Maurice Joyeux s'est implanté et immergé en Grèce, durablement. Le livre qu'il nous donne est le fruit de l'expérience ainsi vécue et des multiples réflexions qu'elle a suscitées ou qui l'ont accompagnée.
De nombreux « lieux » ont servi de terreau à l'aventure, pas seulement géographiques, mais aussi et surtout des lieux d'expérience humaine : les sessions spirituelles Socrate-Saint-Paul, l'accueil des réfugiés à Athènes, l'île de Tinos, l'Orthodoxie, mais également des « lieux » culturels et religieux aussi différents que ceux de la Turquie, de la Syrie, de l'Inde, de la Chine.
Maurice Joyeux entrecroise ces divers fils, et bien d'autres encore. Le lecteur se trouve ainsi conduit à faire des liens entre des réalités qui, apparemment, n'en avaient pas : telle tragédie antique prend une résonance nouvelle au regard des situations dramatiques de notre temps ; l'itinéraire de saint Paul revêt une signification inédite à l'âge de la mondialisation ; pratique orthodoxe et règle bénédictine entrent en dialogue...
Même s'il ne comprend pas d'emblée tous les détours du chemin, le lecteur est invité à faire confiance, à la suite de la mule qui conduit l'auteur. Et c'est tout un itinéraire qui se dessine - un itinéraire où se croisent le désir, la traversée des épreuves, la beauté et l'espérance, la révélation de Jésus en son humanité...
Ce livre ne parle pas seulement d'une aventure vécue en Grèce pendant dix ans, il parle de notre humanité - celle d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Et il laisse résonner, malgré ou par-delà les tourments de l'histoire, l'espérance lumineuse de Pâques.
Lorsque j'écrivis L'Anarchie et la révolte de la jeunesse, ce livre aujourd'hui épuisé, il s'agissait simplement pour moi de remonter aux sources, et définir la part de la pensée anarchiste dans cette extraordinaire explosion de joie qui, en 1968, secoua la jeunesse du monde. Mon propos consistait à constater la permanence de l'anarchie à travers les fureurs et les dégoûts d'une jeunesse, qui cherchait une solution à sa difficulté d'exister dans une société que les sciences, les techniques et, par conséquent, l'éthique et l'esthétique, entraînaient vers un univers imprévisible. Avec le recul du temps, et compte tenu du phénomène constant qui veut que le récit, échappant à l'événement, devienne histoire, il m'est apparu nécessaire de placer cette évocation du divorce de la jeunesse des écoles avec sa bourgeoisie nourricière entre deux textes qui n'y figuraient pas lors de la première édition. Le premier situe l'anarchie, dont il sera longuement parlé, par rapport aux idéaux proposés à la réflexion des hommes. Le second mesure le chemin parcouru par ces jeunes universitaires, un instant enivrés par un zeste d'anarchie détourné de sa signification profonde, et taillé sur mesure à leur usage par des politiciens blanchis sous le harnais.
1933. Le chômage enserre la ville. Un homme piétine dans une file de miséreux engourdis dans leur détresse. Soudain une pluie de tracts tombe sur les têtes rentrées dans les épaules. L'homme, Liron, en prend un. Commence alors pour lui l'aventure exaltante. Il va être mêlé au courant de révolte qui secoue cette époque de transition que l'après-guerre, celle de 1914, a créée et que l'avant-guerre, celle de 1940, effacera. Pour lui deux problèmes se chevauchent étroitement : arracher l'homme à la lente désintégration que la collectivité a entreprise, s'arracher lui-même à l'enlisement dans la crasse qui le guette. Mais la révolte de Liron restera en marge de ces coulées profondes où la politique canalise les colères et les espoirs, moteurs de l'homme misérable. Il refusera de s'engager dans ces collecteurs que sont les partis et qui déversent la révolte dans des gouffres sans fond. Mêlé aux luttes sociales il se refusera à la destruction de son originalité menacée par les idéologies niveleuses. La tentative de Liron va se heurter aux réalités. La misère a fait de lui un être seul, vivant avec ses rêves. L'action va le mettre en contact avec d'autres êtres : les militants, la femme aux multiples aspects qu'il a longtemps ignorée. L'effort sera trop intense, l'homme mal préparé retournera à la soupe populaire, où, riche de son expérience, il s'apprêtera pour de nouveaux départs. L'action se déroule parmi des ouvriers constamment menacés par le chômage. Une chaleur profonde anime les assemblées tumultueuses, les manifestations des rues, les batailles acharnées pour conquérir le droit à la dignité humaine, le droit à la femme, le droit au refus. La lutte de Liron contre les militants communistes se mêle étroitement à la lutte de tous ces hommes contre la société. Lorsqu'il sortira du circuit, Liron seul, saura qu'il n'a pas échoué et que le droit au refus qu'il a conquis lui assurera des assises solides lorsqu'il reprendra le combat.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Le mal dont souffre la société moderne, ce sont les inégalités économiques et sociales, qui nourrissent les classes dirigeantes, et qui leur permettent d'exercer leur volonté de puissance... Nous connaissons la force des mythes de justification de l'état des choses qui, conditionnés par le milieu, ont pris la valeur d'une morale qui est devenue une seconde nature. Cependant, notre objectif reste la disparition de l'État, qui répartit l'autorité et en assure l'exécution, la transformation des structures de gestion de l'entreprise, qui alimente les classes dirigeantes, et maintient dans la sujétion les classes aliénées, la modification des structures politiques de tous genres, qui permettent à la société de résorber ses contradictions par des mutations intérieures, qui laissent intact l'essentiel qui est l'inégalité économique entre les hommes. Ce que nous savons encore, c'est que seul l'homme, quelles que soient son aliénation par le milieu et les morales de justification, peut acquérir la connaissance de sa condition et trouver les moyens d'y mettre fin.
Cet homme est dangereux. Un de ces forcenés avec qui nous devons compter. Nous avons eu tort de ne pas l'achever quand nous l'avons tenu dans nos griffes. Car ce Joyeux, vingt ans de réclusion, cet utopiste, la rigueur ! un Robespierre ! ne se contente pas de prêcher la mauvaise parole. Il paye d'exemple, et cash ! Dans les bistrots, Maurice Joyeux l'a guère faite la Révolution. Les lions, c'est leurs poings qu'ils usent, pas leur cul de pantalon, ni la moleskine. Par ce bouquin, que nul autre ne pouvait écrire, parce que c'est lui, Joyeux, qui l'a pensée et portée à bout de bras la mutinerie de Montluc, il vient trousser l'innocence de notre chère jeunesse, en lui montrant ce que peut un homme qui a le courage de dire non. Non ! et tout s'écroule, et jusqu'à l'édifice de notre ordre moral, comme les murailles de Montluc. Laissez-les vivre, ces illuminés, ces fanatiques, et ne vous étonnez pas si, à l'école, nos petits enfants apprennent les noms de ces nouveaux Blanquis. D'ailleurs, l'a-t-il pas dit un jour à ses juges ! Avec la même outrecuidance a-t-il pas osé se lever, une autre fois : « Non, mon Général ! La soupe est dégueulasse » ! Il faut détruire cette petite graine noire. Il faut brûler ce livre.
« En conséquence, la question n'est pas de savoir si les peuples peuvent se soulever, mais s'ils sont capables de construire une organisation qui leur donne le moyen d'arriver à une fin victorieuse, non pas à une victoire fortuite, mais à un triomphe prolongé et dernier. » Michel Bakounine