Qu'advient-il de nous lorsque les liens qui nous unissent, longtemps éprouvés, se dissolvent ? Quand « il ne reste qu'une lande soumise / au brouillard, aux aléas des vents orageux, / que l'herbe, les montagnes, les fleuves / et les rochers perdent leur essence, » la poésie au souffle inébranlable de Marcel Labine s'élève, comme surgie d'en dehors du temps.
Ces poèmes, phrases disloquées, amples, entêtées, racontent de nombreuses facettes de la même dépossession : ne rien devoir à personne, ne faire aucune promesse, n'obéir qu'à soi-même, vivre détaché, indépendant, bâtard, sans ancêtres à louanger ni legs à préserver. Naître de ses oeuvres, nier la mort, jubiler, « riche de l'admiration que l'on voue / à ceux qui ne regardent pas derrière eux ».
Et disparaître, sans faire de vagues, entre un requiem et un opéra, entre les hurlements du poète forcené et la cohue du métro.
Le diagnostic est sombre : « Progressivement, vous avez été dépossédés / de vous-mêmes. // Vous travaillez sous la douche, / dormez à contrat, épongez les fatigues. » Les forces agissantes du néolibéralisme auront-elles raison du bien commun ? Quel avenir se dessine quand le présent est fait de méfiance, d'envie, d'apathie ? Or « Les dogmes ne peuvent croître indéfiniment, / le déni ne conduit pas à la morale, / vivre n'ameute pas les fantasmes, / la poésie n'a pas à se défendre. » Ces poèmes revisitent des formes anciennes, du planh médiéval au sirventès, ou en inventent, comme l'hapax. Enracinés dans le passé de la littérature, ils y puisent l'énergie de se projeter dans notre époque pour en questionner les ressorts et les égarements. Bien commun s'interroge sur la possibilité, pour les « tard venus » que nous sommes, de transformer le cours des choses.
Pour son édition estivale, la revue Lettres québécoises célèbre Les Herbes rouges, maison d'édition cinquantenaire cette année. Lisez-y une grande entrevue par Sébastien Dulude avec François Hébert, cofondateur des Herbes rouges, 71 ans, et Roxane Desjardins, 28 ans, poète et nouvelle éditrice de la maison d'édition. Le numéro se consacre également à la passation et à la relève en édition, sujet épineux, mais ô combien riche dans le milieu littéraire et éditorial ! Cette thématique est explorée à travers la montée des éditrices et du féminisme dans les maisons d'édition; une plongée dans l'effervescence des nouveaux éditeurs jeunesse, une analyse de la passation et de la gestion réussie de la relève au Groupe Nota bene, et enfin une analyse d'une nouvelle génération d'éditeurs de revues. Cette saison, le cahier « Création » accueille un récit d'Antoine Charbonneau-Demers, une suite poétique de Kim Doré, et une lecture illustrée d'IRIS.
Avec Promenades dans nos dépôts lapidaires l'auteur entraîne le lecteur dans un parcours rocailleux désirant ainsi témoigner de la précarité, de la dégradation inéluctable et de la finitude appréhendée de la poésie, sa présence au monde se faisant de plus en plus friable. Sommes-nous près de l'échapper, de l'abandonner à elle-même dans la poussière des chemins que nous empruntons avec l'énergie du désespoir ?
La poésie serait-elle sur le point de devenir l'une des grandes causes perdues de l'humanité ? Devrait-on se préparer à lui dire adieu en poème et ainsi lui permettre d'habiter notre espace encore un peu plus ? Avant que le temps ne la fasse disparaître à tout jamais, comment en conserver sa trace et sa mémoire ?
Le poète ne peut, en s'inquiétant, changer quelque chose à l'existence. Pourtant son inquiétude grandit - pour l'avenir, pour la vie sur terre, pour la décence humaine. Il sait combien notre cause est perdue. Sa poésie le dit : « ils seront devenus dans un temps des dépouilles / mais ne sont à l'instant dans cet aujourd'hui blême / que procrastination et agonie sans fin ».
Mais il sait aussi que «Chacun porte / ses signes / et espère / des doigts, / des bouches / qui l'appellent / par son nom ».
Avec Le tombeau où nous courons, Marcel Labine signe un livre nécessaire au combat pour la dignité. Celle d'un monde qui, ayant toute honte bue, reste indifférent à sa propre souffrance. À l'aide de la poésie, ne tardons pas à prendre en main le monde tel qu'il est. Du mal que nous nous donnerons pour l'accueillir, nul n'aura à rougir.
Voici le deuxième titre d'une nouvelle série encyclopédique s'adressant à toute personne qui souhaite acquérir des connaissances sur un sujet donné. Le concept en est simple. Nous avons fait appel à un spécialiste pour répondre à une centaine de questions sur le sujet traité. Illustré de photos et balisé de tableaux explicatifs, chaque titre offre aux lecteurs le panorama complet du sujet à l'aide d'une présentation originale et soignée qui permet une lecture instructive et agréable.
Dotée d'une littérature nationale riche et abondante, la nation américaine compte un nombre impressionnant d'écrivains ayant marqué le genre romanesque. Afin que nous puissions nous y retrouver autant dans l'imaginaire, dans la forme et dans les sources d'inspiration propres à ces auteurs, Marcel Labine nous offre une mise en contexte d'oeuvres incontournables qui témoignent de l'américanité.
Connaissez-vous les mythes fondateurs qui permettent d'estimer les romans américains ?
Savez-vous comment l'esprit de la conquête se traduit dans les romans du début du XIXe siècle ?
Êtes-vous en mesure d'identifier les éléments qui permettent de dire que Les Aventures de Huckleberry Finn est le premier texte de prose marquant le passage à la langue américaine ?
Quelle était la nature de l'American dream après la Deuxième Guerre mondiale et l'émergence de la société de consommation ?
Pouvez-vous identifier les écrivains de la beat generation ?
Voilà autant de questions auxquelles vous obtiendrez des réponses claires et précises. Avec son approche par questions et réponses, ce livre présente la matière de façon plus accessible et surtout beaucoup plus dynamique que les ouvrages savants.
Le lieu-dit Poets' Corner a été le témoin de plusieurs périodes de dépeuplement. Depuis ses origines incertaines jusqu'à la disparition inexpliquée de sa population, il ne subsiste de lui que diverses observations des quelques métamorphoses qu'il a subies. Elles ont été réalisées à des époques plus ou moins lointaines et colligées de façon anonyme.
On rapporte qu'y vivre demandait de s'« abandonner à l'énergie que le poème peut déployer au risque de s'y perdre un peu plus à chaque pas accompli dans la vitesse du temps qui passe ».
Jusqu'à présent, rien ni personne n'a pu confirmer qu'il en était bel et bien ainsi.
M. L.