Depuis 2019, les 18-34 ans consomment plus d'actes esthétiques que les 50-60 ans. À partir de ce constat alarmant, Elsa Mari et Ariane Riou ont mené l'enquête. Elles ont poussé la porte des cliniques convoitées, conscientes de cette frénésie de l'intervention. Elles ont écouté des mères et des filles remodelées, la chirurgie en héritage. Mais aussi des jeunes hommes, alléchés par les tarifs, au risque de graves complications.
À qui la faute ? Quelle est la chaîne de responsabilité qui pousse cette génération dans la gueule du loup ? Et quelle future société se dessine lorsqu'une jeunesse n'est plus capable de s'aimer ?
Édifiant. Indispensable.
Si Ulysse revenait aujourd'hui en Méditerranée, que trouverait-il ? Une Mare Nostrum, une mer commune à tous ses habitants ou un espace coupé en deux, éclaté, balkanisé. Divisé au gré des rivalités, des cultures et des religions, entre les « civilisés » et les « barbares ». Serait-il plus étonné par les progrès réalisés ou horrifié par ses plaies ? Les hommes auraient-ils réussi à avoir enfin le même Dieu autour de la même mer ? La Méditerranée aurait-elle réussi à rester le centre de la culture, la lumière du monde, un joyau de l'humanité ou, frappée par une décadence effrayante, s'était-elle transformée un cul de basse-fosse de l'intelligence ? Ulysse pourrait-il nous dire qui nous sommes ? Me dirait-il aussi, comme Tirésias, qui je suis ?
Être méditerranéen, est-ce avoir une identité ou n'être plus que le « Personne » de Polyphème, quelqu'un aux origines diluées dans un monde mondialisé. Moi qui suis né sur ces côtes, amoureux et souffrant au bord de la mer, sidéré par les guerres mais hypnotisé par la lumière d'après incendie, qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Perdus ou sauvés ?
Il n'y a qu'un seul moyen d'obtenir une réponse à toutes ces questions. Refaire, pas à pas, ce grand voyage avec lui. En dérivant avec Ulysse.
L'odyssée des migrants en Méditerranée
« Trente-cinq ans que je cours le monde et ses tourments. La première fois que j'ai vu l'exode d'une population, en dehors d'une guerre, c'était les boat-people qui fuyaient le régime d'Hanoï. Des jonques en bambou sur la Mer de Chine, les naufrages, tous les éléments étaient déjà là. Mais ces migrants étaient des réfugiés politiques et le monde les regardait d'un oeil bienveillant et attentif.
Avec le temps, l'exode des migrants n'est plus devenu un phénomène exceptionnel. Et le monde s'est lassé. J'ai suivi les barques, les pateras qui affrontaient le détroit de Gibraltar, les pirogues de la mort pour les Canaries, les zodiacs de Turquie vers l'île grecque de Lesbos, le flot des épaves vers le Canal de Sicile. Jusqu'à Lampedusa, caillou submergé par le flux. J'ai suivi le sillage de ces bateaux ivres, sur mer et sur terre, dès leur point de départ, un village subsaharien, un désert érythréen de la corne de l'Afrique, une capitale arabe, une montagne d'Afghanistan ou de Syrie. Je voulais faire le récit choral de ces centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ne voient qu'une seule issue, partir, pour la grande traversée, à travers notre mer, la méditerranée. Nous, Européens, nous hésitons toujours, entre aveuglement volontaire, compassion et répression. Sans parvenir à définir une attitude réaliste, une politique commune. Pendant ce temps-là, ils partent. Avec la force des désespérés ou des conquérants. Et rien ne les arrêtera. » Jean-Paul Mari