Que faire de l'aventure communiste? En quoi nous concerne-t-elle encore aujourd'hui? Depuis la chute du mur de Berlin et l'intégration de la Chine et des pays de l'ex-Union soviétique à l'économie mondialisée, on considère souvent l'épisode communiste comme un simple accroc dans le déroulement de l'Histoire, une sorte de régression dans l'avancée irrésistible du capitalisme. Et pourtant, si le communisme n'est plus l'horizon indépassable de notre temps, comme Sartre a pu un jour le déclarer, la nécessité de repenser le commun, elle, se manifeste avec plus d'insistance que jamais. Pour ceux qui éprouvent, de manière plus ou moins confuse et intermittente, le besoin de renouer avec l'action politique pour contrer l'isolement et l'impuissance générés par la barbarie néolibérale, la question la plus urgente de notre époque serait peut-être : comment sauver le commun du communisme?
Car, dans notre universelle schizophrénie, nous avons besoin de nouvelles manières de faire communiquer les gestes et les idées. Nous avons besoin de dehors plus subtils, de zones d'opacité mieux partagées, pour franchir les abîmes au-dessus desquels les mondes diurnes sont érigés. Du fond de nos âmes précarisées, nous avons besoin de réapprendre l'art d'accorder ensemble nos actes et nos pensées afin d'éviter leur capture par la segmentation toujours plus fine des marchés. Nous avons besoin de nous réapproprier la réalité de nos inclinations et de nos désirs avant qu'ils ne soient algorithmiquement convertis en matière sombre du capitalisme. Nous avons, en somme, besoin de faire de nous-mêmes les précurseurs d'un nouveau type de communisme: un communisme de la résonance sensible, plutôt qu'un communisme de la volonté.
Il y a un rapport fondamental dans l'oeuvre de Michel Foucault entre résistance politique et expérience de l'anonymat. Ce rapport est demeuré peu exploré, en particulier dans le contexte de sa réception nord-américaine. Difficile d'en expliquer le pourquoi. On peut certainement supposer que la célébration de la "différence" et le triomphe de la politique de l'identité ont contribué à l'occultation de cette dimension essentielle de son oeuvre.
Plusieurs critiques ont souligné l'ambiguïté du lieu de la résistance chez Foucault. Il en était parfaitement conscient. Pour lui, il n'y a pas "d'ailleurs" du pouvoir au sens d'un dehors comme d'une exception. Sa pratique de l'écriture témoigne d'une mise en jeu de tous les instants, là même où le pouvoir nous intime secrètement: la résistance implique une mise en tension éthopoïétique qui déchire l'intériorité privée.
Dans la mesure où notre époque est, selon Foucault, dominée par le "gouvernement par individualisation", ne faut-il pas chercher le point de départ de ses analyses des modes de subjectivation, si celles-ci s'ancrent effectivement dans la résistance, dans une expérience de l'anonymat? Si tel est le cas, le défi que pose aujourd'hui l'oeuvre de Foucault ne sera pas tant de remédier à une insuffisance présumée de sa conception de la résistance que de penser, dans son ambivalence constitutive, l'idée qu'"écrire pour ne plus avoir de visage" fait mieux entendre le grondement d'une bataille dont la ligne de front passe désormais au coeur même des subjectivités. C'est la figure de cet anonymat tonique que veut tracer ce livre.
Comment parler de cinéma sans en venir un jour à aborder le territoire de tous les spectres et fantômes qui le hantent ? Ce numéro de 24 images s'attaque à la grande diversité des modes d'apparition fantomatique dont est chargée l'histoire du cinéma. Qu'il s'agisse de films hantés par d'autres films (le spectre de Louis Feuillade; le cinéma de Jesús Franco), de films de fantômes (la tradition asiatique et l'oeuvre de Kioyoshi Kurosawa), de films hantés par l'Histoire (Godard, Fassbinder, Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval), ou de la pratique expérimentale du found footage (Apitchatpong Weerasethakul), nombreuses sont les ombres qui hantent l'image cinématographique. Des analyses des oeuvres de Buñuel, Hitchcock et Tourneur complètent ce dossier ponctué d'images évocatrices et poétiques. Le DVD du film Que ta joie demeure de Denis Côté accompagne cette édition.
Cinquante ans après l'avènement du cinéma direct et 50 ans après l'émergence du jeune cinéma québécois de fiction, 24 images a jugé bon de poser un regard d'ensemble sur la cinématographie québécoise pour proposer aux lecteurs une sorte de guide ludique, qui prend la forme d'une liste de 200 films québécois qu'il faut avoir vus. Cette liste est divisée en cinq catégories: documentaires, fictions, courts métrages, animation, art et expérimentation. La nomenclature des films retenus dans chacune d'elles respecte l'ordre chronologique et est précédée de textes de présentation. On pourra considérer cette liste comme une introduction au cinéma québécois, un outil permettant d'accéder à une connaissance de base pour les cinéphiles.
Il y avait très longtemps que le comité de rédaction de Spirale n'avait pas proposé de dossier. Le pluriel Insurrections signe ce retour. S'éloignant de la dimension macroscopique du concept afin de rejoindre les particularités des expériences qui touchent les vies minuscules, il était important pour Spirale d'insister sur la pluralité et la diversité du phénomène insurrectionnel, non pas pour le réduire aux affairements des individus plutôt qu'à la grande agitation collective, mais pour en marquer l'aspect continu et total dans la vie ordinaire, pour en pointer même la nécessité intime. Le titre Insurrections attirera immanquablement l'oeil. Il ne faudrait pas voir son traitement parfois indirect dans le dossier comme une désinvolture : les collaborateurs de ce numéro croient fermement que les soulèvements, les émeutes et les révoltes sourdent des livres, des films et des essais qu'ils ont lus, non pas comme des insurrections en puissance en attente d'actualisation mais des insurrections déjà en train de se faire.
L'art et le réel : une attraction/opposition millénaire que le numéro d'hiver de Spirale souhaite frotter à l'ère actuelle. Dans un dossier s'intitule « Lectures et pratiques contemporaines du réel », neuf auteurs interrogent cette problématique en se référant certes au roman, mais également au cinéma et, de manière plus surprenante, à la danse. Dans tous les cas, une conclusion : « [les artistes] ont affaire non à une réalité immédiatement accessible, mais à un réel toujours raté d'avance et toujours déjà sémiotisé par des mots, des représentations, des langages traversant l'espace social ». Quelques autres articles de la publication en rafale : Yves Citton, collaborateur de la revue parisienne Multitudes, nous propose le portrait d'une nouvelle polarité politique qu'il nomme les « médialistes »; Érik Bordeleau rencontre Brian Massumi, auteur d'un récent essai sur l'animalité; divers comptes rendus théâtre, arts visuels, roman, essai. Le portfolio du numéro, confrontant art et société, est consacré à Édith Brunette.
L'économie impose partout ses impératifs, tenant les individus captifs d'un système qui règle et altère leurs modes d'interaction collective. Comment y échapper pour faire face aux défis de notre temps ? Comment repenser la notion de valeur et imaginer les nouvelles formes que celle-ci peut prendre aujourd'hui ? Voici les principales questions qui animent ce dossier spécial de Spirale, réalisé en partenariat avec VOX, centre de l'image contemporaine, à l'occasion de la présentation de l'exposition L'imaginaire radical II : désoeuvrer la valeur/Reclaiming Value. Dans ce dossier dirigé par Erik Bordeleau, des intellectuel·les d'horizons divers analysent les mécanismes et enjeux contemporains du capitalisme tout en esquissant, par le biais d'objets culturels récents (films, essais, romans, oeuvres visuelles), des pistes afin de détourner le système économique dominant. Lisez aussi le portfolio consacré à l'artiste autochtone Gabrielle L'Hirondelle Hill et une riche section de recensions critiques dédiées à l'essai, à la poésie, au roman, à l'édition, au cinéma et au théâtre.
Les représentations régionales sont loin d'être une nouveauté dans le paysage culturel québécois. D'après certains critiques, nous serions aujourd'hui devant un renouveau du régionalisme. L'appellation « néoterroir » ne va pourtant pas de soi. Le dossier de ce numéro d'automne s'est donné le mandat d'analyser et de questionner cette appellation lorsqu'utilisée pour décrire certaines oeuvres littéraires, musicales et cinématographiques québécoises. Les ouvrages récents d'auteurs comme Samuel Archibald, William S. Messier, Éric Dupont, Olga Duhamel-Noyer, Geneviève Pettersen et Perrine Leblanc ainsi que le travail cinématographique de Rafaël Ouellet et la musique d'Avec pas d'casque sont abordés dans ce dossier.
Le retour en force de la religion dans les débats sociopolitiques et philosophiques actuels est un phénomène sur lequel la revue esse a décidé de se pencher pour tenter d'en saisir les échos dans le champ des arts visuels. Ainsi, le dossier de ce numéro interroge la manière dont les artistes réagissent face à cette problématique. Que ce soit par la création d'oeuvres de fiction à caractère critique ou humoristique, par l'emprunt, la subversion ou l'amalgame des codes religieux, par des références directes ou symboliques, ou encore par la reproduction de certains rituels, les oeuvres mises en valeur dans ce numéro abordent le thème des religions par l'entremise de problématiques qui révèlent le caractère actuel de sa prégnance.