Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Depuis son premier livre « Les Bergers » (le Cercle d'or, 1974), après son passage dans les émissions télévisées « Aujourd'hui, Madame », les « Dossiers de l'écran » et « Les gens heureux ont une histoire », Thérèse Jolly est sans nul doute la bergère la plus célèbre de France. Elle a puisé cette fois dans ses souvenirs d'enfance, pour écrire la bouleversante histoire de « Marie-Terre » (surnom qui fait chanter ensemble ses deux prénoms : Marie et Thérèse). En vérité, ce n'est pas tout à fait d'elle qu'il s'agit : nous voyons se nouer autour de Marie-terre la chaîne de toutes les Marie de la terre, effacées, simples et fortes, gaies et douloureuses, toujours accueillantes, dures à la tâche, jamais serviles. Ces modestes grandes dames de la terre, les Marie-Soleil et les Marie-jardin, les Marie-tendresse ou les Marie-des-amandiers, possédaient en commun un secret, le plus grand, non pas celui du bonheur, celui de la vie, et elles l'ont confié à la petite Marie qui, trente ans plus tard, se souvient. Mais ce livre n'est pas idyllique. Souvent le ton de la narratrice s'élève, il se fait plus vif, acide même. Le monde rural n'est pas le paradis sur terre. Il était cependant hier habité par ces « vivantes parmi les vivantes » que furent les Marie qui veillèrent, au fil de ses « années d'apprentissage », à l'éclosion de Marie-terre. Et Thérèse qui leur devait tout, a composé, en leur honneur, la dédiant à ses propres enfants, la plus émouvante galerie de portraits que ces « chevalières en sabots » aient inspirée, la plus authentique à coup sûr : en tout cas, pour nous, la plus surprenante.
Fille de la Vendée depuis toujours, aujourd'hui de la Bretagne, Thérèse Jolly a fait alliance, dès l'origine, avec la terre, l'arbre et la pierre. Les nombreux lecteurs des « Bergers » ou de « Marie Terre » le savent : n'ayant jamais vécu qu'au sein de cet univers paysan où se conservent encore des pouvoirs millénaires acquis au contact de la nature, elle a d'instinct appris à capter et à interpréter les « messages », d'où qu'ils viennent, à observer et à déchiffrer les « signes ». Les récits d'« Aux couleurs du Diable » ne sont donc pas les fruits d'une imagination littéraire : ils sont l'expression d'un « savoir » et complètent, en leur donnant une tonalité particulière, les confidences, insolites à force d'authenticité, si appréciées dans les deux précédents ouvrages. Le témoignage à lui seul mériterait de retenir l'attention, mais ces faits extraordinaires tantôt bretons, tantôt vendéens sont liés, en outre, par l'attachante présence de l'auteur, et ils se signalent par une écriture qui, de livre en livre, s'affine et s'affirme, sans nuire aucunement à la sincérité du « vécu ». La magie et la sorcellerie, le poids de la faute et la peur de l'enfer, ont angoissé plus d'une destinée rurale. Ce fut vrai hier, c'est encore vrai de nos jours. Thérèse Jolly ne se contente pas de rapporter sa propre expérience, elle offre des voies de secours, elle conseille, elle se révolte, elle interpelle notre scepticisme ou notre indifférence. Elle sait aussi sourire de ses étonnements ou de ses craintes, ce qui est une autre manière, et non la moins efficace, de nous les faire partager.