Les études réunies sous le titre générique Le choc des cultures traduisent le questionnement scientifique de Michel Rouche qui effectua un travail de pionnier dans le champ de l'histoire du Haut Moyen Âge. La permanence de l'Antiquité dans les noms de lieux et la voirie s'étend à travers les cartulaires et les polyptyques depuis le sud de la France jusqu'aux régions du Nord. Cela se traduit par la rencontre de deux civilisations, celle de l'huile et du vin et celle de la bière et du beurre. Cette concrétisation se marque au quotidien par la nature des repas mais aussi des types de maladies. Les sociétés « barbares » se frottent et s'inspirent du modèle impérial romain, de là, naissent les grands ports de la mer du Nord mais aussi la privatisation par Dagobert des terres publiques confiées aux églises. À l'État unitaire se substitue, dans le courant du viie siècle, les régionalismes, notamment celui de l'Aquitaine. La déstructuration des repères sociaux conduit le christianisme à redéfinir un ensemble de valeurs autour de l'engagement, non dans la perspective de l'accumulation de l'Avoir par la conquête du pouvoir mais comme une libération de l'Être qui se fond dans l'Un, à l'instar des ermites. Le mariage et le célibat consacré participent d'une démarche identique dans une quête fidèle de l'Autre et dans le respect réciproque jusqu'à l'accomplissement final dans la mort, prévue et organisée. Du choc des cultures naquit ainsi un nouveau modèle social qui allait façonner la civilisation occidentale.
Vouloir dépeindre toutes les sociétés qui parsemaient l'ancien Empire romain d'Occident, en y ajoutant l'Irlande et la Scandinavie qui ne virent jamais un seul légionnaire, depuis l'invasion des Lombards en 568 jusqu'à celle des Vikings à la fin du ixe siècle relève du tour de force. Cet ouvrage analyse donc la juxtaposition de sociétés païennes encore tribales à côté ou dans des sociétés chrétiennes avec ou sans Etat. Le rapport du religieux au social et du politique au social permet d'expliquer qu'à travers quatre siècles ces sociétés ont été continuellement en mouvement, connaissant, ici, des phases de progrès, là, des phases de régression.
Il fallait ainsi faire le tour de ces sociétés avant d'en venir au royaume des Francs en sa première création sociale, celle des Mérovingiens, puis en son second essai, celui des Carolingiens, qui s'est voulu un retour à la Rome antique et à son empire. Ainsi passe-t-on insensiblement, d'une unité perdue, par des différences prononcées telles que l'échec espagnol, la réussite lombarde, la difficile affirmation anglo-saxonne, la supériorité navale scandinave, pour aboutir à ce pôle carolingien. Il attire à lui, par sa synthèse originale et ses liens sociaux, romains, germaniques et chrétiens, toutes les autres sociétés. Une chrétienté sacrale fera naître les racines de l'Europe. Comment y est-elle parvenue ?
Qui ne s'est jamais interrogé sur ses origines ? Il y a des peuples dont il est malaisé d'appréhender la réalité. Les Gascons d'aujourd'hui se définissant plus volontiers comme « habitants du Sud-Ouest » n'échappent pas à cette règle. Quant à la Gascogne, bien peu savent la situer avec précision tant ses limites territoriales ont fluctué au cours de l'histoire. Se pose aussi la question de l'avenir de notre région, de son identité et de sa culture spécifique au sein d'une Europe des peuples. En mai 1983, le Cercle gascon A nòste Qu'èm organisa à La Teste de Buch, une exposition consacrée à la culture gasconne. Au cours de ces journées, eut lieu une soirée publique sur le thème « le gascon, origine, histoire, avenir » avec les intervenants suivants :
- Robert Escarpit, professeur de sciences de l'information et de la communication à l'Université Michel de Montaigne (Bordeaux III) : « Je suis Gascon » ;
- Pierre Bec, professeur de littérature médiévale à l'Université de Poitiers : « La langue gasconne et son histoire » ;
- Michel Rouche, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Lille III :« La naissance de la région » ;
- Christian Coulon, chargé de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique : « Les régionalismes en Gascogne »
Cette conférence fit l'objet d'une première publication en 1984. C'est donc une nouvelle édition de ces textes qui n'ont rien perdu de leur pertinence que nous proposons ici aux lecteurs.