Ce numéro marque le centième anniversaire de naissance du poète, né le 13 juin 1912. Il propose des relectures qui éclairent des zones peu explorées jusqu'ici de l'oeuvre de Garneau ou abordent celle-ci en dialogue avec d'autres oeuvres, d'ici comme d'ailleurs, d'hier à aujourd'hui. Ces différents types d'« accompagnements », selon un terme bien garnélien, ouvrent l'oeuvre à des résonances nouvelles et la situent dans le contexte transnational de la littérature et de l'art. Les analyses portent sur l'ensemble de l'oeuvre de Garneau, de la poésie aux écrits intimes (journal, lettres) en passant par les oeuvres picturales et jusqu'aux traductions anglaises des poèmes. Ces diverses relectures ont en commun de chercher à situer le texte de Garneau dans un horizon élargi.
De Walter Benjamin à Thomas Pavel, le roman est considéré comme le lieu et le moyen par lesquels l'être humain résout ou du moins expérimente ce qu'on pourrait appeler le « problème de vivre ». L'orientation de l'éthique vers la notion de vie humaine au cours des dernières années suscite d'ailleurs un intérêt accru de la philosophie morale pour la littérature. Au même moment, la question de la valeur est débattue dans le champ des sciences humaines. La littérature elle-même en vient à représenter une valeur, valeur du présent et valeur de pérennité, au sein d'un processus qui institue le « contemporain » en objet d'étude. L'intérêt pour les vies vécues et les modèles d'expérience se densifie, au point qu'une valeur exemplaire est recherchée dans la littérature par les écrivains comme par les lecteurs. Un rapport à l'histoire et à la responsabilité des générations vis-à-vis de leur mémoire et de leur futur est ainsi convoqué, à travers lequel se déploie une pensée de l'historicité, à savoir de la force des oeuvres - qu'elles soient actuelles ou anciennes - pour dire notre présent.