 1980. Trois des principales causes à cette crise sont i) la dégradation des termes de l'échange en raison de la baisse des cours internationaux des principaux produits de base, ii) la baisse du dollar qui a amplifié celle des recettes d'exportation et iii) les politiques de dépréciation agressive des pays voisins, notamment le Nigéria. Des voies de sortie se sont avérées être des ajustements aussi bien internes qu'externes. Entre autres instruments d'ajustement, la réforme fiscale et douanière dans la zone de l'Union douanière et économique de l'Afrique centrale (UDEAC) devait permettre une régulation des équilibres macro-économiques dans les États membres en général, et au Cameroun en particulier. Les objectifs principalement visés par la réforme fiscale et douanière dans la zone UDEAC étaient i) l'amélioration de la capacité de collecte de recettes des structures tarifaires et fiscales des États membres, ii) l'amélioration de l'efficacité et de la compétitivité du secteur manufacturier dans chacun des États par l'élargissement de la base fiscale pour des taux uniformisés et réduits, iii) la définition d'instruments de fiscalité indirecte flexibles et iv) la simplification de la structure fiscale pour son administration facile et la transparence de celle-ci.
Depuis les indépendances politiques, les voix des Poètes d'Afrique s'amplifient et se répandent dans la houle vaste comme l'univers. Elles se font parole et violence, révolte et passion, afin de créer des terres nouvelles, où la vie serait le produit de toutes les mains, de tous les regards. Où la paix serait partagée unanimement, dans tous les cours. La présente Anthologie, établie par Martine Bauer et Paul Dakeyo, reprend les cris éparpillés en large des angoisses et des peurs mal tues. A partir d'extraits dispersés dans des revues ou dans des publications restreintes et confidentielles d'auteurs, ils ont cherché surtout à affirmer la dynamique et la vitalité des ouvres africaines. En même temps, ils ont étendu tout le panorama et le répertoire des Poètes, en apportant des traductions françaises des poèmes en langue anglaise, portugaise, arabe, etc.
Un ouvrage essentiel, qui permet de mieux comprendre la manière dont les Poètes des temps actuels nomment leur terre, et de mieux inscrire le sens de la poésie totale, dans l'itinéraire des activités littéraires de l'Afrique contemporaine.
Nous avons rassemblé dans cet ouvrage, vingt et une communications, présentées lors du colloque de PApela : Islam et Littératures africaines, qui s'est tenu à Paris, à la Maison des Cultures du Monde, les 10 et 11 octobre 1985. Pour ceux de nos lecteurs qui ne seraient pas des familiers de l'Association pour l'Études des Littératures Africaines, nous allons brièvement rappeler ses buts avant de passer à une réflexion sur le contenu de ce livre. L'Association a été créée en Octobre 1983 à l'initiative de quelques amis, universitaires, écrivains et journalistes unis par leur commun intérêt pour la littérature - orale et écrite - du continent noir. Elle « a pour but de développer la connaissance, l 'analyse et la diffu sion , notamment par l'enseignement, des 1 littératures africaines et de promouvoir la contribution de ces littératures à la communication interculturelle par des publications, l'organisation de rencontres, d'expositions et de manifestations diverses. »* L'Association publie deux bulletins par an, contenant des informations sur tous colloques ou rencontres ayant lieu en France ou à l'étranger concernant les littératures africaines, des nouvelles d'Afrique et d'ailleurs, des notes de lecture. En mars 1984, l'Apela a participé au colloque organisé par l'Université de Bordeaux III sur le thème « Littératures et enseignements ». Les Actes de ce colloque ont été publiés.