Vous pouvez sortir les mappemondes, les cherche-étoiles, les GPS, vous ne trouverez pas le village franco-ontarien de Villery, car il n'existe que dans l'imaginaire de l'auteure Michèle Matteau. Mais si vous souhaitez quand même vous y rendre, suivez la ligne de vie de son personnage principal, Léandre Arcand. Instituteur retraité, Léandre est, à 73 ans, un héros du 3e âge, pas celui des chaises berçantes et des Peppermints roses, mais celui de la curiosité et de l'accueil aux différences, qu'elles soient de générations, de style de vie ou de race.
Mû par son altruisme, il cherche des solutions aux maux de sa communauté et aux êtres qui l'entourent, comme autant de soleils qui éclatent et réchauffent. Impossible à son âge d'éviter les questions sur le sens de la vie et de la mort, la peur qui tenaille face au déclin du corps et de l'esprit. Heureusement des rencontres le réjouissent. Qu'il s'agisse de l'amour avec la belle Florence Santerre, animatrice à Radio-Canada ou de l'amitié avec le vieux docteur Ladislas Vermes qui entretient sont étrange cimetière de violettes africaines, Léandre écoute réfléchit, discute, apprend, en amoureux de la connaissance qu'elle réconforte ou déstabilise...
Un soir de novembre, Florence Santerre se perd dans le brouillard d'une route de campagne. Une panne mécanique l'oblige à passer la nuit à Villery Station, village en « voie d'extinction » de l'Est ontarien. Une courte pause dans le tourbillon de sa vie de recherchiste à la télévision!
Mais de retour au quotidien, ses angoisses reviennent : Florence dresse un bilan amer d'une vie passée entre les deuils mal cicatrisés de l'enfance, les amours décues et les amitiés superficielles.
Pour tenter de reprendre le contrôle de sa vie, elle pose ses valises à Villery Station. Elle y fait la connaissance de personnages hauts en couleur qui l'obligent, chacun à sa manière, à prendre une direction à contre-courant de ses désirs. Revenue à la case départ, perdue au milieu de nulle part, la vie lui offre enfin une chance de se réconcilier avec elle-même. La saisira-t-elle?
Michèle Matteau se penche avec une grande finesse sur le deuil, qu'elle conjugue à plusieurs temps. L'absence, la trahison et le lâcher-prise obligé devant la maladie ou le vieillissement sont abordés sans complaisance dans Le long hiver du jardinier. Ce roman de 272 pages s'adresse à ceux et celles qui ont dû, dans de telles situations, réorienter leur vie. L'auteure nous livre dans une magnifique prose le monde intérieur du jardinier Léandre Arcand, qui ressasse ses souvenirs au centre desquels trône Florence. Son absence le hante, surtout après sa découverte du journal qu'elle tenait au cours du dernier été qu'ils ont passé ensemble à Villery. Le long hiver du jardinier est un roman remarquable. L'auteure berce le lecteur dans une saudade où s'entrelacent ce qui fut et ce qui aurait pu être. Un livre essentiel pour qui a besoin d'entendre encore palpiter la vie sous le poids givré de l'hiver.
Pas facile d'être le bourgeon d'un arbre déraciné... C'est ce que pense et vit Ganaëlle, dix-sept ans.
Émigrée d'Afrique subsaharienne et au pays depuis bientôt trois ans, elle tente de devenir une Canadienne à part entière, mais se heurte à l'attitude négative de ses parents. Des parents qui ne lui semblent plus les mêmes depuis que la famille s'est réfugiée à Ottawa. Sa mère, surtout, a changé. De femme autonome, aimante et pleine d'humour, elle est devenue dépendante, renfermée et la colère qui la ronge la porte parfois jusqu'à la violence. Ganaëlle n'a personne à qui se confier. Elle se sent terriblement seule.
C'est sur les pages lignées de cahiers d'école qu'elle raconte son désarroi, sa rage et la solitude qui la tenaille. Pour ne pas étouffer.
Déracinement, adaptation et difficultés d'intégration, tels sont les sujets que Michèle Matteau aborde dans ce roman avec beaucoup de finesse et d'émotion, à travers la vie d'une famille d'immigrants révélée du point de vue des enfants.
Une histoire à quatre temps. Quatre humains qui refusent de se mouler aux modes, aux vues de leur époque. Ils dévoilent en vibrations orageuses, amères, ironiques ou tendres leur sensibilité écorchée et leur ardeur à s'affranchir des modèles imposés et des idées en vogue.