Une centaine de chroniques instructives et surprenantes, écrites dans la langue savoureuse qu'on connaît à l'auteur, constituent un volume où le plaisir de lecture est constant. Il s'agit de chroniques parues de 2010 à 2021, dans Lire, devenue Lire-Magazine littéraire. Chacune d'entre elles évoque un ouvrage de la collection de l'auteur, choisi pour l'étrangeté de son sujet et souvent la biographie singulière de son auteur, les deux allant volontiers ensemble. Un livre très oberléen, comme on peut s'y attendre, d'une bibliophilie souriante, d'une érudition à la fois précise et bon enfant. Les ouvrages recensés sont des curiosités au sens large, sans être des curiosa, sauf exceptions. Ainsi, au fil des chroniques, de thème en thème, on passe de la recension d'un essai paru en 1800 sur Les combustions humaines produites par un long abus des liqueurs spiritueuses, phénomène sur lequel sont revenus en leur temps Dickens et Zola, à un roman de Ducos du Hauron, Les noces de Poutamouphis, publié par Poulet-Malassis en 1861 et racontant le mariage à Paris d'une momie égyptienne. Ailleurs, il est question d'orbilianisme, c'est à dire de la "médecine spirituelle" administrée jadis chez les jésuites par des fouetteurs spécialisés. L'ouvrage, anonyme, est de 1763 à Genève. Ailleurs encore, on croise un précurseur de Goethe, auteur des Aventures du docteur Faust et sa descente aux Enfers, Frédéric Maximilien von Klinger, qui fut aussi le dramaturge de Sturm und Drang ...qui donna son titre au mouvement romantique allemand.
Sur le modèle de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, sept journées, sept nouvelles rapportées par l'auteur à une amie et lectrice qui l'en a sommé dans la continuité des Bonnes nouvelles de Chassignet.
On va donc retrouver dans cet Heptaméron morvandiau le terroir cher à Oberlé, ses personnages fétiches Chassignet et Mireille Larroque, son goût des livres, de la bonne chère et du chardonnay (entre autres), et son style gouleyant.
Monsieur Justin Galmiche met en scène un érudit franc-comtois, petit prof mythomane et réactionnaire, qui s'est inventé un passé ministériel et un gouvernement fantasmatique et commente jour après jour, en ligne, les articles de Médiapart, tandis son épouse se distrait avec un gaillard qu'elle fait passer pour son frère.
Volodia: Un jeune homme, thésard au travail sur le thème de La mort chez les baroques français, débarque et s'incruste chez Chassignet. Celui-ci tolère un an cette intrusion avant de virer l'intrus. Plus tard, au Caire, Naguib Mahfouz dévoilera à Chassignet le destin tragique de Volodia, étrange dandy, "narcisse noir" mort de leishmaniose.
La Vengeance de Suzie Mangold: Dans une foire aux livres (Oberlé décrit ces manifestations avec une gouaille cruelle) l'auteur se voit offrir par une admiratrice des douceurs que Chassignet lui fait jeter. L'histoire: un auteur ami de Chassignet, Henri Schott, a échappé naguère par miracle à un empoisonnement consécutif à un tel cadeau d'admiratrice frustrée.
Freux: Dans le goût des Oiseaux d'Hitchcock/Daphné du Maurier, deux histoires d'oiseaux vengeurs en cascade, la première montrant un chef hopi confiant sa vengeance contre sa femme blanche irrespectueuse à un rapace monstrueux, la seconde celle d'une colonie de corbeaux à l'encontre d'un braconnier qui a essayé de les empoisonner pour les faire taire.
Chablis: Rémy Labarre, écrivain raté et névrosé, s'identifie d'abord à Xavier Forneret, puis à un écrivain incarné au cinéma par John Gielguld et finira mort comme lui d'abus de chablis.
Mme Mathivat: Chassagnet, cavalier émérite, et Oberlé, moins émérite, fréquentent la ferme des Mathivat et montent leurs chevaux. Mme Mathivat, personnalité bovaryste, a trompé naguère son époux et rêvé de s'enfuir avec un certain Aimé Cazeneuve, lequel a fait faux bond lors du rendez-vous crucial. Rentrée penaude au logis, M. Mathivat ne doute pas que son mari ait lu la lettre qu'elle avait laissée en guise d'adieu. Il n'en a jamais soufflé mot, et le couple a vieilli dans l'harmonie. L'infidèle ne saura jamais que l'époux a proprement occis le séducteur.
Le Roi Bondoufle: Il s'agit là d'une brève fantaisie dans le goût et la lignée des Plaisirs du roi de Pierre Bettencourt, alias, Jean Sadinet.
« J'ai vécu deux vies, deux vies de même durée, mais fort dissemblables, car la seconde fut comme l'antithèse de la première.» Ainsi parle Marc-Antoine Muret (1526-1585), un des grands humanistes de la Renaissance. Il eut comme élèves Montaigne, Jodelle et quelques autres poètes, et fut l'ami de Ronsard et Baïf. Mais il fut bien plus qu'un simple maître. Muret aimait les livres, la musique, la table, le vin et les beaux jeunes gens. Dans un siècle baroque, lumineux et cruel, quand la morale chrétienne entravait les désirs, il fut surtout un professeur de liberté. Liberté d'aimer et jouissance du savoir. Ses convictions et ses débauches l'ont conduit en prison à Paris. Un contemporain a raillé: «Pour un penchant contre nature Muret fut condamné à Paris, brûlé en effigie à Toulouse, chassé de Venise. Pour le même penchant, Rome lui accorda la citoyenneté. » Dans une langue chatoyante et charnelle, avec une érudition joyeuse et revigorante, Gérard Oberlé ressuscite le flamboyant Muret et se reflète en lui comme un frère tardif.
Erudit non conformiste, gastronome distingué, oenologue jouisseur, aventurier mélomane, amoureux de l'amitié, le Morvandiau Chassignet, personnage emblématique des premiers romans de Gérard Oberlé, ressemble beaucoup à son créateur, tout comme les trois histoires qu'il nous conte ici...
En Egypte, dans un hôtel d'Assouan où il passe ses hivers, une femme mystérieuse fascine Chassignet : par quel étrange destin Mitzi se trouve-elle sur les bords du Nil pour y jouir d'une ultime escale ?
En Nouvelle Calédonie, un bourlingueur au bout du rouleau trouve enfin la sérénité dans une tribu kanak.
En Arizona, deux copains tombent en panne dans un bled perdu peuplé de ploucs racistes qui les retiennent otages.
Non, nous ne sommes ni chez Paul Bowles ou Agatha Christie, ni chez le Simenon de Quartier nègre, ni chez le Douglas Kennedy de Cul-de-sac : les lecteurs enthousiastes de Retour à Zornhof retrouveront ici la "magie-Oberlé". Un grand vent d'audace et de liberté souffle à travers ses livres, qui font de lui le plus brillant et le plus souriant représentant du baroque dans les Lettres contemporaines.
Les aventures de Claude Chassignet à Istambul où l'attend une rocambolesque histoire.Ce soir là, dans le Morvan, Chassignet fêtait avec des intimes l'anniversaire de sa vieille gouvernante. Entre les jarrets de veau et le Saint-Honoré, le téléphone sonna comme un glas. Lorsqu'il retourna à table, la fête était finie. Une blessure ancienne venait de se rouvrir. En s'envolant quelques jours plus tard pour Istanbul, il était loin d'imaginer qu'une banale petite excursion l'entraînerait dans une étrange et sanglante affaire. Ceux qui ont suivi Claude Chassignet en Égypte (Nil Rouge) retrouveront ici le bibliophile aux appétits multiples mêlé à une machination qui le dépasse. Avec ce guide peu ordinaire, ils découvriront le Pera Palas, vieil hôtel du temps de l'Orient-Express, la villa d'un mystérieux parfumeur, un hammam très spécial, une geôle turque et d'autres lieux plus ou moins recommandables. On retrouve dans ce roman la vivacité, le sens de la provocation, l'humour noir et la sensibilité critique de Gérard Oberlé.
De longtemps, je chéris les livres, les vins, les cigares, les chiens et les vauriens. Jamais je n'ai eu à me plaindre de ces préférences, car j'ai largement été payé de retour, ce qui n'eût peut-être pas été le cas si je m'étais passionnément adonné aux duchesses, minets, cigarettes, whiskies et petites sauterelles. Que votre maman vaque en paix, adorable Emilie, aujourd'hui je me bornerai à vous transmettre le virus des livres.Pendant plusieurs années, Gérard Oberlé a correspondu avec Emilie, jeune élève d'un collège dans lequel il était venu présenter ses livres.
Lettre après lettre, sur un ton bienveillant, intime et complice, l'écrivain aborde à sauts et à gambades toute sorte de sujets : ici l'amour, là le tutoiement, là encore le latin, le gigot ou l'été...
Ce sont des leçons de vie, des lettres sur le vice, c'est une éducation facétieuse et un autoportrait éclaté.
Un roman épistolaire hubilatoire.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Le Livre:
Henri Schott, un écrivain d'une soixantaine d'années à « l'âme charbonneuse », le corps amaigri par une maladie qu'il ne soigne pas, revient à Zornhof, un bourg situé sur le plateau lorrain, où il avait passé ses étés d'enfant. Qu'y retrouve-t-il sinon les illusions de la mémoire ? Pèlerin porté par la nostalgie d'un pays qui l'a fait tel qu'il est, homme des sentiments anciens, rebelle à la banalité du monde moderne, encore marqué par les rites paysans et la sévérité d'une famille de sabotiers, dont les « repas étaient aussi enjoués que ceux des fondamentalistes danois », Henri Schott flotte entre présent et passé. Il va rencontrer, au gré de son errance, différents personnages énigmatiques. De sa mémoire surgissent d'abord Baba, la grand-mère lanceuse de pierres et l'oncle Gus, au corps d'athlète sexuel, qui finira mal en « Ajax du ruisseau ». Comme les étapes initiatiques de son voyage d'hiver, il y a la blonde Marlène, qui tient l'auberge « Le chat rouge », à coups de lasso. « Fleur-de-bourrache déguisée en cow-girl », elle réchauffe un moment les os solitaires de Schott. Il y a aussi Mathias, le gitan, l'homme-loup qui n'aime rien tant que marcher dans les forêts vosgiennes, et partage avec Schott la même insoumission.
Infusé par la musique de Schubert, ce roman mélancolique, cette bouffonerie parfois, est un voyage immobile. Il a le rythme fiévreux de la danse macabre, le grinçant d'un dessin de Jacques Callot, le tempo lent des ombreuses forêts germaniques où se perd Schott. À la fin du livre, l'écrivain, comme apaisé, pourrait reprendre à son compte la mélodie de Schubert : « Je suis au bout de mes rêves / Pourquoi m'attarder parmi les dormeurs ? »