Longtemps, je ne sus quasiment rien de Paol hormis ces quelques bribes arrachées.
« Sous le régime de Vichy, une lettre de dénonciation aura suffi. Début septembre 1943, Paol, un ex-officier colonial, est arrêté par la Gestapo dans un village du Finistère. Motif : "inconnu". Il sera conduit à la prison de Brest, incarcéré avec les "terroristes", interrogé. Puis ce sera l'engrenage des camps nazis, en France et en Allemagne. Rien ne pourra l'en faire revenir. Un silence pèsera longtemps sur la famille. Dans ce pays de vents et de landes, on ne parle pas du malheur. Des années après, j'irai, moi, à la recherche de cet homme qui fut mon grand-père. Comme à sa rencontre. Et ce que je ne trouverai pas, de la bouche des derniers témoins ou dans les registres des archives, je l'inventerai. Pour qu'il revive. »
J.-L.C.
Le grand livre que Jean-Luc Coatalem portait en lui.
Après une enfance en Polynésie et dans l'océan indien, Jean-Luc Coatalem, 41 ans, écrivain-voyageur, journaliste à Géo, continue de parcourir le monde. Il a publié chez Grasset Villa Zaouche (1994), Tout est factice (1995), Mission au Paraguay (1996), Le Fils du fakir (1998).
Le Livre :
C'est le cliché sépia d'une anglo-polynésienne, achetée aux enchères par l'auteur, qui le pousse à partir, soudain, sur les traces de Paul Gauguin. Qui était cette jolie vahiné ? Et surtout, pour quelle raison l'artiste peignit-il le visage cireux de son fils, Aristide, dit Atiti, le jour de sa mort à Papeete ? Quel écho intime ce tableau éveille-t-il chez Jean-Luc Coatalem, qui comme Gauguin connut la Bretagne comme les archipels de la Polynésie.
Commence alors une traque, méticuleuse, réaliste mais fulgurante, où l'on comprendra que Gauguin, petit-fils de Flora Tristan, « Inca » halluciné, « Péruvien à la bourse plate », fuit la réalité pour se trouver lui-même, renverse tous les clichés sur l'exotisme, à en perdre la raison, jusqu'au fonds du puits du Jouir, où l'auteur retrouve intacte sa seringue de morphinomane.
Quelle traque ! Quelle enquête, mystique et géographique ! Bretagne, Hollande, Danemark, Panama, Martinique, Tahiti, et les lointaines mers du Sud, avec pour compagnons, les peintres, les créanciers, les marchands du culte, des vahinés, l'océan, la solitude. Un Gauguin affairiste courant après la vente ? Un Gauguin père de famille, abandonnant ses cinq enfants à Copenhague ? Un Gauguin réconcilié avec lui-même, peintre apaisé, dont la main fût guidée par les dieux Maori ? Quel est le vrai Gauguin ? Et si son appétit pour l'ailleurs, pour « le grand Divers » cachait une autre faim ?
Comme l'écrivit Gauguin : « On rêve et on peint tranquillement. »
Une île perdue du Finistère. Dessus, une baraque de pêcheurs en bois goudronné. Un congélateur débranché. Et à l'intérieur, une toile, cachée depuis plus d'un siècle, signée du grand Paul Gauguin. Une bonne raison : son motif est gênant, voire obscène. Alors, miracle ou arnaque? Ce court roman, à la fois érudit et galopant, déploie avec humour et fantaisie des vendeurs un peu louches, un galeriste aux abois, un assistant retors, un capitaine chilien, un détective opiniâtre et une fille aux yeux troubles...
Une île australe, perdue. Aux antipodes de tout. Antipodia. Battue par les vents. Loin des zones de pêche. Dessus, entre deux coups de chien, un chef de poste qui se fait donner du « gouverneur », un mécano qui cache son jeu, quelques chèvres. Si le premier tourne en rond, remâchant sa disgrâce sur le petit périmètre de l'île, le second cavale comme un lièvre, heureux, ravi. Son secret? Une plante mystérieuse : le reva-reva. Celui qui l'absorbe fait entrer aussitôt ses rêves dans la réalité. Mais l'hiver et la glace arrivent. Un naufragé aussi, sur un bout de bois, poussé par des vagues. Lui, un Mauricien, s'appelle Moïse. Il se croit sauvé des eaux froides. Il pose son pied nu sur la grève désolée. C'est alors que tout commence. Que tout éclate. Et qu'Antipodia résonne tout entière.
Coatalem signe son plus beau roman dans le récit tendu d'une étonnante robinsonnade de notre époque, à mi-chemin entre Jules Verne et Stephen King.
Mai 1919. Victor Segalen est retrouvé mort, couché dans un petit bois, au coeur du Finistère. Partant du mystère qui entoure la mort de Segalen, suicide ? accident ?, Jean-Luc Coatalem suit les empreintes de l'écrivain-voyageur, breton, comme lui, Brestois, aussi. Militaire, marin et poète, auteur d'une oeuvre labyrinthique que, de son vivant, personne n'aura soupçonnée.
En 1903, Segalen pélerine sur les traces de Gauguin, aux îles Marquises. En 1905, à Djibouti, sur celles de Rimbaud. En 1909, il traverse la Chine, en jonque, en train et à cheval, et il recommencera. En 1910, il se risque dans le dédale de la Cité interdite de Pékin, derrière un séduisant jeune homme, espion et amant de l'impératrice. Puis il réside seul à Hanoi, rêve au Tibet, et achète son opium. Il meurt à quarante et un ans, dans la forêt légendaire du Huelgoat, un Shakespeare à la main, la jambe entaillée, au-dessus d'un Gouffre, loin de son épouse et de cette autre femme qu'il aime.
Revisitant l'oeuvre de Segalen, les lettres à ses deux amours, ses nombreux voyages, Coatalem fait apparaître les résonances, nombreuses, la complicité littéraire et l'écrivain compagnon, composant par ces prismes mêlés, le roman de sa vie, au plus près d'un Segalen vivant et vibrant.
Enfant en Polynésie, adolescent à Madagascar, puis locataire à l'année d'une chambre d'hôtel parisien, Jean-Luc Coatalem a toujours aimé les voyages, fussent-ils immobiles. Devenu journaliste, il a aussi sillonné le monde, happé par un désir de voir autant que par une furieuse envie d'échapper, de recommencer.
Ce récit faussement autobiographique, qui oscille entre humour et poésie, propose, au-delà d'un éloge du déplacement et de la découverte, une quête de ces hautes clairières où se mêlent le réel et l'imaginaire. Le Pékin mystérieux de Victor Segalen, les Marquises sublimées de Stevenson, l'île de Robinson, la Bretagne immémoriale et l'improbable rocher de Pitcairn, l'histoire d'une graine magique ou d'un aïeul subjugué par l'Indochine, autant de pistes et de traces que remonte notre auteur. Ici, la lumière d'une rencontre au hasard d'un chemin d'Ombrie ; là, dans un taxi goanais qui brimbale, le charme d'une jeune indienne entrevue. Là encore, une navigation hypnotique vers le grand Nord et ses bleus icebergs.
Mais ce récit joue admirablement avec les illusions, les chausses-trappes, les feintes et les déceptions du déplacement : le leurre du voyage.
L'ailleurs devient systématiquement un ici dès que l'on y a posé le pied. Où est donc, dès lors, le vrai voyage ? Où commence le bout du monde ? Où aller pour se perdre ?
Sous la plume de Coatalem, chaque aller-retour devient un multiplicateur de soi. Chaque aventure, une autre facette du même voyageur, révélé autant que consolé par la géographie. Avec son récit ému, Jean-Luc Coatalem signe un surprenant anti-guide de voyage.
Nul n'entre ni ne sort de Corée du NOrd, le pays le plus secret de la planète. Et pourtant, flanqué de son ami Clorinde, qui affectionne davantage Valéry Larbaud que les voyages modernes, et déguisé en vrai-faux représentant d'une agence de tourisme, notre écrivain nous emmène cette fois sur un ton décalé au pays des Kim. Au programme : défilés et cérémonies, propagande tous azimuts, bains de boue et fermes modèles, mais aussi errances campagnardes et crises de mélancolie sur les fleuves et sur les lacs, bref l'endroit autant que l'envers de ce pays clos mais fissuré. Un journal de voyage, attentif mais distant, amusé parfois, jamais dupe, dans ce royaume énigmatique dont un diplomaté américain affirmait récemment que l'on en savait moins sur lui que sur... nos galaxies lointaines.
En Bretagne, il faut se méfier des apparences autant que de la météo. Ainsi, quand dans le petit avion à destination de Ouessant embarquent deux druides, un spécialiste des abeilles et une Espagnole couronnée par un donut de cheveux, tout peut arriver et tout va arriver, et pas de la façon qu'on imagine... Sur place, ils retrouveront une clique d'ornithologues japonais, le sieur Pommereau, qui joue au détective privé, et ce chanteur à succès, Vassili, beau ténébreux venu se mettre au vert après une histoire de moeurs. Dans ce mouchoir de poche qu'est Ouessant, les histoires de chacun vont s'entrecroiser, et les désirs s'affoler. De surcroît, face à la tempête qui gronde, il faudra faire face aux légendes comme celle du poulpe géant. Et au délire de quelques-uns que le grand large a déjà bien secoués...
Avec poésie et fantaisie, Jean-Luc Coatalem signe une sorte de polar métaphysique, où le dérisoire tutoie le drolatique. À lire comme une fable du grand Ouest.
« Triste sire, écrit il y a trente ans, constitue donc mon premier vrai texte publié. En dépit de ses maladresses, de ses brusqueries, je suis heureux qu'il soit repris. Si je n'ai rien voulu retoucher, c'est qu'il me paraît trop fragile. Et puis je ne renie pas ce galop d'essai qui se voulait émerveillé et cruel. Avec autant de tendresse que d'agacement, j'y trouve en germe mes thèmes de prédilection : l'île, fût-elle urbaine, l'isolement, voire le huis clos, mais aussi l'appétit des ailleurs, le goût des noms et des chromos, l'enchantement des courants et des voyages, l'alambic des souvenirs, cette lumière irréelle et parabolique. Robinson Stéphane est le parent primitif d'Albert Paulmier de Franville et de François Lejodic, personnages du Gouverneur d'Antipodia, roman que le Dilettante publie ces jours-ci. Comme si, en définitive, un écrivain gravitait toujours autour de quelques énigmes, les siennes, les plus fondamentales, qui le hantent au même titre qu'elles le constituent. Pour reprendre l'expression de Milan Kundera, elles seraient les raisons mêmes de son écriture, « son cercle magique ». à la manière d'un naufragé qui, une fois posé le pied sur le sable dur d'un récif, reprend souffle. Exaucé peut-être, mais encore pris au piège. L'île la plus profonde et la plus opaque est en lui. » J.-L. C
Ce périple tropical fleure bon l'opium des nostalgies coloniales. C'est un atlas désuet qui s'ouvre devant nous, usé comme un journal de bord, épais comme une malle-cabine. D'Afrique en Asie, les terres arpentées, reliques touchantes de ce qui fut l'Empire et n'est plus qu'un music-hall pathétique, éclatent comme des boubous d'opérette.
Bora Bora où s'ensable la mémoire et se noie l'oeil dans le bleu curaçao ; Goa, au clinquant suranné de kermesse coloniale ; un Vietnam convalescent appuyé à l'épaule d'un tour-opérateur ; le fantôme bourru de Kipling ; Baden et ses curistes ; Cuba en quarantaine qui mouille non loin de Miami ; Trinidad où les filles se donneraient « pour un savon » ; et puis Prague, le Rajasthan, les Caraïbes comme un cocktail d'îlettes endiablées. Un post-scripum malgache met fin au récital.
Un pays où, à priori, il n'y a aucune raison d'aller, résolument en dehors des routes touristiques : le Paraguay. Mais qu'est-ce que le Paraguay ? Un Far West tropical : contrée de gauchos et d'Indiens sur une terre qui hésite entre le liquide et le solide, la quiétude et la torpeur. Un pays à l'écart du monde, aussi pauvre que fier, comme une île au milieu des terres. Un envers du décor. Jean-Luc Coatalem a choisi le prétexte des missions jésuites pour poser son sac et sa machine à écrire pendant quarante-cinq jours. Il loue une petite maison à Asuncion, adopte un chien, remonte les pistes de latérite et descend quelques fleuves infestés de piranhas. Au fil d'un piste rectiligne, où l'on compte en jours et non en kilomètres, il rencontre un fakir lyonnais, des mennonites, quelques Allemands, pas mal de fonctionnaires, des femmes esseulées et des gaillards indiens. Bref, une humanité elle aussi laissée pour compte, dans une sorte d'Amérique du Sud vue par le petit bout de la lorgnette. A croire que nous sommes tous quelque part...des Paraguayens.
Après une enfance en Polynésie et dans l'océan indien, Jean-Luc Coatalem, 41 ans, écrivain-voyageur, journaliste à Géo, continue de parcourir le monde. Il a publié chez Grasset Villa Zaouche (1994), Tout est factice (1995), Mission au Paraguay (1996), Le Fils du fakir (1998). Le Livre : C'est le cliché sépia d'une anglo-polynésienne, achetée aux enchères par l'auteur, qui le pousse à partir, soudain, sur les traces de Paul Gauguin. Qui était cette jolie vahiné ? Et surtout, pour quelle raison l'artiste peignit-il le visage cireux de son fils, Aristide, dit Atiti, le jour de sa mort à Papeete ? Quel écho intime ce tableau éveille-t-il chez Jean-Luc Coatalem, qui comme Gauguin connut la Bretagne comme les archipels de la Polynésie. Commence alors une traque, méticuleuse, réaliste mais fulgurante, où l'on comprendra que Gauguin, petit-fils de Flora Tristan, « Inca » halluciné, « Péruvien à la bourse plate », fuit la réalité pour se trouver lui-même, renverse tous les clichés sur l'exotisme, à en perdre la raison, jusqu'au fonds du puits du Jouir, où l'auteur retrouve intacte sa seringue de morphinomane. Quelle traque ! Quelle enquête, mystique et géographique ! Bretagne, Hollande, Danemark, Panama, Martinique, Tahiti, et les lointaines mers du Sud, avec pour compagnons, les peintres, les créanciers, les marchands du culte, des vahinés, l'océan, la solitude. Un Gauguin affairiste courant après la vente ? Un Gauguin père de famille, abandonnant ses cinq enfants à Copenhague ? Un Gauguin réconcilié avec lui-même, peintre apaisé, dont la main fût guidée par les dieux Maori ? Quel est le vrai Gauguin ? Et si son appétit pour l'ailleurs, pour « le grand Divers » cachait une autre faim ? Comme l'écrivit Gauguin : « On rêve et on peint tranquillement. »
Le voyage sentimental d'un dilettante au Vietnam au regard et au style singuliers.
Qui est ce garçon asiatique surnommé Bouk et qui, le dimanche à la maison Boissier, apparaît comme par enchantement dans cette paisible famille française ? Un prince déchu, un parent caché ou, tout simplement, un orphelin arraché au Cambodge en guerre ? Une amitié se noue alors entre lui et le narrateur, dans un sentiment tissé de fascination, de trouble et de crainte. D'autant que Bouk sait entretenir son mystère et qu'un silence prudent l'entoure. La famille ne compte-t-elle pas aussi quelques anciens coloniaux rentrés d'Indochine? Enfin, le garçon disparaît brusquement et, selon la légende, s'en retourne à Angkor pour se cacher. Des années plus tard, au terme d'une crise personnelle, le narrateur part à sa recherche, en France et au Cambodge. Que reste-t-il de ces années heureuses qui passèrent comme un songe et dont la grande maison Boissier, à Viroflay, fût le théatre? Que pèse la trace d'un enfant devant les ruines majestueuses des empires khmers? Quel était surtout son secret à jamais perdu ? Avec ce roman ému, écrit à vif, Jean-Luc Coatalem, dont on sait la passion pour l'Asie, signe son ouvrage le plus intime. Un voyage au loin qui se double d'un voyage au fond de soi.
Entre Buenos Aires et Montevideo, à la fin de l'été austral, quand la nuit couleur bleu carbone descend, un quadragénaire « en quarantaine de lui-même » ment à la jeune femme qu'il rencontre et qu'il vient de séduire. La trop belle et lumineuse Mathilde, du haut de ses 24 ans, n'apprendra la vérité que plus tard. Reporter sans grande conviction, égaré entre deux fuseaux horaires, le narrateur lui ment à peu près sur tout : âge, métier, liberté d'aimer à sa guise. Il se réinvente célibataire rajeuni et pour donner un but plus noble à ses errances dans la vaste Buenos Aires, il prétend être sur la piste de la cité des derniers Incas, le Gran Païtiti, toute d'or et de pierreries, perdue dans le massif amazonie. De la chimère inca à la voluptueuse tromperie d'une poignée de jours solaires, le narrateur oscille, hésite, se laisse couler dans l'indolence des estuaires, puis d'une nuit magique à Montevideo. Jusqu'à l'ébauche d'une tragédie. Jusqu'à croire à son propre mensonge.
C'est une histoire d'amitié, une aventure ironique, une fuite vers l'avant. L'entomologiste Lucien Gaudron rencontre l'affairiste Bastien Lothar en 1941 à Paris. Ils deviennent les meilleurs amis du monde quoiqu'ils se ressemblent fort peu. Vantard, truculent, aussi flou dans les affaires que fou avec les femmes, Bastien Lothar est le contraire de Gaudron dont la grande passion seront les insectes, qu'il classe et collectionne. Cette fascination réciproque les amène à ne jamais se quitter. Après la guerre, vieillis, usés, dégrisés par le siècle qui a passé, les compères se retrouvent dans une ahurissante villa orientale, en pleine campagne française, où ils devront affronter des papys flingueurs, rescapés de cette haine recuite qui remonte à la guerre. Ils fuiront. D'auberge en villa, du Midi à Tanger, de l'Orient rêvé au désert qui commence. "Renaître, renaître ! Mais où ? Aux Açores peut-être ?".
Un éléphant mâle qui charge dans un salon, un tueur funambule glissant par inadvertance dans l'océan houleux, un couple mal assorti qui danse le fox-trot sous le ciel de Saïgon, les obsessions africaines de M. Toc soignées à grandes saccades d'électrochocs, voici quelques impressions des douze nouvelles de Jean-Luc Coatalem. De Bornéo à Singapour, de la pampa à Hawaï, du deck d'un navire qui file en mer de Chine à la noire Afrique tribale, cet écrivain-voyageur, pareil à un Simenon des tropiques, joue du contraste entre de médiocres destinées et le cadre exotique où il dispose ses personnages. Mais on ne voyage pas sans danger : on risque de perdre ses illusions et de rejoindre les perdants sous un ciel de plomb.
Après des tournées triomphales, Arturo Solidor, " fakir mystique et international ", de son vrai nom Gilbert Guénec, émigre au San Théodoro, une République sud-américaine. Au kilomètre l6, sur la route du Brésil, une parcelle de terre rouge va abriter l'exil du fakir en retraite, sa famille, son perroquet, une poignée d'amis qu'il croyait sûrs. Quelle désillusion ! Ces colons blancs du Nouveau Monde, ces Robinson rêveurs sous les palmiers vernis se heurtent cruellement à la réalité : Indiens alcoolisés, terre infertile qui hésite entre la boue et la poussière, moiteur sans répit d'un ciel qui pèse comme un couvercle. Cet éden est un enfer.
Perclus de dettes, trahi par les siens, le fakir revient à son ancien métier. Mais que peut-il encore espérer de son art ? Et qu'aurait-il à mettre en scène sinon ses cicatrices ?
Désespoir des confins sur un air de salsa, épopée sans héroïsme, magie frelatée des Tropiques, Jean-Luc Coatalem, à sa manière nerveuse et drôle, nous fait passer de l'autre côté de la grande aventure du Nouveau Monde.
Jean-Luc Coatalem est l'auteur, chez Grasset, de Villa Zaouche (1994), Tout est factice (1995) et Mission au Paraguay (1996).
La Papouasie, ici, c'est une Afrique de bric et de broc, Afrique mille fois rêvée, réinventée, où la solitude et la terreur de chacun, bien au-delà des souvenirs, renvoient à l'opacité des énigmes. Au point que l'on ne sait plus, d'ailleurs, parmi les fauves carnivores et les bananiers en carton, ce dont il s'agit : de la mort de ceux-là, dont il reste des lettres et des photographies, de la disparition d'un mirage colonial, ou bien des deux à la fois... Il n'y a plus que ces images, rapides, maladroites, lorsque, devant des villas somptueuses cernées par la jungle, ils se tiennent encore par la main ou quand, à bord d'une Vauxhall bleu-nuit, emportant avec eux la trace des mensonges, ils traversent les savanes à toute allure...