Contribution à la discussion internationale sur la question de la légitimité : qu'est-ce qui permet aujourd'hui de dire qu'une loi est juste, un énoncé vrai ? Il y a eu les grands récits, l'émancipation du citoyen, la réalisation de l'Esprit, la société sans classes. L'âge moderne y recourait pour légitimer ou critiquer ses savoirs et ses actes.
L'homme postmoderne n'y croit plus. Les décideurs lui offrent pour perspective l'accroissement de la puissance et la pacification par la transparence communicationnelle. Mais il sait que le savoir quand il devient marchandise informationnelle est une source de profits et un moyen de décider et de contrôler.
Où réside la légitimité, après les récits ? Dans la meilleure opérativité du système ? C'est un critère technologique, il ne permet pas de juger du vrai et du juste. Dans le consensus ? Mais l'invention se fait dans le dissentiment.
Pourquoi pas dans ce dernier ? La société qui vient relève moins d'une anthropologie newtonienne (comme le structuralisme ou la théorie des systèmes) et plus d'une pragmatique des particules langagières.
Le savoir postmoderne n'est pas seulement l'instrument des pouvoirs : il raffine notre sensibilité aux différences et renforce notre capacité de supporter l'incommensurable. Lui-même ne trouve pas sa raison dans l'homologie des experts, mais dans la paralogie des inventeurs.
Et maintenant : une légitimation du lien social, une société juste, est-elle praticable selon un paradoxe analogue ? En quoi consiste celui-ci ?
Ce livre est paru en 1979.
Pourquoi « économie libidinale » ? Pour montrer ce qu'il y a de passionnel dans l'économie politique et accessoirement de politique dans les passions. On se place par-delà une philosophie du sujet et par-delà un matérialisme, on se place dans un « lieu » qu'il faut imaginer sans pouvoir le concevoir, nommé ici « la grande pellicule éphémère ».
On rompt donc avec toute sémiotique, toute dialectique, toute critique même, qui sont des pensées du négatif. On affirme les intensités d'affects qui se dissimulent dans « la pensée » et la recherche des significations. Et l'on veut effectuer cette rupture par simple déplacement du ton plutôt que par critique : ton déplacé par la véhémence, qui n'exclut pas à l'occasion une certaine sophistication.
Cette problématique s'engendre d'expériences affectives et politiques et d'une longue fréquentation des textes marxistes et freudiens. Avec l'idée d'économie libidinale, volée à Freud, et détournée sur des parcours où l'on rencontrerait Deleuze, Klossowski, Guyotat, Lyotard propose une approche du capital telle que l'impact des affects dans le jeu de ce dernier n'en soit pas rejeté a priori, comme c'est le cas avec les notions d'aliénation ou d'oppression.