Les textes autobiographiques que Nietzsche écrivit entre douze et vingt-quatre ans (1856-1869) rassemblés ici constituent un témoignage unique sur la forge d'une pensée, d'un style, d'une sensibilité. D'un caractère. Après des premières pages toutes prisonnières des poncifs de l'époque se dessine une progressive et implacable émancipation appuyée sur un minutieux travail de réécriture infini des événements marquants de la vie en lesquels la mort du père et le deuil qui la continua ainsi que les années d'apprentissage dans le rude collège de Pforta occupent une place singulière. S'y dessine également la naissance d'impérieuses passions - musique, lecture, écriture, amitiés - dont on sait l'importance décisive qu'elles prendront dans la vie philosophique de Nietzsche. Bien avant Ecce Homo, Nietzsche se réapproprie sa vie, lui donne sens et façonne la statue qui vient. Ces Écrits autobiographiques sont le véritable laboratoire de l'écriture philosophique de celui qui proclamera une quinzaine d'années plus tard la mort de Dieu, que l'homme est le seul créateur de sens et de valeurs et que «toute grande philosophie [...] est la confession de son auteur», confession qui n'est point une confidence ou un aveu mais l'inévitable et nécessaire point de rencontre entre la Vie et la Pensée.
Dans ce volume, le lecteur découvrira une partie encore inédite en français de l'ultime correspondance de Nietzsche (janvier 1887 / janvier 1889). Pour la première fois, les lettres à Ferdinand Avenarius, Jean Bourdeau, Georg Brandes, Carl Spitteler, August Strindberg, Hippolyte Taine et Helen Zimmern ainsi que les « billets de la folie » sont présentés dans leur intégralité.
Ces Dernières lettres constituent un témoignage exceptionnel sur la manière dont Nietzsche entendait parfaire son oeuvre. On y voit comment le philosophe a abandonné le projet de La volonté de puissance pour se consacrer à celui de L'inversion de toutes les valeurs qu'il présente comme son « oeuvre principale » et qui verra le jour sous la forme de L'Antichrist. Durant ces deux dernières années d'enthousiasme spéculatif, jusqu'à « l'effondrement » de janvier 1889, Nietzsche confia à tous ses amis, à ses lecteurs et ses éditeurs, l'avancée de son travail mais aussi ses doutes, ses échecs. Les lettres qu'il leur écrivit sont ainsi les témoins privilégiés du déploiement de sa réflexion. Elles montrent comment Nietzsche pensait, avec Crépuscule des idoles, Ecce Homo et L'Antichrist, avoir surmonté l'abandon de La volonté de puissance et « achevé » sa philosophie, invalidant par là un préjugé tenace selon lequel celle-ci ne le serait point.
Cette correspondance incite donc à reprendre à nouveaux frais la lecture de ces trois ouvrages dans une perspective singulièrement différente. Complétant les derniers Fragments posthumes, les lettres de décembre 1888 apportent enfin de précieuses indications sur ce que fut le dernier grand projet de Nietzsche, à savoir la « Grande Politique ».