Placés sous la responsabilité de la Société d'études beaulieusiennes, les Cahiers Victor-Lévy Beaulieu étudient les différents aspects de la production de l'écrivain Victor-Lévy Beaulieu, de ses textes de fiction et de ses essais à ses interventions socioculturelles et à son implication dans le milieu littéraire québécois.
Une jeune Montréalaise, récemment revenue de plusieurs années passées en Amérique du Sud, est malgré elle confrontée à Nelly Arcan, une autrice dont elle ignorait l'existence jusque-là. Plus elle en apprend sur l'écrivaine et son oeuvre, plus elle se voit bousculée dans ses convictions et dans la place qu'elle occupe en tant que femme québécoise d'origine colombienne. À partir de là, tout ce qui lui arrive et toutes les personnes qu'elle rencontre finissent par la relier à la figure de Nelly Arcan, ce qui l'oblige à pénétrer à l'intérieur d'elle-même et à y déceler les mécanismes parfois monstrueux que la société nous inflige souvent à notre insu.
J'eus à nouveau l'intime conviction que tu résumais les enjeux qui m'habitaient pour t'adresser directement à moi. Des années plus tard, en cherchant cette rubrique dans les archives du Net, je fus cependant renvoyée à l'émission dont tout le monde avait réellement parlé, celle que l'histoire avait choisie pour me rappeler qu'après t'avoir vue crucifiée, je t'avais (par instinct ou par lâcheté) reniée. Pour me faire pardonner, je finirais par prêcher ta parole jusqu'à en être habitée, hantée, poursuivie.
Karine Rosso, détentrice d'un doctorat en études françaises, est chargée de cours à l'Université de Sherbrooke et membre fondatrice de la librairie féministe L'Euguélionne. Elle s'intéresse à la figure de l'autrice dans l'autofiction et aux différentes représentations des femmes dans la littérature contemporaine. Karine Rosso est également l'autrice d'un recueil de nouvelles intitulé Histoires sans Dieu (2011). Elle a codirigé Histoires mutines (2016), Nelly Arcan. Trajectoires fulgurantes (2017) et Interpellation(s). Enjeux de l'écriture au «tu» (2018).
Ce dossier est né d'un désir de comprendre comment le syntagme « fille-s » se décline dans l'imaginaire littéraire contemporain au Québec à travers les articulations culturelles, esthétiques et politiques de la fille ou des filles mises en oeuvre dans la littérature depuis la fin des années 1980. Contrairement aux présuppositions tant théoriques, critiques que morales qui ont largement contribué à l'avancement et à la dissémination des études portant sur les configurations contemporaines de la littérature au Québec, très peu a été rapporté sur la place des filles face au « bouleversement énorme qui [allait] suivre[1] ». Or, il demeure important de reconnaître que « l'abolition de la distance qui sépare les femmes entre elles », celle qui se déploie implicitement ou explicitement dès la fin du xixe siècle chez les personnages de Laure Canon, de Germaine Guèvremont, d'Anne Hébert, de Gabrielle Roy, pour ne nommer que celles-ci, se matérialise nécessairement, affirme Patricia Smart, grâce à « la force des filles[2] ». Le cheminement intellectuel qui se donne à lire à travers ces figures s'élabore aussi dans d'autres études sur les filles au Québec - je pense notamment aux travaux de Martine Delvaux dont l'essai Les filles en série[3] a placé « les filles » à l'avant-scène de la réflexion féministe. Elle montre qu'il y a un effet « simultanément séduisant et anesthésiant d'une image sérielle qui s'offre à nous comme divertissement[4] ». Mais cet essai associe un éventail d'images (des Tiller Girls aux Barbie en passant par les Pussy Riot) pour mettre en relief le fait que ces représentations du corps féminin sériel ne peuvent être cantonnées à une lecture homogène. Le pouvoir de résistance et de rébellion des filles lors du printemps 2012 au Québec se donne à lire dans le fait qu'elles se sont mobilisées dans la rue, sur la ligne de front, en risquant d'encaisser les coups. La fille est une figure qui vit donc à l'heure actuelle une sorte de nouvelle vague sur le plan de l'imaginaire littéraire.