Constatant que l'anthropologie ne peut plus simplement prétendre reconstituer aussi « objectivement » que possible les cultures étrangères, puisqu'elle rencontre des cosmologies qui précisément excluent le partage entre nature et culture, Eduardo Viveiros de Castro propose d'y voir le lieu d'une expérimentation métaphysique où les « autres » sont non pas objets mais témoins de pensées et même d'images de la pensée alternatives. Montrant alors la complicité de cette anthropologie décolonisée avec la « métaphysique des devenirs » de Deleuze et Guattari, il en éclaire les enjeux dans le passage de l'Anti-OEdipe à Mille Plateaux, incompréhensible si on ne le replonge pas dans le savoir ethnologique qu'il charrie et à travers lui dans les ressources offertes par les pratiques conceptuelles de l'Afrique, puis de l'Amazonie. Il conclut par une relecture du structuralisme de Claude Lévi-Strauss qui dépasse l'opposition factice des pensées de la structure et de la différence, tout autant que de l'anthropologie et de la philosophie, du nous et des autres.
Les premiers missionnaires débarqués au Brésil sont confrontés à un curieux paradoxe : alors que les Tupimamba acceptent volontiers la doctrine chrétienne et se convertissent, ils ne renoncent pas pour autant à leurs coutumes féroces, au cycle infernal des guerres intertribales, au cannibalisme et à la polygamie. Cette apparente inconstance, cette oscillation entre respect de la nouvelle religion et oubli de sa doctrine, entraîne finalement les Européens à déclarer que les Tupinamba sont fondamentalement sans religion, incapables de croire sérieusement en une quelconque doctrine. Dans cet essai, le célèbre anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro, figure tutélaire des études actuelles en ethnologie amazonienne, revisite les sources du XVIe siècle pour restituer les enjeux de cette « inconstance de l'âme sauvage », en laquelle se disputeraient deux manières fondamentalement différentes de penser le monde et la société. Il nous invite à remettre en cause, dans une perspective à la fois historique et anthropologique, le rapport entre culture et religion.
The end of the world is a seemingly interminable topic Ð at least, of course, until it happens. Environmental catastrophe and planetary apocalypse are subjects of enduring fascination and, as ethnographic studies show, human cultures have approached them in very different ways. Indeed, in the face of the growing perception of the dire effects of global warming, some of these visions have been given a new lease on life. Information and analyses concerning the human causes and the catastrophic consequences of the planetary `crisis' have been accumulating at an ever-increasing rate, mobilising popular opinion as well as academic reflection. In this book, philosopher Déborah Danowski and anthropologist Eduardo Viveiros de Castro offer a bold overview and interpretation of these current discourses on `the end of the world', reading them as thought experiments on the decline of the West's anthropological adventure Ð that is, as attempts, though not necessarily intentional ones, at inventing a mythology that is adequate to the present. This work has important implications for the future development of ecological practices and it will appeal to a broad audience interested in contemporary anthropology, philosophy, and environmentalism.