Au moyen de campagnes de presse internationales, son gouvernement vante régulièrement la stabilité politique du Cameroun : contrairement à la plupart des États qui l'entourent, il n'a pas connu de coup de force au cours des dernières décennies.
Mais de nombreux indices contredisent cette idée d'un pays sans histoires. Les plus flagrants sont ceux de 2008 : des centaines de jeunes ont manifesté pendant plusieurs jours contre la vie chère et un projet de modification de la Constitution donnant la possibilité à Paul Biya de briguer un nouveau mandat fin 2011. Cette situation quasi-insurrectionnelle a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes, tuées par les forces de sécurité. Malgré ces événements, la révision constitutionnelle a été adoptée, montrant un président crispé sur son pouvoir.
Pourquoi les espoirs de 1982 ont-ils peu à peu laissé place au profond désarroi exprimé en 2008 ? Comment le pays est-il devenu l'un des plus corrompus du monde ? A quoi tient la longévité politique de Paul Biya ? A partir de faits et de témoignages, cette enquête décrit le cheminement du Cameroun sous sa présidence. Elle analyse le fonctionnement de son régime et les ressorts de sa durée, parmi lesquels figurent la manipulation des identités ethniques et le soutien de la France. Elle présente l'état de délabrement inquiétant de la société camerounaise après 30 années de « Renouveau » et tente de dresser des perspectives.
Fanny Pigeaud est journaliste. Formée notamment par le Centre d'études d'Afrique noire (CEAN) de l'Institut d'études politiques (IEP) de Bordeaux, elle a été pendant plusieurs années la correspondante au Cameroun de l'Agence France-Presse et du quotidien français Libération. Elle a aussi travaillé au Gabon et a eu l'occasion de faire des reportages dans plusieurs autres pays africains.
Lorsque ses colonies d'Afrique ont accédé à l'indépendance, à l'orée des années 1960, la France a réussi un redoutable tour de passe-passe. Elle a officiellement reconnu la souveraineté politique des nouveaux États tout en gardant la mainmise sur leur économie. Elle a pour cela utilisé une arme aussi puissante qu'invisible : leur système monétaire.
Lorsque ses colonies d'Afrique ont accédé à l'indépendance, à l'orée des années 1960, la France a réussi un tour de passepasse redoutable. Elle a officiellement reconnu la souveraineté politique des nouveaux États tout en gardant la mainmise sur leur économie grâce à une arme aussi puissante qu'invisible : leur système monétaire.
Depuis la création en 1945 du franc des colonies françaises d'Afrique (CFA), le sigle a évolué et désigne désormais deux monnaies : celle de la " communauté financière africaine " en Afrique de l'Ouest et celle de la " coopération financière en Afrique centrale ". Mais c'est toujours Paris qui décide de la valeur externe de ces monnaies. Et la zone franc, qui assurait le contrôle économique des colonies, garantit encore à l'économie française un avantage comparatif sur le continent africain.
Les auteurs décortiquent ces mécanismes monétaires et racontent comment les dirigeants français ont combattu tous ceux, experts ou dirigeants africains, qui se sont élevés contre cette servitude monétaire. Depuis quelques années, le franc CFA est également devenu l'enjeu de luttes populaires. Conscients que les questions économiques sont éminemment politiques, les citoyens africains sont de plus en plus nombreux à réclamer leur pleine souveraineté monétaire.