A la fin du XIXe siècle, l'idée d'une intervention légale pour fixer un seuil minimal de salaire et réduire les inégalités s'impose dans le débat public au sein des pays industrialisés. Alors que nous disposons de plus d'un siècle de travaux consacrés au salaire minimum, aujourd'hui encore, la question de ses effets sur l'emploi paraît toujours un sujet clivant.
Si, selon les situations, le salaire minimum peut avoir un effet négatif, nul ou positif sur l'emploi, les résultats empiriques présentés ici permettent de trancher les débats et de penser le bon usage du salaire minimum dans les sociétés postindustrielles du XXIe siècle marquées par des écarts croissants entre une classe aisée à fort pouvoir d'achat et une armée de travailleurs à bas salaires leur offrant des services.
Économiste, Jérôme Gautié est professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Depuis près de vingt ans, plusieurs centaines de milliers de jeunes bénéficient, chaque année, en France, de mesures de la politique de l'emploi. L'évaluation de ces dernières est donc un enjeu crucial. Très rares il y a encore une décennie, les travaux d'évaluation quantifiée commencent à se développer de façon importante. Les travaux sur données micro-économiques, qui confrontent le devenir des bénéficiaires des mesures, à celui des non-bénéficiaires, mettent en lumière la différence de nature des publics selon les mesures, et amènent à conclure que ces dernières organisent "la file d'attente", plutôt qu'elles ne modifient la logique de fonctionnement du marché du travail. Les travaux macro-économiques, pour leur part, insistent sur les effets de déperdition (aubaine, substitution, éviction), qui limitent les résultats de ces mesures en termes de créations nettes d'emplois. Ce dossier dresse un bilan critique de l'ensemble de ces travaux, en explicitant leurs méthodes et leurs résultats, et souligne la nécessité d'adopter une approche systémique pour l'évaluation des politiques de l'emploi.
Depuis près de vingt ans, plusieurs centaines de milliers de jeunes bénéficient, chaque année, en France, de mesures de la politique de l'emploi. L'évaluation de ces dernières est donc un enjeu crucial. Très rares il y a encore une décennie, les travaux d'évaluation quantifiée commencent à se développer de façon importante. Les travaux sur données micro-économiques, qui confrontent le devenir des bénéficiaires des mesures, à celui des non-bénéficiaires, mettent en lumière la différence de nature des publics selon les mesures, et amènent à conclure que ces dernières organisent "la file d'attente", plutôt qu'elles ne modifient la logique de fonctionnement du marché du travail. Les travaux macro-économiques, pour leur part, insistent sur les effets de déperdition (aubaine, substitution, éviction), qui limitent les résultats de ces mesures en termes de créations nettes d'emplois. Ce dossier dresse un bilan critique de l'ensemble de ces travaux, en explicitant leurs méthodes et leurs résultats, et souligne la nécessité d'adopter une approche systémique pour l'évaluation des politiques de l'emploi.
Les pays industrialisés avancés ont connu de profondes mutations économiques au cours des vingt-cinq dernières années : globalisation croissante, déréglementation de nombreux secteurs, diffusion de nouvelles technologies et formes d'organisation du travail... Ces mutations se sont traduites par une pression concurrentielle accrue sur les entreprises, qui ont été amenées à modifier radicalement leur mode de gestion, et notamment la gestion de leur main-d'oeuvre. Quelles en ont été les conséquences pour les travailleurs peu qualifiés et peu rémunérés ?
Si beaucoup de travaux traitent des répercussions de cette évolution en termes de niveau d'emploi et de chômage, c'est à la qualité de l'emploi que l'on s'intéresse ici. Cette qualité renvoie, au-delà de la seule rémunération, à l'ensemble des conditions de travail. Le cas français est situé par rapport à celui d'autres pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas et Royaume-Uni) et des enquêtes de terrain ont été conduites de manière approfondie dans six secteurs : l'industrie agroalimentaire, les hôpitaux, les hôtels, la grande distribution, les centres d'appel et l'intérim.
Il en ressort que si, en France, la part des travailleurs à bas salaire est relativement faible, leurs conditions de travail sont particulièrement dures. Cette spécificité découle de notre modèle de régulation du marché du travail : les règles juridiques sont nombreuses (du smic à l'encadrement des contrats temporaires), mais les contre-pouvoirs effectifs sur les lieux de travail sont insignifiants dans beaucoup de secteurs. Cela tient pour l'essentiel à la faiblesse et à la division des syndicats, mais aussi à un niveau de chômage élevé qui contribue à saper le pouvoir de négociation des travailleurs les plus vulnérables.